Les agents de vulgarisation gouvernementaux en tant qu'individus sont généralement aussi enthousiastes que les paysans lorsqu'ils réalisent qu'ils peuvent développer leurs propres connaissances et compréhension en découvrant les choses par eux-mêmes, et en tirant des leçons des analyses agro-écologiques que font les paysans tout le long de la saison. Ils sont également heureux de vivre des changements de comportement répandus qui sont pourtant difficiles à obtenir par des méthodes de vulgarisation traditionnelles. Là où le bât blesse dans certaines situations, c'est la diminution des revenus des agents de vulgarisation du fait de la perte des pots de vin que leur payent les fournisseurs de produits chimiques. Naturellement la récompense financière illicite en autorisant l'importation, la préparation ou la distribution des produits chimiques agricoles, constitue l'un des obstacles majeurs qui limitent l'extension des activités de la gestion intégrée des insectes. D'une manière générale, le déplacement du pouvoir implicite dans l'apprentissage expérentiel peut également créer des résistances parmi ceux qui ont le pouvoir, et même ou peut-être spécialement, ceux qui détiennent le pouvoir à des niveaux élevés de l'administration.
La volonté des bureaucraties agricoles à organiser le monde sur la base de leur propre routine et de leur propre emploi du temps constitue un handicap. Actuellement à Java en Indonésie, il est pratiquement impossible de conduire des écoles-terrains lors de la courte saison intermédiaire de riz parce que le financement de la formation ne peut être autorisée que pendant les deux principales saisons de riz. Toute utilisation par les paysans des pesticides au cours de la courte saison présente un haut risque d'invasion des déprédateurs au cours de la saison subséquente puisque l'équilibre des déprédateurs nuisibles et bénéfiques est rompu. Les organisations non gouvernementales internationales telles que CARE au Bangladesh ou les organisations volontaires indigènes Sarvodaya au Sri Lanka ont ainsi un rôle particulier à jouer en matière de gestion intégrée des locustes, des déprédateurs. Leurs efforts aident, bien sûr, à étendre la couverture des programmes gouvernementaux mais, leur grande flexibilité et leurs techniques à faciliter l'apprentissage du paysan peut par ailleurs exercer une pression corrective contre les rigidités, les préjugés techniques des départements agricoles gouvernementaux.
La complémentarité prend une forme particulière au Bangladesh où CARE fait la promotion de la gestion intégrée des déprédateurs à travers deux projets liés, éradication des insectes et introduction de la pisciculture (la pisciculture dans les champs de riz inondés) à deux titres. Les femmes qui travaillent comme formateurs-terrains du programme CARE restent un phénomène controversé même si ce n'est plus des cas rares dans le secteur non-gouvernemental, dans une culture où les règles de purdah (séparation) sont fortement ancrées. Deuxièmement, puisque les décisions de gestion des cultures ou des eaux peuvent être prises par un paysan agissant seul à cause de la complète interdépendance qui existe entre les facteurs socio-économiques, politiques et de l'agro-écosystème les aspects communs de l'apprentissage prennent une importance particulière. Le programme CARE a ainsi développé des méthodes d'apprentissage expérientiel grâce auxquelles, par exemple les groupes de paysans, peuvent développer ou explorer des options en vue de l'introduction des étangs de poissons dans les rizières en travaillant avec des modèles physiques faits à partir de la boue afin de simuler un environnement riz-poisson.
En outre, une élève très enthousiaste, s'adressant aux stagiaires n'appartenant pas aux structures gouvernementales qui ont pris part aux programmes de formation sur la gestion intégrée des déprédateurs au Sri Lanka, s'est exclamée: «Vous ne devez pas nécessairement avoir une formation agricole pour comprendre tout ceci.» La science qui sous-tend le succès de l'approche a été découverte et réemballée comme une opportunité d'apprentissage des principes et processusclés, aussi cela a ainsi rendu l'approche accessible à un large éventail d'individus et d'organisations qui pourraient manquer de spécialistes en matière de science agricole. Il y a certainement une leçon à tirer ici par ceux qui s'occupent de l'analphabétisation scientifique dans la société civile au moment où le monde entre, comme on le dit, dans l'âge de la formation et l'ère de la connaissance basée sur le développement économique.