Directeur général QU Dongyu

Cent soixante-neuvième session du Conseil Déclaration

de M. Qu Dongyu, Directeur général de la FAO

08/04/2022

Cent soixante-neuvième session du Conseil

Déclaration

de

M. Qu Dongyu, Directeur général de la FAO

8 avril 2022

 

Monsieur Hans Hoogeveen, Président indépendant du Conseil,

Mesdames et Messieurs les Ministres,

Mesdames et Messieurs,

 

1.         Voici à présent plus de deux ans que la pandémie de covid-19 poursuit ses effets dommageables sur nos vies, notre santé et nos économies,

 

2.         frappant les plus pauvres le plus durement car ceux-ci sont les plus exposés à la pandémie et les plus touchés par la hausse des prix des aliments et des carburants.

 

3.         Ce mois-ci, les prix des produits alimentaires, mesurés par l’indice FAO des prix des produits alimentaires, ont atteint un nouveau record, marquant une hausse de 12,6 pour cent par rapport à février, avec une forte augmentation du sous-indice des prix des céréales (17,1 pour cent) et du sous-indice des huiles végétales (23,2 pour cent).

 

4.         Plus particulièrement, les prix des aliments de base que sont le blé et les huiles végétales ont récemment connu une envolée, imposant des coûts extraordinaires aux consommateurs du monde entier, en particulier les plus pauvres.

 

5.         La guerre en Ukraine n’a fait qu’aggraver les choses.

 

6.         Les prix de l’énergie augmentant en parallèle avec ceux des denrées alimentaires, on assiste à un nouveau recul du pouvoir d’achat chez les consommateurs vulnérables.

 

7.         Ce fardeau supplémentaire survient à un moment où l’augmentation des dépenses de santé et les coûts de la lutte contre la covid-19 grèvent déjà les budgets de nombreux gouvernements.

 

8.         Les niveaux aujourd’hui élevés des prix des engrais pourraient se traduire par un moindre degré d’utilisation des engrais à la saison prochaine, et éventuellement au-delà, faisant craindre une baisse réelle de la productivité des cultures alimentaires, ce qui se traduirait par une hausse encore plus importante des prix des produits alimentaires.

 

9.         Cela pourrait avoir pour conséquence un accroissement du nombre de personnes souffrant de sous-alimentation en 2022 et dans les mois à venir.

 

10.       La Fédération de Russie et l’Ukraine sont des acteurs importants sur les trois marchés qui suscitent des inquiétudes, en effet, ces pays réalisent à eux deux près de 30 pour cent des exportations mondiales de blé, et environ 80 pour cent des exportations mondiales de tournesol, et la Fédération de Russie est le plus grand exportateur d’engrais.

 

11.       Les perturbations de l’offre dans ces deux pays se répercuteront sur le système agroalimentaire mondial.

 

12.       Qui va en subir les conséquences?

 

13.       Tout d’abord, l’Ukraine, à cause des destructions en cours qui obligent à des déplacements de populations, au prix de grandes souffrances humaines, et détruisent entièrement les filières de production et d’approvisionnement du pays.

 

14.       Ensuite, les pays touchés seront ceux qui sont fortement tributaires de l’Ukraine et de la Fédération de Russie pour leurs approvisionnements en produits alimentaires (dont les matières premières de l’alimentation animale), carburants et engrais.

 

15.       Et qui devront se tourner vers d’autres sources d’approvisionnement.

 

16.       En troisième lieu, les effets de cette situation se feront sentir chez les consommateurs dans le monde entier, car la hausse des prix des aliments, de l’énergie et des engrais compromet les récoltes à venir dans l’ensemble du monde.

 

 

 

Chères et chers collègues,

 

17.       La présente session du Conseil nous donne l’occasion d’aborder ces problèmes, les perspectives qui s’annoncent et les démarches possibles pour empêcher une plus ample escalade de la crise.

 

18.       Permettez-moi d’avancer un petit nombre de réflexions avant que vous n’entamiez les débats.

 

19.       La situation de l’offre sur les marchés mondiaux des produits alimentaires est tendue et motive notre inquiétude, mais certains indices portent à penser que les problèmes actuels peuvent être endigués et qu’une crise alimentaire comme celle que l’on a connue en 2008 peut être évitée.

 

20.       Permettez-moi de souligner certaines similitudes avec la situation de 2008: des prix des produits alimentaires et des engrais élevés et des coûts de transport eux aussi élevés.

 

21.       Ce qui rend la situation d’aujourd’hui pire que celle d’alors sont les deux années de pandémie qui ont eu de vastes conséquences et la nécessité d’en gérer les effets au plan mondial, tout en faisant face aux conflits et à la crise climatique dans le court, le moyen et le long terme.

 

22.       Les pays les plus pauvres ont été gravement touchés par la pandémie, ce qui a accentué les inégalités et les rend plus vulnérables par rapport à 2008.

 

23.       Deuxièmement, nous n’avons pas encore vu imposer des restrictions aux exportations à un degré comparable à 2008, et nous devons veiller à ce que cela ne se produise pas, mais nous voyons cependant se dessiner un grave problème logistique à l’échelle mondiale.

 

24.       Troisièmement, la grande différence avec 2008 est qu’aujourd’hui, nous sommes confrontés au risque majeur que notre période de semis de l’année prochaine soit radicalement compromise; en 2008, le choc avait été causé par une sécheresse qui ne compromettait en rien la période de semis suivante.

 

25.       Cela ne touchera pas seulement l’Ukraine et la Fédération de Russie, mais aussi tous les grands pays producteurs.

 

26.       Qui plus est, nous savons quelles erreurs ont été commises en 2008, notamment certaines politiques contre-productives, et nous savons nous en garder aujourd’hui, afin d’éloigner la perspective d’une crise mondiale de la sécurité alimentaire.

 

27.       Mais par-dessus tout, nous ne devons pas mettre notre système mondial des échanges à l’arrêt, et les exportations ne doivent pas être restreintes ou taxées; il y a nécessité urgente de produire davantage et mieux dans d’autres pays et régions du monde. 

 

28.       L’alimentation doit être accessible, mais la fabrication d’aliments riches en féculents et moins onéreux que des denrées alimentaires précieuses aurait pour corolaire une nutrition médiocre et une mauvaise utilisation des ressources, qui priverait d’autres consommateurs de leurs approvisionnements en produits de base.

 

29.       Chacun de nous a sa contribution à apporter:

 

•          Tout d’abord, nous devons apprécier à leur juste valeur les aliments produits par les agriculteurs à la sueur de leur front, le coût de main-d’œuvre réel de cette production, celui des intrants agricoles et la valeur de nos ressources naturelles;

•          Ensuite, les consommateurs doivent mettre fin au gaspillage de nourriture;

•          Enfin, nous devons améliorer la transparence du marché et l’information sur le marché, ce qui doit rendre les décideurs à même de faire les bons choix.

 

30.       La FAO, qui héberge le secrétariat de l’AMIS, joue un rôle primordial à cet égard. 

 

31.       Notre note d’information, présentée il y a deux semaines aux Membres, au G7 et au G20, atteste la manière dont la FAO produit efficacement son information sur le marché.

 

32.       Nous continuerons d’actualiser la Note d’information et de communiquer aux Membres les faits nouveaux sans délais.

 

Chères et chers collègues,

33.       La FAO reste en Ukraine et y exécute ses activités, et a renforcé son équipe sur le terrain.

 

34.       La FAO vient d’achever les évaluations des besoins à l’échelle nationale en Ukraine, en visant les administrations au niveau local et les exploitations agricoles commerciales, et effectue en ce moment une enquête sur les ménages dans des zones recevant un afflux important de personnes déplacées à l’intérieur du pays.

 

35.       Les premiers résultats recueillis signalent une dégradation de la sécurité alimentaire, en particulier dans les zones où se déroulent des combats et dans celles où le nombre de personnes déplacées est le plus élevé (où celles-ci peuvent représenter jusqu’à 15 pour cent de la population totale).

 

36.       Environ 20 pour cent des ménages d’accueil manquent de liquidités pour subvenir à leurs besoins alimentaires de base et recourent à l’abattage des petits animaux de ferme et, dans certains cas, de grands ruminants.

 

37.       En matière de production agricole, les données indiquent une disponibilité limitée d’intrants agricoles essentiels, notamment de semences, d’engrais, de pesticides, d’équipements, de carburants et de fournitures pour bétail, situation qui s’explique par une combinaison de problèmes logistiques et financiers.

 

38.       Près d’un tiers des agriculteurs ont déclaré être confrontés à des dysfonctionnements des chaînes d’approvisionnement et des réseaux de fourniture d’intrants, les petites exploitations commerciales et les agriculteurs vivriers étant les plus touchés.

 

39.       Seuls 10 pour cent des 50 millions d’USD initialement demandés dans le cadre du Plan d’intervention rapide pour l’Ukraine ont été reçus à ce jour.

 

40.       Un plan d’intervention rapide actualisé pour la période de mai à décembre 2022 s’accompagne d’une demande de 115 millions d’USD afin de pouvoir toucher plus d’un million d’individus, soit environ 330 000 ménages.

 

41.       Ce plan a été élaboré en coordination avec le gouvernement ukrainien et les partenaires de la société civile dans l’ensemble des zones visées, et les conditions figureront dans l’appel éclair révisé de l’ONU.

 

42.       Il est envisagé que le Plan soit prorogé au-delà de 2022, en fonction de l’évolution de la crise actuelle.

 

43.       Le Plan d’intervention rapide concentre les points suivants:

 

•          UN: le maintien de la production alimentaire, par la remise d’espèces et d’intrants destinés à la production de cultures céréalières en octobre, et la production de légumes et de pommes de terre au printemps, ainsi qu’un appui aux récoltes de la campagne agricole hivernale qui se font en juillet et août; ce qui comprend la production animale et des intrants et services de santé animale.

 

•          DEUX: l’appui aux chaînes d’approvisionnement, chaînes de valeur et marchés agroalimentaires, en mobilisant les pouvoirs publics et le secteur privé dans la fourniture de prestations techniques auxiliaires aux producteurs familiaux et petites exploitations par le biais de partenariats public-privé.

 

•          TROIS: coordination du Module d’action groupée pour la sécurité alimentaire et les moyens d’existence, en particulier par des évaluations permanentes de la sécurité alimentaire, des marchés et des chaînes de valeur.

 

Chères et chers collègues,

 

44.       En vue de remédier aux effets de la guerre en Ukraine sur la sécurité alimentaire mondiale, la FAO a produit une note technique détaillée relative à un mécanisme de financement d’importation de produits alimentaires, destiné à faire face à la hausse des coûts d’importation de produits alimentaires et des coûts des intrants.

 

45.       Le recours à ce Mécanisme permettra aux pays vulnérables d’amortir les effets prolongés que subissent leurs systèmes agroalimentaires et réduire les futurs besoins d’aide d’urgence.

 

46.       Nous avons également élaboré une proposition d’application de notre échelle de mesure de l’insécurité alimentaire vécue aux niveaux national et infranational dans les pays les plus vulnérables, afin de mieux cibler leur aide en matière de protection sociale.

 

47.       Les autres propositions concrètes de la FAO sont les suivantes:

 

•          La mise en œuvre rapide de cartes pédologiques détaillées, destinées à aider les pays les plus vulnérables à utiliser leurs engrais avec économie, en exploitant les enseignements tirés de l’expérience de la cartographie des sols effectuée en Éthiopie, par exemple;

 

•          Des plans de protection sociale efficaces et bien ciblés, reposant sur des éléments probants précédemment acquis, et qui répondent aux besoins spécifiques des pays. Dans les pays qui accueillent des réfugiés, il convient de faciliter l’accès aux systèmes de protection sociale existants et aux possibilités d’emploi en levant les obstacles juridiques à cet accès et, si nécessaire, en renforçant la capacité des systèmes de protection sociale des pays d’accueil.

 

•         L’amélioration des mesures de biosécurité dans les pays limitrophes de l’Ukraine afin de réduire autant que faire se peut la propagation de la peste porcine africaine et d’autres maladies animales, en prenant des mesures pour faciliter la détection précoce, le signalement sans délais et le prompt confinement des maladies.

 

•          Le renforcement de la transparence des marchés et du dialogue sur les politiques, afin de réduire au mieux les perturbations qui les affectent, de garantir leur fonctionnement ininterrompu et la régularité du flux des échanges commerciaux portant sur les produits alimentaires et agricoles. Sur ce point, nous proposons la poursuite du renforcement de l’AMIS.

 

48.       Nos propositions sont à présent disponibles sur notre site web, dans une page consacrée à l’Ukraine et aux dernières interventions de la FAO.

 

Chères et chers collègues,

 

49.       Le document soumis à cette session du Conseil donne une vue d’ensemble de toutes les questions majeures, des risques et des politiques préconisées,

 

50.       et il offre une assise solide à des débats menés avec une exigence de transparence et d’ouverture, conformément au mandat de la FAO et en accord avec ses Textes fondamentaux.

 

51.       Travaillons ensemble aujourd’hui de manière efficace, cohérente et technique pour une amélioration de la production, de la nutrition, de l’environnement et des conditions de vie pour tous, sans laisser personne de côté – maintenant plus que jamais.

 

52.       Je vous remercie.