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Chapitre 3

Principales conclusions

3.1 LA BASE DE DONNÉES ECCM - CONCLUSIONS D´ORDRE GÉNÉRAL

Les cas présentés dans les ECCM ont été analysés pour explorer les principaux domaines d'impact et les facteurs qui contribuent au succès. On distingue trois domaines d'impact:

La Figure 2 donne un tableau synoptique de la répartition des réponses, par type d'impact. Les facteurs les plus fréquemment mentionnés comme ayant un fort impact sont liés aux sols (en particulier maintien de la fertilité et de la productivité des sols, (35% des réponses), à la participation des parties prenantes (30%), à l'amélioration durable des moyens d'existence (30%) et au renforcement des institutions (29%). A un niveau plus général, l'impact semblait plus prononcé dans le domaine géographique (ressources en terres, technologie et environnement) et dans les domaines sociaux (participation des parties prenantes, sensibilisation du public aux questions de durabilité) que dans le domaine économique (marchés, commerce, politiques et institutions), où l'impact était comparativement plus faible.

Une autre dimension de l'impact est l'échelle, représentée par la surface couverte et le nombre de ménages agricoles touchés. Plus de 40% des études de cas couvraient des surfaces supérieures à 100 km2, et 50% touchaient plus de 1000 familles. A l'autre extrême, près de 30% couvraient moins de 1000 ha et 16% touchaient moins de 100 familles. Lorsqu'il leur était demandé de cocher les divers niveaux auxquels un "cas" spécifique avait un impact (du niveau de l'exploitation au niveau mondial), 84% des personnes interrogées ont mentionné le niveau local et 64% le niveau de l'exploitation. Ces pourcentages baissent progressivement jusqu'à 8% seulement pour le niveau mondial. Les trois-quarts des cas étudiés avaient des effets à 1, 2 ou 3 niveaux, et un quart seulement à quatre niveaux ou plus.

Les facteurs favorisant ou entravant le succès sont étroitement liés à l'impact. Les ECCM ont distingué quatre catégories de facteurs contribuant au succès (appelés "éléments moteurs" dans l'enquête), à savoir:

Les éléments moteurs appartenant à chacune de ces catégories ont été notés selon un système dégressif, allant de très positif à très négatif. Aucune de ces catégories ne contribuait à elle seule au succès (chacune ayant été mentionnée entre 50 et 74 fois), mais les résultats concernant les éléments moteurs individuels de chaque catégorie donnent des renseignements beaucoup plus précis sur la situation (voir Figure 3).

Globalement, le principal facteur de succès (cité plusieurs fois, comme très positif) semble être la participation et la consultation des parties prenantes. Ce facteur a obtenu une note qui le place loin devant les sciences et les technologies ou les politiques relatives à l'environnement et aux ressources naturelles. Les principaux éléments entravant le succès sont des facteurs historiques et sociaux (en particulier migration et urbanisation) et des politiques générales (notamment régimes fonciers inadéquats).

Afin de suivre les progrès, la plupart des projets incorporés dans la base de données ECCM surveillaient et évaluaient les multiples fonctions, au moyen de l´un des procédésci-après:

L'intensité globale du suivi et de l'évaluation a également été notée (de manière subjective), de 0 (nul) à 3 (intense). La plupart des projets avaient des activités d'évaluation suffisantes, 2 projets seulement n'en pratiquant aucune et environ 10% faisant très peu de choses dans ce domaine. Dans environ un quart des cas étudiés, le suivi et l'évaluation étaient assez intenses.

La grande diversité des projets présentés dans les études de cas permet de discerner un certain nombre de facteurs qui peuvent avoir une incidence sur la reproductibilité des résultats. Ces facteurs ont été regroupés en quatre grandes catégories:

Pour finir, un certain nombre d'enseignements importants peuvent être retirés des nombreuses expériences des projets représentés dans les ECCM (Tableau 1).

TABLEAU 1 - PRINCIPAUX ENSEIGNEMENTS TIRÉS DES RÉPONSES AUX 130 QUESTIONNAIRES INCORPORÉS DANS LA BASE DE DONNÉES ECCM (Les enquêtés pouvaient citer plus d'une catégorie)

- intégrer les agriculteurs locaux, le savoir local et les institutions locales

70%

- associer le secteur privé

20%

- bénéficier d'un soutien politique approprié

35%

- prendre des engagements à long terme

14%

- disposer de ressources humaines appropriées

20%

- avoir une vision intégrée et globale

29%

Les résultats mettent en relief l'importance prépondérante de la participation des intéressés directs (y compris les agriculteurs locaux et les institutions locales). Environ un tiers des enquêtes mettent l'accent sur l'environnement politique porteur et l'approche de projet globale et multidimensionnelle.

3.2 LES ÉTUDES DE CAS

Les cas présentés ci-après ont été fournis par diverses sources. Huit proviennent de la base de données ECCM, un de la Conférence électronique et les autres ont été extraits de différents rapports et d'autres bases de données. Ils sont classés suivant les trois catégories de fonctions (environnementales, économiques et sociales), mêmes si tous conjugent ces fonctions avec d'autres.

3.2.1 Les cas illustrant le CMFAT et la fonction environnementale

Le capital naturel est à la fois un apport vital pour les systèmes agricoles et un produit de leurs activités. Les cas ci-dessous illustrent une vaste gamme de moyens d'exploiter le caractère multifonctionnel de l'agriculture et des terres, en utilisant plus rationnellement les ressources naturelles disponibles et / ou en intensifiant certaines sous-composantes des systèmes de culture.

Cas 1. La conservation des sols et des eaux est bénéfique pour l'économie locale au Niger

Le projet de conservation des sols et des eaux , financé par le FIDA, dans le district d' Illela est basé sur l'une des technologies agricoles durables clés qui produisent des avantages importants et multiples, tout en améliorant des terres antérieurement dégradées ou abandonnées. Quelque 5 800 hectares de terres abandonnées et dégradées occupant les exploitations de quelque 6 000 ménages dans 77 villages ont été améliorés par l'adoption de la technique des Tassas (également connus sous le nom de zaï, au Burkina Faso). Les mesures classiques de lutte contre l'érosion, à grande échelle, n'avaient pas donné de résultats dans la région.

Les Tassas sont des trous de 20 à 30 cm que l'on creuse dans des sols devenus imperméables, du fait du compactage de la couche superficielle, sous l'action de l'eau et du vent. Cette croûte empêchant l'eau de s'infiltrer, ces zones sont habituellement abandonnées et privées de végétation et des aspérités apparaissent dans la cuirasse. Ces sites sont particulièrement vulnérables à l'érosion de surface. On remplit ces trous de fumier, car dans cette région, les sols ont généralement une teneur en matière organique insuffisante. Lorsqu'il pleut, les trous se remplissent d'eau et les agriculteurs sèment du mil ou du sorgho. Les Tassas sont entourés de diguettes en pierre, ce qui permet de réutiliser les pierres que les paysans retirent de leurs champs. Les paysans de Illela ont appris ces méthodes de conservation des sols et des eaux lors d'une visite à Yatenga, au Burkina Faso où, rien que sur le plateau central, quelque 100 000 hectares de terres ont été regénérés, et ont aujourd'hui une production unitaire de 700 à 1000 kg de céréales par an.

Cette activité de bonification du sol a permis à la région d'atteindre des rendements en mil de 480 kg/ha en moyenne, pouvant aller jusqu'à 700 kg/ha, avec adjonction d'engrais chimiques (pratique encore peu courante). A titre de comparaison, des champs de qualité comparable ne produisaient que 130 kg/ha. Selon le FIDA, les disponibilités alimentaires des ménages participants ont augmenté de 20 à 40%, suivant les conditions pluviométriques locales. Au Burkina Faso et au Niger, les familles qui ont recours à ces techniques agricoles durables produisent aujourd'hui un excédent céréalier de 153 kg par an, alors qu'elles avaient auparavant un déficit de 644 kg (équivalent à 6,5 mois de pénurie alimentaire). Le système des Tassas est particulièrement adapté aux exploitations agricoles qui disposent de main d'oeuvre familiale ou peuvent engager des ouvriers agricoles. Cette technique a donné naissance à un réseau de jeunes journaliers agricoles qui maîtrisent bien cette technique et qui, au lieu d'émigrer, se déplacent de village en village pour répondre aux demandes croissantes des agriculteurs. Dans certains cas, la terre est rachetée par des agriculteurs qui ont compris rapidement le profit qu'ils pouvaient en retirer.

Cas 2. Le caractère multifonctionnel des groupes Landcare, en Australie

L'un des meilleurs exemples de partenariats ruraux vient d'Australie, où une expérience sociale remarquable est mise en oeuvre à l'échelle nationale depuis 1980. Landcare encourage des groupes d'agriculteurs à collaborer avec le gouvernement et avec des communautés rurales pour résoudre une vaste gamme de problèmes environnementaux et sociaux, affectant les zones rurales. A la fin de l'année 1998, l'organisation comptait 4500 groupes locaux actifs, comprenant plus de la moitié des familles paysannes du pays. S'agissant d'un pays où les agriculteurs individuels se sont longtemps enorgueillis de leur esprit de "frontière", et de leur capacité à résoudre seuls leurs problèmes, cet exemple témoigne d'une reconnaissance exceptionnelle, à l'échelle de toute la société, de la possibilité de résoudre certains problèmes, en travaillant ensemble.

Des groupes Landcare sont apparus pour résoudre toute une série de problèmes locaux ayant des répercussions sur l'ensemble de la communauté. Les groupes sont actifs dans les domaines les plus divers: lutte contre les ravageurs, les lapins et la végétation adventice, vieillissement des arbres, régénération des dunes, agriculture écologique, salinité des sols, conservation de la faune et de la flore sauvages, rentabilité des exploitations agricoles et gestion d'entreprises. Le groupe du bassin versant de Morbinning, dans "la région à blé" de l'Australie-Occidentale, est l'un d'eux. Le bassin versant de Morbinning se compose de vingt familles vivant sur 25 000 hectares de terres agricoles. Ces familles ont constitué le groupe en 1989, pour résoudre leurs problèmes communs, à savoir la salinité croissante du sol, le drainage insuffisant et les effets des inondations périodiques. Pour venir à bout de ces problèmes, la seule solution était de planifier les opérations à l'échelle de toutes les exploitations agricoles du bassin, dans le cadre d'une action concertée. En huit ans, le groupe a rétabli la végétation sur 300 hectares de terres en bordure de ruisseaux, dessalé 550 hectares de terres, planté 440 000 arbres, dont 91 km de brises-vents et 90 hectares d'arbresà aptitude fourragère, érigé des clôtures sur 249 km pour protéger la brousse sauvage, semé 460 hectares de cultures en alléeset 80 hectares de pâturages permanents, et installé 145 piezomètres pour mesurer systématiquement la profondeur de la nappe phréatique. Le groupe a également joué un rôle de premier plan dans l´amélioration des pratiques agricoles locales, dans divers domaines (graines oléagineuses, réduction du labour, engrais de substitution, aération des sols, floriculture, plantation de santals et programmes de visites de formation et de séjours à la ferme).

Mais le groupe a vu plus loin que les avantages écologiques et agricoles. Bob Hall, président du groupe en 1997,a déclaré ce qui suit: "Avant le groupe, les exploitations agricoles fusionnaient, les jeunes quittaient la terre, et la communauté se disloquait. Mais aujourd'hui, nous nous réunissons 6 à 8 fois par an, et les familles membres du groupe participent systématiquement aux réunions. Avec l'augmentation de la confiance, les possibilités d'apprentissage mutuel ont aussi augmenté, ce qui a soudé la communauté." Le Groupe de Morbinning a remporté le prix national Landcare pour la catégorie des groupes de protection des bassins versants, en 1995.

Cas 3. Agriculture écologique au service de la durabilité, à Santa Caterina, au Brésil

Ce projet, lancé à la fin des années 70, a réussi à maîtriser la dégradation des sols sur une surface de 8 millions d'hectares au Brésil, améliorant ainsi le sort de dizaines de milliers de familles paysannes. L'objectif initial, qui était la lutte contre l'érosion et l'utilisation durable des terres a évolué, dans le cadre d'une approche de protection des micro-bassins versants dictée par les communautés, vers une nouvelle méthode de gestion des ressources naturelles. Des techniques de réduction du labour scientifiquement démontrées et économiquement intéressantes ont été perfectionnées par la communauté et intégrées dans des systèmes d'agriculture écologique, avec des composantes de diversification et de rotation des cultures et d'autres utilisations des terres, telles que forêts et pâturages. Une collaboration étroite s'est tissée entre les agriculteurs, le secteur privé (fournisseurs et fabriquants d'intrants ) et des institutions officielles (FAO, EMBRAPA, etc...).

Les effets positifs quantifiables ont été de plusieurs ordres: améliorations à long terme des disponibilités en eau, tant en quantité qu'en qualité (pour les utilisateurs agricoles et les autres usagers), amélioration de la fertilité des sols, et réduction des risques associés à la production, par le biais de la diversification. En outre, le projet a permis de réduire les effets négatifs de l'agriculture sur l'environnement et de sensibiliser davantage les agriculteurs aux problèmes écologiques. Il est important de signaler que les liaisons verticales (amont et aval) associées à l'augmentation de la production agricole ont stimulé des activités rurales non agricoles.

Cas 4. Systèmes agricoles bénéfiques pour la diversité biologique des oiseaux en Espagne et en Ecosse

En Espagne, les dehesas sont des systèmes fortement intégrés qui contribuent pour une part importante au capital naturel et social. Les dehesa sont des systèmes de pâturages boisés et de prairies ouvertes, où dominent le chêne vert et le chêne liège, combinant la production de céréales et l'élevage d'animaux - moutons, bovins et chèvres - qui se nourrissent d'herbe et de glands. Il s'agit de systèmes fortement intégrés, avec des arbres qui procurent du charbon de bois, du bois de feu, de l'ombre, des glands et du liège; des céréales qui fournissent des grains et du fourrage; et des animaux pour la production de viande et de lait. Les pratiques arables suivent généralement des rotations de 4 à 20 ans, si bien que le paysage est une mosaïque d'habitats mixtes.

Les dehesas sont très riches en faune et en flore sauvages. On y trouve jusqu'à 60 espèces végétales par mètre carré, ainsi que des papillons, des oiseaux et des animaux, notamment des espèces menacées d'extinction, comme l'aigle impérial d'Espagne, le vautour d'Egypte, la cigogne noire et le lynx de la péninsule ibérique. Les dehesas bien gérés sont également d'importantes sources d'emplois pour les communautés locales. Par exemple, un domaine de 7000 hectares en Andalousie produit du liège, du bois, du bois de feu, des animaux (moutons, cerfs et bovins) et des plantes sauvages (herbes et champignons). Les systèmes mixtes de culture et de pâturage nécessitent peu d'intrants mais beaucoup de main d'oeuvre. L'utilisation de main d'oeuvre est plus élevée que dans les exploitations agricoles voisines où les systèmes agricoles ne sont pas intégrés. Mais un grand nombre d'activités pratiquées dans le cadre de ces systèmes sont à présent sur le déclin, les arbres étant abattus au profit d'une agriculture plus intensive à grande échelle ou les terres reboisées à l´aide de pins et d´eucalyptus.

La situation est en grande partie analogue dans les habitats biodiversifiés d'Ecosse. Des recherches effectuées sur une longue période dans l'île d'Islay, dans les Inner Hebrides, ont mis une fois de plus en lumière le rôle crucial d'un paysage complexe et diversifié pour la vie des oiseaux. On trouve à Islay neuf espèces d'oiseaux importantes: la bernache nonnette, le crave à bec rouge, le râle genêt, l'aigle royal, le pluvier doré, le busard Saint Martin, le faucon émerillon, le faucon pélerin et l'oie à pattes blanches. En divisant les systèmes semi-naturels et agricoles de l'île en huit types, et en classant les 687 unités de un kilomètre carré, on a constaté que différentes espèces utilisaient des types de terres différents selon les périodes de l'année. C'est la mosaïque qui est cruciale. "l'une des caractéristiques les plus importantes (est)...la manière dont les types de terres sont sélectionnés à une certaine période de l'année. Ceci nous a amenés à la conclusion que c'est précisément la diversité des types de terres qui permet à tant d'espèces d'oiseaux de survivre. " Il est évident qu'il ne suffit pas de conserver un ou deux habitats ou îlots au milieu de terres agricoles exploitées intensivement. Tous les paysages doivent être protégés au moyen de pratiques agricoles mixtes et durables.

Les exemples présentés ici ne sont que deux cas parmi tant d'autres en Europe. Ils englobent de vastes zones semi-naturelles, comme en Ecosse, et de nombreuses zones de montagne, d'importantes zones ornithologiques dans toute la région et des zones ayant un riche patrimoine naturel.

Cas 5. Stabilisation des coteaux en Amérique centrale

Quelque 45 000 familles d'agriculteurs au Honduras et au Guatemala ont bénéficié de l'adoption de systèmes d'agriculture durable, qui ont fait passer les rendements des cultures de 400-600 kg/hectare à 2000- 2500 kg/hectare. Les agriculteurs ont recours à diverses techniques adaptées aux conditions locales, en procédant par expérimentations: engrais vert, cultures de couverture, bandes d'herbe suivant les courbes de niveaux, travail du sol dans le rang, diguettes de pierre et fumure. Ces programmes ont régénéré les économies locales. Les prix des terres et les salaires de la main-d'oeuvre agricole sont plus élevés dans les zones du projet, et les familles qui avaient émigré dans les capitales sont revenues. Ces systèmes ont également des effets bénéfiques sur les forêts. Les agriculteurs disent qu'ils n'ont plus besoin d'abattre les arbres des forêts, car ils disposent de technologies qui permettent de cultiver en permanence une mêmeparcelle. Ces terres conservées sont celles qui ont le moins souffert pendant que l'Ouragan Mitch se déchaînait, en novembre 1998, car les pluies torrentielles ont été absorbées par les sols et les glissements de terrain ont été évités.

Cas 6. Plantation de haies de T'chat (Catha edulis) comme technique de conservation des sols et des eaux: le rôle des connaissances et des pratiques locales en matière de gestion durable des terres, dans les montagnes du Harar oriental, en Ethiopie.

La plupart des zones montagneuses de l'Ethiopie, comme le Harar oriental sont notoirement très dégradées. Les moyens d'existence de la communauté agricole et de la population dans son ensemble sont menacés, car ceci a des effets négatifs sur les terres en aval. Le gouvernement et des institutions donatrices se sont efforcés de lutter contre la dégradation, mais avec des résultats décevants. Les expériences antérieures montrent que l'accent doit être mis sur l'adaptation et l'amélioration des pratiques locales. Les pratiques de conservation des sols et des eaux reposant sur la plantation de haies de T'chat (Catha edulis), qui sont inspirées des traditions locales, se sont avérées bien adaptées à la communauté agricole. La pratique a prouvé son efficacité, car elle intègre la conservation des terres, l'amélioration des revenus agricoles et des avantages associés comme la création d'emplois pour la communauté agricole.

Les résultats montrent que, compte tenu des ressources et des technologies dont disposent actuellement les agriculteurs, les pratiques de conservation basées sur les haies de T'chat représentent une option économiquement rentable et bien adaptée pour la conservation et l'utilisation des terres marginales et en pente, dans la zone couverte par l'étude. Le caractère multifonctionnel de l'initiative est renforcé grâce à la conservation des sols et des eaux, à la production de fourrage et de bois de feu et à la création d'emplois dans le cadre d'activités non agricoles, comme le commerce de Catha edulis, principalement exécutées par des femmes.

Cas 7. Programme de lutte intégrée contre les ravageurs des arbres fruitiers et de la vigne, à l'Ouest du Cap, en Afrique du Sud

Au début des années 90, des producteurs de fruits, de raisin de table et de vin exerçant à l'Ouest du Cap, ont pris conscience de la nécessité de protéger l'environnement et de garantir aux consommateurs des aliments sûrs. Il a été constitué un Comité directeur de lutte intégrée contre les ravageurs dont est issu ce groupe environnemental Ag Chem, composé de tous ceux qui interviennent dans le secteur, notamment de représentants des universités, de coopératives, d'instituts de recherche et des industries agro-chimiques, d'exportateurs et d'apiculteurs. Des directives ont été élaborées pour les fruits à pépins et à noyau ainsi que pour le raisin de table et à vin et un barème de notation des programmes de traitement par pulvérisations a été mis au point pour évaluer les activités de suivi ultérieures. Le Groupe Ag Chem tient un nombre limité de réunions chaque année et examine les directives et les pratiques et codes associés, pour choisir par consensus de nouveaux agents de protection des cultures. Un groupe informel de lutte intégrée contre les ravageurs, comprenant des représentants de tous les groupes participants, se réunit tous les quinze jours pendant la saison de végétation. Il examine les tendances et les sujets choisis pour thème et prend, le cas échéant, des mesures. Des stages de surveillance des vergers sont organisés à l'intention de certains travailleurs agricoles et des certificats sont délivrés. Les travailleurs apprennent à reconnaître et à enregistrer l'incidence des ravageurs et des maladies. Ces informations sont utilisées pour optimiser les mesures de lutte, afin de réduire au minimum l'impact des cultures sur l'environnement et, en particulier, d'utiliser au mieux les produits chimiques appliqués pour lutter contre les ravageurs, et de conserver les parts de marché à l´étranger en respectant les normes, qui sont généralement applicables à l'échelle mondiale.

Cas 8. Fidji: Optimisation sur les exploitations, de la conservation et des avantages en espèces

Des haies d'ananas (à mi-pente) et de vétiver (en bas des pentes) ont été plantées suivant les courbes de niveau sur des terres en pente dégradées gérées par des fermiers et des propriétaires terriens traditionnels, dans six zones de Fidji. Des approches participatives ont été adoptées pour la sélection des sites et l'établissement des haies. Le matériel végétal nécessaire a été fourni. Les systèmes de culture étudiés comprennent un mélange de gingembre-taro-manioc (dans les zones à pluviométrie élevée) et des légumes de contre-saison (zones comportant une saison sèche). Dans un cas, les tomates de contre-saison ont rapporté à un cultivateur 1 500 dollars E.-U en espèces. Les autres avantages, tout aussi appréciés et inattendus, ont été les suivants: amélioration de la sécurité alimentaire, coopération des familles et des communautés, et enrichissement des villages, avec une accélération du développement économique et une diversification de la production.

Les techniques de culture visant à protéger les sols par des haies sur des terres marginales en pente sont de plus en plus utilisées, dans les villages, pour la production vivrière. Sur ces terres dégradées, la durabilité de la production avait diminué. Le projet surveille les impacts biophysiques, sociaux et économiques de cette technologie, principalement à travers des observations et des enquêtes, et transfère la technologie aux agriculteurs dans le cadre de démonstrations pratiques et en champ. La technologie est transférée par des ONG et des institutions gouvernementales de Fidji et d'autres Etats insulaires du Pacifique, au moyen d'échanges de personnel et d'informations avec d'autres endroits. Des agriculteurs des deux sexes ont participé à la conception et à la mise en oeuvre, avec un sens élevé d´identification avec les activités pratiquées sur les exploitations. Les gouvernements fournissent un appui externe pour aplanir les obstacles identifiés par les paysans (par exemple, en fournissant du matériel végétal et des pulvérisateurs à dos introuvables localement); enfin, l'équilibre entre les avantages économiques et écologiques a permis d'optimiser l'impact.

Des activités sont en cours dans les six zones de Waibau, Namulomulo, Serua, Tilivalevu, Nadi/Lautoka, et Labasa. Plus de 125 parcelles-témoin sont surveillées. Dans cette initiative, le caractère multifonctionnel de l'agriculture et des terres est démontré par: les haies d'ananas et de vétiver plantées sur des terres pentues, qui peuvent procurer des avantages en espèces à court terme, tout en minimisant les pertes en sols et en nutriments dues à l'érosion et en maximisant l'utilisation de l'eau et des éléments nutritifs du sol; l'amélioration des échanges en espèces au niveau des villages et des familles, grâce à la diversification de la production, notamment à la culture de légumes de contre-saison; le pourcentage élevé de ménages (agriculteurs des deux sexes) associé aux activités de planification et d'évaluation participatives; les activités sur les exploitations facilitées, et non contrôlées, par des chercheurs et des vulgarisateurs; et l'intérêt croissant pour l'approche, attesté par une expansion de la surface plantée en haies, tant dans les zones pilotes initiales que dans les communautés voisines.

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On voit se multiplier les technologies de conservation des ressources fiables et prometteuses, pour maîtriser les ravageurs et gérer les nutriments et les ressources en sols, en eaux et en énergie. Ces techniques sont issues de plusieurs sources: systèmes agricoles traditionnels, expérimentation de nouvelles techniques et technologies, agriculture biologique et pratiques des pays tant développés qu'en développement. Beaucoup ont été élaborées après que des mesures furent prises pour réduire les coûts et les retombées négatives sur l'environnement. Ces technologies visent à conserver les ressources existantes des exploitations agricoles et des terres, notamment les nutriments, l'eau, la diversité biologique et les sols du système. Un grand nombre de technologies individuelles sont multifonctionnelles, ce qui signifie que leur adoption améliore simultanément plusieurs aspects des systèmes agricoles et agro-écologiques. A titre d'exemple on peut citer: les techniques de récolte de l'eau, les cultures suivant les courbes de niveau, les terrasses, le travail minimal du sol, les économies d'eau grâce à la gestion de l'irrigation et à la distribution de doses précises aux plantes, le pâturage tournant et les techniques mécanisées et manuelles de régénération des sols.

Divers procédés permettent de mieux utiliser les intrants non renouvelables et les technologies comportant l'application de pesticides et d'engrais:techniques d'agriculture et de dosage de précision, application de faibles doses, adoption de variétés et de races résistantes, et utilisation de machines consommant peu d'énergie, adaptées à la taille des exploitations. Le caractère multifonctionnel s'exprime par des impacts supérieurs sur l'agro-écologie locale, des recettes et une productivité durables et l'accessibilité pour les besoins de la production.

Les cas qui précèdent démontrent plusieurs points:

Les fonctions environnementales, sociales et économiques ne sont pas nécessairement en conflit, elles peuvent se renforcer mutuellement.

3.2.2 Les cas illustrant le CMFAT et la fonction économique

La contribution au développement économique est une importante fonction de l'agriculture et des terres. Cette contribution s'exerce à travers l'accumulation de capital financier, grâce aux recettes des ventes des produits et des services, à l'attraction de nouvelles sources de financement (crédits et dons) et à une augmentation de l'activité économique obtenue au moyen d'une série d'effets multiplicateurs pour l'ensemble de la région.

Cas 9. Les avantages multiples du développement de l'élevage en Ouganda

Heifer Project International (HPI) a introduit le système de production laitière « zéro-pâturage », en Ouganda, qui implique d'élever des vaches laitières de bonne qualité en stabulation permanente, de récolter le fourrage et de l'apporter aux bêtes. Le système englobe la production de fourrage, de graminées et d'arbres à légumineuses, le plus souvent cultivés sur des diguettes, et intercalés avec des cultures vivrières ou de rapport, de manière à conserver les sols et l'humidité. Le système a aussi pour effet d'améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition des familles. Les animaux sont une bonne source de revenu et d'alimentation pendant la saison sèche et les ruminants peuvent être nourris avec une bonne partie des cultures et des sous-produits de la transformation. Le fumier et le compost de l'étable où est élevé le bétail sont utilisés comme engrais organique et permettent de recycler rapidement les éléments nutritifs présents en quantité limitée dans le système. Le renforcement de groupes communautaires qui assurent une formation et un soutien mutuel est une autre composante importante.

Des génisses laitières sont fournies à titre de prêt en nature. Les agriculteurs remboursent l'emprunt en élevant une seconde génération de génisses qui « passent » ensuite à un autre agriculteur de la communauté. Le groupe dispose ainsi d'une ressource en capital qui permet d'étendre les avantages du programme. Le système « zéro-pâturage », introduit en Ouganda par HPI en 1983, a survécu en dépit des problèmes économiques et politiques. Depuis, il a été adopté par de nombreuses institutions, dont le Ministère de l'agriculture et des ONG internationales.

Plus de 5000 familles ont bénéficié directement d'améliorations significatives de leurs revenus et de leur nutrition; les répercussions positives ont été spectaculaires sur les conditions de logements et la fréquentation scolaire. Quelque 10000 hectares de terres ont été améliorés ou stabilisés par la mise en place d'un système durable de production laitière à petite échelle. Plus de 50 groupes composés de membres des communautés ont été renforcés, et sont devenus un moteur du développement rural. La condition des femmes a été renforcée puisque plus de la moitié des propriétaires de bétail sont des femmes, pour la plupart veuves avec des familles nombreuses.

Cas 10. La culture des olives, source d'emploi local en Italie

Depuis au moins deux millénaires, on cultive des oliviers sur la côte méditerranéenne, qui contribuent aux moyens d'existence locaux et produisent des habitats riches et variés pour la faune et la flore sauvages. Mais au cours des dernières décennies, la province du Cilento a été désertée en masse, les jeunes n'acceptant plus de cultiver les oliviers. Ceci s'ajoutant à la concurrence de la Tunisie, où les coûts de production sont plus bas, le système est de plus en plus menacé.

Le projet CADISPA, coordonné par l'Université de Strathclyde, travaille en liaison étroite avec des groupes locaux dans divers pays, pour appuyer la reprise locale. Dans le Cilento, CADISPA-Italie a commencé à travailler avec une coopérative locale d'huile d'olive, Nuovo Cilento, pour introduire l'agriculture biologique et de nouvelles méthodes de commercialisation. Aujourd'hui, 130 agriculteurs du parc national du Cilento pratiquent une agriculture 100 pour cent biologique, s'appuyant sur une vaste gamme de techniques de conservation des ressources pour minimiser l'emploi d'intrants et recycler des produits de valeur, notamment en utilisant les cupules des olives comme engrais. Ils produisent à présent Cilento Verde, une huile organique extra-vierge très prisée. Vu le succès de la revitalisation de la production d'olives, des entreprises coopératives ont été créées pour la production de farine de châtaignes sauvages et l'éco-tourisme. Ces nouvelles entreprises sont généralement gérées par des jeunes, qui choisissent de plus en plus de rester dans le Cilento et de mettre à profit leurs capacités et leurs compétences pour développer la production de biens et de services locaux de qualité.

Cas 11. Micro-crédit en Inde et au Pakistan

Dans les zones reculées du Nord du Pakistan, le Programme Aga Khan d'appui au développement rural a aidé à établir plus de 2600 organisations villageoises ou féminines, englobant quelque 53 000 ménages. Les groupements villageois, initialement formés pour la construction de canaux d'irrigation, de routes ou de ponts, ont ensuite aidé leurs membres à épargner régulièrement de petites sommes de façon à accumuler un capital de garantie pour obtenir du crédit. Au fil du temps, et avec le contrôle et la responsabilité locale, les groupes ont réussi à épargner des sommes importantes.

D'autres succès marquants ont été notés dans le Sud de l'Inde, où des ONG comme Myrada, SPEECH et Pradan ont à nouveau montré l'intérêt des petits groupes. Les banques et les coopératives locales sur lesquelles on avait compté pendant des années pour fournir du crédit avaient rarement aidé les pauvres. Mais lorsque les banques ont commencé à travailler avec de petits groupes indépendants dont les membres se faisaient confiance, elles ont constaté que, non seulement l'argent était géré de façon plus rationnelle, mais aussi que les membres se sentaient beaucoup plus fermement engagés et responsables vis à vis du remboursement de l'argent, que lorsqu'ils faisaient partie de coopératives. L'avantage le plus important pour les programmes est que de 95 à 98 pour cent des prêts sont intégralement remboursés, alors que ce pourcentage est de 20-25% seulement pour les banques qui consentent des prêts au titre de programmes de développement rural intégré.

Cas 12. Agriculture dans le Parc national de Prespa, en Grèce

Le Parc National de Prespa se trouve près des frontières de l'Albanie et de la Macédoine. Il comprend une vallée de montagne avec deux lacs entourés d'une plaine inondable. Il abrite la plus grande colonie du monde de pélicans frisés (Pelecanus crispus). Dans cette zone reculée, les habitants vivent principalement de la culture de haricots, et complètent leurs revenus avec un peu d'élevage et de pêche. Le système traditionnel de gestion des terres a été important pour le capital naturel, car les animaux paissent dans les prairies humides et empêchent les roseaux de devenir trop hauts, ce qui crée des habitats précieux pour les oiseaux et les poissons. Mais l'adoption de méthodes de culture intensive des haricots a conduit à mettre quelques prairies en culture, et entraîné une forte hausse de la consommation d'engrais et de pesticides. Ces deux changements ont eu un impact significatif sur les ressources aquatiques, qui s'est traduit par la disparition des spatules et des ibis falcinelles. En 1993, diverses organisations ont commencé à promouvoir la culture biologique des haricots, la diversification de l'agriculture et le développement du potentiel d'éco-tourisme, dans le parc.

Les agriculteurs obtiennent aujourd'hui de meilleurs rendements et de meilleurs prix avec leurs haricots, ce qui les encourage encore plus à adopter des pratiques durables. L'accent mis sur l'éco-tourisme a permis d'augmenter le nombre annuel de visiteurs du parc de 5300 à 13 000 personnes, et de mieux les répartir tout au long de l'année. Les jeunes vivant dans les communautés ont reçu une formation en gestion de l'environnement et deux centres de tourisme ont été ouverts. Ces centres ont contribué à rendre les populations locales et les visiteurs plus sensibles à la protection de l'environnement. L'essor de l'éco-tourisme a favorisé l'établissement de deux auberges gérées par des femmes locales, et de plusieurs restaurants et tavernes, qui ont bénéficié de l'augmentation des dépenses des visiteurs. Le secteur de l'éco-tourisme emploie à présent entre 50 et 60 personnes. Le gouvernement a également apporté un appui, en investissant dans des infrastructures pour favoriser l'éco-tourisme et les multiples fonctions de l'agriculture.

Cas 13. Culture de soja en Inde

La diffusion rapide du soja dans les systèmes de culture indiens montre que l'introduction dans les systèmes agricoles d'une seule composante, à des fins de régénération, peut procurer toute une série d'avantages. Les surfaces cultivées, qui étaient de quelque 0,04 million d'ha au milieu des années 60, sont passées à 0,5 million d'hectares pendant les années 80 (rendement moyen 0,57 t/ha) et couvrent aujourd'hui 5,6 millions d'ha (rendement moyen 0,96 t/ha). Chaque année, environ 0,5 million d'hectares de plus sont mis en culture, et le chiffre de 8 millions d'hectares devraient être dépassé d'ici l'an 2000. En 1997, les exportations de soja ont rapporté à l'Inde 518 millions de dollars E.-U (20 milliards de Rs).

En Inde, les multiples fonctions de la culture de soja sont les suivantes:

Cas 14. Les multiples avantages d'une entreprise de production et de commerce du café, selon le concept de commerce équitable, au Mexique.

Cet exemple décrit une initiative qui a démarré au niveau local et a été reconnue au niveau national. Indigenas de la Sierra Madre de Motozintla (ISMAM) est un groupe d'indiens mayas du Chiapas spécialisé dans la culture biologique du café. Le groupe ISMAM a été constitué par de petits planteurs de café pour résoudre leurs problèmes dûs à la faible productivité, aux carences des systèmes de commercialisation, et à l'extrême pauvreté des familles paysannes. En adoptant des techniques de culture biologique et en améliorant la qualité, le groupe a réussi à maîtriser la dégradation des sols et les faibles rendements et à s'insérer sur un marché spécialisé privilégié qui les a récompensés des efforts supplémentaires qu'ils avaient déployés pour obtenir une production écologiquement saine. Grâce à sa gestion participative rationnelle et à son dur travail, ISMAM a pu doter son entreprise de capitaux permanents et vaincre l'indifférence et l'hostilité initiales du gouvernement pour devenir une importante agro-industrie avec ses propres installations de transformation et ses marchés d'exportation directs aux Etats-Unis, en Europe et au Japon.

L'étape suivante a consisté à produire des mélanges et du café en poudre pour le marché national et à diversifier la production agricole pour accroître la sécurité alimentaire. ISMAM a ainsi pu développer son entreprise, mais aussi restituer une part des profits à des comités régionaux afin de les investir dans des services sociaux. En 1995, ISMAM s'est vue décerner le prix national des exportateurs de produits agricoles. Le groupe jouit à présent d'une position privilégiée, pour ce qui est de l'obtention de crédit et de l'appui du gouvernement, et a diversifié ses activités, notamment dans le secteur de l'éco-tourisme.

Cas 15. Entreprises « vertes » dans le bassin versant de Willapa, dans le Pacifique Nord-Ouest, aux États-Unis.

Au cours des dernières années, le choix entre la protection des emplois locaux et l'environnement a été à l'origine de graves conflits dans le Pacifique Nord-Ouest. Le sort de la chouette tachetée a déchaîné d'âpres controverses: après 1990, année où elle a été déclarée espèce menacée d'extinction, le volume de bois abattu dans les États de l'Oregon et de Washington a diminué de moitié. Mais aujourd'hui, de nouveaux partenariats ont été conclus entre des groupes antérieurement hostiles, ce qui démontre que la gestion durable des ressources naturelles et de l'agriculture peut contribuer dans une large mesure à la croissance économique locale.

Le bassin versant de Willapa s'étend sur 275 000 hectares sur la côte de l'Etat de Washington. S'il est riche en ressources naturelles, notamment en huîtres, clovisses, crabes, esturgeons, saumons, mais aussi en forêts denses, les quatre comtés qui le composent sont extrêmement pauvres et ont été classés zones « économiquement défavorisées » par l'État . En outre, les ressources naturelles se sont amenuisées: les montaisons de saumons ont diminué, les esturgeons ont pratiquement disparu, les huîtres sont plus petites et les forêts vieillissantes ont été remplacées par des plantations de sapins. Il existe un rapport étroit entre l'état des ressources et la pauvreté des communautés locales: les ressources ont été récoltées et expédiées hors de la région, dans un processus qui a créé peu d'emplois et de revenus.

L'enjeu du projet était de créer des entreprises et des produits qui permettent d'utiliser les ressources naturelles de manière durable et de leur ajouter de la valeur. Ecotrust, un groupe environnemental basé à Portland, a aidé à constituer un nouveau partenariat entre des agriculteurs, des ostréiculteurs, des pêcheurs, de petites entreprises, des groupes d'autochtones américains, et d'autres. Cette association, qui a pris le nom de Willapa Alliance », a fait réaliser des études sur l'utilisation des ressources et les actifs, et élaboré un plan de gestion commun. Ce n'était certes pas les idées qui manquaient pour créer des entreprises, mais les qualifications et l'accès aux marchés et au crédit. Ecotrust a alors contacté une banque communautaire solidement implantée à Chicago, la South Shore Bank, qui avait investi 345 millions de dollars E.-U dans des régions voisines à faible revenu, pour revitaliser les communautés depuis les années 70. Avec l'appui de la Fondation Ford et de la South Shore Bank, la Willapa Alliance a testé sur le marché des services bancaires pour le développement du bassin versant. Une aide a maintenant été apportée à toute une série d'entreprises ou de productions locales qui ajoutent de la valeur aux ressources naturelles, notamment:

Bon nombre de ces entreprises ont aidé les populations locales à trouver un nouveau gagne-pain; c'est le cas de la Shoalwater Bay Tribe, qui a créé une société ostréicole et récolte 300 hectares de lits de marée. Après plusiers années de succès croissant, une nouvelle plate-forme est née: l'Equipe spéciale pour le développement économique de Willapa a conçu un plan de développement régional ambitieux qui repose sur l'utilisation durable des ressources naturelles.

Cas 16. Les systèmes agricoles basés sur le riz améliorent la productivité au Cambodge

La productivité des systèmes basés sur le riz au Cambodge s'est considérablement améliorée ces dernières années grâce aux activités du Projet Cambodge-IRRI-Australie (CIAP). La technologie diffusée par le CIAP a entraîné une amélioration durable de la production rizicole, évaluée à 130 millions de dollars E.-U par an. Les rendements sont passés de 2,5 t/ha à 3,1 t/ha en saison sèche et de 1,3 t/ha à 1,6 t/ha en saison humide. Une gamme de variétés améliorées de riz est régulièrement mise en circulation pour les différents écosystèmes, les systèmes de culture ont été diversifiés, les ressources en eau maximisées et les agriculteurs initiés aux pratiques de protection intégrée contre les ravageurs. La conservation du matériel génétique est une activité majeure et des variétés de riz qui avaient été perdues durant les années Pol Pot, mais entreposées dans un centre de matériel génétique aux Philippines, ont été restituées aux agriculteurs. Les innovations sont les suivantes: mise au point d'une nouvelle approche d'identification des sols du pays, priorité aux essais en champ, renforcement des capacités institutionnelles au départ fragiles, association de nombreuses ONG et élaboration d'une approche de recherche nationale. Tous ces changements ont amélioré la qualité des produits alimentaires des agriculteurs disposant de peu de ressources sans porter atteinte aux agricultrices et à l'environnement.

Les résultats de cette initiative ont été les suivants: augmentation de la production de poissons dans les rizières; accroissement du nombre de gros animaux, grâce à une meilleure alimentation; diversification des cultures; et amélioration des régimes alimentaires des agriculteurs. Les réalisations à l'échelle globale ont été les suivantes: élaboration de variétés plus rentables; établissement de systèmes d'identification des sols, pour la formulation de recommandations concernant la gestion intégrée des nutriments; diversification des systèmes agricoles; introduction de poissons dans les écosystèmes rizicoles pour réduire l'utilisation de pesticides et amélioration des systèmes de préparation des terres.

Plusieurs enseignements ont également été retirés, notamment: la technologie peut être diffusée dans les pires conditions; des intrants pertinents et de qualité supérieure doivent être disponibles; la variété et l'adaptabilité des semences produites sont très importantes; le partage des responsabilités et la participation d'ONG et d'autres organisations sont des facteurs de réussite clés.

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Un certain nombre d'enseignements peuvent être retirés des cas qui précèdent:

3.2.3 Les cas illustrant le CMFAT et la fonction sociale

Les dix cas qui suivent illustrent différents moyens de renforcer la fonction sociale de l'agriculture par l'adoption de processus participatifs, tant au niveau individuel qu'à celui de groupes réunissant diverses catégories de parties prenantes. La dimension individuelle se réfère au capital humain, qui représente les aptitudes, la connaissance et la bonne santé des personnes. La dimension sociale se réfère au développement des institutions (capital social) et suppose une action collective organisée en vue d'utiliser au mieux les ressources existantes. Le capital social est une importante fonction non alimentaire des systèmes agricoles. Les individus sont conscients des problèmes sociaux qui existent dans leurs communautés - qu'il s'agisse de leur communauté locale ou de la communauté mondiale au sens large. Ces problèmes sont de différents ordres, et vont de la pauvreté à l'inégalité entre les hommes et les femmes. Le capital social peut être renforcé par l'adoption de processus participatifs débouchant sur une action collective organisée en vue de mieux utiliser les ressources existantes et de créer de nouvelles qualifications. Les groupes ainsi formés peuvent être des groupes d'agriculteurs spécialisés dans la recherche et l'expérimentation, des groupes de gestion des ressources ou des groupes d'utilisateurs (ex:  protection des forêts, pêches, irrigation, bassins versants); des groupes de crédit et des partenariats horizontaux entre des institutions externes (ex gouvernement et ONG; institutions privées et publiques).

Cas 17. Fédération des ONG du Sénégal (FONGS)

La Fédération des organisations non gouvernementales du Sénégal (FONGS) a été établie en 1978 par des associations villageoises autonomes qui cherchaient à résoudre les problèmes des petits producteurs. Au début des années 90, la FONGS s'était agrandie et comptait 24 associations régionales, elles-mêmes composées de 2000 groupes villageois comprenant 400 000 membres. A peu près 1,5 million de personnes au total (environ 20% de la population nationale) bénéficient d'une manière ou d'une autre des activités communautaires de la Fédération dans des domaines comme l'achat d'intrants, ou la production, la transformation et la commercialisation collectives de produits alimentaires.

Pendant la décennie 90, les agriculteurs ont manifesté une méfiance croissante à l´égard d´un modèle agricole qui entraînait une surexploitation des ressources naturelles et une dépendance accrue à l'égard d'intrants non renouvelables de plus en plus coûteux, pour tenter d'élever la productivité. Dans le même temps, les essais d'autres systèmes d'agriculture durable se multipliaient. La FONGS a organisé en 1993 un forum national qui a débouché sur la création d'une nouvelle plate-forme rassemblant toutes les associations rurales: le Conseil national pour le dialogue et la coopération ruraux (CNCR). Le conseil compte trois millions d'adhérents. Au cours des cinq dernières années, le CNCR a été reconnu par le gouvernement et par les grands donateurs comme le porte-parole des populations rurales, défendant leurs intérêts dans les négociations sur les politiques et les programmes. Entre autres initiatives, le CNCR participe à un programme de recherche conjoint avec l'institut de recherches agricoles sénégalais et un mécanisme géré par les agriculteurs, pour acheminer les fonds publics vers des projets de production agricole à petite échelle.

Cas 18. Les syndicats d'irrigants et la gestion participative de l'irrigation, au Gudjarat (Inde)

En juillet 1995, le gouvernement du Gudjarat a adopté une résolution annonçant le lancement du programme de gestion participative de l'irrigation (GPI). Ce programme prévoit le transfert intégral de l'exploitation et de l'entretien des canaux aux syndicats d'irrigants. La propriété des canaux reste entre les mains de l'Etat et les grosses réparations continuent d'être à la charge du département de l'irrigation, mais le syndicat des irrigants est responsable de l'exploitation quotidienne du système. La planification des cultures, l'allocation de l'eau disponible pour l'irrigation, la fixation des tarifs de distribution de l'eau, la collecte des formulaires de demande d'eau et des redevances d'eau auprès des membres individuels et la prise de sanctions contre les débiteurs défaillants relèvent aussi de la responsabilité du syndicat d'irrigants dans le cadre du GPI. Une fois que le réseau de canaux est réparé et remis en état, la gestion est transférée aux syndicats d'irrigants.

Durant la phase pilote du programme GPI, treize projets ont été sélectionnés pour essayer la nouvelle approche et en retirer des enseignements. Ce programme était centré sur la création de coopératives d'utilisateurs et sur le développement de liens entre les différents acteurs (agriculteurs participants, ONG et gouvernement). Les ONG mobilisent et regroupent les agriculteurs pour créer un syndicat d'irrigants, qu'elles guident lors de sa formation et durant les phases successives. Toutefois, l'aide, la coopération et les orientations techniques du département restent importantes. Les agriculteurs participants forment le syndicat et le gèrent, et apportent une contribution fixe aux dépenses initiales de réparation et de remise en état du système. Les ONG ont d'une manière générale fait preuve de talents particuliers pour développer un esprit de coopération parmi les participants.

Les résultats les plus marquants sont les suivants:

Cas 19. Coopératives communautaires au Japon

Les coopératives alimentaires sont importantes pour distribuer de la bonne nourriture aux groupes urbains privés d'un accès direct aux fermes et à la nature. Les liaisons directes entre les producteurs et les consommateurs ont connu un succès spectaculaire au Japon, avec la croissance rapide des coopératives de consommateurs, des groupes sanchoku (direct du lieu de production) et des programmes teikel (ventes liées ou compromis mutuels entre les consommateurs et les producteurs). Ce mouvement exceptionnel a été dicté par les consommateurs plus que par les agriculteurs, et principalement par des femmes. On dénombre à présent entre 800 et 1000 groupes de ce type au Japon, comprenant 11 millions de membres au total. Ces groupes de liaison producteur-consommateur sont basés sur la confiance, et attachent une grande valeur au contact personnel. Quelques-uns ont eu une influence notable sur l'agriculture et sur d'autres questions environnementales.

Le plus grand et le plus connu des groupes de consommateurs est le Shekatsu Club, un syndicat de coopératives de consommation. Il compte plus de 210 000 ménages adhérents organisés en 26 000 hans, ou branches locales, disséminées dans tout le Japon. Il a été créé en 1965 par des ménagères de Tokyo, qui voulaient trouver un moyen de payer le lait moins cher. Leur idée était de se regrouper et d'acheter directement aux fermiers. Au cours des quelques années qui ont suivi, elles se sont aussi mises à acheter en gros toute une gamme de vêtements, de cosmétiques et d'aliments exempts de pesticides. Les membres du club ont ensuite commencé à prendre en mains la distribution. A la fin des années 70, un nouveau siège était établi à Setagaya et, l'année suivante, la première ménagère du Seikatsu Club était élue membre de l'administration locale. Bien que 37 membres aient maintenant des responsabilités politiques locales, le Club souhaite un changement beaucoup plus radical, son objectif étant de doter chacun de ses membres d'une voix et d'un rôle dans les politiques participatives. Ce club a donné du poids et de nouvelles possibilités aux femmes, qui étaient traditionnellement isolées dans leurs foyers. Le Seikatsu Club a maintenant à lui seul un chiffre d'affaires de 40 millions de yens (320-350 millions de dollars E.-U) et emploie 905 personnes à plein temps.

Cas 20. Education des adultes et protection intégrée contre les ravageurs du riz, au Bangladesh

Les agriculteurs du Bangladesh introduisent des changements révolutionnaires dans leurs systèmes rizicoles. La nouvelle approche de protection intégrée contre les ravageurs, est appuyée par le Département pour le développement international du Royaume-Uni et la Commission de l'Union européenne, par le biais de projets exécutés par CARE International, une ONG internationale qui collabore avec des ONG locales, des groupements d'agriculteurs et des fonctionnaires locaux du Ministère de l'agriculture, dans des districts sélectionnés. Deux séminaires très suivis par les membres du personnel local bangladais de CARE ont été présentés au siège de la FAO au cours des dix-huit mois écoulés. Les participants sont des agriculteurs qui fréquentent des stages de pratiques de terrain (écoles sans murs) pendant toute la durée de la saison rizicole.

Ils se rencontrent chaque semaine pour apprendre une nouvelle série de principes, de concepts et de termes se rapportant à la gestion du riz, des ravageurs et de leurs prédateurs. Il s'agit d'une méthode d'éducation des adultes visant à accroître la production alimentaire. Les agriculteurs en ont retiré de multiples avantages: la plupart ont réduit ou supprimé les pesticides, sans que le rendement en riz ait diminué, d'où une baisse de leurs coûts de production; ils élèvent dans les rizières des poissons, qui sont une nouvelle source de protéines et de revenus, et cultivent des légumes sur les diguettes des rizières. Grâce à ce système, les 150 000 ménages participants sont à présent sûrs de manger à leur faim tout au long de l'année.

Cas 21. Avantages pour la santé et la nutrition des enfants au Kenya

L'ABLH (association pour une meilleure exploitation des terres) s'occupe de promouvoir des méthodes d'agriculture écologique peu coûteuses et propres à réduire la pauvreté, à améliorer les moyens d'existence des ruraux et à relancer les économies rurales. L'approche a reçu le nom d' « investissement voisin de zéro » et repose sur le principe que les familles rurales pauvres n'ont pas les moyens financiers d'investir pour améliorer leurs exploitations. Il leur faut donc trouver le moyen d'améliorer leur productivité et leur revenu en utilisant au mieux les ressources humaines et financières disponibles. Le double labour des plate-bandes avec enfouissage de compost, d'engrais vert et de fumier, améliore le sol. Ces plate-bandes, qui ont une bonne capacité de rétention d'eau et une teneur en matière organique plus élevée, sont plus productives, plus diversifiées et ont les éléments nécessaires pour que des légumes puissent y pousser tout au long de la saison sèche. Après cet investissement, il ne reste plus grand chose à faire pendant les deux à trois ans qui suivent. De nombreux légumes et fruits sont cultivés, notamment des choux fourragers, des oignons, des tomates, des choux, des fruits de la passion, des pois cajan, des épinards, des piments, des haricots verts et du soja.

Des groupes d'auto-assistance ont noté que la sécurité alimentaire de leurs familles s'était nettement améliorée depuis l'adoption de l'agriculture écologique. Avant, ils devaient dépenser de l'argent, lorsqu'ils étaient à court d'aliments pendant la saison sèche, pour acheter du maïs et des légumes. Il leur fallait pour cela trouver des emplois rémunérés, compter sur les envois de fonds des membres de la famille travaillant ailleurs dans le pays, ou vendre des cultures de rapport, et ce juste au moment où les prix des produits alimentaires étaient élevés et ceux de la main-d'oeuvre et des cultures de rapport bas. Beaucoup étaient aussi tributaires d'aliments sauvages ramassés dans les forêts. Mais, à présent, les familles ont constaté qu'en travaillant davantage sur leurs propres fermes au lieu de travailler chez les autres en échange d'un salaire, elles gagnaient davantage. Elles ont aussi noté que si elles investissaient dans le capital naturel sur leur propres fermes, la production alimentaire rapportait plus d'argent. Les membres du groupe ont pratiquement cessé de prendre des emplois occasionnels ailleurs. Les enfants ont été les principaux bénéficiaires: ils sont en meilleure santé parce qu'ils consomment davantage de légumes et parce que les disponibilités alimentaires sont adéquates pendant de plus longues périodes. Selon une étude portant sur 26 communautés dans huit districts, 75% des ménages mangent maintenant à leur faim tout au long de l'année, et la proportion de ménages qui achètent des légumes est tombée de 85% à 11%.

Cas 22. Formation professionnelle dans les zones rurales (Centres de formation rurale), Iles Salomon, Région du Pacifique Sud

Les Iles Salomon sont un archipel de quelque 900 îles, pour la plupart difficilement accessibles et dotées de services et de ressources limités. Les communautés rurales ont longtemps vécu de l'agriculture de subsistance, des pêches artisanales, de l'exploitation des forêts et du commerce avec d'autres communautés. L'expansion de l'économie monétaire et l'exploitation accrue des ressources naturelles (cultures de rapport, bois, thon) par des entrepreneurs non résidents a renforcé l'exode rural et aggravé le retard de développement des ruraux et les conflits sociaux. Le manque de services de crédit, d'équipement, de matériels et de qualifications techniques a entravé le développement des initiatives des petits exploitants et des entreprises rurales. Au début des années 90, une trentaine d'associations, appelées Centres de formation rurale (CFR), se sont spontanément formées, sur la base de relations communautaires, culturelles et/ou religieuses. Leur rôle principal était de fournir des avis, une assistance technique, une formation professionnelle et un accès au crédit.

Les 30 CFR (plus d'autres, qui ont adhéré à l'association durant la mise en oeuvre du projet) ont soutenu de 10 à 30 initiatives dans leur domaine de compétence. Quelques stagiaires sont eux-mêmes devenus des formateurs, employés à temps partiel dans les CFR. De nouveaux services et itinéraires commerciaux ont été établis dans les zones de production, ce qui a créé de nouveaux emplois. Des filiales de la Banque de développement ont été créées dans des provinces particulièrement dynamiques. Les impacts clés sont les suivants:

Cas 23. Le caractère multifonctionnel des systèmes rizi-piscicoles est bénéfique pour la santé en Chine

La rizi-pisciculture est avantageuse à bien des égards pour les ménages, les économies et les environnements ruraux. Aujourd'hui, 136 000 hectares seulement sur les 21 millions d'hectares de rizières irriguées existant en Asie du Sud-Est, sont utilisés pour l'aquaculture. La province de Jiangsu, en Chine, possède plus de 30 millions de mu (2 m ha) de rizières, dont un tiers se prêtent à la rizi-pisciculture. Les responsables de la province ont élaboré au milieu des années 90 le Projet de vulgarisation de techniques de rizi-pisciculture à grande échelle, à haut rendement et à haute efficacité, qui avait plusieurs fonctions: développer la rizi-pisciculture, tout en réaménageant et en améliorant les rizières et les étangs peu productifs et les terres agricoles engorgées d'eau, en vue d'accroître la production alimentaire et les revenus, de promouvoir l'économie rurale et d'enrichir les paysans.

Grâce à ce projet, dans la province de Jiangsu, la surface sous rizi-pisciculture est passée de quelque 5 000 ha en 1994, à 68 973 hectares en 1997. En outre, la surface consacrée à la riziculture et à l'élevage de crabes est passée à 36 113 ha, alors que celle exploitée pour la culture de riz et de crevettes a atteint 13 867 hectares. La rentabilité économique de la rizi-pisciculture est exceptionnelle. En 1997, les profits d'un établissement rizi-piscicole étaient 2,86 fois supérieurs à ceux d'une exploitation pratiquant le monoculture de riz. Les systèmes rizi-piscicoles sont peu coûteux et rapportent rapidement. Avec une production de 50 kg de poisson par mu, ils fournissent une source supplémentaire d'aliments et de revenus dans les zones rurales.

Les systèmes agricoles intégrés de riziculture et d'aquaculture préservent aussi l'équilibre écologique des écosystèmes rizicoles. L'environnement rural peut être amélioré par l'adoption d'un type d'agriculture non polluant - or l'emploi de produits agro-chimiques est considérablement réduit. La rizi/pisciculture aide aussi à éliminer les larves de moustiques nuisibles pour la santé humaine. L'encéphalite japonaise et la malaria sont transmis par des moustiques qui prolifèrent dans une large zone d'Asie, et pour prévenir ces maladies, la seule solution est de mieux manipuler l'environnement pour empêcher les moustiques de se reproduire dans les rizières. Or les systèmes rizi-piscicoles permettent de bien contrôler l'incidence des moustiques. Dans le comté de Quanzhou, l'incidence de la malaria a considérablement diminué, de 11,6/100 000 à 0,1/100 000, une baisse probablement due en partie à une brusque expansion des superficies exploitées pour la rizi-pisciculture, passées de 0% à 43 pour cent, en dix ans.

Cas 24. Développement agricole et communautaire dans la région des Appalaches, en Virginie-Occidentale (États-Unis)

Bien qu'il se fonde sur une approche communautaire, ce cas illustre divers aspects des multiples fonctions de l'agriculture. La Fondation Lightstone a été fondée en 1986 en tant qu'organisation pédagogique à but non lucratif. Sa mission est de servir de centre régional d'enseignement et de démonstration, pour la pratique et le soutien d'une agriculture familiale durable, la gestion des ressources naturelles et le développement rural dicté par les communautés. Ses activités se répartissent sur quatre programmes: Les régisseurs du futur, le Centre agricole modèle, le Programme relatif aux systèmes alimentaires communautaires et un Programme de développement économique communautaire.

Le programme "Régisseurs du futur" est un programme de formation expérientielle, d'apprentissage rémunéré et d'apprentissage de la direction de projets communautaires, qui s'adresse à des étudiants en gestion des ressources naturelles et humaines des établissements du second degré et des collèges. Ce programme a trois grands volets: formation (ateliers de formation expérientielle intensifs de quatre à dix jours, se déroulant à la Fondation Lightstone, sur: l'agriculture durable, le recyclage, la gestion des ressources naturelles, le développement des aptitudes au commandement et à la communication); apprentissage rémunéré auprès d'exploitations agricoles, de petites entreprises et de prestataires de services établis dans la communauté de résidence des étudiants et pratiquant la gestion des ressources naturelles et humaines; direction de projets communautaires (les étudiants poursuivent leur apprentissage en organisant et en dirigeant des projets de services communautaires, pendant l'année scolaire).

Le Centre agricole modèle est une exploitation certifiée biologique de 562 acres, située en amont du fleuve Potomac dans le comté de Pendleton, en Virginie- Occidentale, ayant pour vocation de démontrer des pratiques agricoles durables, des techniques de régénération des terres humides, d'éco et d'agro-foresterie et d'agriculture communautaire. La ferme de Lightstone démontre les principes suivants: diversité des cultures, des pâturages, de l'élevage, des terres humides et des forêts; équilibre entre l'écosystème naturel et les besoins de la faune et de la flore sauvages, des animaux d'élevage et des populations humaines; succession des espèces indigènes sur les terres humides, des plantes cultivées sur les terres arables et des animaux d'élevage, par rotation; interdépendance entre la ferme et l'ensemble de la communauté; plantes et animaux sauvages et domestiques; régénération des terres humides, des prairies de montagne et des forêts; et durabilité, au moyen d'activités écologiquement rationnelles, socialement acceptables et économiquement viables. L'un des principaux objectifs du centre agricole modèle de Lightstone est de dispenser un enseignement expérientiel à des jeunes et à des adultes dans les domaines de la protection et de la remise en état des bassins versants, des systèmes d'exploitation intégrés, des activités de transformation et de commercialisation des produits alimentaires qui créent de la valeur ajoutée, de l'éco-foresterie et de l'agro-foresterie.

Le programme relatif aux Systèmes alimentaires communautaires fournit un appui technique et financier à un réseau coopératif de commercialisation des produits de divers types d'exploitations agricoles, qui crée des marchés pour des denrées de production locale et facilite l'accès à une nourriture saine. Le centre de Lightstone fournit un appui technique et financier à un réseau coopératif de commercialisation des produits de divers types d'exploitations agricoles. Sur la base des informations dont il dispose, d'études sur le développement des marchés et de démonstrations en champs, le Centre de Lightstone identifie des marchés potentiels et démontre la faisabilité de différents modèles de production pour diverses cultures spécifiques.

Enfin, la LCDC, ou Société de développement communautaire de Lightstone, a été établie en 1994 pour créer et maintenir des emplois dans les montagnes du Potomac, en fournissant une assistance technique et financière aux communautés rurales comprenant une fort pourcentage de familles à faible revenu. Entre autres activités, la LCDC consent des micro-prêts à des entreprises durables, qui soutiennent les marchés agricoles de la zone et appuient les efforts de recyclage locaux.

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L'examen de la fonction sociale de l'agriculture et des terres recouvre de multiples domaines, notamment l'organisation humaine, les mécanismes d'action collective, le développement du capital humain, les technologies appropriées et le savoir local et la gestion collective. Les cas qui précèdent illustrent les points suivants:

3.3 LA CONFÉRENCE ÉLECTRONIQUE

Les principales conclusions de la Conférence électronique et de l'opération de « balayage » qui l'ont précédée ont été les suivantes:

3.4 ETABLISSEMENT DES RAPPORTS DESTINÉS À LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE (CDD)

Une analyse des rapports des pays destinés à la CDD a mis en évidence la contribution des multiples fonctions de l'agriculture et des terres à la sécurité alimentaire, à l'amélioration des politiques et institutions; au développement économique; à la lutte contre la pauvreté et à l'équité; à la cohésion sociale et à la protection, à la régénération, à la remise en état et à l'amélioration de l'environnement. Les rapports avaient avant tous pour objet de donner des indications sur les progrès accomplis en matière de développement durable.

Les rapports des pays semblent indiquer que la majorité des pays en développement doivent encore effectuer des études sectorielles et macro-économiques conformes à l'esprit de l'ADRD. Il est rare que l'on fasse pression à l'intérieur des pays pour obtenir des produits alimentaires de qualité, mais des pressions externes sont exercées, par le biais du commerce international. Peu de pays commencent à s'attaquer aux problèmes écologiques liés à l'alimentation et à l'agriculture, notamment en préparant des Plans d'action nationaux pour l'environnement (PANE) avec l'aide d'organisations internationales. Les PANE sont centrés sur la base de ressources mais comprennent aussi d'autres volets, comme la gestion intégrée des sols, les ressources en eau et la nutrition des plantes, la formation à la protection intégrée contre les ravageurs, le suivi et la formation concernant l'agriculture durable et les activités de protection agro-environnementale, sur le terrain. Ces PANE n'intègrent pas toujours des politiques environnementales dans la planification économique, mais ils ont contribué à faire mieux comprendre les besoins, pour résoudre les problèmes environnementaux dans les pays.

Pour ce qui est des principales questions et des lacunes identifiées, l'avancement inégal de la mise en oeuvre de l'ADRD s'explique principalement par les raisons suivantes:

Des pressions, venant de diverses sources, sont exercées sur de nombreux pays en développement pour qu'ils examinent leurs politiques, plans et programmes agricoles, aux niveaux tant sectoriel que macro-économique, en vue de déterminer leurs conséquences pour le développement durable et la sécurité alimentaire. Cependant, d'une manière générale, ces pays n'ont ni les capacités institutionnelles ni les ressources humaines voulues pour évaluer les conséquences de leurs plans de développement sur le développement agricole et rural durable. Ces capacités sont d'autant plus limitées qu'ils doivent répondre à de multiples demandes, non coordonnées etfaisant double emploi, concernant des analyses et des plans de protection de l'environnement et de développement durable. Ceci les conduit souvent à prendre des mesures autoritairement, sur une base non participative, et à considérer le plan plus comme un document, que comme un processus permettant de faire avancer l'agriculture et le développement rural sur une voie durable.

La nécessité de restructurer de fond en comble les secteurs agricoles a été une grande préoccupation des pays en transition. L'introduction et le développement de mécanismes du marché a complètement altéré les relations entre les prix des intrants et ceux des produits. La réforme des politiques agricoles et environnementales a cependant fait de grands pas en avant, notamment grâce à l´adoption de mesures en rapport direct avec l'utilisation rationnelle des ressources naturelles et avec des considérations environnementales comme la protection des sols et des eaux. Des politiques de retrait des terres marginales de la production ont été introduites.

Les rapports des pays à la CDD ne mentionnent guère la contribution de l'agriculture à la sécurité alimentaire, ce qui est assez surprenant, vu la désorganisation des approvisionnements alimentaires consécutive à l'effondrement des anciens systèmes de production et de commercialisation. De même, ils ne disent pratiquement rien sur l'amélioration des politiques et des institutions, la réduction de la pauvreté et l'équité, la cohésion sociale et les sciences, les technologies et l'éducation. En revanche, plusieurs rapports de pays accordent une très grande attention à la création des conditions qui permettront à l'agriculture et aux terres de contribuer au développement économique, par exemple par la privatisation des terres. Dans le domaine de la protection/régénération/remise en état/amélioration de l'environnement, de nombreux pays font état de stratégies d'appui à l'ADRD. Les sols sont souvent fortement contaminés ou dégradés à cause des anciennes pratiques agricoles et industrielles, et des mesures sont prises pour les régénérer. Les contributions à la gestion des terres tiennent également une bonne place dans les rapports, sans doute parce que cette question constitue une section à part.

En plus des rapports de pays, plusieurs études régionales, également préparées dans le contexte de l'ADRD, couvraient des sujets en rapport avec le caractère multifonctionnel de l'agriculture et des terres. Parmi ces études, une était consacrée aux petits Etats insulaires en développement, et une autre aux pays de l'OCDE.

Les petits Etats insulaires en développement (PEID) ont fini par prendre conscience des menaces qui pèsent sur eux, du fait de leur isolement physique et humain, et de leur exposition relativement récente à l'échange de biens et de personnes, tant aux plans écologique que génétique et socio-culturel. L'introduction d'espèces végétales et animales exotiques peut altérer de manière irréversible la diversité biologique et agricole, et ce à un degré beaucoup plus élevé que sur les continents. Les PEID sont de plus en plus conscients des risques d'ordre économique et écologique associés à la mono-culture. La compétition pour la terre, la pression démographique et l'urbanisation suscitent des préoccupations croissantes dans ces pays, notamment dans le contexte de l'évacuation des déchets. L'agriculture, et en particulier la qualité des produits alimentaires, peut être pénalisée par une mauvaise gestion des déchets et être elle-même une source de pollution. Diverses mesures peuvent être adoptées pour rendre l'environnement plus sain, notamment: la réduction des doses de produits agro-chimiques, le traitement et le recyclage appropriés des déchets animaux pour la fertilisation et la production de biogaz, et le recyclage des déchets organiques domestiques pour en faire du compost utilisable dans les champs et les jardins potagers.

L'agriculture, les produits alimentaires et le paysage rural sont de plus en plus reconnus comme des éléments du patrimoine culturel et comme des actifs qui peuvent être aussi intéressants que les ressources côtières et maritimes (ex: épices à Zanzibar, plantations de tabac à Cuba)). La prise de conscience des effets du tourisme de masse sur les valeurs culturelles traditionnelles et sur la structure de la consommation s'accroît et l'on comprend que seule une approche multisectorielle et intégrée peut aider à définir la capacité de tolérance des terres exploitées à des fins agricoles et autres. Compte tenu de ces problèmes pressants et de leurs ressources humaines et capacités institutionnelles trop limitées pour atteindre les objectifs convenus au niveau international, les PEID ont renforcé, avec l'appui de donateurs, la coopération régionale et sub-régionale dans des domaines liés au développement durable, par l'intermédiaire d'organisations intergouvernementales permanentes, telles que le Forum du Pacifique Sud, la Commission du Pacifique Sud (CPS), la Commission de l'océan Indien et la CARICOM (Caraïbes).

Les pays de l'OCDE qui ont fait rapport à la CDD n´ont guère abordé les thèmes de la sécurité alimentaire, du développement économique, de la lutte contre la pauvreté et de l'équité, et de la science, des technologies et des connaissances. Le fait qu'aucun pays de l'OCDE ne se soit référé de façon spécifique à la sécurité alimentaire s'explique probablement par le niveau de vie aisé de la population, mais quelques pays ont fait état du rôle croissant de la production d'aliments biologiques, et de l'appui à ce type d'agriculture. Les contributions au développement économique ne sont pratiquement pas mentionnées, sans doute à cause de la contribution relativement faible du secteur agricole au PIB et du peu d'attention accordé au développement rural dans les rapports des pays. La réduction de la pauvreté et l'équité ont été mentionnés par l'Australie, à propos de circonstances exceptionnelles (comme la sécheresse), par l'Autriche (par exemple à propos des programmes spéciaux en faveur des agriculteurs de montagne), ainsi que par la Norvège, qui encourage la représentation équitable des hommes et des femmes dans les processus décisionnels, dans le secteur agricole. L'Autriche, le Canada, l'Allemagne, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les États-Unis ont mentionné dans une certaine mesure les problèmes liés à la science, aux technologies et à l'éducation.

La majorité des pays de l'OCDE font à présent valoir que le concept de durabilité est le fondement de leurs politiques agricoles et qu'ils ont revu leurs politiques et leur législation, ces dernières années, pour les mettre en conformité avec les objectifs du programme Action 21. Pour les pays membres de l'UE, ce revirement a probablement été dicté par les Directives de l'UE concernant les mesures agro-environnementales. Plusieurs pays soutiennent l' ADRD, mais ne parlent pas du développement rural dans leurs rapports. Diverses dimensions de la cohésion sociale sont abordées, notamment la participation des parties prenantes, l'éducation et la formation à l'environnement, et la participation communautaire. Un grand nombre de pays ont des activités de protection/régénération/remise en état/amélioration de l'environnement. En outre, une assez large place a été faite à l'amélioration des ressources en terres, la plupart des gouvernements signalant une augmentation des activités dans ce domaine. Toutefois, ceci est peut-être dû au fait que la gestion des terres constituait une section à part dans les rapports destinés à la CDD.

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