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2. LES PÊCHERIES ET LEURS CAPTURES (Continued)

2.4 Atlantique et Méditerranée

2.4.1 Les pêcheries industrielles en Atlantique et en Méditerranée

Les seules grandes pêcheries pélagiques aux filets dérivants dans l'Atlantique et la Méditerranée qui ont été répertoriées sont la pêcherie italience à l'espadon (récemment terminée) et la pêcherie francaise au germon. Toutefois, la persistance de certains indices permet de penser que des bateaux taïwanais utilisent des filets dérivants dans certaines régions.

En ce qui concerne l'Atlantique Sud, la pêche au filet dérivant est illégale dans les eaux sud-africaines, mais en 1990, 166 bateaux de Taïwan (Province de Chine), de Corée et du Japon ont sollicité et obtenu des permis pour entrer dans les ports sud-africains avec des filets maillants à bord. Sept autres bateaux sont entrés illégalement dans les eaux sudafricaines avec des filets maillants. L'un d'eux s'est échoué et avait des pingouins et des phoques dans ses cales réfrigérées, et plus de 100 km de filets dérivants rangés à bord. Un autre transportait des filets dérivants (et des pingouins) qui ont été découverts lors d'une mise en bassin pour réparation au Cap. Un troisième bateau (coréen) a été arrêté pour utilisation de filets dérivants dans les eaux territoriales sud-africaines. Ces incidents ont été à l'époque relatés dans la presse locale.

Le fait qu'un grand nombre de bateaux (principalement) taïwanais se trouvaient dans les eaux sud-africaines avec des filets dérivants à bord, et deux d'entre eux avec des pingouins dans leurs cales réfrigérées, ne signifie pas nécessairement qu'ils pêchaient au filet dérivant dans l'Atlantique Sud-Est. Les documents présentés à la Consultation d'experts sur le thon de l'IPTP en juillet 1990 indique que Le Cap était parmi les ports utilisés par les bateaux pêchant le thon dans l'océan Indien. On sait que la pêche au filet dérivant s'effectue dans les eaux du sud de l'océan Indien à l'est de l'Afrique du Sud, d'où Le Cap est le port plus proche.

Cependant, plusieurs des bateaux embarquent des matelots sud-africains et signalent qu'ils vont capturer le calmar aux Malouines (seuls 4 des 166 bateaux ont des licences pour capturer le calmar aux Malouines (J. Barton comm. pers.), mais il y a aussi une pêcherie au calmar à l'extérieur de la zone de pêche cotière des îles Malouines). Un matelot sud-africain a raconté qu'en fait, après avoir quitté Le Cap, ils ont navigué durant une semaine au sud-ouest vers les Malouines pour capturer le calmar, mais qu'ils s'étaient arrêtés durant un mois pour pêcher le thon au filet dérivant près d'une ile montagneuse qui pouvait être vue du pont. Le transbordement du thon a eu lieu en mer, où environ 100 autres bateaux pêchaient. Un bateau de recherche sud-africain s'est trouvé parmi cinq bateaux de pêche à proximité de Tristan de Cunha et ses hélices se sont prises dans un filet dérivant. On a pu voir des pingouins morts dans les eaux proches des bateaux de pêche. Le matelot a indiqué qu'outre des thons, les filets dérivants ont attrapé aussi “beaucoup” de pingouins, 15–20 dauphins, 3–4 petites baleines, poissons-lune et des “tas” de requins et autres poissons pendant le mois de pêche. Les quelques données dont on dispose sur la pêcherie, qui se pratique, en partie du moins, dans la ZEE de 200 milles de Tristan de Cunha, sont résumées par Ryan et Cooper (sous presse).

Une seconde controverse a éclaté en août 1990, quand deux bateaux taïwanais, le Her Sheng No.1 et le Her Hsing No.1, ont été photographiés dans le port de port of Spain, à Trinidad, avec des filets dérivants entassés sur leur pont arrière. Les photographies ont été publiées dans les journaux locaux et américains. La présence d'une quinzaine de ces bateaux a été signalée. La compagnie taïwanaise de pêche impliquée a démenti avoir utilisé des filets dérivants pour capturer les thons dans les environs, mais a prétendu que les filets étaient destinés à la capture du calmar (The Trinidad Guardian 17.08.90). Plusieurs espèces d'encornets volants sont connues en Atlantique, y compris des Ommastrephes bartrami, mais jusqu'à présent aucune capture de calmar au filet dérivant n'a été signalée.

Les pêcheurs espagnols ont relaté avoir rencontré des bateaux taïwanais pêchant au filet dérivant dans l'Atlantique, et ont coupé leurs engins de pêche. Trois bateaux taïwanais utilisant les filets dérivants ont été observés en train de transborder leurs captures dans les Acores en août 1990. Ils avaient à l'origine été gréés pour la pêche au calmar (on a su qu'au moins l'un d'entre eux avait effectué ce type de pêche dans l'Atlantique Sud). Ces bateaux étaient freéuemment équipés de filerts dérivants pour la capture du thon. L'équipage d'un bateau a indiqué qu'il y avait au total 21 bateaux de ce type pêchant au filet dérivant dans l'Atlantique Nord, qu'ils étaient harcelés par des pêcheurs espagnols, et qu'ils prenaient souvent dans leurs mailles des cétacés et des dauphins (J. Gordon comm. pers.).

La pêcherie francaise au germon a démarré expérimentalement en 1986 pour accroître les captures des flottes francaises qui pêchent ce type de thon à la traine; les ligneurs utilisent les filets dérivants la nuit et pêchent à la traîne le jour. La pêche s'exerce de juin à fin septembre, principalement à l'extérieur des 200 milles, dans le golfe de Gascogne. La pêche démarre en juin près des Acores et suit les bancs de germons dans leurs déplacements vers le nord et l'est. Le nombre de ligneurs déployant des filets dérivants est passé de 16 en 1988 à 37 en 1989. Les captures par filets maillants se sont éeléves à quelque 750 tonnes métriques en 1988, chiffre qui peut être rapproché du total des captures par tous types d'engins du stock de germon de l'Atlantique Nord, (60 300 tonnes en 1988). Les captures totales de germon ont décliné ces dernières années, par suite d'une réduction de l'effort, tandis que les indices de prise par unité d'effort ont fait apparaître une tendance à l'accroissement pour les flottes utilisant l'appât vivant, et aucune tendance pour les flottes de ligneurs (CICTA 1990).

Plusieurs tailles de mailles allant de 80–120 mm, ont été employées dans cette pêcherie au filet maillant, les mailes d'environ 90 mm produisant les meilleurs résultats. Les nappes de filets d'environ 50 m de long et de 20 à 36 m de profondeur sont employées avec un rapport d' armement (E)1 de 0,6. Les filets ont une longueur totale comprise entre 2 500 et 6 000m, bien que le Sirius, le bateau de Greenpeace, ait signalé avoir observédes filets des 20 km dans cette pêcherie.

Des observateurs français suivant les opérations de pêche au filet dérivant, effectuées en 1989, ont signalé que 90, 5 pour cent des prises étaient du germon, 3, 5 pour cent du thon rouge, et les 6 pour cent restants étaient constitués d'espadons et de requins. Huit parmi les 130–150 marées ont été observées et deux petits cétacés non identifiés ont été capturés durant cette période. Les observations de Greenpeace comprenaient 84 germons, 10 requins bleus, deux castagnoles et un dauphin commun dans lest sections de filets examinés par le Sirius. Les obnservations de 1990 ont inclus à la fois des dauphins communs et des dauphins bleus et blancs; des captures totales de plus de 400 dauphins à des niveaux courants d'effort de pêche ont été suggérées (Antoine 1990).

La pêche italienne au filet dérivant pour la capture de l'espadon a été interdite en 1990, et a redémarré du moins temporairement en 1991, après de nombreux litiges, mais avec des restrictions sur la longueur de nappe autorisée par bateau. Jusqu' au début de l' été 1990, elle a été l'une des principales pêcheries mondiales aux filets dérivants.

Les filets dérivants pour le thon et l'espadon sont utilisés en Méditéranée depuis l'époque classique (Di Natale 1990a), mais leur usage s'est rapidement généralisé dans les années 80, du fait de la politique du gouvernment qui a encouragé les pêcheurs italiens à utiliser les filets dérivants, considérés comme plus sélectifs que d'autres types d'engins. Le développement de la flotte, jusqu'à plus de 700 bateaux en 1989, s'est accompagné d'une extension de sa zone d'action, “loin des eaux de Sicile et de Calabre au sud, à la mer ligurienne au nord”. Environ 90 pour cent de la flotte employait des filets de 12–13 km de long, et d'environ 28–32 m de hauteur. Des mailles de 180 à 400 mm ont été employées pour la capture du germon et de l'espadon. Certains bateaux de la flotte utilisaient au plus 6 km de longueur de filet, tandis que quelques-uns mouillaient 20 km ou davantage.

Les captures d'espadon dans les filets maillants pour les Italiens sont passées de 1300 tonnes en 1984 à 1 650 tonnes en 1988. L'impact de la pêcherie sur le stock n'est toutefois par très clair du fait d'une série inadéquate de prises par unité d'effort de pêche et du manque d'estimations fiables concernant l'âge des poissons. Néanmoins, la longueur moyenne des espadons débarqués dans les ports du sud de l'Italie a décliné de 136 cm en 1985 à 124 en 1989 (Di Natale 1990a). La classe de taille modale est de 115 cm, (tous types d'engins confondus) en comparaison de tailles modales de 170 cm dans les pêcheries à la palangre dans d'autres régions du monde (palko et al. 1981).

Un grand nombre d'espèces non recherchées a été enregistré dans les pêcheries au filet dérivant de Méditerrannée. Le Tableau 31 donne la liste des espèces de poissions identifiées jusqu'ici (Di Natale comm. pers.). Au moins 44 espèces de poisson non recherchées ont été répertoriées, mais les taux de capture sont inconnus. En plus de ces prises, des tortues et des mammifères marins ont été capturés.

Les captures de mammifères marins enregistrées dans cette pêcherie portent sur une période suffisamment longue. Harmer (1917) a noté la capture de cachalots dans des “filets à thons” à Lipari en 1902, tandis que des données supplémentaires ont été fournies par Duguy et al. (1983) et Di Natale et Mangano (1983) (revu dans Northridge en 1984).

Ces dernières années, un nombre croissant de cétacés a été pris dans les filets. Tout d'abord, les échouages de cétacés se sont multipliés dans la mer ligurienne. Cette proportion croissante de cétacés échoués pourrait laisser supposer l'emmêlement dans une nappe (fragments de filets, cicatrices, absence de queue). Les tendances sont rappelées par Notarbartolo di Sciara (1990). Les espèces en cause étaient des cachalots (23 sur 131, soit 17,5 pour cent des animaux emmêlés), des ziphius (1,5 pour cent), des globicéphales (6 pour cent), des dauphins de Risso (3 pour cent), des grands dauphins (8,4 pour cent), des dauphins blancs et bleus (44 pour cent). Il est clair que ces animaux ne représentent qu'une petite fraction du total des emmêlements observés: se fondant sur des entretiens personnels avec des pêcheurs engagés dans la pêcherie, Di Natale (1989) suppose que 3 000 à 5 000 cétacés environ auraient pu être capturés.

La proportion assez élevée de cachalots parmi les emmêlements enregistrés vaut d'être signalée. Les cachalots, peut-être du fait de leur taille et de leurs habitudes alimentaires (ce sont des plongeurs profonds), sont rarement répertoriés dans les filets, si bien que la pêcherie de Méditerranée fait figure d'exception à cet égard.

Des captures de tortues luth et de tortues carettes ont aussi été enregistrées dans cette pêcherie, mais les taux de capture des tortues, comme des cétacés, ne sont pas disponibles. La pêcherie italienne a été interrompue en juillet 1990, après son interdiction par le Gouvernment italien.

2.4.2 Les autres pêcheries au filet dérivant en Atlantique et en Méditerranée

Outre la pêcherie italienne aux filets dérivants, il y a des pêcheries beaucoup plus modestes dans plusieurs autres pays méditerranéens. Elles ont été passées en revue lors d'une récente Consultation d'experts du GFCM/CICTA, à Bari en juin 1990, consacrée à l'évaluation des stocks des pêcheries de grands pélagiques dans la zone méditerranéenne.

En Algérie, un filet dérivant de 3 km de long est maintenant expérimenté au large des côtes occidentales du pays, et jusqu'ici aucun emmêlement de mammifère marin n'a été enregistré. Au Maroc, une flotte de 30 à 40 bateaux artisanaux pêche des petits thons avec des filets dérivants de 3 à 4 km de long. Aucune information sur des emmêlements d'espèces non recherchées n'est disponible (GFCM/CICTA, 1990).

TABLEAU 31

Calmars et poissons capturés dans des filets dérivants en Méditerranée
Principales espèces recherchées/Espéces capturees fréquemment
EspadonXiphias gladius
GermonThomus alalunga
Autres espèces communément attrapées
Requin renardAlopias Vulpinus
Requin bleuPrionace glauca
TaupeLamma nasus
Raie MantaMobular mobular
MourineMolobatis aquila
Grande CastagnoleBrama brama
Poisson empereurLuvaris imperialis
Poisson luneMola mola
Thon rougeThomus thymas
BoinitouAaxis rocheri
Espèces peu communes
PélerinCethorhinas maximus
Requin touilleIsurus oxyrhhinchus
Requin marteau lisseSphyrna zygaena
Poisson huileRuvettus pretiosus
Daurade coryphèneCorryphaean hippurus
Espèces occasionnelles
Requin renard aux gros yeuxAlopias superciliusus
Requin tisserandCarcharhinus brevipinna
Requin à long museau et à pointers noiresCarcharhinus limbatus
Requin sombreCarcharhinus obscurus
CernierPoliprion americannum
Poisson piloteNaucratus ductor
Rouffe impérialSchedophilis ovalis
RemoraRemora spp.
Bonite à dos rayéSarda sarda
Maquereau espagnolScomber japonicus
Requin d'estuaireCarcharhinus plumbeus
Grand requin blaneCarcharodon carcharias
Requin à sept branchiesHeptranchias perlo
Requin taureauEugomphodus taurus
Requin de sable côtierOdontaspis ferox
Requin marteauSphyrna sp.
Requin HâGaleorhinus galeus
MourinePieromylaeus bovinus
Grande CarangueCaranx hippos
Liche amieLichia amia
CaranguePseudocaranx dentex
Sériole ambréeSeriola dumerilli
Coryphène dauphinCoryphena equiselis
Makaire blaneTetrapterus albidus
LamprisLampris guttatus
Poisson luneRanzania lacvis
EncornetTodarodes sugittatus
EncornetsOmmastrephes sp.

Quelques (moins de 10) bateaux artisanaux basés en Corse utiliseraient le filet dérivant; en Grèce, un bateau aurait commencé récemment à se servir d'un engin dérivant de 10 km, auquel s'ajoutent 13 unités plus petites employant 3 km de filets dans la même zone. Après examen des données concernant des bateaux de pêche et des engins utilisés en Méditerranée, Dremiere et Nédelec (1977) décrivent un filet dérivant tramail, roumain, mais aucune information sur son usage n'est fournie. Ils font aussit état d'un filet dérivant turc aux sardines de 365 m de long, 33 à 36,50 m de hauteur et une maille de 32 mm. Le nombre de bateaux employant cet engin n'est pas connu. Des bateaux artisanaux moins nombreux utilisent ce type d'engins dans les eaux italiennes (Di Natale, 1990b), et sans aucune doute ailleurs en Méditerranée.

Deux bateaux français se serviraient de filets dérivants d'environ 3 km de long pour le thon dans le golfe du Lion, au sud de la France. Jusqu'à 70 bateaux espagnols pourraient aussi utiliser des filets dérivants pour capturer le thon au sud de l'Espagne, aux environs du détroit de Gibraltar et notamment dans les eaux atlantiques marocaines (Serna et Alot 1990). Des filets de 1,5 à 3,5 km seraient utilisés mais aucune capture de mammifère marin n'a été enregistrée (jusqu'à juin 1990), bien que des observateurs espagnols aient enregistré et relaché trois tortues.

On ne dispose que de peu d'informations sur les pêcheries au filet dérivant de la côte ouest africaine. Les engins de ce type ne sont apparemment pas utilisés en Mauritanie (Josse 1989). Dans plusieurs des autres pays de l'ouest africain (Sierra Leone, côte d'Ivoire, Ghana), l.'usage de filets maillants encerclants est largement répandu (R. Basimi, comm. pers., COPACE 1989). Des filets maillants dérivants sont en grand nombre au Ghana et au Nigéria au moins. Doyi (1984) décrit les types de filets dérivants utilisés dans la région. Les filets ont de 180 à 650 m de long, de 2,5 à 50m de hauteur. Les tailles de maille varient de 45 mm à 200 mm. Le nombre des filets dérivants déployés dans l'ouest africain n'est pas connu, mais d'après les estimations du COPACE, environ 40 000 unités de pêche artisanale travaillent dans les eaux côtières de l'Afrique de l'Ouest, de la Mauritanie au Congo (Lawson et Robinson 1983).

Maigret (1990) fait état de l'introduction depuis 1983 d'une nouvelle pêcherie aux filets dérivants pour les thons, les espadons et les requins en Côte d'Ivoire et au Ghana. Il y a environ 30 pirogues qui effectuent chaque année environ 1 500 marées au total à partir de deux ports. Des dauphins sont semble-t-il capturés “régulièrement”. De telles captures sont illégales et ne sont pas enregistrées officiellement. Les statistiques sur les pêcheries ghanéennes au filet dérivant sont limitées. D'après les statistiques de la CICTA, les captures du Ghana enregistrées en 1988 se sont élevées à quelque 1 193 tonnes de thons aux gros yeux, de marlins et d'espadons par filet maillant. Maigret (1990) cite une pêcherie artisanale pélagique bien développée de quelque 8 000 pirogues, mais la proportion utilisant des filets dérivants n'a pas été répertoriée. Maigret note également l'usage de filets dérivants au thon par un nombre non. spécifié de 1 500 bateaux artisanaux opérant de Sao Tomé-et-Principe.

On n'est pas beaucoup plus documenté sur les pêcheries côtières au filet dèrivant de l'Europe at lantique. Dans le sud de l'Europe, on pratique la pêche côtière aux filets dérivants à l'anchois et à la sardine, et dans le nord de l'Europe les filets dérivants sont utilisés pour le saumon. Au Portugal plus de 11 000 bateaux sont autorisés à se servir des filets maillants, mais ces derniers sont la plupart du temps des engins fixes; des filets dérivants sont utilisés pour capturer à la fois des petits et des grands poissons pélagiques (Sequeira et Ferreira 1990). L'Irlance apporte son soutien à l'une des plus grandes pêcheries au filet dérivant du nord et de l'ouest de l'Europe. Il y a une pêcherie aux saumons, en grande partie illégale. Environ 900 licences ont été délivrées en 1988 pour la pêche aux saumons aux filets dérivants dans les eaux côtières irlandaises (Moriarty comm. pers.). On sait pertinement qu'en Irlande, la pêche aux filets dérivants pour le saumon, spécialement la nuit, est une des principales occupations dans certains districts, et il est clair que le nombre actuel de bateaux utilisant les filets dérivants est plus élevé que ne le laissent supposer les 900 licences accordées. La longueur totale de nappe déployée n'est pas connue. On sait que plusieurs espèces de petits cétacés, notamment des dauphins communs et des dauphins de Thétis et des marsouins communs, s'emmêlent dans ces filets.

La pêche au filet dérivant pour le saumon se pratique également sous licence en Angleterre et au Pays de Galles, mais pas en Ecosse. La zone la plus importante se situe dans le nord-est de l'Angleterre où un peu plus de 100 licences sont accordées annuellement pour l'usage du filet dérivant pour la capture du saumon entre avril et septembre. Des marsouins communs sont régulièrement capturés lors de ce type de pêche qui s'effectue à environ 4 milles du rivage avec des filets de 400 ou 600 m et une taille de maille d'environ 120 mm. Les taux d'emmêlement sont seulement connus de manière approximative et semble se situer aux environs de 6 marsouins par bateau et par an; la plupart de ceux-ci sont relachés vivants car les filets doivent, en vertu de la législation, faire l'object d'une surveillance permanente et la pêche n'est autorisée que de jour (Northridge 1988).

Une pêcherie aux filets dérivants axée sur les saumon a été récemment fermée après la révélation d'importantes captures de marsouins communs. En deux mois, 580 pêcheurs licenciés ont, en 1988, capturé et répertorié 96 marsouins communs. Bien que la pêcherie au filet dérivant soit maintenant interdite, il y aurait encore une pêche au filet dérivant dans le nord de la mer du Nord et dans le Skagerrak (A. Bjorge comm. pers.), mais les enquêtes sur cette pêche se sont révélées infructueuses.

Les pêcheries au filet dérivant, principalement de saumon mais aussi de hareng et maquereau, se pratiquent dans la Baltique et le Kattegat. Des bateaux danois, suédois, allemands, polonais, finlandais et soviétiques y participent. La pêche de saumons de la Baltique est réglementée par la Commission internationale de la pêcherie de la mer Baltique, qui a instauré des quotas de capture et une fermeture annuelle du 15 juin au 15 september dans la pêcherie aux filets dérivants. Les filets auraient jusqu'à 21 km de long, et une taille de maille de 160 mm. Les captures annuelles de saumon ont été en moyenne de 3 673 tonnes dans les cing dernières années et un TAC de 3 750 a été fixé en 1991. Environ 75 pour cent des captures totales s'effectuent dans les pêcheries du large et environ 80 pour cent de ces prises hauturiéres sont réalisés au filet dérivant. Une proportion non connue de captures côtières est aussi réalisée par ce type d'engin. Les captures actuelles ont atteint des niveaux tels qu'elles risquent de compromettre l'avenir des stocks sauvages de saumons (ICES 1990). Une grande variété de poissons, y compris la morue (Gadus morhua), le hareng (Clupea harengus), la plie (Pleuronectes platessa), le flet (Plactichthys flesus), le turbot (Psetta maxima), le lompe (Cyclopterus lumpus), l'orphie (Belone belone) et le maquereau (Scomber scombrus) se trouverait parmi les captures de cette pêcherie. Des oiseaux, y compris des guillemots (Uria aalge), pingouins torda (Alca torda), eiders (Somateria mollissima) et des plongeons (Glavia sp.) ont été notés ainsi que des marsouins (Phocoana phocoena) (Christensen et Larsson 1979). On ne dispose pas d'estimations sur les taux de capture de ces espèces.

Une pêcherie américaine, qui s'est récemment développée dans l'Atlantique du Nord-Ouest, utilise des filets maillants pour la capture de l'espadon. Quelque 15 bateaux auraient pris part à cette activité en 1989 et 30 en 1990. La pêcherie s'exerce le long de l'accore du plateau continental nord américain, principalement au large de la côte de Nouvelle-Angleterre. Environ 1,5 mille (environ 2.5 km) de nappes sont déployées par chaque bateau et une dimension de maille d'environ 20 pouces (500 mm) est utilisée (T. Smith, comm. pers.). Les filets sont installés de façon lâche afin que les poissons puissent aussi bien être emmêlés que pris par les ouïes. Une brève inspection de 5,6 km de nappe par Greenpeace en 1989 a révélé la prise de 26 espandons, 2 thons gros yeux et 4 dauphins. Read (1990) a présenté un tableau de capture de cétacés par cette pêcherie, dont il ressort que les dauphins communs sont les espèces les plus fréquentées (39 pour cent), suivis par les grands dauphins et les dauphins de Risso (15 et 14 pour cent). Des mésoplodons et des globicéphales noirs ont également été capturés (12 et 20 pour cent), aussi bien que des dauphins tachetés et des dauphins de Thétis.

Une pêche aux filets maillants pour les saumons existe à l'ouest du Groenland depuis 1959, mais ce n'est qu'en 1965 que les premiers pêcheurs des Féoré et de Norvège, et plus tard ceux du Danemark et du Groenland, ont commencé la pêche au filet dérivant au large, jusqu'à 40 milles (73 km) des côtes. Les filets sont en monofilament de nylon, bien que le multifilament soit également employé avec une maille de 140 mm. Ils sont utilisés dans des tésures qui peuvent atteindre 100 m de long, chaque nappe ayant environ 25–30 m de long, et 5 m de hauteur. La pêcherie est réglementée par un TAC et est contrôlée au début et à la fin de la saison (Lear et Christensen 1975, ICES 1988).

En 1987, la pêcherie a été ouverte le 25 août et s'est achevée le 7 octobre. Le TAC s'est élevé à 935 tonnes métriques et une capture nominale de 966 tonnes a été enregistrée, soit un chiffre légèrement supérieur à celui de l'année précédente, et considérablement plus élevé que les faibles captures (297 tonnes) de 1984. Un maximum de 2 689 tonnes a été enregistré en 1971, mais de 1972 à 1975, les bateaux non groenlandais ont été éliminés progressivement de la pêcherie, et tant les captures que les TAC ont chuté jusqu'au milieu des années 80. Le TAC comprend deux composantes, un quota libre pour tous les pêcheurs avec une licence, et un quota pour les petits bateaux, valable uniquement pour les embarcations d'une longueur inférieure à 30 pieds (9 m) (ICES 1988).

On a pu observer (en 1987) que la pêche est surtout pratiquée par de petits bateaux et est concentrée dans les eaux littorales. Les petits bateaux emploient seulement 40 filets en moyenne, tandis que les plus gros bateaux en utilisent en moyenne 99. Les filets sont surveillés lorsqu'ils sont dans l'eau et, dans la plupart des cas, sont remis en ordre avant d'être halés. Jusqu'à 350 bateaux peuvent participer à cette pêcherie (ICES 1988).

Les captures annexes comprennent des petits cétacés et des oiseaux de mer. Lear et Christensen (1975) ont examiné les prises de marsouins communs dans les bateaux non groenlandais en 1972. Ils ont estimé qu'environ 1 500 marsouins ont été pris dans cette partie de la pêcherie, et ils pensent que les taux de capture sont probablement plus élevés dans les secteurs non groenlandais de cette pêcherie, qui s'exerce plus loin au large, que dans le secteur groenlandais. Les taux de capture se sont accrus en termes de prises d'animaux par 100 milles/heure de filets classées de 0 à 21, avec des variations considérables selon les zones et les semaines de pêche. Les captures pour 100 nappes installées ont avoisiné 0,29 au total qui, si on suppose une longueur de 33 m (“la majorité est de loin de 33 m environ”), correspondent à un taux de 88 pour 1 000 km de nappes isntallées.

La pêcherie étrangère est maintenant fermée, mais la pêcherie groenlandaise continue de capturer des marsouins. Il est difficile d'estimer les taux de capture dans cette pêcherie, car les marsouins sont à certains égards considérés comme une source de nourriture, et peuvent aussi être abattus (C. Kinze comm. pers.).

Lear et Christensen (1975) mentionnent aussi deux cétacés, dont un globicéphale, qui ont été capturé pendant leur mission d'observation; il ne fait aucun doute que des cétacés continuent d'être capturés, mais probablement à un faible taux. Des oiseaux sont également capturés, notamment le guillemot de Brunnich (Uria lomvia) qui était à un moment considérablement menacé par cette pêcherie (Tull et al. 1972). Les autres espèces concernées sont les pingouins torda (Alca torda), les petits pingouins (Alle alle), les guillemots noirs (Cepphus grylle) et les puffins atlantiques (Fratercula artica). Les captures totales qui, pendant les annés 1976–1980 ont été évaluées aux environs de 50 000 à 100 000, sont beaucoup moins que dans les années précédentes après la fermeture de la pêcherie étrangère (au large) (Evans, 1984).

Au Canada, le filet maillant à saumon n'est plus désormais utilisé que comme engin fixe (Read 1990). Sur le reste de la côte est de l'Amérique du Nord, il existe plusieurs pêcheries artisanales aux filets dérivants pour la capture d'espèces comme les aloses, certains d'entre eux étant connus pour emmêler un petit nombre de mammifères marins aussi bien que des tortues et des oiseaux (O'Hara et al. 1986).

Les pêcheries au filet maillant dérivant dans le Delaware ciblent les acoupas, maigres et aloses. C'est une pêcherie littorale ou d'estuaire, où la longueur du filet est limitée à 3 000 pieds )914 m) de mai à septembre (mais pas le reste de l'année) et où les pêcheurs surveillent les filets en permanence (une trentaine de filets seulement ont été utilisés en 1977 (O'Hara et al. 1986). Les captures de tortues carettes n'ont été enregistrées qu'en petit nombre. Dans et autour de la baie de la Chesapeake plus de 6 000 pêcheurs utilisent des filets maillants côtiers, y compris des filets dérivants. Un nombre inconnu de grands dauphins, ainsi qu'une baleine occasionnellement capturée, et beaucoup de gibier d'eau ont été pris dans ces pêcheries côtières (O'Hara et al. 1986).

Un importante pêcherie littorale, principalement axée sur l'alose et à laquelle participent plus de 4 500 bateaux (Douglas 1989), utilise de petits filets dérivants ou fixes en Caroline du Nord et du Sud et en Géorgie. La législation réglementant la taille des mailles et la longueur des filets varie selon les différentes régions. Une quinzaine de grands dauphins par année sont probablement emmêlés, de même qu'un nombre inconnu de tortues, de plongeons et d'autres oiseaux. On n'a répertorié que peu de marsouins communs et de mégaptères pendant cette pêcherie (Read 1990).

Ces dernières années, deux nouvelles pêcheries au filet dérivant se sont développées au large de la Floride, axées sur les requins et les maquereaux espagnols. La pêcherie aux requins englobe 24 bateaux (Douglas 1989) mais aucune autre précision n'a été recueillie. La pêche de thazards a démarré au début des années 80, mais seules quelques unités y ont participé jusqu'en 1986. En 1987, le nombre de bateaux est passé de 7 à 13. Les filets ont une longueur moyenne de 3 000 yards (2 742 m) ou plus, et un bateau a déployé 7 000 yards (6 398 m) en 1987. Les bateaux travaillent au delà des 3 milles au large des côtes de Floride d'avril à septembre et utilisent une maille de 5 pouces (127 mm) et un fil de nylon No.9, des nappes ayant environ 15–24 m de profondeur. La pêche au filet dérivant est effectuée de nuit avec des temps de séjour dans l'eau de 12 heures. En 1987, des observateurs du service national de la pêche maritime ont assisté à 38 opérations, soit 5,2 pour cent du nombre total de marées (73), et ont répertorié les captures, les débarquements et les écarts. Les résultats (de Schaefer et al. 1989) sont reproduits dans le Tableau 32. Ni mammifère marin ni tortue n'ont été capturés, mais une tortue luth s'est échappée lors de la remontée du filet.

On sait peu de choses sur la pêche au filet dérivant dans les Caraïbes et l'Amérique du Sud. Les filets dérivants sont largement employés dans certains secteurs de la côte est mexicaine pour de grandes espèces de poissons pélagiques (J. Gonzalez-Cano comm. pers.), mais aucune donnée quantitative n'est disponible en ce qui concerne l'effort ou les captures. Dans la plupart des îles Caraïbes des pièges à poisson et des lignes diverses sont les plus communément employés. Dans certaines îles cependant, on utilise des filets maillants. En Jamaïque, par exemple, le filet maillant se substituerait peu à peu aux pièges (COPACO 1986). Dans la Barbade, les poissons volants sont capturés àl'aide de filets dérivants ayant des mailles de 41 mm (Storey 1984), cité par Mahon et al. 1986). Dans les Antilles françaises, des filets maillants en nylon sont employés pour la capture des carangues, des balaous, des poissons volants et des mulets; la pêche aux filets dérivants pratiquée à la Barbade a aussi été introduite à la Dominique et à la Grenade (Hess 1961 cité par Mahon et al. 1986). Vidal et al. (1990) font état de l'utilisation de filets maillants, y compris d'engins dérivants, pour la capture de requins, de thazards, de carangues et de daurades au Costa Rica, de mulets cabot en République dominicaine (où ces auteurs ont observé la capture d'un jeune mégaptère), et de poissons non spécifiés à Puerto Rico.

Van Waerebeek (1990) fait état de captures de dauphins dans une pêcherie utilisant le filet maillant pour le poisson pélagique (y compris les carangidés et les requins) en Guyane française. Environ 20–25 bateaux brésiliens opèrent au large de la Guyane française et, selon une estimation, il y aurait 4–5 dauphins de deux espèces capturés par marée. Chaque marée peut durer une semaine. Van Waerebeek suppose que les espèces étaient probablement de grands dauphins et des sotalies (Sotalia fluviatilis). La méthode d'utilisation des filets maillants n'a toutefois pas été indiquée.

A Trinidad, il y a une pêcherie artisanale pour le thazard comprenant plus de 100 bateaux d'environ 10 m (équipage de 2 ou 3). Les engins employés sont des filets dérivants de mailles de 4 à 4,5 pouces (192–114 mm) constitués principalement de fil multifilament (No. 12–15). Les nappes ont 100–150 m de long et environ 10 m de hauteur. Jusqu' à 5 nappes de filet sont installées en même temps (500–750 mm). La pêche commence au crépuscule et dure environ 6 heures, les filets étant remontés aux environs de minuit. En 1989, 5 325 marées ont été effectuées. Les principales espèces visées étaient le Scomberomorus brasiliensis et S. cavalla (Sturm comm. pers.). Le seul enregistrement détaillé de mammifère marin dans cette pêcherie concernait une femelle d'orque de 8 à 10 ans (Orcinus orca) qui faisait partie d'un groupe d'environ 15 individus et était emmêlée dans un filet remonté, le 10 juin 1987, dans le golfe de Paria. D'autres membres du groupe ont tenté de libérer la baleine en heurtant le bateau et en s'attaquant au filet. Des dauphins (d'espèces inconnues) se trouveraient aussi parfois pris dans les filets (T. Ottley, comm. pers.).

TABLEAU 32

Espèces non recherchées dans la pêcherie de thazards en Floride (Schaefer et al. 1989)
EspècesNombre de captures% de captures annexes%des captures totales
Thonine1 85467,023,1
Barracuda30010,83,7
Assiette atlantique1003,61,2
Emissole953,41,2
Requins (diverses espèces)893,21,1
Balistes732,60,9
Poisson dollar531,90,7
Remora321,20,4
Cownose ray271,00,3
Voilier220,80,3
Carangue210,80,3
Requin marteau160,60,2
Maigre atlantique150,50,2
Carangue crevalle120,40,1
Faux hareng100,40,1
Atlantic Bumper80,30,1
Cordonnier fil80,30,1
Sériole60,20,1
Flet50,20,1
Rascasses30,1<,1
Balistes20,1<,1
Grondi rayé20,1<,1
Manta20,1<,1
Vivaneau noir20,1<,1
Requin tigre1<,1<,1
Pastenague1<,1<,1
Pompano1<,1<,1
Mérou1<,1<,1
Guitare1<,1<,1
Stromaté1<,1<,7
Coffre1<,1<,1
Stromaté1<,1<,1
Bonite àdos rayé1<,1<,1

Au Brésil, la pêche au filet dérivant est très répandue le long de la côte, mais on ne dispose que de peu de données statistiques. Dans l'Etat de Maranhao, par exemple, des bateaux artisanaux, estimés à 5 000, pourraient employer des filets dérivants à grande maille, dont la longueur n'est souvent que d'une centaine de mètres (ou quelques centaines de mètres) (V. Batista comm. pers.). Des filets dérivants pour le poisson chat sont aussi utilisés dans l'Amazone et captureraient des sotalies.

Le long des côtes de l'Uruguay et de l'Argentine existent d'importantes pêcheries au filet maillant, notamment en Uruguay où une pêcherie utilisant des filets à grande maille aurait tué, pour la capture de requins, plus de 3 000 dauphins franciscains (Pontoporia blainvillei) entre 1974 et 1989 (praderi 1990). De telles pêcheries aux requins existent dans le sud du Brésil et en Argentine, et l'on sait que des lagénorhynques obscurs (Lagenorhynchus obscursus) et des marsouins de Burmeister (Phocoena spinipinnis) ont également été capturés. La plupart de ces pêcheries semblent toutefois utiliser des filets fixes et non des filets dérivants (Crespo et Corcuera 1990).


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