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2. PRINCIPALES ZONES BIOGÉOGRAPHIQUES DU PAYS


2.1. GRANDES ZONES AGRO-CLIMATIQUES DE LA MAURITANIE
2.2. LOCALISATION DES RESSOURCES FORESTIÈRES
2.3. ESTIMATION DES RESSOURCES FORESTIÈRES
2.4. TYPES DE RESSOURCES FORESTIÈRES ET LEURS MODES D’UTILISATION

2.1. GRANDES ZONES AGRO-CLIMATIQUES DE LA MAURITANIE

Les conséquences de la désertification (climatiques, physiques, humaines et économiques), constatées à l’échelle nationale, constituent une grande préoccupation en matière de développement et de protection des ressources naturelles à l’intérieur des quatre zones éco-climatiques suivantes:

- la zone aride;
- la zone sahélienne;
- la zone du fleuve;
- la façade maritime.
La zone aride, la plus vaste entité écologique du pays, comprend des sous-entités différentes les unes des autres, avec des ressources bio-génétiques maigres et éparses, localisées dans des espaces extrêmement spécifiques. Les principaux problèmes concernent la protection contre l’ensablement des oasis, des villes, des points d’eau et des ouvrages hydrauliques (petits périmètres de décrue) ainsi que la lutte contre l’érosion hydrique provoquée par les crues torrentielles des oueds.

La zone sahélienne, espace biogéographique de transition entre la zone aride et la zone du fleuve, comporte des formations végétales de type arbustif et arboré ainsi que d’autres richesses biologiques relativement plus abondantes et plus stables que dans la précédente. Cette zone est confrontée principalement aux problèmes suivants:

- régénération et protection des pâturages;
- développement de l’agriculture associé à la protection des sols;
- protection des infrastructures et de l’habitat contre l’ensablement;
- production de bois de feu et charbon de bois;
- protection de la faune dans le Nord du Guidimaka et l’Est du Gorgol.
Dans cette zone l’accent doit surtout être mis sur l’organisation des éleveurs et la gestion durable des ressources sylvo-pastorales.

La zone du fleuve est celle où l’eau et la végétation constituent des ressources favorables au développement des activités agro-sylvo-pastorales. C’est également la zone où sont rencontrées les principales ressources forestières, malheureusement en cours de destruction accélérée. Les principaux problèmes concernent:

- la protection et la régénération des forêts le long du fleuve et la réalisation des reboisements à grande échelle;

- la protection des cultures et des aménagements hydro-agricoles contre l’érosion éolienne et hydrique;

- la protection des potentialités agricoles du Guidimaka contre la pression du bétail.

La façade maritime est la zone du littoral qui va de Nouadhibou au rivage du fleuve Sénégal, couvrant une longueur d’environ 750 km et une étendue de 50 km de profondeur en moyenne à l’intérieur de la mer (plateau continental). Les problèmes de cette zone sont essentiellement liés à:
- la protection contre l’ensablement des villes et des axes routiers (ou ferrés) qui en partent;

- la sauvegarde du patrimoine naturel dans le cadre du parc national du Banc d’Arguin;

- l’aménagement des pâturages autour de Nouakchott;

- l’aménagement du territoire, en décongestionnant la capitale grâce à un réseau d’agglomérations secondaires tourné vers la valorisation des ressources maritimes, pêche en mer et aquaculture;

- l’aménagement et la préservation des écosystèmes estuariens de production et de développement des ressources halieutiques propres aux côtes mauritaniennes.

2.2. LOCALISATION DES RESSOURCES FORESTIÈRES

Le découpage phytogéographique du pays se calque sur celui des climats qui appartiennent aux domaines saharien et sahélien. Le couvert végétal prend de l’importance du Sud au Nord du pays et plus particulièrement le long du fleuve Sénégal:

· Le domaine saharien abrite de maigres steppes herbeuses faiblement arbustives. Le peuplement est généralement constitué de plantes vivaces groupées en touffes ou en buissons rabougris très espacés. Le couvert végétal peut devenir plus conséquent le long des Oueds et dépressions.

· Le domaine sahélien est mieux arrosé et abrite une flore moins pauvre et moins clairsemée que le précédent. Toutefois, les parties les plus méridionales, qui enregistrent plus de 400 mm de pluie annuelle, recèlent des peuplements plus ou moins denses d’Acacia nilotica variété nilotica dont les racines et le tronc supportent une immersion pendant plusieurs mois. Sur les franges se développent des formations ligneuses mixtes à base de Balanites aegyptiaca, Acacia albida, Ziziphus mauritiana et Bauhinia rufescens. Il subsiste également dans certains cas des galeries forestières à base de Bauhinia, Combretum, Ziziphus, Tamarindus et Anogeissus.

En bordure, d’autres arbres apparaissent: Acacia sieberiana, Acacia seyal, Crateva religiosa, Combretum spp, Adansonia digitata, Piliostigma thonningii, Piliostigma reticulatum, Borassus flabelifer, Mitragyna inermis, Raphia soudanica, Tamarindus indica, Grewia bicolor, Grewia tenax, Sclerocarya birrea, Pterocarpus luscens, Commiphora africana.

Dans certaines zones dunaires, il existe des peuplements d’Acacia senegal, Acacia tortilis, A. raddiana et Balanites aegyptiaca, avec des nuances selon que l’une ou l’autre de ces espèces est dominante dans le paysage. Boscia senegalensis et des espèces avoisinantes apparaissent sur les sols cuirassés. Il existe également en Mauritanie des mangroves à base de Rhizophora racimosa et d’Avicennia nituda dans le bas delta et au Banc d’Arguin.

2.3. ESTIMATION DES RESSOURCES FORESTIÈRES

Région du Sud-Ouest

L’estimation des surfaces des formations ligneuses faite par Fontes1 est basée sur l’interprétation de la carte au 1/50 000 (USAID, 1981). Les superficies obtenues se répartissent de la façon suivante:

1 Fontes. J. Evaluation des ressources forestières en Mauritanie. Situation 1980-1985.

· 2 670 000 ha de formations naturelles arbustives;
· 460 000 ha de formations naturelles arborées mixtes;
· 24 000 ha de formations arborées denses, dont 2 000 ha environ de palmeraies.

Région du Sud-Est

L’auteur a utilisé pour l’évaluation des ressources forestières de cette région les documents de LANDSAT qui font suite à la carte USAID (région du Sud-Ouest). Les superficies estimées sont:

· 1 115 000 ha de formations naturelles arbustives;
· 65 000 ha de formations naturelles arborées mixtes;
· 5 000 ha de formations naturelles de denses.
Forêts classées

L’auteur dans ses estimations n’a pas pris en compte les surfaces couvertes par les forêts classées au nombre de 30 couvrant 48 000 ha de superficie (annexe 2).

Le cumul des trois domaines précédents donne pour le pays la couverture globale suivante:

· 77 000 ha de formations arborées denses dont 48 000 ha dans le domaine classé;
· 525 000 ha de formations arborées mixtes ouvertes;
· 3 785 000 ha de formations arbustives.
Ainsi la couverture des formations ligneuses en Mauritanie avoisine 4 387 000 ha, soit 4,25% de la superficie totale du pays.

Les superficies forestières accessibles aujourd’hui sont estimées à 3 500 000 ha, ce qui représente une couverture de moins de 3,5% de formation végétale constituée de savanes claires, de steppes à Acacia et de brousses arbustives dont les possibilités naturelles moyennes sont évaluées à 0,16 m3/ha/an d’où une production annuelle de 560 000 m3.

2.4. TYPES DE RESSOURCES FORESTIÈRES ET LEURS MODES D’UTILISATION

Les espèces forestières locales fournissent divers produits (bois, aliments, produits artisanaux, fourrage, médicament, etc.) et assurent également une fonction protectrice ou amélioratrice de l’environnement (annexe 3).

Acacia albida (Mimosaceae): les feuilles et les gousses constituent d’excellents aliments fourragers pour les animaux. En pharmacopée, l’écorce du tronc est administrée sous diverses formes comme remède contre le rhume, la grippe, les maux des dents et comme fortifiant. Le décocté de l’écorce absorbé par voie orale, est efficace contre la toux chez les enfants. La cendre du bois mort est utilisée pour la fabrication de savon. L’Acacia albida est une plante mellifère (les abeilles tirent des fleurs du nectar et pollen) et fertilise les sols.

Acacia nilotica (Mimosaceae): les gousses et les feuilles sont consommées par les dromadaires, moutons et chèvres. Le bois est utilisé comme combustible (bois et charbon de bois). Les fruits constituent le principal produit de tannage chez les cordonniers. La gomme exsudant du tronc sert à fabriquer une boisson rafraîchissante. En pharmacopée, les graines grillées et pillées sont utilisées dans les traitements des plaies, des hémorroïdes et des gingivites. Le décocté d’écorce du tronc, pris par gargarisme, est efficace contre les maux des dents. L’écorce réduite en poudre sert d’hémostatique local. Les fleurs fournissent aux abeilles du nectar et pollen.

Acacia raddiana (Mimosaceae): les feuilles et les jeunes rameaux fournissent un précieux fourrage pour les animaux. Les fruits mûrs tombant au sol sont très appréciés par les moutons et chèvres. La décoction des feuilles aurait des propriétés antipaludiques. Les fleurs odorantes sont très mellifères. Elles fournissent aux abeilles du nectar et du pollen.

Acacia senegal (Mimosaceae): les feuilles et les fruits constituent un fourrage très apprécié par le bétail. La gomme résultant des exsudations des fentes de sécheresses et des blessures constitue la gomme arabique dont 90% de la production commercialisée est fournie par l’Acacia senegal. Le bois mort est utilisé comme bois de cuisine car il possède un haut pouvoir calorifique. Le tégument est utilisé pour la fabrication des cordes. L’écorce du tronc ou des racines entre dans la composition des préparations anti-ictériques. Les fleurs fournissent une haute valeur mellifère pour les abeilles.

Acacia seyal (Mimosaceae): les feuilles, les fruits et même l’écorce sont consommés par les animaux. La gomme, résultant des exsudations issues des fentes de sécheresse et des blessures, est récoltée comme gomme arabique friable de qualité inférieure à la gomme de l’Acacia senegal. Le bois est peu utilisé comme combustible. L’écorce fournit une teinture rouge qui sert à teindre les vêtements. Le décocté de l’écorce est pris comme purgatif. La fleur a une haute teneur mellifère.

Boscia senegalensis (Capparidaceae): les feuilles coriaces à goût salé fort prononcé ne sont appétées que par les chameaux et les chèvres pendant la sécheresse. Les fruits immatures sont comestibles. La poudre des feuilles pilées entre dans la préparation des pommades utilisées contre l’asthénie et les douleurs rhumatismales. Les racines entrent dans une préparation utilisée contre l’impuissance sexuelle en pharmacopée. Les feuilles séchées assureraient la protection du mil contre les parasites dans les greniers. Le décocté des racines est employé comme vermifuge. Les graines préparées servent de petits poids et pilées, elles donnent une excellente farine pour la fabrication des repas.

Balanites aegyptiaca (Balanitaceae): le bois jaune, compact et résistant aux insectes, sert à fabriquer des pilons, des mortiers et des manches d’outils divers. Les feuilles constituent un bon pâturage aérien pour les animaux. La pulpe du fruit est comestible et a un effet légèrement laxatif. Le décocté des racines ou de l’écorce du tronc a une action purgative et calmante des coliques. Les racines entrent dans la fabrication du savon. L’huile extraite de la graine est utilisée par friction pour calmer les douleurs rhumatismales. Le macéré du fruit est ichtyotoxique (poison à poisson). Une excellente boisson, qui soigne le diabète, l’asthme et les complications respiratoires et même la toux, est fabriquée traditionnellement avec le fruit.

Grewia bicolor (Tiliaceae): les fruits sont comestibles. Il s’agit d’un aliment important pour beaucoup d’oiseaux. Le fruit fermenté et chauffé constitue une pâte noirâtre que les ruraux utilisent comme matière de conservation du beurre. Le bois donne d’excellentes cannes, des manches d’outils et des arcs. Il sert également de bois de feu. Les feuilles donnent un savon pour nettoyer les habits. Divers emplois médicinaux existent, surtout avec l’écorce, contre les inflammations de l’intestin et la syphilis ou comme vermifuge, diurétique ou laxatif.

Anogeissus leiocarpus (Combretaceae): le bois dur, imputrescible et résistant aux insectes xylophages, est exploité comme bois d’œuvre et bois de feu. Les feuilles et l’écorce fournissent une teinture jaune pour les peaux et les tissus. Les feuilles et l’écorce sont également employées en médecine traditionnelle dans le traitement de diverses maladies: fièvre, diarrhée, vers intestinaux, fatigue générale. Le décocté des racines, pris par voie orale, aurait des effets aphrodisiaques.

Dalbergia melanoxylon (Fabaceae = Papilionaceae): les feuilles et les fruits sont appétés par le bétail. Le bois, au cœur brun-noir, très dur, dense et résistant aux insectes, convient aux sculptures de petites dimensions, pipes, pilons et mortiers. Il est également utilisé comme bois de feu. Le décocté d’écorce de tige est associé à la pulpe farineuse du fruit du baobab pour traiter les diarrhées.

Pterocarpus luscens (Fabaceae = Papilionaceae): les feuilles et les fruits sont appréciés par les chameaux, moutons et chèvres. Le bois sert à la fabrication des pilons et manches d’outils. Il est utilisé aussi comme perche et bois de feu. Le décocté d’écorce est antidiarrhéique.

Salvadora persica (Salvadoraceae): les feuilles sont appétées par les chameaux, les chèvres et les moutons. Les branches flexibles sont utilisées comme cure-dents. Le décocté des rameaux et feuilles serait efficace contre la dysurie. La poudre d’écorce des racines est utilisée dans le traitement de l’ictère. La plante est utilisée comme traitement curatif contre la fièvre, les maladies du foie, le rhumatisme, la blennorragie, la bronchite, l’asthme, etc.

Adansonia digitata (Bombacaceae): la pulpe farineuse du fruit, l’albumen des graines et les feuilles sont comestibles. Divers éléments de l’Adansonia sont utilisés en pharmacopée: les feuilles réduites en poudre sont utilisées contre l’asthme et les difficultés respiratoires; la gomme exsudant du tronc contre les rages de dents, la pulpe du fruit contre les diarrhées et les dysenteries infantiles et comme fortifiant, l’écorce du tronc comme fébrifuge. L’écorce du tronc fournit également des fibres utilisées pour tisser les nattes et confectionner les cordes. Les feuilles et l’écorce sont consommées par les bovins. L’Adansonia est en outre une plante mellifère.

Commiphora africana (Burseraceae): les feuilles sont broutées par les chameaux, les moutons et chèvres. Le bois, tendre, sert à confectionner des cadres de lit, des portes et fenêtres. La résine est utilisée comme encens, parfum et insecticide. La poudre d’écorce de la tige mélangée au lait est prise comme antidote du poison du Strophanthus sarmentosus (plante toxique) et contre la morsure de serpent. La macération d’écorce en boisson calmerait les douleurs rhumatismales.

Prosopis juliflora (Mimosceae): arbre de protection, de production et d’ombrage, il fournit par son feuillage et ses gousses un excellent fourrage pour le bétail. Il donne également le meilleur bois de chauffage et de carbonisation. Il fournit du bois de service (poteaux, perches, gaulettes, piquets, etc.). En médecine locale, l’écorce macérée est utilisée comme antiseptique pour le traitement des ulcères. Le Prosopis attire les abeilles par son nectar et ses grains de pollen appréciés dans la fabrication du miel.

Sclerocarya birrea (Anacardiaceae): les fruits sont consommés et font l’objet d’un commerce local. La pulpe des fruits, riche en alcool, est fermentée et transformée en bière. Des jus et des confitures sont faits à partir des fruits. L’amande du noyau contient des matières grasses et beaucoup de vitamine C. Elle donne une huile comestible. L’écorce produit une fibre très résistante. Elle soigne les maux de tête et des dents, la malaria, la dysenterie, la syphilis, la lèpre, l’hydropisie. Les feuilles, l’écorce et les racines combattent les morsures des serpents. Le bois est utilisé pour faire des mortiers, pilons, ardoises, etc.


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