Les investissements au profit des femmes rurales contribuent à la sécurité alimentaire
Dans le domaine de l’agriculture, les femmes sont des agents essentiels de la sécurité alimentaire et de la croissance économique rurale, mais leurs conditions de travail sont souvent pénibles et leur contribution est insuffisamment reconnue. La Journée m
Femme passant des cacahuètes au tamis, pour en enlever la terre et les séparer des cailloux, sur le marché de Galla Mandi à Multan (Pakistan). [FAO/A. Hafeez]
Dans de nombreux pays en développement, les femmes constituent le gros de la main-d’œuvre agricole en milieu rural. La part de la population active féminine qui travaille dans l’agriculture est de plus d’un tiers au niveau mondial, mais, dans certaines régions, comme l’Afrique subsaharienne et l’Asie du Sud, elle dépasse 60 pour cent. Afin de pouvoir subvenir à leurs besoins alimentaires et à d’autres dépenses de base, les hommes et les femmes des zones rurales diversifient souvent leurs revenus en exerçant de multiples emplois. En général, les femmes pratiquent des activités agricoles de subsistance, dirigent de petites entreprises, travaillent sans rémunération dans l’exploitation familiale ou encore sont employées ponctuellement comme ouvrières agricoles – et il peut leur arriver, à certaines périodes, de mener de front plusieurs de ces activités, voire toutes. Étant donné que, dans de nombreux pays en développement, les femmes s’acquittent également de toute une série de tâches essentielles – travaux ménagers et attention aux personnes –, leur temps de travail hebdomadaire est généralement supérieur à celui des hommes. Dans des pays comme le Bénin et la Tanzanie, par exemple, les femmes rurales travaillent respectivement 17,4 et 14 heures de plus par semaine que les hommes.
Il est fondamental de donner plus de chances aux femmes, pour qu’elles puissent avoir leurs propres cultures et en vendre le produit, qu’elles trouvent des emplois rémunérés dans le secteur agro-alimentaire, ou qu’elles mènent d’autres activités lucratives dans le secteur rural, afin d’affermir leur pouvoir de négociation au sein de leur ménage et de légitimer leur prise sur des ressources matérielles essentielles comme la terre et le crédit.
Ceci est important car il s’agit de renforcer leur position au sein des familles et des communautés, mais aussi parce que les femmes sont plus enclines que les hommes à dépenser leurs revenus dans des produits alimentaires et autres pour répondre aux besoins de base de la famille.
Keshta a 31 ans. Elle vit avec son mari et ses six enfants à Al-Shokha, zone rurale située dans le sud-est de la Bande de Gaza qui a été ravagée au cours de l’opération « Plomb durci » menée par l’armée israélienne. Afin de procurer à sa famille un revenu plus que nécessaire, elle a reçu, dans le cadre d’un projet financé par l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), un lapin et cinq lapines, une quantité de fourrage suffisante pour nourrir ceux-ci pendant trois mois et une formation sur l’élevage des lapins. Grâce à cette initiative, Keshta et sa famille tirent à présent un revenu directement de la vente de leurs lapins et Keshta est en mesure de réinvestir une partie de ses gains dans du fourrage et des médicaments vétérinaires pour poursuivre son élevage.
« La formation que j’ai reçue avant de recevoir le lot de lapins m’a permis d’améliorer mes compétences et d’apprendre à utiliser facilement les vaccins et les médicaments vétérinaires », explique-t-elle. Sans compter que les protéines contenues dans la viande de lapin ont enrichi l’alimentation de ses enfants et renforcé la capacité de sa famille de parer à l’insécurité alimentaire.
« Ce projet m’a donné une excellente occasion de contribuer au bien-être de ma famille. Les revenus de mon ménage ont augmenté. Nous sommes une famille nombreuse pauvre et mon mari est depuis longtemps sans travail; nous devons faire face à des dépenses, aussi avons-nous besoin de ressources », ajoute-t-elle.
Mais de nombreuses femmes en milieu rural continuent à se heurter à des difficultés s’opposant à leurs chances de réussite, comme le manque d’infrastructures publiques et sociales et les inégalités en matière d’accès au crédit, aux équipements techniques et à d’autres ressources importantes, comme la terre et l’eau. Au Burkina Faso, au Kenya, en Tanzanie et en Zambie, par exemple, des études ont montré que, si les terres, le travail, les investissements et les engrais étaient alloués équitablement aux hommes et aux femmes, la production agricole pourrait augmenter de 10 à 20 pour cent.
« Il est également essentiel d’investir dans l’amélioration des routes, des transports, des infrastructures électriques et hydriques et des services de puériculture et de santé afin de réduire le temps que les femmes consacrent à des tâches quotidiennes non rémunérées, de sorte de leur permettre d’avoir un emploi productif en dehors de chez elles », déclare Eve Crowley, conseillère principale de la FAO pour la Division de la parité, de l’équité et de l’emploi rural. C’est particulièrement important dans un contexte de détérioration de l’environnement ou quand les effets du VIH/sida et d’autres maladies font peser des responsabilités et des pressions économiques plus lourdes sur les femmes, qui doivent s’occuper de parents malades et d’enfants devenus orphelins.
De la même façon, l’éducation, le perfectionnement des compétences et la formation technique sont fondamentaux pour l’emploi rural. Ils peuvent aider les entreprises dirigées par des femmes à développer leurs réseaux, à trouver des débouchés plus lucratifs susceptibles de créer des emplois et à nouer des liens entre elles pour accroître les possibilités de croissance. Les travailleuses salariées qui bénéficient de l’équité des chances en matière d’éducation et de formation sont en outre mieux placées pour disputer aux hommes des emplois de qualité:
« Les femmes représentent entre 20 et 30 pour cent du salariat agricole et sont souvent majoritaires dans les secteurs d’exportation de produits de grande valeur, comme les fruits et légumes frais et les fleurs. Ces secteurs agricoles non traditionnels constituent pour elles des possibilités de revenu inédites, mais les femmes sont souvent plutôt engagées sous contrat temporaire ou ponctuel pour effectuer des travaux manuels nécessitant une main-d'œuvre nombreuse. Elles n’ont guère de possibilités d’acquérir de nouvelles compétences et, en général, les postes de haut niveau continuent d’être accaparés par les hommes », poursuit Eve Crowley.
Travaillant en collaboration avec le Bureau international du travail (BIT), la FAO s’attache à cerner les nouvelles tendances sur les marchés de l’emploi rural et à veiller à ce que des mesures d’égalité des chances et de traitement entre les hommes et les femmes soient intégrées dans les orientations que ces deux institutions communiquent aux pays.
« Pour lutter contre la faim dans le monde, il nous faudra conjuguer les efforts des hommes et des femmes. Les femmes rurales sont essentielles à la sécurité alimentaire de la planète: elles constituent un gros pourcentage des producteurs agricoles et jouent un rôle fondamental pour l’alimentation de leur famille et de leur pays », affirme Mme Crowley.
« Il est donc essentiel de prendre acte de la contribution des femmes et de tenir compte de leurs besoins à tous les niveaux – national, institutionnel et politique – si l’on veut renforcer leur capacité de production et mieux valoriser le potentiel qu’elles peuvent représenter. »