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2. VALEUR DES RESSOURCES

De 1975 à 1977, les prises annuelles, comme l'indique le Tableau 1, se sont montées en moyenne à plus de 2,7 millions de tonnes dans la sous-zone du COPACE (thonidés exclus). Plus de la moitié de ces prises ont été pêchées par les flottilles de deux pays, Espagne et URSS, tandis que 15 pour cent du reste était péché par les bâtiments coréens, japonais, bermudiens et polonais1/. Tous les autres pays péchant dans la sous-zone, c'est-à-dire à la fois les Etats côtiers et les pays pratiquant la pèche lointaine, n'ont compte que pour 30 pour cent environ des captures totales (Fig. 2).

1/ Les chiffres du Tableau 1 différent légèrement de ceux mentionnes dans la source statistique principale: le Bulletin statistique N° 2 du COPACE. Dans ce bulletin, les estimations des captures espagnoles pour 1977 sont pratiquement identiques à celles de 1976, ce qui indique que les données de 1977 n'étaient pas encore disponibles à l'époque de la publication. Ayant supposé que les données publiées dans la circulaire 616 (Rev. 4) de la FAO sont plus précises parce que plus récentes, ce sont elles que nous avons utilisées ici, après regroupement pour se conformer à la ventilation par groupes d'espèces que suit le Bulletin statistique du COPACE (Voir Fiche de travail 1 en annexe). On notera que les données de la circulaire 616 se réfèrent à des captures effectuées dans la totalité de la zone 34. Mais, comme l'Espagne ne prélevé que des prises négligeables (à l'exception des thonidés), hors des zones 34.1.1, 34.1.3 et 34.3.1, les différences peuvent être tenues pour négligeables. Le total des captures a été ajusté pour tous les pays, de manière à tenir compte des différences constatées dans les données de l'Espagne.

Fig. 1 - Sous-zone nord du COPACE

Exprimées quantitativement, toutefois, les statistiques de prises ne traduisent pas véritablement la valeur relative des différentes pêcheries dans cette région. C'est particulièrement vrai pour la sous-zone nord du COPACE, ou les espèces pêchées présentent des différences de qualité considérables. Les deux groupes d'espèces les plus importantes sont les céphalopodes (encornets, poulpes et seiches) et les poissons des bancs pélagiques (tels que sardinelles et chinchards), les premiers pouvant avoir une valeur de 10 à 40 fois supérieure aux seconds. Ajouter ces espèces les unes aux autres pour calculer le tonnage total équivaut à faire l'addition de tonnes de boeuf et de tonnes de haricots, et finalement présenter un aggrégat de boeufs-haricots pour prétendre mesurer la production agricole. Des mesures quantitatives de ce genre n'ont guère de sens pour en évaluer l'intérêt du point de vue humain.

Bien que ce soit certainement souhaitable, il est difficile de ventiler les différentes pêches sur la base de leur valeur économique. Leurs prix de vente ne sont pas aisément disponibles et, même lorsque c'est le cas, ils peuvent diverger profondément en raison de l'utilisation finale du produit et des écarts de cours sur les marches. C'est ainsi qu'une grande partie de la pêche soviétique des espèces pélagiques est utilisée pour la consommation humaine, alors que les mêmes espèces prises par les bateaux immatricules aux Bermudes (qui opèrent pour le compte de la société Interpêches) sont entièrement transformées en farine de poisson. De même, les marches des Etats côtiers sont incapables d'absorber les énormes quantités de céphalopodes, prises au large de leur littoral, aux prix que les Japonais acceptent de payer sur leurs marches nationaux.

Deux gammes de prix ont été utilisées pour exprimer, dans une certaine mesure, les différentes valeurs des espèces selon leur lieu de vente. Les deux gammes sont basées sur les cours unitaires moyens utilises par le Sénégal pour estimer la valeur de sa production halieutique. Le Tableau 2, indique les groupes d'espèces selon leur appellation sénégalaise, qui ont été adoptés pour calculer la valeur des captures des groupes d'espèces utilisés dans le présent document.

Tableau 1

PRISES EFFECTUEES PAR LES PRINCIPAUX PAYS, VENTILEES PAR GROUPES D'ESPECES, MOYENNES 1975-77

(En milliers de tonnes)

Groupes d'espèces

Espagne

Bermudes

Pologne

Japon

Corée

URSS

Divers 3/

Total

Pleuronectiformes (poissons plats)

1.4



0.4

4.3


5.9

12.0

Gadiformes (Merlus)

35.4



0.3


50.8

12.5

99.0

Sparidés (Brèmes de mer)

18.7



5.5

4.7

54.1

38.3

121.3

Sciaenidés (“Tambours”)

1.4



0.2


6.2

22.0

29.8

Pomadasyidés (“Grunts”)

1.0



0.7



1.2

2.9

Balistidés (Balistes-Poissons à détente)







2.1

2.1

Mullidés (Rougets)

0.5






2.5

3.0

Trichiuridés (Jarretières-Trichiures)






24.2

2.5

26.7

Percomorphes démersaux NCA1/

2.8



2.1


14.4

29.2

48.5

Carangidés (Chinchards)

2.4

20.5

13.0

5.6


360.2

94.5

496.2

Clupéidés (Sardines et sardinelles)

92.0

129.5

120.1



475.1

375.3

1 192.0

Engraulidés (Anchois)

3.1






2.6

5.7

Pomatomus Saltatrix (Tassergal)






3.1

11.5

14.6

Scomber spp. (Maquereau)

4.5


1.7



128.3

30.6

165.1

Percomorphes pélagiques NCA






7.1

17.9

25.0

Requins, raies

0.7





2.1

10.2

13.0

Crabes







0.2

0.2

Langoustes

0.3






0.7

1.0

Crevettes

7.9






5.6

13.5

Crustacés marins NCA

0.8






2.2

3.0

Céphalopodes

98.5



29.8

31.8

8.5

7.3

175.9

Mollusques marins

6.7






16.8

23.5

Poissons de mer NCA2/

57.6

6.0

6.4

6.3

32.2

58.3

133.6

300.4

Totaux

335.7

156.0

141.2

50.9

73.0

1 192.4

825.9

2 775.1

Source: Annexe-tableaux 1 à 7

1/ NCA = Non compris ailleurs
2/ Comprend les petites captures d'espèces diverses
3/ Reste, obtenu par soustraction du total.

Fig. 2 - Répartition des prises entre les différents pays, ventilées par groupes d'espèces
Source: Déduit du texte du Tableau 1.

Tableau 2

GAMMES DE PRIX PRESUME PAR GROUPES D'ESPECES, BASEES SUR LES PRIX AU SENEGAL DE GROUPES D'ESPECES DE VALEUR MARCHANDE COMPARABLE

Groupes d'espèces FAO

Groupes d'espèces Sénégal

Prix présumés au débarquement
($ E.-U./t)

Courbe des prix A

Courbe des prix B

Pleuronectiformes

Soles

1 125

1 125

Gadiformes

Mérous

750

750

Sparidés

Dentex

700

700

Sciaenidés

Dentex

700

700

Pomadasyidés

Dentex

700

700

Ballistidés

Capitaine

300

300

Mullidés

Rouget

1 500

1 500

Trichiuridés

Capitaine

300

300

Percomorphes démersaux NCA

Capitaine

300

300

Carangidés

Chinchards

200

50

Clupéidés

Sardinelles

150

50

Engraulidés

Sardinelles

150

50

Pomatomus Saltatrix

Sardinelles

150

50

Scomber spp.

Sardinelles

150

50

Percomorphes pélagiques NCA

Sardinelles

150

50

Requins, raies, chimères

Espèces diverses

300

300

Crabes

Crabes

1 000

1 000

Langoustes

Langoustes

7 000

7 000

Crevettes

Crevettes

3 000

3 000

Crustacés marins NCA

Crabes

1 000

1 000

Céphalopodes

Seiches-Calmars

1 250

2 000

Mollusques marins NCA

Seiches-Calmars

1 250

2 000

Poissons de mer NCA

Espèces diverses

300

300

Source: Groupes d'espèces FAO: Bulletin statistique N° 2 FAO/COPACE (p. 17). Courbe A des prix au Sénégal par groupes d'espèces: Fiche de travail N° 3 - Courbe B: idem, sauf que l'on a supposé des prix de dollars E.-U. 50 la tonne pour les sardinelles et de dollars E.-U. 2 000 la tonne pour les céphalopodes et mollusques marins.
On a supposé que les valeurs unitaires sénégalaises reflétaient les prix courants sur les marches des Etats côtiers. Cependant, ces prix doivent, eu égard à deux facteurs, être ajustés pour donner une indication des valeurs probables correspondantes sur le marche international.

En ce qui concerne tout d'abord les espèces pélagiques se déplaçant par bancs, on estime que les valeurs unitaires à la tonne de 200 dollars E.-U. pour les chinchards et 150 dollars E.-U. pour les sardinelles sont considérablement supérieures aux prix que l'on peut obtenir sur le marche mondial pour fabrication de farine de poisson. Aussi, a-t-on procède à un ajustement en abaissant à 150 dollars E.-U. la tonne le prix de ces espèces pélagiques, qui correspond approximativement aux prix payes au Pérou. C'est une estimation modeste, car une proportion importante de ces captures comprend des sardines, dont le prix est plus élevé.

Le second ajustement intéresse les céphalopodes, dont le prix est porte de 1 250 à 2 000 dollars E.-U. la tonne, afin de tenir compte de la valeur élevée de ces produits sur le marche international. En janvier 1979, les prix communiques comme payes à quai à Las Palmas par les Japonais étaient les suivants: 2 100 dollars E.-U. la tonne pour les poulpes (de taille moyenne), 2 850 dollars E.-U. pour les seiches (grosses) et 4 500 dollars E.-U. pour les encornets (de belle taille)1/. Donc, on peut prendre la valeur de 2 000 dollars E.-U. la tonne comme une estimation modeste pour l'ensemble des céphalopodes. La valeur unitaire des autres espèces n'a pas été modifiée.

1/ Prix communiqués par T. Yamamoto - Projet COPACE, Dakar.
Nous reconnaissons que les deux courbes de prix sont d'une précision discutable. Elles ne font guère mieux que de donner une estimation grossière de l'échelle des revenus économiques bruts que la région tire de ses ressources halieutiques, et de fournir des indications également approximatives sur l'importance relative des groupes d'espèces et des prises effectuées par les différents pays. Par exemple, les courbes montrent que les prises soviétiques, si elles ont représente 42 pour cent des captures totales en 1975-77, n'ont compte cependant que pour 20 à 30 pour cent de leur valeur totale.

Le recueil des données économiques a besoin d'être considérablement améliore: non seulement afin de pouvoir déterminer le prix des produits, mais aussi pour mesurer le coût de la pèche. Quelle que soit la décision que souhaiteront prendre les Etats côtiers pour exploiter leurs ressources, ils se doivent d'être mieux informes sur le revenu économique, net aussi bien que brut, qu'ils peuvent en tirer.

Si l'on applique les deux courbes de prix aux tonnages pèches entre 1975 et 1977, on constate que le revenu brut des ressources halieutiques sans la sous-zone (a l'exclusion des thonidés) s'est situe autour de 860 à 930 millions de dollars annuellement (Tableau 3). Il est probable qu'il s'agit la d'une estimation prudente et que la cote supérieure de l'échelle pourrait être de l'ordre du milliard de dollars. Chiffre, notons-le, qui est environ le double de celui d'une précédente évaluation (Everett 1978), ou une courbe des prix plus basse avait été appliquée à la moyenne des captures 1975-76. La différence est due en partie à une estimation supérieure des captures, ainsi qu'à l'inflation. Quoiqu'il en soit, il est certain que la sous-zone septentrionale du COPACE contient l'un des territoires de pèche les plus riches du monde et qu'elle offre des possibilités considérables au petit nombre d'Etats côtiers dont les zones économiques se partagent la ressource.

Tableau 3

VALEURS ESTIMEES DES PRISES, VENTILEES PAR PRINCIPAUX PAYS ET PAR GROUPES D'ESPECES, MOYENNES 1975-77

Courbe des prix A (en millions de dollars)


URSS

ESPAGNE

COREE

JAPON

BERMUDES

POLOGNE

DIVERS

TOTAUX

Espèces démersales

91.9

44.6

8.1

5.8

-

-

72.9

223.3

Céphalopodes & mollusques

10.6

131.5

39.8

37.3

-

-

30.1

249.3

Espèces pélagiques

164.1

15.5

-

1.1

23.5

20.9

84.6

309.7

Crustacés

-

26.6

-

-

-

-

24.1

50.7

Poissons de mer NCA

18.1

17.5

9.6

1.9

1.8

1.9

43.2

94.0

Totaux

284.7

235.6

57.5

46.1

25.3

22.8

254.9

927.0

Courbe des prix B (en millions de dollars)

Espèces démersales

91.9

44.6

8.1

5.8

-

-

72.9

223.3

Céphalopodes & mollusques

17.0

210.4

63.6

59.6

-

-

48.2

398.8

Espèces pélagiques

48.8

5.1

-

0.3

7.5

6.7

26.5

95.0

Crustacés

-

26.6

-

-

-

-

24.1

50.7

Poissons de mer NCA

18.1

17.5

9.6

1.9

1.8

1.9

43.2

94.0

Totaux

175.8

304.2

81.3

67.6

9.3

8.6

214.9

861.8

Source: Annexe - Tableau 8.

Tableau 4

REPARTITION PAR PAYS DE LA VALEUR DES PRISES, SELON LES COURBES DE PRIX A ET B


Valeurs (millions de dollars)

(Pourcentage des totaux)

Courbe des prix A

Courbe des prix B

Courbe des prix A

Courbe des prix B

URSS

284.7

175.8

30.7

20.4

Espagne

235.6

304.2

25.4

35.3

Corée

57.5

81.3

6.2

9.4

Japon

46.1

67.6

5.0

7.8

Bermudes

25.3

9.3

2.7

1.1

Pologne

22.8

8.6

2.5

1.0

Divers

254.9

214.9

27.5

24.9

Total

927.0

861.8

100.0

99.9

Source: D'après le texte du Tableau 3.

Fig. 3 - Répartition de la valeur des prises par pays, selon les courbes de prix A et B.

Source: Texte Tableau 4.
En valeur globale, la différence entre les deux courbes de prix n'est que d'environ 8 pour cent. Mais, si l'on considère chaque pays individuellement, l'écart est beaucoup plus important. Dans les deux courbes, la valeur combinée des prises espagnoles et soviétiques compte pour environ 55 pour cent du total (Tableau 4 et Figure 3). Mais, dans la courbe A (prix élevés pour le poisson pélagique et bas pour les céphalopodes), les proportions entre les deux flottilles différent considérablement de celles de la courbe B. Pour les deux groupes d'espèces, les prises soviétiques ont été respectivement de 30 et 20 pour cent, contre 25 et 35 pour cent chez les espagnols. En gênerai, les bâtiments espagnols, coréens et japonais se sont concentres plus intensivement que les soviétiques, bermudiens et polonais sur la pèche aux céphalopodes, qui se vendent cher. En fait, les espèces recherchées différent d'une manière spectaculaire selon le pavillon (cf. Fig. 4). Comme nous le verrons, cette préférence a son importance dans ce qu'on peut appeler le “marche” des droits d'accès aux zones économiques.

On notera également que la région est en train de connaître des changements profonds. La composition courante des prises entre les divers pays sera probablement très différente de ce qu'elle était en 1975-77. C'est ainsi, notamment, que les bâtiments soviétiques n'ont plus accès à la zone mauritanienne et que, même si un accord avec le Maroc semble sur le point d'être conclu, ils pourraient rencontrer des obstacles sérieux dans la zone marocaine. D'autre part, les flottilles japonaises sur lesquelles le coût de la main-d'oeuvre a beaucoup augmente ont marque moins d'intérêt pour la sous-zone - bien que ce fléchissement soit largement compense par l'attention croissante que lui portent les bateaux coréens. En ce qui concerne d'ailleurs le Japon et la Corée, les accords en cours avec le Maroc viennent à échéance et leur renouvellement fait donc question. Quant à l'Espagne, l'accord, qui n'a pas encore été ratifie par le parlement marocain, limite à 80 000 tonnes les prises de sardines - chiffre très inférieur aux captures espagnoles de ces dernières années, qui peuvent avoir atteint jusqu'à 135 000 tonnes.


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