Bien que cela puisse paraître paradoxal, l’insécurité alimentaire peut aussi contribuer au surpoids et à l’obésité. Les aliments nutritifs et frais sont souvent chers. Ainsi, lorsque les ressources des ménages consacrées à l’alimentation se font rares, les gens choisissent des aliments moins chers qui sont souvent riches en calories et pauvres en nutriments. C’est particulièrement vrai dans les zones urbaines et dans les pays à revenu intermédiaire et élevé, mais l'effet négatif de l’insécurité alimentaire sur la qualité de l’alimentation a globalement été prouvé dans les pays à revenu faible, intermédiaire et élevé.
Il existe également des facteurs psychosociaux qui relient l’insécurité alimentaire à l’obésité. Le fait de ne pas avoir un accès certain ou adéquat à la nourriture provoque souvent des sentiments d’anxiété, de stress et de dépression, ce qui peut entraîner des comportements qui augmentent le risque de surpoids et d’obésité. Ceux-ci comprennent des troubles de compulsion alimentaire ou de suralimentation lorsque la nourriture est disponible (et une disponibilité continue incertaine), ou le choix d’«aliments réconfortants» peu chers, à densité énergétique élevée, riches en graisse, en sucre et en sel.
Les troubles alimentaires et la privation de nourriture constituent un autre lien entre l’insécurité alimentaire et la malnutrition. Les cycles d’«abondance et de famine» provoquent des changements métaboliques associés à une augmentation du tissu adipeux, une baisse de la masse musculaire maigre, et une prise de poids plus rapide lorsque la nourriture devient abondante.
De plus, la privation de nourriture chez la mère et le nourrisson/enfant peut entraîner une «empreinte métabolique» du fœtus et de la petite enfance, ce qui accroît le risque d’obésité et, plus tard, de maladies chroniques non transmissibles liées à l’alimentation. La dénutrition maternelle – ainsi que le surpoids – causés par l'absence d'accès stable à une alimentation adéquate peuvent entraîner des modifications métaboliques, physiologiques et neuroendocriniennes chez les enfants, alimentant le cycle intergénérationnel de la malnutrition.
La coexistence de multiples formes de malnutrition signifie que les deux parcours décrits plus haut ne fonctionnent pas indépendamment l’un de l’autre mais se répercutent mutuellement. Ainsi, la dénutrition liée à la sécurité alimentaire pourrait être associée à la surcharge pondérale et à l’obésité. Comme nous l’avons décrit, l’insécurité alimentaire est associée à l’insuffisance pondérale à la naissance chez les nourrissons. Un faible poids à la naissance est un facteur de risque de retard de croissance chez l'enfant, qui peut à son tour être associé, plus tard dans la vie, à une surcharge pondérale et à l'obésité. Selon l’OMS, «les enfants qui ont souffert de malnutrition et qui sont nés avec un poids insuffisant à la naissance ou qui ont un retard de croissance encourent un risque beaucoup plus grand de développer un surpoids ou une obésité, confrontés à l'âge adulte à des régimes alimentaires à forte densité énergétique et à un mode de vie sédentaire.» Il est également intéressant de noter que les enfants présentant un retard de croissance ont un risque plus élevé d'être en surpoids.
Que peut-on faire??
Il est nécessaire de mettre en œuvre - et d'intensifier - des opérations visant à garantir l’accès à des aliments nutritifs et ainsi briser le cycle intergénérationnel de la malnutrition. Les 1 000 jours qui séparent la conception et le deuxième anniversaire d’un enfant constituent une période cruciale pour prévenir à la fois le retard de croissance et le surpoids, favoriser la nutrition de l’enfant ainsi que sa croissance et son développement tout au long de sa vie. L’allaitement maternel exclusif au cours des six premiers mois, des aliments complémentaires et des pratiques d’alimentation adéquates jusqu’à l’âge de deux ans sont essentiels pour assurer une croissance et un développement normaux de l’enfant au cours de cette période fondamentale.
L’accès à une alimentation sûre, nutritive et en quantité suffisante doit être considéré comme un droit de l’homme, la priorité devant être accordée aux plus vulnérables. Les politiques doivent accorder une attention toute particulière à la sécurité alimentaire et la nutrition des enfants de moins de cinq ans, des enfants scolarisés, des adolescentes et des femmes afin d’interrompre le cycle intergénérationnel de la malnutrition. Il est nécessaire d’opérer un changement en faveur d’une agriculture sensible à la nutrition et des systèmes alimentaires qui fournissent des denrées alimentaires saines et de grande qualité, favorisant une alimentation saine pour tous.
L’Impact du climat sur la sécurité alimentaire et la nutrition
L’année dernière, le SOFI a relevé que les conflits et la violence dans plusieurs régions du monde figuraient parmi les principaux facteurs de la faim et de l’insécurité alimentaire, suggérant que les efforts en faveur en faveur de l’éradication de la faim devaient aller de pair avec ceux pour le maintien de la paix. Le rapport de cette année souligne qu'en dehors des conflits, les changements climatiques parfois extrêmes sont également un facteur clé de l'augmentation récente de la faim dans le monde – et dans certains cas, ces deux facteurs interagissent. Ils sont aussi l'une principales causes de graves crises alimentaires.