Le secteur de la pêche revêt une importance stratégique dans le développement économique du Cap-Vert. En effet, elle constitue la principale ressource naturelle du pays. D'une part, elle représente une source de revenu pour une grande partie de la population et, d'autre part, c'est un facteur prépondérant de la balance alimentaire du pays.
L'on considère que généralement 90% de la pêche artisanale sont consommés localement. Le secteur contribue aussi grandement à la balance commerciale grâce aux exportations. Plusieurs études ont relevé qu'entre 50 à 70% de la valeur des exportations proviennent des produits de la pêche.
L'on peut estimer que 80% de la distribution de la production de la pêche artisanale sont faites par les femmes voyageant à pied ou en taxi.
Certains rapports indiquent que la pêche artisanale fait vivre directement une population estimée à 26.500 personnes et crée environ 2000 emplois en aval.
D'après un rapport de la FAO2 qui date de 1986, "... la pêche artisanale se présente comme un sous-secteur socialement et économiquement marginalisé pour les raisons suivantes:
2 Rapport du programme de coopération FAO/FIDA, Centre d'Investissement, Rapport de préparation, Programme de développement de la pêche artisanal 78/86 IF-CVI 7, juin 1986
- Les pêcheurs vivent en groupes isolés (socialement et/ou géographiquement) avec peu d'inter-relation avec le reste de la population - (75 communautés dispersés sur l'ensemble du pays)
- Ils reçoivent peu d'assistance de la part de l'administration et ont peu d'accès aux services publics
- leur dépendance, le frein à l'accroissement; de leur production et aux goulots d'étranglement au niveau de la production et de la commercialisation, et le manque de facteurs dynamisants, tels que l'apport en capital extérieur pour investir, en font un sous secteur stagnant
- le milieu artisan pêcheur est peu connu ou peu compris, aussi les possibilités pour les institutions gouvernementales d'avoir prise sur lui sont-elles limitées.
Nous pourrions ajouter qu'ils se sentent dévalorisés et que le métier de vendeuses de poissons est perçu comme une activité de bas niveau.
Le document du IIIème plan de développement (91 95) de secteur considère que: "la dépendance quasi exclusive d'un système de commercialisation basé sur l'exiguïté des marchés locaux (à l'exception des îles de Santiago et de Sa`, Vincente), et l'existence d'un canal unique pour l'écoulement des produits - les revendeuses - constituent un frein à l'augmentation de la production par l'inexistence d'alternative de commercialisation.
Des efforts ont été faits pour améliorer les conditions de vie dans ces communautés. Différents projets ont vu le jour pour trouver des solutions aux différentes contraintes. De plus l 'Etat a essayé d'améliorer les conditions socio-sanitaires. Les populations de ces communautés ont accès à des services sociaux et de santé assez régulièrement, au moins sur une base hebdomadaire. La majorité des enfants fréquente l'école primaire, ils font au moins les quatre premières années du primaire. Des jardins d'enfants sont installés dans plusieurs zones.
Cependant beaucoup reste encore à faire pour promouvoir le "self estime", la confiance et la créativité des gens et la promotion de leurs actions. En effet, la mission a constaté par exemple que peu d'informations étaient disponibles SUR les communautés et sur les femmes en particulier. Au niveau des structures chargées de la pêche, la priorité des actions a été donnée aux aspects techniques et pas suffisamment aux personnes qui bénéficient des différents apports et qui participent à l'ensemble des activités qui font de ce secteur un secteur important pour le pays. Certains projets dont les projets PAPASA, SARDEP et DEPA/GTZ ont fait quelques recherches socio-économiques assez intéressantes qui pourraient servir de base pour des études plus approfondies sur la situation des femmes et des communautés. l'analyse des résultats permettraient l'identification d'actions alternatives possibles pouvant influencer leur qualité de vie.
i) le cadre institutionnel
Un Institut National pour le Développement de la Pêche a été mis en place par le gouvernement pour la promotion du secteur ainsi que celle de l'ensemble des activités liées à la pêche. L'Institut relève du Ministère des Pêches, de l'Agriculture et de l'Animation Rurale (MPAAR) a son siège à Mindelo (San Vincente) avec une délégation importante à Praia (Santiago). En dehors de ses deux principaux bureaux, l'INDP n'a presque pas d'agents sur le terrain. On peut compter les cadres détachés pour assumer la direction des projets tels le projet PAPASA à Santa Antao et le projet DEPA à Fogo/Brava et une douzaine d'enquêteurs. Le personnel du Ministère qui se trouve sur le terrain accorde généralement la priorité au secteur du développement rural qui s'intéresse à la foresterie et à l'élevage. Les communautés de pêcheurs n'ont pas bénéficié de beaucoup d'encadrement et d'accompagnement jusque là.
Lors des rencontres avec les responsables des divers projets sous la tutelle de l'INDP, la mission n'as pas pu vérifier concrètement les liens opérationnels - en dehors des rapports qui lui sont envoyés existant entre les actions de ces divers projets et les objectifs à court et moyen termes fixés par l'INDP (selon le 3ème plan de développement du secteur). les projets donnent l'impression de fonctionner de façon tout à fait autonome. LINDP est de création assez récente puisqu'il remplace deux autres structures qui existaient jusqu'en fin 1992, dont l'une s'occupait des questions de technologie marine et l'autre des questions de commercialisation. L'Institut dont les ressources humaines, matérielles et financière sont; limitées n'a pas encore véritablement assis une stratégie de coordination de l'ensemble de son programme afin de pouvoir créer une dynamique de communication et d'actions sur l'ensemble des îles et dans le cadre des activités du secteur.
ii) la stratégie de développement
Afin de favoriser une plus grande place au secteur de la pêche le gouvernement a décidé de lui accorder plus de priorité dans le troisième plan de développement (1991-1995). Parmi les objectifs principaux retenus dans ce document, le ministère envisage la promotion du développement socio-professionnel des agents du secteur en mettant l'accent entre autre dans le sous-secteur de la pêche artisanale, sur le développement des communautés de pêcheurs.
En d'autres termes, il s'agira de mettre en oeuvre une stratégie de modernisation du sous-secteur de la pêche artisanale afin de le rendre plus performant sous tous les plans (production, rentabilité économique, création d'une certaine richesse).
La modernisation du sous-secteur aura certainement à moyen terme, des effets négatifs sur les femmes qui sont les plus pauvres et presque toutes analphabètes, si l'on ne les implique pas dans la stratégie en partant de leur savoir faire actuel pour le réhausser et en faire des partenaires pouvant offrir des services de qualité.
Il faudra donc d'ores et déjà prendre des mesures pour la prise eu compte de l'activité des femmes impliquées dans ce sous-secteur dans le processus de modernisation et de promotion. L'organisation des membres de ces communautés pour une meilleure participation aux différentes stratégies de valorisation du sous-secteur devient une priorité. De même, une attention plus grande devrait être accordée aux éléments qui conditionnent la vie dans ces communautés et qui peuvent empêcher la création d'une certaine richesse.
Nous aborderons dans les pages qui suivent un aperçu général sur les femmes au Cap-vert avant de présenter les femmes dans le sous-secteur de la pêche artisanale (rôle et problèmes) et nous terminerons en proposant une stratégie possible pour favoriser la prise en compte de façon spécifique des femmes dans la phase principale du projet, de telle sorte que la place qu'elles pourraient occuper ne rentrerait pas en conflit avec les besoins stratégiques des hommes.