Page précédente Table des matières Page suivante


5. ACCORDS AVEC LES ETATS ETRANGERS

Dans la mise au point de leurs accords avec la pêche étrangère, les Etats côtiers tiennent compte de toute une échelle de valeurs économiques et non économiques. Dans certains cas, ces valeurs sont parfaitement claires: ainsi, du désir de tirer un revenu économique des étrangers, ou bien de développer les moyens nationaux à l'aide d'entreprises mixtes ou de programmes de formation à la pêche. Dans d'autres cas, cependant, les valeurs sont plus difficiles à définir et ne sont pas immédiatement mesurables. Par exemple, un Etat côtier peut conclure un accord avec un pays étranger en raison, non pas des bénéfices directs qu'il peut tirer de l'exploitation de la pêche, mais de ceux qu'il peut rechercher dans des domaines étrangers à la pêche, y compris des valeurs intangibles telles que la bonne volonté. Ou bien, inversement, un Etat pourra refuser de se lier par un accord économiquement avantageux avec un pays étranger, pour des motifs politiques qui n'ont rien à voir avec les ressources de la pêche.

Fig. 6 - Principales zones de pèche de la sardine

Source: FAO 1978b, Figure 1
Il n'existe donc pas de critères parfaitement satisfaisants qui puissent servir à évaluer les différents genres d'accords entre Etats côtiers et pays étrangers. On peut étudier ces accords du point de vue des effets qu'ils auront sur les ressources et les industries de la pèche, ainsi que sous l'angle des bénéfices économiques qui en résulteront. Mais il n'est pas possible d'évaluer les avantages politiques ou intangibles inhérents à l'accord.

Nous examinerons ici trois différents types d'accords et d'approches élabores par certains Etats côtiers. L'un d'eux concerne les dispositions prises par la Mauritanie avec les pays étrangers, qui déterminent l'emploi des chalutiers congélateurs dont l'effort porte essentiellement sur les céphalopodes. Cet accord vise avant tout les revenus économiques à tirer des étrangers, tout en cherchant aussi à aider au développement de la pèche nationale et de sa capacité de transformation des produits. Le second accord a été passe entre le Maroc et l'Espagne pour l'exploitation des bancs de sardines. Ici, la protection de la ressource et les intérêts des pêcheurs marocaines constituent l'élément déterminant. La troisième approche est celle qu'a suivie le Sénégal, en ayant pour objectif principal le développement de la capacité nationale de pèche et de transformation des ressources.

Il s'agit la simplement d'exemples d'approches différentes. Nous n'avons pas essaye de procéder à une discussion globale de ces accords, ni de tous les avantages que les Etats côtiers intéresses tirent de la participation étrangère. C'est ainsi que le Sénégal perçoit des bénéfices supplémentaires assez importants de la pêche étrangère, non pas tellement en raison des ressources halieutiques de ses eaux, mais surtout grâce aux facilites portuaires de Dakar que les pavillons étrangers utilisent pour l'approvisionnement et les réparations de leurs bâtiments.

La Mauritanie, estime-t-on, tire de l'armement étranger un bénéfice annuel de 23 millions de dollars, sinon davantage, en échange du droit d'accès à la zone mauritanienne de pêche. En vertu de ces accords, les bateaux de pêche étrangers payent une redevance proportionnelle à leur jauge brute, à quoi s'ajoute l'obligation d'employer des Mauritaniens dans leurs équipages et de débarquer un certain tonnage de poisson pour transformation sur place.

La redevance perçue sur les permis de pêche procure la source la plus directe et la plus importante des revenus. Elle est d'environ 150 dollars par tonne brute de jauge pour les chalutiers congélateurs espagnols (Bravo de Laguna 1979) et d'environ 200 dollars pour les bâtiments japonais (Koba, 1979). Les bateaux coréens, signale-t-on, payent la même redevance que les japonais, mais, en plus, parce qu'ils ne débarquent aucune prise en Mauritanie, ils doivent s'acquitter d'un supplément de 400 dollars par tonne brute de jauge (Koba, 1979). Le tonnage brut total de tous les bâtiments étrangers figure au Tableau 6, évalué d'après les données communiquées par Yamamoto et Ansa-Emmim. Sur la base de ce chiffre et des taux de redevance signalés, les bâtiments de ces pays auraient payé à la Mauritanie environ 17 millions de dollars au titre des redevances pour les permis de pêche.

La Mauritanie exige aussi des bâtiments étrangers qu'ils emploient à leur bord des Mauritaniens. Apparemment, chaque bateau doit employer cinq Mauritaniens, bien que, sur les petits bâtiments espagnols, deux seulement sont exigibles à bord, les trois autres recevant des bourses des armateurs espagnols pour se perfectionner dans la pêche. Le niveau manuel des salaires serait d'environ 400 à 500 dollars. En outre, la nourriture et l'habillement reviennent approximativement à 4,75 dollars par jour pour la première et à 15 dollars par semestre pour le second (Koba, 1979). En supposant que les bâtiments passent 10 mois (ou 300 jours) en mer, les salaires et l'entretien coûteraient environ 5 500 dollars par marin, soit 27 500 dollars par bateau. Comme il est indique au Tableau 7, cette dépenses représente une charge supplémentaire de 6 millions de dollars. Par conséquent, les charges supportées par les bâtiments étrangers pour avoir droit à accéder aux zones mauritaniennes de pèche se montent au total à environ 23 millions de dollars.

Cette estimation est probablement modeste, car les bateaux japonais et espagnols subissent des charges supplémentaires dues à l'obligation de débarquer une partie de leur pèche à Nouadhibou. Dans le cas du Japon, communique-t-on, les chalutiers japonais à réfrigération sous glace ont reçu, pour leurs seiches et leurs poulpes, respectivement 70 400 et 63 400 Y par tonne (Koba 1979). Après traitement à Nouadhibou, ces produits ont été revendus aux Japonais 185 600 et 204 000 Y respectivement, A supposer que le coût de la transformation - main-d'oeuvre, matériel, assurance, entreposage et revenu du capital inclus - se monte au total à 50 000 Y la tonne, la Mauritanie retire donc de l'opération des profits considérables. Ceux-ci avoisineraient 65 200 Y par tonne de seiche et 91 400 Y par tonne de poulpe. Les sociétés espagnoles et japonaises ont l'obligation de mettre à terre un tonnage de poisson équivalent à 80 pour cent de la jauge brute totale de leurs bâtiments autorises à pécher. Pour ce qui est des Japonais, le débarquement des céphalopodes se monterait à environ 7 500 tonnes: au total, les profits que la Mauritanie retirerait, rien que des opérations avec le Japon, se situeraient entre 2,4 et 3,4 millions de dollars. L'usine de traitement de Nouadhibou est une entreprise mixte entre l'Etat mauritanien et les sociétés japonaises, si bien qu'une partie des bénéfices devrait faire retour au Japon. Mais cette part, qui n'est pas retournée, doit être considérée comme une charge supplémentaire grevant l'accès à la pèche: pour les sociétés japonaises et espagnoles, elle pourrait atteindre plusieurs millions de dollars. Enfin, on notera que la Mauritanie perçoit en plus les amendes infligées aux bateaux étrangers pour violation de la réglementation sur la maille des filets.

Ces différentes charges représentent le coût paye par la pêche étrangère pour acquérir l'accès aux ressources marines dans les eaux mauritaniennes. Du point de vue de la Mauritanie, les avantages qu'elle en retire doivent être calcules différemment. Elle perçoit environ 17 millions de dollars en revenus directs provenant de l'octroi des permis de pèche. Elle recueille également d'autres profits, plus difficiles à évaluer, grâce à la formation de ses équipages, aux bourses de pêche, aux revenus des usines de traitement et à la création d'installations ad hoc. L'une des questions qui vient à l'esprit est de savoir si ces profits équivalent, en fait, aux revenus auxquels renonce la Mauritanie en obligeant les bateaux étrangers à prendre à bord un certain nombre de ses ressortissants et à débarquer une partie de leur pêche dans ses ports. Car les étrangers préféreraient, probablement, payer plus cher l'autorisation de pêcher et éviter ces contraintes.

A titre d'exemple, disons que l'obligation d'engager à bord des Mauritaniens équivaut, estime-t-on, à une charge de l'ordre de 6 millions de dollars pour l'armement étranger. Celui-ci peut ne pas juger que la main-d'oeuvre employée vaille la dépense, pour différentes raisons dont la barrière de la langue n'est pas la moindre. Selon la valeur qu'ils attribuent aux recrues mauritaniennes de leurs équipages, les armateurs étrangers pourraient accepter de payer en plus, pour leurs permis de pêche, jusqu'à 6 millions de dollars au total, afin de ne plus avoir à se soumettre à l'obligation de ce recrutement. Par conséquent, ont peut considérer que la Mauritanie abandonne ce revenu économique, en échange de l'expérience qu'acquerront ses nationaux grâce à la formation qu'il recevront à bord.

Tableau 6

NOMBRE ET TONNAGE DES CHALUTIERS CONGELATEURS SIGNALES COMME AUTORISES A PECHER DANS LES EAUX MAURITANIENNES

Pays

Nbre. de bâtiments

TJB (tonnes)

Tonnage total

Espagne

115

200

23 000

Japon

22

500

11 000

Corée

54

350

18 900

Total

191


52 900

Source: Yamamoto et Ansa-Emmim, 1979b.

Tableau 7

ESTIMATION DES COUTS D'ACCES A LA ZONE MAURITANIENNE:
REDEVANCES DES PERMIS ET DEPENSES D'EQUIPAGES


Coût des permis de pèche

Pays

Redevance
(en dollars)
par TJB

TJB total
(tonnes)

Redevances s/permis d'équipage
(en millions de $)

Espagne

150

23 000

3,45

Japon

200

11 000

2,20

Corée

600

18 900

11,34

Total



16,99



Coût des salaires et de l'entretien des équipages mauritaniens

Pays

Nbre. de bâtiments

Dépenses d'équipage
(en $ par bâtiment)

Total des dépenses d'équipage
(en millions de $)

Espagne

115

27 500

3,16

Japon

431/

27 500

1,18

Corée

54

27 500

1,49

Total



5,83

1/ Ce chiffre comprend les 21 chalutiers réfrigérant sous glace qui sont basés à Nouadhibou pour transférer à terre le poisson, comme prescrit.

Source: Voir le texte.

Pour évaluer le profit que tire la Mauritanie de la formation de ses pêcheurs, il faut tenir compte non seulement de sa valeur en fonction de l'intérêt gênerai de la nation, mais aussi du mode de répartition de tous les bénéfices. Les revenus perçus au titre des redevances sur permis iront vraisemblablement à la Trésorerie générale, sauf, peut-être, certains fonds qui seront alloues au développement et à l'aménagement de la pêche. Tandis que l'expérience acquise grâce à la formation profitera aux marins sélectionnes. Ceci dit, non pas pour suggérer qu'une forme de répartition est meilleure ou pire qu'une autre, mais simplement pour indiquer que toute modification du système aura son effet sur la distribution, auquel on devra réfléchir. De la même façon, on pourrait commenter l'obligation des mises à terre de certaines quantités de prises, et de leur transformation sur place.

Comme nous l'avons vu précédemment, les rentes économiques hypothétiques que peut offrir la pêche aux céphalopodes sont extrêmement élevées, dépassant sans doute de beaucoup les 23 millions de dollars actuellement perçus. Bien qu'on ne puisse déterminer encore, faute de renseignements suffisants, le montant qui pourrait en être tiré, on notera que l'encaissement de rentes est un moyen efficace de réduire la surexploitation des fonds et d'améliorer la rentabilité économique de l'industrie de la pêche dans son ensemble. Lorsque des flottilles trop nombreuses se trouvent en compétition, comme c'est le cas pour la pêche aux céphalopodes, le taux de l'effort peut être réduit, soit directement en limitant les effectifs de bâtiments, soit indirectement en augmentant le coût de la pêche. Dans le premier système, les bateaux qui acquièrent le privilège de pêcheur acquerront de ce fait une prime qui représente une valeur. Si cette valeur n'est pas perçue par l'Etat côtier, elle sera cumulée par les armateurs sous forme de captures supérieures par unité d'effort et, par conséquent, équivaudra à une plus grande rentabilité économique.

Si l'Etat côtier suit le premier système et élevé aussi le taux des redevances (ou bien adopte une réglementation plus onéreuse pour la formation des équipages, les débarquements de poisson, etc.), l'effort de pêche diminuera parce que les armateurs seront moins nombreux à accepter de payer le prix fort. Avec la diminution de l'effort de pêche, les bateaux qui resteront sur les lieux réaliseront des captures supérieures par unité d'effort, qui couvriront la majoration des charges. Ce sont les Etats côtiers, davantage que les étrangers, qui en recueilleront le bénéfice.

Dans le cas de la pêche aux céphalopodes, les renseignements actuels indiquent que la Mauritanie et le Maroc pourraient améliorer le bénéfice qu'ils tirent de la pêche étrangère (en majorant la redevance sur les permis, en imposant, des taxes sur les captures, etc.) et, simultanément, réduire le montant de la surcapitalisation tout en augmentant le rendement annuel des stocks. Cela entraînerait, certes, des difficultés pour les armateurs étrangers, mais qui seraient transitoires. Après ajustement, la pêche fonctionnerait avec une meilleure efficacité économique, en produisant à la fois une rentabilité satisfaisante pour les armateurs qui continueraient de pêcher et, pour les Etats côtiers, de plus grands bénéfices.

L'accord entre l'Espagne et le Maroc a imposé un contingent de 80 000 tonnes sur les prises espagnoles de sardine. En outre, il est prévu que, au bout de cinq ans, la moitié des sardiniers espagnols deviendra propriété marocaine. De même, passé ce délai, les équipages devront être composes à 80 pour cent de nationaux marocains. Les propriétaires espagnols de bateaux ne payent pas de revenus économiques directs au Maroc, sous forme de taxes ou de redevances.

Bien que les armateurs espagnols paieront certainement cher, pendant les cinq années à venir, le droit de pêcher 80 000 tonnes de sardines par an, il est très difficile d'en estimer le coût. Cette limitation des captures représente une diminution d'environ 40 pour cent sur le niveau actuel de la pèche sardinière espagnole, qui avoisinait 135 000 tonnes annuellement. Cela correspondrait à une baisse de 40 pour cent des revenus bruts, mais pas nécessairement des revenus nets. Le gouvernement espagnol a fixé une limite à la capacité totale de sa flottille sardinière, qui se compose actuellement de 41 bâtiments. Si tous ces bateaux continuent de pêcher de la même manière et aux même taux de capture, la campagne habituelle de neuf mois (de mai à février) sera probablement amputée d'environ 40 pour cent et ne durera plus que de mai à octobre ou novembre. En écourtant la campagne, quelques-unes des charges pourront être réduites, si bien que la baisse du revenu net serait alors inférieure à 40 pour cent.

Toutefois, la ou un contingent de ce genre est adopte, chaque bâtiment a tendance à pêcher avec un effort plus intensif et à accroître sa puissance de prise, de manière à prélever une part aussi grande que possible sur le contingent total, avant que celui-ci soit atteint et la campagne déclarée close. Aussi, même si la capacité totale de la flottille espagnole est limitée, on peut escompter que les armateurs multiplieront leurs investissements en engins et équipement pour augmenter leur puissance de prise - ce qui pourra signifier un plus grand métrage de filets, des moteurs plus puissants, des dispositifs électroniques de repérage plus précis, etc. Dans la mesure ou les bâtiments gagneront en efficacité, il en résultera une campagne de pêche plus courte que de mai à octobre ou novembre et une augmentation, plutôt qu'une réduction, des coûts. Sur ces bases, la baisse du revenu net pourrait alors être supérieure à 40 pour cent.

Quant à l'obligation de transférer au Maroc la moitié de la flottille sardinière espagnole au bout de cinq ans, elle aura aussi un effet mitigé sur les charges de l'armement. La perte de bâtiments représente évidemment un coût élevé. Si on les évalue à 500 000 dollars l'unité, le transfert de 20 bateaux coûterait à la pêche espagnole une somme de l'ordre de 10 millions de dollars en cinq ans, soit en gros 2 millions de dollars par an. Mais, même sans l'obligation du transfert, certains de ces bâtiments auraient probablement été retirés de la flottille, par suite de la baisse de leur rapport qu'entraînera la limitation des captures. En tout état de cause, la flottille espagnole subira dans son ensemble une perte importante.

Mais les bâtiments qui auront la chance de continuer à pêcher bénéficieront vraisemblablement de gains nets. Disons, par un raisonnement simpliste, que si les prises sont réduites de 40 pour cent et les effectifs de la flottille de 50 pour cent (au bout de cinq ans), les bateaux restants augmenteront chacun de leurs captures de 20 pour cent en moyenne.

Tous ces différents facteurs et contraintes ne permettent guère de déterminer la charge nette que représentent pour l'Espagne ses accords avec le Maroc concernant la pêche sardinière. Quant au Maroc, il est même encore plus difficile d'évaluer la valeur économique des bénéfices qu'il en tire. L'un d'eux résidera vraisemblablement dans l'augmentation du tonnage total pêche par la flottille nationale. Augmentation qui dépendra, en partie, de la capacité des bateaux marocains et des bateaux espagnols passés sous pavillon chérifien à accroître leurs prises dans la zone B. Celles de la zone A, terrain de pêche traditionnel des Marocains, ont chuté d'une manière catastrophique ces dernières années, probablement à la suite d'une migration du stock de la zone A dans la zone B (FAO, 1979b). Aussi, pour tirer parti de la diminution des prises espagnoles, le Maroc devra-t-il développer largement son effort dans la zone B.

Toutefois, même si les bâtiments marocains réussissent à transférer leur effort de pèche et à augmenter leurs prises totales, il n'en résultera probablement pas un accroissement des captures par unité d'effort. Le transfert de pavillon, de l'Espagne au Maroc, ne diminuera pas globalement l'effort de pèche des flottilles: il est même possible que ce transfert soit préjudiciable aux pécheurs marocains. Si les bâtiments transfères au Maroc commencent, en effet, à pêcher dans la zone A, ils ajouteront à l'effort déjà excessif dans ce périmètre et diminueront encore les captures par unité d'effort; mais ils réduiront aussi le taux de l'effort de pêche dans la zone B, permettant ainsi à la flottille espagnole d'exploiter ce périmètre pour accroître ses prises par unité d'effort. Autrement dit, le Maroc devra s'efforcer, soit de réduire le montant global de son effort de pêche, soit de s'assurer que cet effort est reparti convenablement entre les deux zones.

Quant on évalue les bénéfices nets du Maroc, il faut aussi tenir compte des charges que représente pour lui l'application de l'accord avec l'Espagne. L'imposition d'un contingent sur les prises oblige à être en mesure de contrôler les captures des bâtiments espagnols, au moins mensuellement, et d'interdire à ceux-ci de continuer à pêcher une fois le quota atteint. Ce ne sont pas nécessairement des tâches difficiles, mais leur exécution entraîne certaines dépenses dont on devra tenir compte dans l'évaluation des bénéfices nets.

En ce qui concerne la répartition de ces bénéfices, le système marocain rapporte des avantages directs et indirects à l'industrie de la pêche, mais pas de revenus directs à la trésorerie générale. Il y aura contribution à l'économie nationale, si l'industrie est capable d'utiliser efficacement les nouvelles possibilités qui lui sont offertes.

Pour ce qui est du Sénégal, les accords avec la pêche étrangère ont en général pour premier objectif de développer la capacité du pays à exploiter et traiter les ressources halieutiques de sa zone. Le Sénégal a constitué plusieurs entreprises mixtes avec des sociétés étrangères. Il a aussi conclu un certain nombre d'accords avec des pays étrangers, générateurs de différents types d'avantages pour l'économie nationale. Ces accords, d'une manière générale, font obligation aux bateaux de pêche étrangers de payer une redevance déterminée et de débarquer la totalité, ou une partie, de leurs prises au Sénégal, pour transformation sur place. En outre, les Etats étrangers doivent le plus souvent octroyer des prêts à bas intérêt ou des dons d'aide.

Les redevances sur les permis de pêche sont fixées par la loi et s'appliquent à tous les bâtiments, qu'ils naviguent sous pavillon sénégalais ou étranger1/. L'échelle des redevances est fixée comme suit:

- Senneurs sardiniers immatriculés au Sénégal

500 000

F CFA

- Senneurs congélateurs sénégalais et senneurs de pays étrangers ayant conclu un accord avec le Sénégal

1 500 000

F CFA

- Chalutiers débarquant leurs prises au Sénégal

7 500

F CFA/TJB

- Chalutiers ne débarquant pas leurs prises au Sénégal:

15 000

F CFA/TJB

- Chalutiers sous pavillon sans accord avec le Sénégal:

25 000

F CFA/TJB

1/ Actes officiels sénégalais - J.O. du Sénégal du 20 octobre 1976: Décrets du 24 juillet 1976.
Ces redevances sont modérées et ne répercutent pas la valeur du privilège que représente le droit de pécher dans les eaux sénégalaises. De plus, comme elles sont fixées une fois pour toutes pour chaque catégorie de bâtiment, elles n'offrent pas d'ouverture à un “marché” de ces privilèges. Aussi, le Sénégal a-t-il demande aux Etats étrangers d'apporter une contribution supplémentaire sous forme de prêts à bas intérêt ou de donations d'aide. Les prêts sont en gênerai destinés à couvrir l'achat d'engins et d'équipement spécifiés aux bailleurs de fonds.

Ce genre d'accords est trop compliqué pour permettre d'évaluer rapidement le coût payé par l'armement étranger pour avoir accès aux eaux sénégalaises. Par exemple, la charge nette que représente pour un pays étranger un prêt de faveur dépendra, non seulement de la différence entre les taux d'intérêt consentis et les taux commerciaux, mais aussi du bénéfice qu'il tirera de la vente des engins et de l'équipement effectuée en contrepartie du prêt.

De même, il est aussi difficile d'évaluer en termes économiques les bénéfices que le Sénégal retire de ces accords. Son industrie de la pêche et de traitement a atteint un bon développement, si bien que les prêts pour acquérir engins et matériel, ainsi que les dons d'aide, peuvent probablement être utilisés efficacement pour valoriser ces industries. Toutefois, dans la mesure ou le Sénégal souhaitera autoriser la pêche étrangère à poursuivre partiellement ses activités, cette approche risque d'empêcher que se maximisent les bénéfices nets que le pays pourrait en retirer. Le système tend, en effet, à restreindre entre un petit nombre de pays le marché des droits à l'accès des eaux sénégalaises: car certains gouvernements, comme ceux du Japon et de la Corée, peuvent hésiter à octroyer des prêts de faveur, ou des dons d'aide, spécialement pour procurer à leurs pêcheurs ces droits d'accès. Même à supposer que les pêcheurs japonais et coréens acceptent de payer plus cher que d'autres l'accès à un stock particulier, cela ne leur sera pas facile de le faire directement, sauf sous forme d'entreprises mixtes. De plus, si les conditions du prêt font obligation d'acheter au pays bailleur les engins et le matériel, le Sénégal risque de les payer plus cher qu'ailleurs.


Page précédente Début de page Page suivante