Forum global sur la sécurité alimentaire et la nutrition (Forum FSN)

Consultations

Sécurité alimentaire, égalité entre les sexes et construction de la paix

L’Institut d'études du développement (Istitute of Development Studies) et la FAO lancent cette discussion en ligne sur le thème de la sécurité alimentaire, l’égalité de genre et la construction de la paix. Notre objectif est de mieux appréhender les liens existant entre la sécurité alimentaire, l’égalité entre les sexes, et les conflits violents, ainsi que les processus ultérieurs de construction de la paix. Nous voulons déterminer comment le fait de répondre aux priorités spécifiques des hommes et des femmes (de différents groupes socioéconomiques, culturels et d’âge) dans les interventions portant sur l’alimentation et la nutrition peut contribuer à l’atténuation et la prévention des conflits, et à la construction de la paix. Il existe actuellement un nombre relativement important d’études sur les principaux problèmes qui sous-tendent ces sujets. Toutefois, on en sait très peu sur les liens qui les unissent.

Nous souhaitons conjuguer ces différents courants de littérature et de connaissances pour réfléchir aux interactions potentielles entre la sécurité alimentaire, l’égalité de genre et la construction de la paix, et définir des points d’entrée pour effectuer des interventions stratégiques visant à soutenir la sécurité alimentaire et renforcer la résilience des hommes et des femmes vivant dans des contextes marqués par les conflits de façon à promouvoir l’égalité de genre et la paix durable. 

Une des principales conséquences mises en relief dans la littérature est l’impact négatif  des conflits violents sur la sécurité alimentaire et donc sur la nutrition, à la suite de l’effondrement de l’économie, de la prestation des services de base et de l’infrastructure, ainsi que les hausses des prix et les pénuries de denrées alimentaires.  Certains de ces effets peuvent s’avérer irréversibles tout au long de la vie des victimes, en particulier si ces effets ont été ressentis durant l’enfance. La hausse des prix des denrées alimentaires et de l’insécurité alimentaire peut favoriser des sentiments de privation, de marginalisation et d’exclusions qui peuvent aggraver les griefs existants. Lorsque ces griefs se forment selon des clivages ethniques, religieux ou d’autres types de clivages sociaux, ils peuvent alimenter des troubles civils et des contestations qui peuvent atteindre des niveaux suffisamment élevés pour provoquer un conflit violent. L’insécurité alimentaire peut également inciter les individus à participer, adhérer à ou soutenir des factions armées, ce qui aggrave encore la possibilité d’un conflit armé. Les facteurs d’incertitude à l’échelle mondiale à propos des résultats de la sécurité alimentaire, tels que les changements climatiques et les fluctuations des cours des produits de base, peuvent également attiser les conflits frontaliers et entre groupes dont la survie dépend de l'agriculture ou du commerce de produits de base spécifiques.

Nous savons également que les conflits violents ont des effets spécifiques en fonction du sexe. Les conflits engendrent notamment une modification des divisions coutumières du travail entre hommes et femmes. Dans les contextes marqués par des conflits violents, les vies des femmes doivent s’adapter de façon radicale pour répondre aux changements qui touchent leurs ménages et leurs communautés, ainsi que comme réponse directe aux combats et à la violence. Dans la plupart des pays touchés par des conflits (ou des zones au sein des pays), on observe une hausse significative de la participation de la main d’œuvre féminine sur le marché du travail. Cette évolution est la conséquence de deux facteurs. Le premier est l’augmentation du nombre de ménages dirigés par des femmes à la suite du décès et de la disparition des hommes. Le deuxième est l’éventuelle disparition des possibilités d'obtenir des revenus dont dépendaient les hommes avant le conflit (comme la terre, le bétail et d’autres avoirs). Malgré leur participation accrue sur le marché du travail dans les zones touchées par des conflits, les femmes sont particulièrement présentes dans les emplois peu spécialisés et dans le secteur informel et elles tendent à perdre leur emploi dès que le conflit est terminé, en particulier dans le secteur formel organisé. Les ménages dirigés par des femmes et des veuves se heurtent également à de nombreuses contraintes, telles que l’absence de droits de propriété sur la terre des parents ou des maris décédés. Par conséquent, l’augmentation de la participation des femmes au marché du travail ne conduit pas nécessairement à une amélioration des niveaux de bien-être ou de la sécurité alimentaire.  Toutefois, des interventions qui tireraient parti des transformations sociales positives enregistrées durant le conflit pourraient améliorer la sécurité économique des femmes touchées par les conflits et leurs familles au lendemain du conflit. Ces questions restent peu étudiées.

Finalement, plusieurs études ont fait ressortir le rôle des femmes dans la construction de la paix. Ces travaux ont donné lieu à de nouveaux efforts de politique pour faire une plus large part à la participation des femmes dans les processus de paix et de reconstruction économique dans des contextes de sortie de conflit. Les Nations Unies ont joué un rôle déterminant dans ce processus, en particulier par l’adoption de la Résolution 1325 de 2000 du Conseil de sécurité qui souligne, comme l’un des objectifs primordiaux, la nécessité de tenir compte des besoins particuliers des femmes et des petites filles, et de renforcer les capacités des femmes afin qu’elles participent activement aux processus de relèvement et de reconstruction durant et après les conflits. Plusieurs résolutions postérieures, ainsi que le rapport du Secrétaire général sur les Femmes et la construction de la paix en 2010 ont mis en valeur le rôle des femmes comme agents essentiels de la récupération économique, la cohésion sociale et la légitimité politique. Il existe très peu de preuves systématiques et rigoureuses sur les avantages de la participation des femmes aux processus de relèvement économique et de construction de la paix, mais énormément de preuves anecdotiques qui illustrent le rôle déterminant joué par les femmes comme artisanes de la paix dans la foulée de conflits violents. Les nouvelles preuves mentionnées plus haut démontrent également que les femmes participent plus activement au marché du travail durant les conflits et que, dans certaines circonstances et contre vents et marées, les femmes apportent une contribution significative au relèvement économique de leurs ménages et de leurs communautés, ainsi qu’au maintien et à la promotion de la paix au sein de leurs communautés.

Les résultats de cette discussion en ligne contribueront à alimenter une étude qui vise à l’élaboration de recommandations factuelles, significatives et réalisables aux gouvernements et à d’autres parties prenantes, telles que les organisations internationales et le personnel de la FAO, à propos du lien existant entre le soutien à la sécurité alimentaire et nutritionnelle et la construction de moyens d’existence résilients, les processus de paix et la stabilité, et la façon d’intégrer les questions d’égalité entre les sexes dans des politiques et des mesures appropriées en matière de sécurité alimentaire et nutritionnelle, là où sévit un conflit, où ce conflit vient de s’achever, ou risque de resurgir.

Question 1 : connaissez-vous des travaux, projets, programmes ou politiques qui abordent les thèmes de la sécurité alimentaire, de l’égalité de genre et de la construction de la paix, et les liens qui les unissent ? Accepteriez-vous de nous en parler pour contribuer à étayer cette recherche ?

Question 2 : La prise en compte des différentes priorités de sécurité alimentaire et nutrition des femmes et des hommes, des petites filles et des petits garçons peut-elle contribuer à prévenir le déclenchement d’un conflit, ou à en raccourcir la durée ? Quelle serait la meilleure façon d’y parvenir ? Veuillez nous apporter des détails sur toute étude existante en la matière.

Question 3 : Votre organisation a-t-elle pu vérifier, par l’expérience concrète de contextes d’après conflits, si les femmes et les hommes ont contribué, grâce aux rôles qu’ils jouent dans le domaine de l’agriculture et de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, à prévenir des conflits ou à en raccourcir la durée ? Quels étaient ces rôles et de quelle façon ont –ils contribué à cet état de choses ?

Patricia Justino, Becky Mitchell

Institute for Development Studies, Royaume Uni

 

 

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SAFWCO (www.safwco.org, www.safwcofoundation.org) and  Roots Pakistan- a grass root development action(www.rootspakistan.org) have long been associated with agricultural/ livelihood development, food security and climatic justice.

Our programs at  SAFWCO and Roots Pakistan are gender, conflict and climate change sensitive.We have worked with many organizations including Alert International- having strong conflict sensetivity context and Oxfam Gb- having strong CC sensitivity.

We have exclusive  programs on effective citizenship-ECGs at SAFWCO and  Food First Pakistan at Roots Pakistan.In the former focus is  on women-led citizenship programming including food security while at latter focus is on right to food-based planning & development.

At Roots Pakistan we are also working on open Governments concept to improve governance including food & nutrition governance, with more trasparency & accountability that helps contain conflicts.

Our experience has been that by promoting food & nutrition security societies and countries can help underpin human security through coherent societies and  through them peace building.

This discussion topic makes me think about our early experience from P4P in Liberia where more than a decade of civil war had left the agricultural sector in pieces. The limited infrastructure that was in place prior to the conflict had been destroyed, and displaced communities returned to overgrown land. The few remaining farmers’ groups were loosely organized and struggled to produce high-quality rice in large quantities. When the P4P pilot was initiated in 2009, mistrust was pervasive among farmers – of one another, of the Ministry of Agriculture and of WFP. Identifying cooperatives to join P4P proved difficult, and members were wary of working together and therefore hesitant to hand over their rice to be sold collectively to WFP.

Working on building trust among smallholders, and enabling them to work collectively and take ownership of their businesses turned out to be a big challenge but also a big achievement. Here is the link to an article with more information about these efforts: https://www.wfp.org/purchase-progress/news/blog/p4p-liberia-building-relationships-and-growing-businesses

In addition, a colleague wrote a blogpost about how women’s groups in Liberia are not only seizing the P4P opportunity to produce and commercialize rice, but also to create their own personal peace and protection networks. You can read his blog post here: https://www.wfp.org/purchase-progress/news/blog/blog-women%E2%80%99s-ingenuity-determines-p4p%E2%80%99s-success-liberia

>> English translation below <<

La sécurité alimentaire est au cœur du développement. C’est elle qui permet de forger les ressources humaines dont la capacité conditionne la croissance économique et le développement. Toute nation a besoin d’hommes et de femmes en bonne santé physique et mentale pour conduire le développement. La sécurité alimentaire est dès lors primordiale du fait que l’alimentation constitue le premier besoin humain. Si la pauvreté est à la fois alimentaire et non alimentaire, liée aussi aux conditions de base (dispositif de soins de santé primaires, d’éducation, …), la misère est quant à elle essentiellement alimentaire. Or, la misère ne fait pas bon ménage avec la capacité à réfléchir et à produire, la liberté et l’assiduité au travail. Elle ne peut donc pas permettre le développement. Lorsque les gens ont faim, la révolte, les émeutes et les conflits ouverts apparaissent comme les moyens de réaction pour éviter que l’émigration ou la mort ne s’imposent à elles. Il existe donc une relation évidente entre la sécurité alimentaire et la paix. La paix est tributaire de la sécurité alimentaire.

Aussi, est-il donné de constater que l’insécurité alimentaire est une menace pour la paix. D’abord dans le pays d’origine où elle existe, puis dans les pays destinataires de ceux qui réussissent à migrer. L’insécurité alimentaire comporte donc des corollaires négatifs qui demandent que la sécurité alimentaire généralisée soit la préoccupation de tous. Ces corollaires sont les conflits et les émeutes. Or, les conflits sont préjudiciables pour la sécurité alimentaire  du fait des destructions de biens (champs, écoles, bétails, ..) qui s’ensuivent. Les émeutes et les conflits étant souvent une porte ouverte au non-droit, ils sont porteurs de l’incivisme et donc de la dégradation des ressources existantes, y compris en premier les champs et les cultures qu’ils portent. Les conflits et émeutes sont une source de démotivation et d’abandon des actes à poser pour faire prospérer l’économie et le bien-être général des peuples. En définitive, on pourrait dire que « la sécurité alimentaire conditionne la paix et la sécurité générale dans les sociétés » et que « les conflits et l’insécurité en général génèrent l’insécurité alimentaire ».

Venons-en à une analyse genre sensible de la situation, des concepts de la sécurité alimentaire,  de conflit, d’émeute et d’insécurité alimentaire. En effet, si l’on comprend que les conflits, notamment les conflits armés, agissent plus sur les femmes qui subissent les viols et dégradent l’état de santé des enfants qu’elles sont obligées de porter et d’allaiter au cours de leurs déplacements, on voit bien la nécessité de procéder à une analyse discriminante genre. Les femmes sont plus vulnérables aux conflits que les hommes, du fait de leurs responsabilités dans la prospérité du ménage. Dans le même temps, les femmes ont un rôle suffisamment important dans la réalisation de la sécurité alimentaire, non seulement par leurs contributions aux activités champêtres d’appui aux hommes, mais aussi au regard de leur prépondérance dans les petites exploitations familiales. En Afrique notamment, les productions des femmes sont généralement plus orientées vers les cultures vivrières que celles des hommes. Les proportions de terres affectées aux cultures vivrières par les femmes sont souvent plus élevées que celles des hommes. Les conflits, et donc l’insécurité alimentaire, ont donc des impacts plus forts sur les femmes que sur les hommes.

En définitive, dès que la sécurité alimentaire de la femme est menacée, celle des enfants et de tout le ménage l’est aussi. Car, les enfants ne peuvent plus bénéficier d’une bonne santé physique et d’un bon apport nutritionnel, tout comme les activités champêtres et de ménage (cuisine, entretien et éducation des enfants, …) ne peuvent plus être efficacement accomplies. La sécurité alimentaire de la femme détermine donc la cohésion et la prospérité du ménage. La reconstruction de la paix post-conflit doit donc passer par le rétablissement de la sécurité alimentaire au niveau des femmes.

Food security is at the heart of development. This is what enables human resources to be created whose abilities determine economic growth and development. Every nation needs men and women in good physical and mental health to drive development. Food security is therefore essential as food is the first of human needs.  If poverty is both related and not related to food, being linked also to basic living conditions (primary health care, education ...), absolute destitution on the other hand is essentially food related. But destitution is a poor partner for an ability to plan and to produce, for free choice and hard work. It therefore stands in the way of development. When people are hungry, revolts, riots and open conflicts occur as reactions to avoid that emigration or death are forced upon them. Thus, there is a clear connection between food security and peace. Peace is subject to food security.

 In the same way, it is recognized that food insecurity is a threat to peace. Firstly in the countries where there is food insecurity and then in the countries which are the destinations of those who make a successful migration. Food insecurity involves therefore adverse side-effects which require that generalized food security should be everyone´s concern. These side-effects are conflict and riots. Furthermore, conflict is damaging for food security due to the destruction of property (fields, schools, livestock ...) that follows. Uprising and conflict, often being an open door to unlawfulness, bringing anti-civic behavior and therefore degradation of existing resources, including first of all  fields and their crops. Conflict and riots are sources of demotivation and the giving up of those actions needed to make the economy and the general well-being of people prosper. Without any doubt, it could be said that: food security is a condition for peace and general security in society, and that: conflicts and insecurity, in general, cause food insecurity.

Let us come to a gender based analysis sensitive to the situation, to concepts of food security, conflict, uprising and food insecurity. Indeed, if we understand that conflicts, particularly armed conflicts, impact more on women, who suffer rape, and harm the health of those children whom they are forced to carry and suckle during these upheavals, we can see clearly the need to procede to a gender differentiating analysis. Women are more vulnerable to conflict than men, because of their responsibility for the wellbeing of the household. At the same time, women have a sufficiently important role in the fulfilment of food security, not only by their contribution to farming activities in support of men, but also in view of their preponderance in the small family farms. In particular in Africa, production by women is generally more oriented to food crops than that of men. The proportion of land dedicated to food crops by women is often greater than that of men. Conflict, and therefore food insecurity, has hence more impact on women than on men.

Ultimately, once food security for women is threatened, it is also threatened for children and the whole household. Thus, the children can no longer benefit from good physical health and good nutrition, just as farming and household activities (cooking, upkeep and bringing up children ...) cannot be carried out efficiently. Food security for women therefore determines the cohesion and wellbeing of the household. The rebuilding of peace post conflict must start with the re-establishment of food security for women.

>> English translation below <<

Si nous parlons de l'égalité entre les sexes sur le plan sécurité alimentaire, il s'agit d'autonomiser la femme pour la production alimentaire. Dans certains pays africains les femmes n'ont pas droit à la terre. Seuls les hommes ont droit à l'héritage, donc aux fonciers. La femmes est appelée à quitter sa famille paternelle pour se marier donc, intégrée dans une autre famille pour donner sa progéniture là-bas. Parfois ces belles familles aussi pensent que la femme est faite pour pondre des enfants et non pour cultiver la terre. Et comme conséquence, elle peut avoir parfois des disaines d'enfants malnutris si l'homme n'arrive pas à couvrir correctement les besoins alimentaires du foyer. Cette situation engendre, chez la femme, des inquitutes aux besoins quotidiens des enfants, des soucis, des querrelles et parfois  elle est victime de violences  de toute sorte.

L'égalité entre les sexes (exigent un partage équitable des terres entre l'homme et la femme), ce qui fera que la production agricole féminine serait encore plus grande pour couvrir les besoins alimentaires des enfants et de la mère. La sécurité alimentaire augment, entretient, alors, l'amour et la paix au foyer. En faisant du monde féminin des héritières foncières pour la production agricole, la sécurité alimentaire est assurées puisque de la production jusqu'au transformation des produits agricoles, la femme a des capacités extraordinaires. Et quand il y a de quoi manger au foyer, la paix devient une évidence.

If we talk about gender equality in the context of food security, it is about giving women autonomy of food production. In certain African countries women do not have the right to own land. Only men have the right to inheritance, therefore to property. Women are expected to leave their paternal family when they get married; therefore they become part of another family where they will have children. Sometimes these in-law families also think that the woman´s duty is to have children and not to work the land. As a result, she can sometimes have dozens of malnourished children if the man does not manage to provide properly for the food needed by the household. This situation gives rise to anxiety in the woman regarding the daily needs of the children, to worries, quarrels and sometimes to every kind of violence against her.

Gender equality (requiring an equitable sharing of land between men and women) will mean that feminine agricultural production would increase in order to cover the food requirements of the children and the mother.  Food security therefore increases and maintains love and peace in the household. By giving the world of women the right to property inheritance for agricultural production, food security is ensured because from production to transformation of agricultural products, women have extraordinary capabilities. And when there is enough to eat in the household, peace is self-evident.