Ghana: le dur chemin vers une agriculture durable qui n'exploite plus le travail des enfants
La solution au problème du travail des enfants et de l'exploitation des filles et garçons dans l'agriculture passe par l'amélioration des conditions socioéconomiques des populations rurales. Une étude de la FAO fait le point de la situation au Ghana.
Les défis spécifiques liés au travail des enfants dans les petites exploitations agricoles [FAO/J. Spaull]
Asperger les champs de pesticides toxiques, travailler de longues heures sans aller à l’école, être contraint de se prostituer pour de l'argent ou de la nourriture, c'est là le lot de dizaine de millions d'enfants de par le monde qui sont soumis à des conditions de travail inacceptables et exposés à tous les dangers.
L'agriculture, pêche comprise, figure parmi les trois secteurs où le travail est le plus dangereux, et sa part dans le travail des enfants au niveau mondial est de 70 pour cent.
Au Ghana, d'après les chiffres disponibles pour 2001, dernière année pour laquelle on dispose de données au niveau national, la moitié des enfants ruraux et un cinquième environ des enfants en milieu urbain exerçaient une activité économique. Quelque 60 pour cent d'entre eux dans l'agriculture, la sylviculture et la pêche.
Le choix du Ghana pour cette étude (Child Labour and Children’s Economic Activities in Agriculture in Ghana) était motivé entre autres par le fait qu'il était possible d'y analyser l'impact des mesures prises pour réprimer l'exploitation des enfants. Le gouvernement, les ONG et les syndicats avaient déjà commencé à mettre en œuvre des mesures visant à réduire les pires formes d'exploitation et on pouvait espérer que les leçons de l'expérience et les bonnes pratiques mises en lumière par cette étude serviraient aux autres pays.
L'étude, d'une durée de six mois, réalisée en 2008 en collaboration avec l'université Humboldt de Berlin a passé en revue la littérature, la législation et les pratiques relatives au travail et à l'exploitation des enfants au Ghana. Elle s'est attachée à recenser les principaux textes de loi, les institutions, les politiques et les processus concernant les activités économiques et l’exploitation des enfants et a comporté diverses études de cas touchant la production de cacao, la pêche et la garde des troupeaux.
Les leçons apprises au Ghana
D’après cette étude, un nombre élevé d’enfants étaient privés de l'instruction élémentaire obligatoire. Les bouviers dans les districts Tolon-Kumbungu et du Tongu septentrional et méridional veillaient sur les troupeaux du matin au soir et n'étaient pas scolarisés. Sont également signalés des cas de trafic d'enfants dans les secteurs de l'élevage et de la pêche ainsi que des conditions de travail dangereuses dans tous les secteurs.
Les enquêtes menées au Ghana dans le secteur de la production du cacao montrent que l'éventail des activités économiques des enfants va de travaux légers acceptables jusqu'à des activités pouvant être considérées comme dangereuses, mais aussi que la frontière entre travail acceptable et exploitation des enfants n'est pas toujours facile à tracer.
En juin 2008, le Ministère du travail, de la jeunesse et de l'emploi a publié un cadre d’activité relatif au travail des enfants dans le secteur du cacao (Hazardous Child Labour Activity Framework for the cocoa sector) visant à préciser ce qu'il faut entendre par conditions de travail acceptables et exploitation du travail des enfants, selon les définitions qu’en donnent les conventions de l’OIT, et afin d'aider les parties prenantes à bien distinguer entre les deux.
Le Ministère a établi un catalogue des activités spécifiques jugées dangereuses pour les enfants où figurent notamment le travail isolé dans une exploitation agricole, l'emploi de machettes, l'abattage des arbres et l'utilisation des pesticides. Il est précisé que le nombre d'heures de travail et les possibilités d'éducation sont des facteurs à prendre en compte. Ce dernier point intéresse particulièrement les filles qui, partout dans le monde, sont plus fréquemment soustraites à l'obligation de scolarité en raison du double fardeau les obligeant à assumer les responsabilités du ménage et à mener une activité extérieure rémunérée.
« Travailler à la ferme, s'embarquer pour pêcher, ou s’occuper du bétail, si cela n'empiète pas sur la scolarité et si la sécurité est assurée, peut constituer un atout. C'est un moyen pour l’enfant d'acquérir de l'expérience et de forger son sentiment d’appartenance à la communauté et son identité culturelle », selon Bernd Seiffert, Chargé de la subsistance en milieu rural et des institutions locales à la FAO.
Le souci du changement dans les milieux où le travail s'effectue à petite échelle
L'une des principales difficultés mises en exergue dans l'étude ghanéenne a trait au travail des enfants dans les petites exploitations agricoles et plus particulièrement dans les communautés de pêcheurs.
Selon Seiffert toujours, “le travail des enfants ne concerne pas la pêche sur les grands navires, mais essentiellement la petite pêche artisanale pratiquée le plus souvent dans des communautés de pêcheurs souffrant d'une grande pauvreté où les moyens de se procurer d'autres sources de revenu ne sont pas évidents”.
“Une démarche qui donne des résultats consiste à offrir des incitations sous forme de paiements en espèces ou de transferts en nature, ou encore d'accès au crédit, dont l'octroi est subordonné à la fréquentation scolaire. Cela doit s’accompagner d’un suivi étroit de la fréquentation scolaire, d’un soutien technique très clair, d’un service de tutorat, et dans certains cas d’un soutien psychologique des enfants et de leurs parents ou tuteurs. On a également constaté qu'un excellent moyen de garder les enfants à l’école consistait à offrir un service de cantine scolaire”.
“Il faut aussi examiner de près la qualité et la pertinence de l'éducation dispensée au niveau local, et promouvoir une éducation et un apprentissage qui soient pertinents au regard des moyens d'existence à venir de l'enfant. C'est là que les écoles pratiques d’agriculture et d’apprentissage à la vie pour les jeunes, promues par la FAO, peuvent être particulièrement utiles”.
La filière des écoles pratiques d’agriculture et d’apprentissage à la vie pour les jeunes, en place dans différents pays, fait appel à des travailleurs spécialisés dans la vulgarisation, à des professeurs et des animateurs sociaux, et à une méthodologie fondée sur la participation pour transmettre aux garçons et aux filles âgées de 12 à 17 ans les connaissances agronomiques et les connaissances indispensables à l’autonomie fonctionnelle.
Principales recommandations
L'étude ne s'est pas contentée de mettre en lumière les pratiques en vigueur au Ghana, qui contribuent à réduire le travail des enfants, mais elle a également recommandé que la FAO, l’OIT et d'autres partenaires renforcent le soutien technique accordé au Ghana à l'appui de ses efforts pour intégrer les questions relatives au travail des enfants dans sa politique nationale de la pêche, ainsi que dans ses services de vulgarisation dans les secteurs de l'agriculture et de la pêche. Elle a également demandé d’accorder au gouvernement une aide devant servir à intégrer dans les enquêtes nationales menées au Ghana l’information et les questions relatives aux enfants qui travaillent.
Globalement parlant, l’étude recommande à la FAO de se faire l'écho de ces priorités et à cette fin, de faire en sorte avec ses partenaires que les questions relatives au travail des enfants deviennent partie intégrante du travail de ses différents départements tant au siège que dans les bureaux décentralisés et de faciliter la diffusion de l'information, du matériel éducatif, ainsi que la formation en la matière.
Elle recommande à la FAO d’appuyer les efforts du gouvernement tendant à établir une base de données sur les activités économiques des enfants dans l’agriculture, en conjuguant ces efforts avec ceux qui sont déployés dans le cadre d'initiatives existantes, telles que Comprendre le travail des enfants, projet de recherche interinstitutionnel associant l'OIT, l’UNICEF et la Banque mondiale.
Compte tenu de son mandat et de ses étroites relations de travail avec les ministères et départements de l’agriculture au niveau national, la FAO se profile comme centre potentiel - avec l'OIT - en matière d'information et de connaissances relatives au travail des enfants dans l'agriculture et la pêche et comme protagoniste indispensable des efforts tendant à réduire l'exploitation des enfants et à promouvoir le développement rural.