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ANNEXE 3: ETUDES DE CAS - AMÉRIQUE LATINE

A3.1 Etude de cas No 9: projet de développement de la forêt tropicale humide en Honduras


A3.1.1 Le contexte

Du fait de la situation préoccupante en matière d'exploitation forestière des ressources naturelles en Honduras, depuis 1988 différentes activités ont été réalisées dans les zones boisées de la côte atlantique du pays (plus précisément dans la chaîne de montagne Nombre de Dios). L'organisme national d'exécution en était la Corporation hondurienne de Développement Forestier (COHDEFOR), assistée par deux institutions coexécutrices (Secrétariat des Ressources Naturelles, SRN et l'Institut National Agraire, INA). L'Agence Canadienne de Développement International (ACDI) assurait l'appui technique et financier et sélectionna le consortium Pringle-Roche comme agence canadienne d'exécution (ACE). Le PDBL (Projet de Développement de la Forêt Feuillue) visait l'exploitation durable des ressources naturelles en faisant participer étroitement les populations rurales locales. Durant cette période, des activités très diverses, reliées à l'aménagement forestier et à l'agroforesterie, ont été promues et réalisées dans le but d'améliorer les conditions de vie des populations à travers l'exploitation et l'aménagement autogéré des ressources. La population bénéficiaire est principalement composée de scieurs de long, de femmes et d'agriculteurs indépendants.

Les objectifs principaux qui ont orienté la mise en _uvre de ce projet de développement de la forêt feuillue étaient:

· La réduction du taux de déboisement de la forêt feuillue par la promotion de l'aménagement de forêts communales et l'emploi de techniques agroforestières favorisant la hausse des rendements, la stabilisation du paysan sur ses terres et l'amélioration de la qualité de vie de la famille rurale.

· Le renforcement institutionnel des organisations honduriennes impliquées dans la protection et la conservation des ressources naturelles.

Les stratégies d'intervention étaient:

· Le concept des Aires d'Aménagement Intégré (AMI au nombre de dix).

· L'implication des populations dans les activités de protection et d'aménagement intégré.

· L'usufruit aux bénéficiaires.

Remarque: une AMI se définit comme un bassin hydrographique qui possède au moins 50% de sa superficie recouverte de forêt. Elles sont caractérisées par des pentes supérieures à 30% et par une population de 100 à 500 familles d'agriculteurs ou de scieurs de long.

A3.1.2 Les différentes composantes du projet

Aménagement forestier. Il s'agit de garantir la gestion durable de la forêt par l'exécution des plans d'aménagement forestier, la promotion de l'exploitation rationnelle et la commercialisation des espèces ligneuses non traditionnelles. La participation de la population est favorisée et repose sur l'organisation, la formation et la consolidation des groupes de scieurs de long. Afin de faire prendre conscience du potentiel et de la valeur de la ressource ligneuse, des contrats d'usufruit signés avec l'Etat ont été élaborés, qui donnent aux groupes de producteurs la possibilité d'aménager et d'exploiter les zones boisées situées en bordure de leurs communautés. Par le biais de ce contrat, les usagers s'engagent à respecter les normes de gestion, à protéger les massifs, à reboiser les aires exploitées ainsi qu'à participer au Fonds d'Aménagement Forestier qui garantit la reconstitution des aires exploitées. Ce fonds est constitué par 50% des droits d'exploitation payés à l'Etat et de différentes contributions apportées par les bénéficiaires des opérations de sciage manuel. Les efforts se sont concentrés sur l'organisation et la formation des membres des groupements de scieurs afin d'améliorer les niveaux de production et de productivité, ainsi que sur la sensibilisation des communautés limitrophes à la gestion durable de leurs ressources.

Développement agroforestier. Il s'agit de contribuer à réduire le taux de destruction de la forêt tropicale humide par la promotion et le transfert de pratiques agroforestières qui augmentent la production, sédentarisent le paysan sur sa ferme et améliorent la qualité de vie de la famille rurale. Durant trois ans (1988-1991), les activités agroforestières se sont centrées sur la reconnaissance des zones d'intervention, leur diagnostic et la promotion générale des activités du projet. Les trois années suivantes ont été marquées par une phase plus opérationnelle dont les objectifs principaux étaient le transfert de technologies et la formation des bénéficiaires.

A3.1.3 Des résultats positifs

Le développement dans toute la zone d'influence du projet, d'un processus de concertation et de coordination des actions axées sur la conservation et l'aménagement des ressources naturelles a été réalisé (institutions gouvernementales, les municipalités, les associations non gouvernementales, les entreprises privées et les institutions d'enseignement).

En ce qui concerne l'aménagement forestier, le projet a réalisé des inventaires forestiers et un manuel de dendrologie de plus de cent cinquante espèces a été publié. Des modèles d'aménagement forestier ont été mis en place, ainsi que des travaux de recherche en matière de dynamique forestière (plantation d'enrichissement, diamètres minimaux de coupe, utilisations d'espèces moins connues, etc.). Mais un des apports les plus significatifs du projet pour assurer l'application et le suivi des plans d'aménagement forestier, est la création du fonds d'aménagement forestier. Considéré comme un support économique à l'aménagement durable de la forêt, il est appliqué depuis octobre 1994 et a été bien accepté. Le projet a ainsi introduit de nouveaux systèmes de production sans recours à des sources extérieurs de crédit. Les groupes de scieurs de long élaborent maintenant des stratégies de protection et de conservation. De plus, la mise en application d'un ensemble de techniques en aménagement forestier et agroforesterie adaptées aux pentes fortes des régions tropicales humides est effective au sein de ce programme.

En ce qui concerne le développement agroforestier, une banque de germoplasme a été créée afin de diversifier les systèmes de culture. Les rendements des espèces céréalières de base ont été augmentés grâce à la sélection de semences adaptées et améliorées. Des cultures semi-permanentes et permanentes ont été introduites ainsi que des systèmes agro-sylvo-pastoraux, et la production a été diversifiée (arbres à usages multiples, arbres fruitiers, plantation d'espèces fourragères, etc.). Les agriculteurs appliquent maintenant des technologies adaptées aux conditions environnantes (socio-économiques et physiques). Les systèmes traditionnels de culture migratoires sur brûlis sont progressivement abandonnés au profit d'agriculture semi-pérenne et pérenne.

Les activités de promotion et d'extension ont été fondamentales pour l'intégration de la population bénéficiaire aux activités de gestion de la forêt et pour l'implication des institutions publiques et privées. Ces activités avaient pour but d'orienter et d'éduquer ces familles bénéficiaires sur les actions menées par le projet. La femme a été intégrée aux projets de production via des regroupements et la création de micro-entreprises. Pour favoriser l'adoption des techniques promues par les groupes de scieurs, d'agriculteurs et de femmes, le projet a considéré comme important la mise en place d'une forme d'appui financier pour l'acquisition d'outils, d'équipements et de matériel (fonds rotatoires autogérés par les groupes de bénéficiaires). De plus, les communautés bénéficiaires ont été appuyées pour la construction et la réhabilitation d'infrastructures. Afin d'améliorer les processus de communication et de diffusion technologiques, différentes campagnes de promotion ont été menées (presse écrite, radio locale, etc.).

A3.1.4 Les problèmes rencontrés

Ce sont surtout des contraintes d'ordre politique et socio-économique qui sont susceptibles d'entraver la bonne marche du programme: absence de volonté politique ferme de la part des institutions publiques et des municipalités, coordination déficiente entre les institutions gouvernementales responsables de l'exécution des lois des secteurs forestiers et agraires, impossibilité d'obtenir la légalisation du plein droit d'usufruit sur des terres de l'Etat défrichées à vocation forestière, migration incontrôlée et une tradition ancrée pour la pratique de l'élevage extensif et de l'agriculture itinérante de subsistance sur brûlis (voir COHDEFOR et al, 1995).

A3.2 Etude de cas No 10: projet sylvicole d'aménagement de la forêt domaniale Alexander Von Humboldt (Pérou)


A3.2.1 Le contexte

La forêt domaniale Alexander von Humboldt se situe dans la zone amazonienne de Pucallpa au Pérou. En 1965, le Gouvernement péruvien a confié la gestion de cette forêt de production exclusivement à l'Etat. Cette clause a été modifiée durant les années 80 et des concessions d'exploitation ont été concédées à trois sociétés privées qui exploitent aujourd'hui 80,000 ha. Cette forêt, initialement d'une superficie de 645,000 hectares, a subi d'importantes dégradations au cours des trente dernières années du fait de coupes illégales et d'essartages pour l'agriculture de subsistance. De ce fait, sa superficie a été ramenée à 470,000 ha. Divers projets y ont eu lieu (FAO, JICA, etc.), seul l'actuel est ici présenté.

A3.2.2 Les différentes composantes du projet

Le projet d'aménagement de cette forêt a pour objectif principal de mettre en _uvre un aménagement durable de 138,000 ha dont 75% de sa surface pour la production de bois, et 25% pour la protection de la faune sylvestre, la production de semences, la conservation de la diversité génétique et, dans certains cas, la protection des sols et des eaux. Ce projet bénéficie de l'appui financier de l'OIBT et du Gouvernement péruvien.

Les principales orientations sont:

· La conception d'un plan de gestion efficace.

· Le prélèvement d'un plus grand nombre d'essences à bois d'_uvre.

· La stimulation de la régénération forestière.

· L'amélioration du niveau socio-économique des communautés rurales.

Le plan d'aménagement. Le plan d'aménagement est fondé sur l'établissement de relations de complémentarité entre le secteur public et le secteur privé. En effet, le projet envisage la vente des arbres sur pied aux enchères devant notaire public en parcelles de coupe de 200 à 400 hectares, le prix étant établi en fonction de ceux du marché local (taxes fixées par l'Etat incluses destinées au reboisement). L'acheteur obtient de la sorte le droit d'extraire les arbres dans un délai de deux ans. Le projet assure les conditions permettant aux entreprises privées d'exécuter des travaux de récolte selon les normes fixées par la Direction des forêts. Ainsi, des investissements ont été consacrés à l'aménagement d'un réseau routier, à l'élaboration de plans pour les pistes de débusquage et à des inventaires toutes essences ligneuses commerciales et potentiellement commerciales incluses.

Grâce aux produits de la vente des arbres sur pied, le projet doit pouvoir faire face au paiement des coûts des opérations sylvicoles, de la surveillance de la forêt, de la conception et de la construction de routes et ainsi s'autofinancer à long terme.

Le modèle sylvicole. Le système de récolte repose sur une rotation de soixante ans. Le programme sylvicole consiste essentiellement à enrichir les forêts par des plantations en ligne et des traitements de régénération naturelle issus de recherches dans des placettes d'échantillonnage. Des traitements sont aussi appliqués dans les zones dégradées. Une pépinière a été créée où sont élevés des plans d'essences précieuses. Plus de 308 espèces ligneuses ont été identifiées dans cette forêt dont 25 sont considérées comme la principale base commerciale de ressource exploitable dans le cadre de l'aménagement durable de cette zone.

Amélioration socio-économique. Un certain nombre d'activités périphériques sont venues s'insérer dans le projet permettant d'ouvrir des possibilités de ressources pour les populations locales. En effet, du fait du coût des transports routiers, seules les essences de grande valeur (Swietenia, Cedrela, etc.) sont acheminées à Pucallpa pour y être transformées. Après récolte, il reste alors dans la forêt quantité de résidus ligneux et par exemple, ceux-ci sont sciés en forêt puis vendus en bord de route directement au négociant. Ces sciages alimentent plusieurs petites fabriques de meubles. Le projet a également encouragé la production de charbon de bois directement produit en forêt (fours portables) puis vendu en bord de route. Les branches des essences commerciales laissées sur place servent à la fabrication d'éléments de parquet dans plusieurs usines développées le long des axes routiers voisins. Jusqu'à présent le projet a créé prés de 500 emplois au sein de la population locale de façon directe ou indirecte. Afin d'offrir la possibilité à la population locale de prendre une part active au plan d'aménagement de la forêt, un avant-projet est en cours afin d'orienter l'intérêt de ces populations vers une production forestière permanente (agroforesterie, produits forestiers non ligneux, gestion des forêts secondaires, etc.).

A3.2.3 Les contraintes

Un problème s'est présenté pour la vente du bois sur pied. En effet, les entreprises contractantes n'ont pas effectivement prélevé la totalité du volume spécifié dans les offres du fait de deux causes principales:

· La chute du marché du bois dans les années 90.

· L'instabilité politique qui a entraîné l'arrêt d'un grand nombre d'entreprises forestières.

Ce n'est que ces dernières années que la confiance s'est lentement rétablie et que les activités ont repris. Ces circonstances ont eu pour effet d'inciter les exploitants à être très sélectifs dans leurs prélèvements de bois en ne choisissant que les essences précieuses. Il en a résulté que les recettes attendues par la vente de bois ont été très inférieures aux estimations.

Une des causes du déboisement à l'intérieur du périmètre forestier est l'afflux continu de migrants (majoritairement originaires des Andes) qui pratiquent une agriculture de subsistance et la culture de cacao. Bien entendu, les sols se dégradent facilement et ces nouveaux arrivants partent inévitablement défricher une nouvelle parcelle forestière pour assurer leur survie (voir Prebble et al, 1997; et Linares Bensimon, 1995).

A3.3 Etude de cas No 11: aménagement et conservation des forêts denses en Amérique tropicale - le projet pilote de Quintana Roo (Mexique)


A3.3.1 Le contexte

L'exploitation de la forêt (territoires nationaux et communaux sur un demi-million d'hectares) du Sud de l'Etat de Quintana Roo au Mexique était réalisée jusqu'en 1983 par une entreprise privée. L'extraction de 20,000 m3/an était alors réalisée de façon anarchique et ne concernait que quelques espèces commerciales connues. L'exploitation se déroulait sans intégrer le développement global de la région et sans réel contrôle. Avec le départ de l'entreprise concessionnaire, un "plan piloto forestal" a été mis en _uvre à la demande du gouverneur de l'Etat et grâce à l'action de l'ancien service de recherches forestières (INIF) appuyé par la Coopération allemande.

A3.3.2 Le projet

Le but initial de ce projet était d'éviter le déboisement lié à l'agriculture itinérante en aidant les communautés locales à exploiter les ressources ligneuses de leur terroir.

Les principaux objectifs ont été:

· l'organisation de la valorisation des produits;

· le développement de la production de l'unité de transformation existante;

· l'établissement de modèles d'utilisation des sols pour une production durable compatible avec un équilibre écologique; et

· l'intégration des populations locales regroupées en sociétés de producteurs forestiers des terrains communaux (création d'une dizaine "d'Ejidos").

Concrètement, l'aide a consisté à fournir l'équipement nécessaire aux Ejidos pour mener à bien l'exploitation forestière et assurer l'approvisionnement des unités de transformation existantes. Elle a aussi permis d'encadrer les actions des Ejidos grâce aux agents du SARH (Secretaria de Agricultura y de Recursos Hidraulicos).

Une partie de ce projet est consacré à la recherche forestière sur la dynamique de régénération du Mahogany (Swietenia macrophylla), espèce ligneuse caractéristique de ces formations forestières et aussi celle qui assure l'essentiel de la production de bois d'_uvre.

A3.3.3 Les résultats

Les points positifs. D'un point de vue technique, le projet s'est doté d'équipement d'exploitation, a établi des limites d'utilisation des sols, a procédé à des inventaires de possibilité de coupe, et a réalisé des reboisements. Une trésorerie a été constituée pour les Ejidos et la gamme des espèces exploitées a été élargie. L'une des principales réussites du projet a été de développer un processus d'entraide et surtout de confiance entre les différentes populations locales, ainsi qu'une professionnalisation en matière forestière au sein des Ejidos; sans oublier que le massif forestier a été préservé, ce qui est un réel succès.

Les contraintes. Les principales contraintes du point de vue technique restent les modalités d'exploitation, de débardage et de transport des grumes. De plus, le rythme actuel de prélèvement des espèces de valeur ne peut être maintenu sans élaboration d'interventions sylvicoles d'amélioration de la croissance des espèces exploitées, ce qui n'est malheureusement pas tout à fait le cas.

Le comportement du Swietenia macrophylla (Acajou, caoba ou Mahogany). Cette essence qui est exploitée commercialement depuis longtemps, ne ferait pas l'objet d'un prélèvement durable. En effet, de nombreuses données manquent quant à son taux de croissance et surtout à sa régénération etc. Tant que ces données ne seront pas effectivement précisées, ainsi que la reconstitution du potentiel en Swietenia, tout ne peut être que spéculation et le principe de précaution devrait ainsi être appliqué pour son exploitation. Les recherches sylvicoles doivent être poursuivies afin de définir les méthodes possibles de régénération naturelle. L'EMBRAPA mène dans l'Etat du Pará du Brésil un programme de recherche sur le Swietenia en plantation (en mélange avec Toona ciliata) mais surtout en forêt naturelle avec la nécessité de tester les grandes ouvertures de la canopée pour assurer la régénération et la reconstitution du potentiel de cette espèce. Il est aussi urgent de collecter les données de base par des inventaires détaillés afin de connaître les taux de croissance et de régénération de cette essence.

D'autres projets tel que celui de Chimanes en Bolivie sont aussi techniquement assujettis à la reconstitution du potentiel du Swietenia macrophylla et des autres Méliacées commerciales; et ceci, même si les vrais écueils sont d'ordre social, économiques, etc. (conflits entre acteurs).

Actuellement cette espèce fait l'objet de grands débats au sein de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacées d'extinction) pour son inclusion dans différentes annexes (III voire même II) correspondant à des degrés de plus en plus stricts de contrôle de son commerce international (voir FAO, 1992).

A3.4 Etude de cas No 12: aménagement de la forêt naturelle sur une petite échelle - le cas de l'Amazonie brésilienne


A3.4.1 Le contexte

En Amazonie brésilienne, la moitié de la superficie d'une propriété doit être en principe préservée en tant que réserve forestière officielle et ne peut pas être reconvertie pour l'agriculture (ce pourcentage a été récemment porté à 80% pour les grandes propriétés de plus de 1,000 hectares). Les seules exploitations économiques autorisées sur ces terres forestières sont l'exploitation des produits non ligneux et l'aménagement durable. Des recherches forestières menées par le CPAF-ACRE (Centre de Recherche Forestière de l'Etat de l'Acre) concernent la production de bois à petite échelle par les paysans de l'état de l'Acre sur cette partie de leurs terres. Ce projet propose un modèle pour la production de bois par les petits exploitants qui cherchent à créer des nouvelles sources de revenu familial en diversifiant les activités économiques du ménage tout en maintenant la structure de la biodiversité forestière. En effet, l'extraction du bois par de petits producteurs est une activité saisonnière qui leur permet de poursuivre d'autres activités (chasse, pêche, agriculture, etc.).

A3.4.2 Les concepts

Le projet est basé sur le principe selon lequel des perturbations à faible impact et à intervalles rapprochés, combinés à des traitements sylvicoles, permet de maintenir une forêt dont la structure et la biodiversité restent proches de celles de la forêt originelle. En terme technique, ce concept se traduit par de courtes rotations et des prélèvements réduits. Le rendement sur le long terme reste similaire à celui obtenu avec les systèmes "classiques" (rotations plus longues mais prélèvements plus importants).

Le deuxième principe concerne la régénération naturelle des espèces commerciales importantes. En effet, des impacts moins importants sur la structure de la forêt devraient entraîner une moindre concurrence avec les espèces pionnières, et donc favoriser un rendement plus net des essences désirables.

A3.4.3 Les différentes phases

La zone de réserve officielle de la propriété est considérée comme une unité de production pour la préparation et l'exécution d'un plan d'aménagement. Après un inventaire des ressources ligneuses, le nombre de coupes de récolte annuelles est déterminé selon deux règles:

· Le maximum de l'intensité de récolte à l'intérieur des parcelles est égal au total du volume commercialisable divisé par trois (trois rotations d'une dizaine d'années au lieu du système "classique" de 25-30 ans). Ceci permet de garantir les trois premières rotations du système d'aménagement, vu la tendance à introduire sur les marchés d'avenir les essences actuellement moins connues et moins prisées.

· Les règles de récolte sont basées sur une estimation prudente de rendement ligneux (1 m3/ha/an).

Les arbres sont ensuite coupés par abattage dirigé et le transports des sciages se fait par des animaux (b_ufs) afin de minimiser les dégâts infligés à la forêt. Les paysans se chargent des traitements sylvicoles ultérieurs à la récolte (délianage, dégagements, régénération artificielle, etc.).

Des placettes permanentes d'échantillonnage de la forêt aménagée permettent de suivre l'évolution sur le long terme de la composition floristique de la forêt, la croissance des arbres et la régénération naturelle.

A3.4.4 Résultats et incertitudes

L'aménagement forestier à petite échelle faisant intervenir les paysans donnent à ceux-ci la possibilité d'avoir une activité saisonnière en exploitant les réserves forestières de manière économique et durable. De plus, ce type de production préserve la forêt d'une conversion en terre pastorale ou agricole. Néanmoins, les rendements actuels restent très modérés afin de préserver de manière prudente la biodiversité forestière. Des informations supplémentaires sur l'adaptation de la forêt sont nécessaires pour maximiser les rendements. Le remembrement des parcelles de production en unités plus grandes par des accords de collectivité ou de coopération a facilité l'acquisition de nouveaux moyens techniques et a réduit les frais généraux (notamment ceux du transport). D'un point de vue technique, les résultats fiables concernant la structure de la forêt et les techniques d'exploitation à faible impact, sont à consolider.

Certains problèmes persistants tels que l'absence de contrôle sur le commerce du bois provenant de coupes illicites ou de forêts de réserve converties à l'agriculture, entraînent une forte concurrence avec le bois produit légalement. Il est nécessaire de consolider ce système sur grande échelle en modifiant la législation foncière et en prévoyant des moyens d'action pour appliquer ces changements.

Ce projet innovant, pour ce qui est des concepts, doit toutefois faire la preuve de sa durabilité dans un contexte difficile (voir Oliveira et al, 1998).

A3.5 Etude de cas No 13: aménagement, conservation et développement des mangroves au Panama


Ce projet, initié par l'OIBT en 1993, a surtout comme objectif principal de stopper la destruction des mangroves et de promouvoir un aménagement durable de cet écosystème. Ce projet présente une approche intégrée de l'aménagement des mangroves incluant de multiples facettes: recherche, développement rural, reforestation, production ligneuse. Il a été réalisé par l'INRENARE (Instituto de Recursos Naturales Renovables), qui a choisi trois sites principaux pour initier les activités du projet principalement axées sur la foresterie, la biologie, l'information géographique et le développement communautaire et politique.

A3.5.1 Reboisement et recherche forestière

Les recherches menées en matière d'aménagement durable de l'écosystème mangrove utilisent diverses méthodes: essais, interprétation de photos aériennes combinée avec des inventaires forestiers, parcelles permanentes, études phénologiques etc.

Le projet a obtenu des résultats concrets concernant l'établissement de cet écosystème via des essais de reforestation avec Rhizophora mangle avec un espacement de 1 m x 1 m.

Avec l'aide d'une coopérative de bassins aquacoles (crevettes), une zone, initialement occupée par une forêt mature de Rhizophora mangle, a été reboisée avec des plantules. Le fort taux de mortalité observé sur cette parcelle était probablement dû à des conditions de sol non favorables (fort taux de salinité).

A3.5.2 Etude de la biologie des mangroves

Quinze arbres ont été sélectionnés selon des critères morphologiques pour des études phénologiques (floraison, fructification, production et viabilité des graines, potentiel germinatif). Cette étude est réalisée sur différentes espèces aux caractéristiques différentes. Pour cela, le projet travaille avec la collaboration de l'Université du Panama, l'institut Smithsonian et l'ANCON (Association for the Conservation of Nature). Une identification des différentes espèces végétales et animales associées à l'écosystème mangrove doit être réalisée grâce à cette collaboration.

A3.5.3 Informations géographiques

Afin d'effectuer une classification des caractéristiques biologiques et physiques des mangroves, une cartographie de ces écosystèmes a été réalisée par photo-interprétation de deux sites, complétée par des observations sur le terrain. Des bases cartographiques ont ainsi été réalisées à l'échelle 1/30 000e. Le projet doit dans l'avenir développer des systèmes d'informations géographiques (GIS) pour estimer d'autres paramètres biologiques et physiques.

A3.5.4 Participation de la population locale

Une discussion a été entamée avec les exploitants de bois énergie pour essayer de réguler l'exploitation des mangroves. Par ailleurs, une coopération a été établie avec les producteurs de charbon de bois en matière de reboisement des mangroves.

En ce qui concerne la production de tanin, les exploitants paient dorénavant une taxe pour chaque arbre coupé (préalablement identifié et approuvé par un technicien de l'INRENARE) pour l'extraction de l'écorce. Ceci permet à l'institut de contrôler le volume exploité.

Les aquaculteurs, quant à eux, participent à la restauration et à la conservation de cet écosystème le long et autour de leurs bassins d'élevage de crevettes.

Des études complémentaires sont actuellement menées afin de régénérer les mangroves. Par exemple, des essais de plantations intensives ou d'agroforêts, pour satisfaire les besoins en bois-énergie et en tanins sont menées avec différentes espèces locales ou introduites.

En coopération avec la télévision locale, un documentaire télévisé de trente minutes a été réalisé sur l'état des mangroves panaméennes, pour une diffusion nationale. Il sert aussi de support d'information pour le projet et pour diverses ONG.

A3.5.5 Proposition d'une commission nationale des mangroves

L'INRENARE et l'IUCN ont rédigé un document afin d'établir une commission nationale des mangroves, définissant le rôle de chaque institution impliquée, ainsi que les directives et les politiques concernant l'aménagement durable de cet écosystème. De plus, le projet est responsable de la rédaction des principes généraux de l'aménagement des mangroves au niveau international.

A3.5.6 Résultats et incertitudes

Ce projet utilise une approche intégrée qui inclut tous les facteurs-clé pouvant affecter l'écosystème mangrove au Panama. D'un point de vue technique et scientifique, il a permis d'améliorer la connaissance générale en matière de techniques de régénération artificielle des mangroves et de cartographier deux sites à mangrove, qui sont jusqu'à présent les plus complets concernant cet écosystème sur le territoire panaméen. Néanmoins certains points dans ce domaine restent à développer, notamment sur l'insuffisance de techniques économes et d'équipements appropriés pour la production de tanin.

D'un point de vue socio-économique, les principales contraintes concernent l'exploitation pour le bois de feu. En effet, les industries pourraient utiliser une autre source d'énergie, mais ce type d'exploitation reste la production principale des plus pauvres qui en sont économiquement dépendants. La commercialisation des productions issues des mangroves est l'une des clés d'intéressement de la population locale à l'aménagement durable de cet écosystème. En effet, la plupart des récoltants vendent leurs produits à des intermédiaires à un prix très bas, alors que ces derniers réalisent des profits non négligeables. Si tous les utilisateurs de cet écosystème s'organisaient pour vendre leurs produits directement au consommateur, ils pourraient augmenter leurs revenus et par conséquent, diminuer (en théorie) le taux d'exploitation des ressources. Ceci n'est pas inclus dans le projet et devrait être un aspect traité par des organismes compétents en la matière (voir Burniske, 1994).

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