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II. PAYS DEVELOPPES


EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE
PAYS DE L'OCDE

EUROPE CENTRALE ET ORIENTALE


Economies en transition
Bulgarie
Roumanie
Fédération de Russie

Cette section examine la situation de la réforme économique et agricole en Europe centrale et orientale, notamment en Bulgarie, en Roumanie et dans la Fédération de Russie.

Economies en transition

En 1992, la production des économies en transition d'Europe centrale et orientale a connu un nouveau fléchissement. Cependant, les résultats des pays ont été très différents suivant le rythme de leur réforme économique et le stade qu'elle avait atteint.

Selon le FMI39, le PIB réel des pays d'Europe centrale40 a baissé de 7,5 pour cent en 1992, après la chute de 13,5 pour cent de 1991. D'après les prévisions, il accusera une nouvelle baisse de 1,5 pour cent en 1993 et marquera une reprise à partir de 1994, d'abord au taux de 2,6 pour cent. La croissance variera sensiblement selon les pays. D'une part, la Hongrie, la Pologne et l'ex-Tchécoslovaquie donnent déjà des signes de reprise, bien que la scission d'une Tchécoslovaquie fortement intégrée en deux Etats indépendants, la République tchèque et la Slovaquie, crée un facteur d'incertitude additionnel. D'autre part, l'activité économique en Bulgarie et en Roumanie a continué de baisser sensiblement en 1992, mais à un rythme inférieur à celui de l'année précédente. Les troubles intérieurs qui sévissent dans l'ex-Yougoslavie, et qui causent des souffrances humaines incalculables, nuisent aussi bien à l'économie locale qu'à celle des pays voisins, notamment l'Albanie, la Bulgarie et la Roumanie. L'Albanie, en particulier, est très sensible aux influences déstabilisatrices car ses réformes économiques n'en sont qu'à leurs débuts.

39 FMI. World Economic Outlook, avril 1993.

40 Albanie, Bulgarie, Hongrie, Pologne, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, ex-Yougoslavie.

Les résultats économiques des Etats de l'ex-URSS devenus récemment indépendants et leurs perspectives à court et moyen termes sont encore plus médiocres qu'en Europe centrale. Selon le FMI, le PIB réel de la zone (y compris les trois Républiques baltes maintenant indépendantes) a subi une contraction de 18,5 pour cent en 1992, contre 9 pour cent en 1991 et 2,2 pour cent en 1990. On s'attend à ce qu'il continue de fléchir, mais à un rythme de plus en plus lent: 11,8 pour cent en 1993 et 3,5 pour cent en 1994.

Dans la plupart des pays d'Europe centrale et orientale, le secteur agricole continue de subir les impacts négatifs à court terme de la réforme et de l'incertitude qui plane sur la privatisation et les droits de propriété futurs. Mais c'est la grave sécheresse qui est probablement à l'origine de la chute de 12 pour cent de la production agricole en Europe centrale en 1992, qui fait suite à un recul de 4 pour cent en 1991 et de 3 pour cent en 1990. Dans l'ex-URSS, la production agricole n'a baissé que de 4 pour cent en 1992, contre 13 pour cent en 1991. Une reprise partielle de la production céréalière, après la chute de 28 pour cent en 1991, a pratiquement compensé les diminutions ultérieures des autres récoltes et de la production de l'élevage.

Ainsi qu'il est signalé dans La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 1992, les principaux facteurs politiques influençant l'agriculture en Europe centrale et dans l'ex-URSS sont la libération des prix et des marchés, la réforme foncière, la privatisation et l'abolition des monopoles, et la libéralisation des échanges.

La libération des prix est encore le domaine politique où les progrès ont été le plus rapides. Pratiquement tous les pays se sont engagés avec décision dans cette voie. A la suite de mesures déjà prises dans ce domaine par les pays d'Europe centrale, un programme de libération des prix a été mis en œuvre en 1992 par le Bélarus, la Fédération de Russie et l'Ukraine, suivis de près par le Kazakhstan et les autres Etats de l'ex-URSS maintenant indépendants. Malgré ces efforts, la libération n'est pas complète et, dans bien des cas, les contrôles sur les prix persistent pour un certain nombre d'articles, dont certains produits alimentaires et agricoles. Dans la plupart des pays, l'effet de la libération des prix, conjugué à celui de l'élimination ou de la réduction des subventions sur les intrants et les produits agricoles, a abouti à une détérioration des termes de l'échange pour l'agriculture, du fait que les prix des intrants ont augmenté plus rapidement que les prix versés aux agriculteurs. Tout laisse penser que cette tendance a persisté en 1992. Les grosses variations des prix relatifs dues à la libération, ainsi que l'augmentation du coût du crédit et sa rareté qui ont suivi la réforme du marché du crédit, poussent le secteur agricole à améliorer sa productivité grâce à une meilleure utilisation des ressources.

La réforme agraire a progressé plus lentement en raison de la complexité des formalités juridiques et administratives. La plupart des pays d'Europe centrale ont déjà la législation nécessaire pour modifier leur régime foncier et les réformes sont encours. Il en va de même des trois Etats baltes. Dans la plupart des cas, la mise en oeuvre a été plus longue que prévu et le processus de restructuration et de remembrement des exploitations prendra sans doute un certain nombre d'années. Dans les autres Etats indépendants de l'ex-URSS, les progrès ont été plus lents et l'orientation des politiques est moins claire mais, dans la Fédération de Russie, la réorganisation des fermes d'Etat et des fermes collectives a démarré en 1992, entraînant des modifications de leur statut juridique et la redistribution des terres aux exploitants privés. Le 1er janvier 1993, il y avait, semble-t-il, 400 000 fermes privées dans les nouveaux Etats indépendants, dont environ 180 000 dans la Fédération de Russie.

TABLEAU 5

Indices de la production agricole en Europe centrale et dans l'ex-URSS


1985-1989 Moyenne

1989

1990

1991

1992

EUROPE CENTRALE

Cultures

110,3

112,5

106,1

103,8

83,9

Elevage

103,7

102,5

104,0

95,6

90,0

Agriculture

108,9

110,0

106,5

102,6

90,6

EX-URSS

Cultures

111,1

114,5

116,7

94,2

104,8

Elevage

118,6

125,6

125,8

116,9

101,7

Agriculture

116,4

120,6

120,2

105,1

100,6

Note: 1979-1981 = 100.
Source: FAO.
De même, les progrès ont été irréguliers en ce qui concerne la privatisation et l'abolition des monopoles, domaines qui influencent les secteurs d'amont et d'aval de l'agriculture. Des mesures importantes ont été prises, notamment en Hongrie, en Pologne et dans l'ex-Tchécoslovaquie, mais dans d'autres pays les réformes suivent des rythmes différents et les méthodes employées varient. Ainsi, la Fédération de Russie a mis en œuvre en 1992 un plan de privatisation basé sur la distribution de certificats, semblable à celui appliqué dans l'ex-Tchécoslovaquie; les citoyens détiennent déjà des certificats, mais ensuite les progrès ont été lents. La création de nouvelles entreprises privées à tous les niveaux, processus spontané qui s'est développé dans toutes les économies en transition, présente autant d'importance que la privatisation des entreprises publiques existantes. Les statistiques disponibles font apparaître une augmentation de la contribution du secteur privé au PIB.

L'un des graves problèmes que suscite le bouleversement des courants commerciaux traditionnels est le risque que se créent de nouvelles barrières commerciales intrarégionales. La division de l'ex-Tchécoslovaquie en deux Etats indépendants et la désintégration des relations économiques entre les républiques de l'ex-URSS pourraient avoir les mêmes conséquences que l'abolition du Conseil d'assistance économique mutuelle (CAEM). En fait, le rôle futur de la Communauté des Etats indépendants (CEI) paraît incertain et, en outre, les trois Républiques baltes et la Géorgie ont décidé de ne pas en faire partie. Cependant, certains des pays en transition s'efforcent de contrecarrer ces tendances négatives et de renforcer leurs relations commerciales régionales. C'est ainsi qu'en 1992 la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie ont décidé d'instaurer la Zone de libre-échange d'Europe centrale, qui devait entrer en vigueur en mars 1993. Il s'agit là d'une mesure importante au plan politique, bien que l'accord ait une portée plus limitée que prévu initialement. En outre, il est envisagé d'abolir les restrictions sur le commerce des produits agricoles de manière beaucoup plus lente que pour les produits industriels.

Bulgarie


L'agriculture bulgare
Réformes
Impact de la réforme agricole
Perspectives et politiques

L'agriculture bulgare

L'agriculture est un secteur assez important de l'économie bulgare. Elle fournit environ 12 pour cent du PIB et emploie 17 pour cent de la main-d'œuvre. Les produits agricoles et vivriers représentent environ 20 pour cent des exportations et 7 pour cent des importations. Les principaux produits agricoles sont les céréales (blé et maïs, surtout), les graines de tournesol, le tabac, les fruits (pommes, raisin, pêches, prunes, cerises, etc.) et les légumes (tomates, poivrons, oignons, pommes de terre, concombres). Les principaux produits de l'élevage sont la viande de porc, les produits laitiers (notamment le fromage et le yaourt) et la laine.

Tout au long de son histoire, la Bulgarie a été exportateur net de produits agricoles. Elle exporte habituellement du blé, du tabac, de l'huile de tournesol, des fruits et des légumes frais et en conserve, du vin et des produits de l'élevage. Elle importe de la farine d'oléagineux, du coton et, certaines années, du maïs. Sous le régime communiste, environ 80 pour cent de ses exportations allaient aux pays de l'ex-CAEM, dont 70 pour cent à l'ex-URSS. Ces marchés d'exportation se sont pratiquement effondrés avec la disparition des accords commerciaux conclus dans le cadre du CAEM et le démantèlement de l'URSS.

Sous le régime communiste, environ 99 pour cent des terres agricoles de Bulgarie étaient organisées en fermes d'Etat et fermes coopératives. En théorie, les fermes d'Etat appartenaient à l'Etat et leurs travailleurs recevaient des salaires fixes, alors que ceux des fermes coopératives en étaient membres et se partageaient les bénéfices de l'exploitation. Cependant, la distinction s'est estompée lors des restructurations des exploitations qui se sont succédé durant les 40 ans de régime communiste. Au cours des années 70, les fermes d'Etat et les coopératives ont été regroupées en immenses complexes agro-industriells d'environ 24 000 ha. A partir de 1986, elles ont été fractionnées en unités de taille inférieure et, pendant les dernières années du communisme, elles ont été complètement supprimées pour reconstituer les fermes coopératives originelles. Parmi les autres types d'organisation agricole, on peut citer les grands élevages porcins et avicoles appartenant à l'Etat.

Le secteur privé se composait de parcelles, de 0,5 ha habituellement, attribuées aux membres des fermes coopératives qui les cultivaient personnellement. Ces parcelles représentaient environ 16 pour cent des terres cultivables. Cependant, le secteur privé fournissait près de 25 pour cent de la production brute totale et jusqu'à 40 pour cent de celle de viande, fruits et légumes.

La fourniture des intrants comme les achats de produits étaient réservés à des monopoles d'Etat, trait caractéristique de tous les régimes communistes.

Réformes

Prix de détail. Le gouvernement a supprimé la plupart des contrôles sur les prix de détail en février 1991 mais il a instauré un système de «surveillance» des prix de 14 denrées de base, dont la farine, le pain, quatre types de viandes, certaines saucisses et autres produits carnés transformés, l'huile végétale et le sucre.

En août 1991, le système de surveillance des prix s'est transformé en contrôle des prix de détail. Les prix prévus pour les 14 produits alimentaires devaient couvrir les coûts, et l'on a établi une marge bénéficiaire «normative» de 12 pour cent pour les industries de transformation et de 3 pour cent pour les détaillants. En avril 1992, les produits contrôlés n'étaient plus qu'au nombre de six: pain, farine, lait, yaourt, fromage blanc et viande fraîche. Simultanément, on a relevé les prix prévus.

Prix payés à la production. La plupart des prix à la production ont été libérés en février 1991. Cependant, on a maintenu une certaine forme de contrôle sur ceux du blé, du porc, de la volaille, des veaux et du lait. En 1991, en vue de surveiller les prix, on a établi pour ces produits des prix prévus qui couvraient les coûts et comprenaient un bénéfice normatif de 20 pour cent. En avril 1992, ce système a été remplacé par un autre fondé sur des prix minimaux pour ces mêmes produits. En principe, les sociétés d'achat tant publiques que privées devaient verser ces prix minimaux aux producteurs, mais les prix étaient imposés avec moins de rigueur aux sociétés privées.

Les prix minimaux établis en 1992 sont eux-mêmes bien inférieurs aux niveaux mondiaux, et le fait qu'en 1992 la moyenne des prix d'achat officiels se rapprochait des prix minimaux indique qu'ils sont en fait considérés comme des prix plafonds. En outre, en 1992 la moyenne des prix des produits non contrôlés tels que ceux du maïs et de l'orge étaient également bien en dessous des cours mondiaux.

Voici quelques-unes des raisons qui expliquent le faible niveau de ces prix:

· La situation de monopsone des entreprises publiques d'achat et de transformation. Elles sont inefficaces au plan technique et très coûteuses mais, en l'absence de concurrence, ne s'efforcent pas de diminuer leurs coûts. Elles défendent, bien au contraire, leurs marges bénéficiaires en exploitant les producteurs.

· Le système des contingents et des interdictions d'exportation qui est périodiquement mis en application tend à affaiblir les prix à la production.

· Les producteurs, forcés de rembourser les crédits et ne disposant pas d'entrepôts, doivent vendre leurs produits immédiatement après la récolte lorsque les prix sont au plus bas.

Politique commerciale. La libéralisation des échanges a démarré en 1990, après l'abolition du monopole dont jouissaient les organisations de commerce extérieur, ce qui a permis aux compagnies commerciales privées d'opérer. C'est en 1991 que les réformes principales ont été introduites. En février, on a établi pour les devises un taux de change unifié flottant, fondé sur les demandes interbancaires de devises fortes. Dans le cadre de ce nouveau système, les entreprises peuvent conserver toutes leurs recettes en devises et s'en servir pour financer leurs importations futures. Au début de 1991, toutes les restrictions quantitatives sur les importations, ainsi que les licences d'importation ont été supprimées. On a également réduit le grand nombre d'interdictions frappant les exportations introduites en 1990; en mars 1991, elles ne s'appliquaient plus qu'à 21 articles, notamment les produits alimentaires de base afin d'éviter les pénuries intérieures.

Malgré la tendance générale à éliminer les barrières non tarifaires, le gouvernement a instauré pour certains produits une série de restrictions quantitatives et de licences temporaires par crainte de pénuries alimentaires. En 1992, les exportations de céréales, d'huile de tournesol et d'autres produits stratégiques ont été contingentées pendant presque toute l'année. En août, on a aboli les contingents pour les remplacer par un système de taxes à l'exportation destiné à compenser la différence entre les prix intérieurs et les prix internationaux. Au début, ces taxes s'élevaient à 8 pour cent pour l'orge, 12 pour cent pour le blé et le maïs et 15 pour cent pour la farine de blé; en janvier 1993, elles ont été portées à 15, 20 et 25 pour cent respectivement.

L'abolition des contingents d'exportation a provoqué une augmentation spectaculaire des exportations. Au moins 600 000 tonnes de céréales, dont 313 000 tonnes de blé et de farine de blé, ont été exportées pendant le dernier trimestre de 1992, les commerçants tirant profit de l'écart entre les prix intérieurs et les cours mondiaux, mais ces exportations ont suscité des craintes de pénuries. Alors que les disponibilités de céréales panifiables paraissent bonnes, celles de céréales fourragères seraient très insuffisantes. Pour dissiper les craintes, le gouvernement a interdit l'exportation de céréales en mars 1993, interdiction qui devrait rester en vigueur jusqu'à la fin de septembre 1993.

Restitution de terres. La loi sur la propriété et l'utilisation des terres agricoles a été adoptée en février 1991 et une série d'amendements en avril 1992. La loi prévoit en premier lieu la restitution des terres à ceux qui en étaient propriétaires avant 1946 ou à leurs héritiers. Aux termes de la loi amendée, la restitution se fait autant que possible dans les limites de la parcelle originelle; autrement, les anciens propriétaires reçoivent une parcelle de taille et de qualité analogues. La loi amendée permet la vente de terrains (le texte initial l'interdisait pendant les trois ans suivant la restitution), mais impose un maximum de 30 ha pour les terres acquises par achat ou restitution. Les locations ne sont sujettes à aucune restriction.

La restitution des terres se fait avec lenteur car les commissions municipales responsables manquent de personnel technique qualifié. En avril 1993, 22 pour cent des intéressés avaient reçu des certificats de propriété temporaires, qui représentaient environ 15 pour cent des terres agricoles. Malgré les difficultés, le gouvernement espère pouvoir restituer 50 pour cent des terres d'ici la fin de 1993 et remettre le restant avant la fin de 1994.

La loi foncière amendée prévoit également la liquidation des coopératives. Les autorités municipales ont nommé pour chacune d'elles un conseil de liquidation chargé de l'évaluation et de la distribution matérielle des avoirs non fonciers aux anciens propriétaires et aux membres de la coopérative, ainsi que de la gestion de cette dernière jusqu'à sa liquidation. Pour l'évaluation, il devra faire appel aux services d'individus ou de compagnies agréés par l'office de privatisation ou le Ministère de l'agriculture. Une fois que les membres auront reçu leur part des avoirs de la coopérative, ils pourront les regrouper pour créer de nouvelles coopératives.

Privatisation et abolition des monopoles. Le processus de démonopolisation a démarré en 1990 et s'est intensifié en mai 1991 après le vote de la loi sur la protection de la concurrence. En novembre 1990, la plupart des offices publics chargés de l'achat et de la transformation des produits agricoles se sont divisés en un grand nombre d'entreprises indépendantes pouvant se concurrencer. En réalité, cette scission a abouti, du moins en ce qui concerne l'agriculture, à remplacer les monopoles centraux par des monopoles régionaux. Bien que l'on ait supprimé les restrictions juridiques à la formation de nouvelles sociétés privées, il n'en existe à l'heure actuelle que quelques-unes qui puissent concurrencer les entreprises publiques, si bien que ces dernières conservent leur pouvoir dans les secteurs agricoles d'amont et d'aval.

La loi de mai 1991 prévoyait l'abolition des monopoles dans la plupart des secteurs et en fournissait des définitions. Elle établit des contrôles sur les prix des monopoles et interdit les achats ou les absorptions donnant naissance à un monopole. Le contrôle des prix est assuré par des règlements fixant des «marges bénéficiaires normatives» pour les entreprises classées comme monopoles.

Les entreprises publiques devront se transformer en sociétés commerciales, dont les actions seront vendues par le biais d'enchères ou d'adjudications. Toutefois, la privatisation n'en est encore qu'à son stade initial. Il était envisagé de privatiser 461 entreprises agro-industrielles d'Etat relevant du Ministère de l'agriculture, mais, en juin 1993, quelques enchères ou adjudications seulement avaient eu lieu.

Marchés du crédit. L'une des principales difficultés auxquelles se heurtent les producteurs privés et les membres des coopératives est le manque d'accès au crédit et son coût élevé dû à l'évolution défavorable des prix relatifs. Bien qu'inférieur au taux d'inflation, le taux d'intérêt nominal en vigueur reste prohibitif pour la plupart des producteurs, dont les revenus nets croissent à un rythme beaucoup plus lent que l'inflation. En outre, les banques hésitent à accorder des prêts vu le climat d'incertitude qui règne actuellement sur la question des droits de propriété futurs des terres.

Le gouvernement a essayé, mais sans grand succès, d'améliorer la situation grâce à une série de programmes. A l'automne 1992, il a proposé de garantir le crédit servant à financer les semis mais n'a pas offert de bonification d'intérêts, si bien que les producteurs ont dû rembourser les prêts dès la fin de la moisson, ce qui les a obligés à vendre leurs produits au moment le plus défavorable de la saison. En mai 1993, un autre projet de loi a été voté qui autorisait l'octroi de crédits à des conditions privilégiées pour aider à financer les semis de printemps. Les banques, appartenant encore à concurrence de plus de 50 pour cent à l'Etat, sont obligées d'offrir ces crédits à des taux avantageux; pour les banques privées, le programme est facultatif. Bien que la bonification d'intérêts soit financée par le gouvernement, les banques - y compris celles appartenant à l'Etat - hésitent à fournir des crédits qui ne sont pas garantis.

Impact de la réforme agricole

La réforme a eu pour effet immédiat de plonger la Bulgarie dans une profonde récession. Le PIB a baissé de 17 pour cent en 1991 et de 10 pour cent encore en 1992. En outre, le régime précédent avait laissé une lourde dette extérieure, estimée à 13,5 milliards de dollars. La Bulgarie a également beaucoup souffert de l'effondrement de son important commerce avec l'ex-URSS ainsi que des embargos sur les échanges commerciaux imposés à l'égard de l'Iraq et, plus tard, de la Serbie et du Monténégro. Les prix à la consommation ont monté de 334 pour cent en 1991, en raison notamment de la libération des prix en février et des augmentations officielles des prix de l'énergie. L'inflation s'est ralentie en 1992 tout en restant très élevée (110 pour cent). Le chômage en 1992 était évalué à 15 pour cent, contre 11,7 pour cent en 1991 et 1,6 pour cent en 1990.

Impact sur l'agriculture. Depuis 1990, d'importants ajustements de l'offre ont eu lieu dans le secteur de l'agriculture et de l'élevage. L'agriculture bulgare a souffert de la même dégradation des termes de l'échange que les autres pays d'Europe centrale: les prix des intrants ont été multipliés par quatre à huit en 1991, alors que ceux des produits n'ont fait que doubler. Ce facteur se conjugue à l'incertitude qui plane sur la restitution des terres et sur la liquidation des coopératives. L'autre facteur important qui a nui à l'agriculture est l'effondrement du marché soviétique.

Les ajustements les plus importants ont concerné le secteur de l'élevage. Entre 1989 et 1992, le cheptel bovin a diminué de 38 pour cent, les effectifs de porcins de 38 pour cent et ceux de volaille de 51 pour cent. La production animale est désormais extrêmement peu rentable car les prix des aliments pour animaux ont augmenté, tandis que les politiques nationales et la baisse de la demande ont contribué à déprimer les prix versés aux producteurs. Les problèmes ont été particulièrement graves pour les grands élevages porcins et avicoles appartenant à l'Etat qui continuent à avoir besoin d'aliments composés très coûteux. Les producteurs privés, eux, se sont empressés d'adapter leurs modes d'alimentation animale à la nouvelle situation économique et ont nourri leur bétail grâce à leur propre production céréalière.

La liquidation des coopératives a elle aussi eu un profond impact sur la situation de l'élevage. Les bovins ont subi le contrecoup plus que les autres animaux car la plupart étaient élevés dans les coopératives et non dans les grandes unités d'Etat. Les premiers actifs que liquide normalement une coopérative sont les animaux. De ce fait, un grand nombre de particuliers se sont trouvés propriétaires de deux ou trois vaches. Beaucoup d'entre eux n'ont pu offrir aux animaux des étables adéquates et suffisamment de fourrage. Simultanément, les vastes installations d'élevage des coopératives sont abandonnées. On a liquidé de ce fait un très grand nombre de troupeaux.

L'ajustement a été moins visible dans le secteur des cultures. Les rendements céréaliers ont fléchi en raison de l'utilisation réduite d'intrants, de l'emploi de semences de qualité médiocre, de la sécheresse et de retards dans les semis. Après avoir connu une réduction en 1992/93, la superficie ensemencée en blé devrait remonter en 1993/94 à ses niveaux précédents, malgré la faiblesse persistante des prix.

La superficie sous maïs devrait diminuer sensiblement au printemps, après avoir augmenté en 1992/93, en raison principalement de la meilleure rentabilité du tournesol. Les prix de ce dernier produit sont plus élevés et il est plus facile à cultiver. La Bulgarie est sujette à des sécheresses fréquentes qui provoquent une variation considérable dans les rendements de maïs. La Bulgarie cultive traditionnellement une grande partie de son maïs sur des terres irriguées. La forte hausse des prix de l'eau et des services d'irrigation fait maintenant hésiter les producteurs à semer du maïs.

La production de fruits et légumes a souffert beaucoup plus fortement de la transition. Plus de la moitié de cette production alimentait les usines de transformation et 80 pour cent de la production transformée était exportée, notamment vers l'ex-URSS. La perte du marché soviétique a diminué les rendements des usines de transformation qui travaillent au dixième de leur capacité de sorte que le commerce des fruits et légumes est au bord de l'effondrement. Le phénomène le plus frappant est la chute de 36 pour cent de la production de légumes entre 1989 et 1992, avec un fléchissement de 53 pour cent de la récolte de tomates.

Les effets négatifs sur la production de fruits sont pour l'instant moins visibles, mais on s'attend à une évolution extrêmement défavorable en 1993 et 1994. Une grande partie des terres occupées par les vergers se trouve dans le sud de la Bulgarie où la restitution se fait le plus rapidement. Les nouveaux propriétaires fonciers n'ont pas les moyens d'appliquer des doses optimales de pesticides ni de pratiquer l'irrigation nécessaire.

Perspectives et politiques

Il faudra sans doute beaucoup de temps pour que la structure agricole future de la Bulgarie se définisse. On devra créer toute une série d'institutions pour appuyer les nouveaux exploitants privés. Entre temps, les effets négatifs à court terme de la réforme obligent le gouvernement à ralentir sa mise en oeuvre de la réforme et à renforcer son intervention. L'agriculture bulgare pourrait devenir une importante source de recettes d'exportation en devises fortes, mais elle doit encore surmonter des obstacles considérables.

Les questions liées à la restitution des terres et à la liquidation des coopératives sont particulièrement pressantes. On craint que l'application de la loi en vigueur ne rétablisse la structure agricole antérieure à la seconde guerre mondiale où dominaient les petites exploitations morcelées. Au niveau national, fa superficie moyenne des nouvelles parcelles est d'environ 0,5-0,7 ha. Dans l'avenir immédiat, la plupart des propriétaires fonciers souhaiteront sans doute former de nouvelles coopératives de production volontaires moins vastes, ce qui permettra le regroupement des parcelles. Avec l'instauration de marchés fonciers, le problème du morcellement devrait disparaître à longue échéance. Cependant, le fonctionnement de ces marchés risque d'être entravé par l'absence d'institutions chargées de la fourniture de crédit et de services de courtage, d'arpentage et d'enregistrement des transactions, ainsi que par l'absence d'un système d'information. La lenteur des ventes de terres s'explique en outre par la faible rentabilité actuelle de l'agriculture.

La liquidation des coopératives crée également un climat de grande incertitude. L'évaluation des biens et les litiges concernant la distribution des avoirs entre les anciens propriétaires et les membres des coopératives provoquent des difficultés techniques. On a taxé d'incompétence et de négligence les conseils de liquidation qui seraient responsables de la mauvaise préparation du sol et des retards des semis.

Dans le passé, les coopératives fournissaient de nombreux services indispensables à l'agriculture, tels que l'entretien des réseaux d'irrigation et le contrôle phytosanitaire des produits commercialisés. En outre, c'était essentiellement par leur intermédiaire que le secteur privé commercialisait sa production. Leur liquidation est désormais en cours mais aucun système de rechange n'a été mis en place pour assurer ces services. En outre, les services de vulgarisation ne sont pas en mesure d'aider les producteurs privés à prendre leurs décisions en matière de production, à choisir le système de commercialisation approprié ou à constituer de nouvelles coopératives capables de gérer les réseaux d'irrigation ou de fournir des services vétérinaires ou autres.

La Bulgarie pourrait devenir un producteur excédentaire de blé et de produits de l'élevage. Cependant, compte tenu de la situation du marché mondial, elle risque de rencontrer des difficultés si elle décide d'augmenter ses exportations. Même en 1992, l'ex-URSS était encore le principal acheteur de céréales bulgares (en échange de pétrole et de gaz naturel). Il est possible que ce marché reste le principal débouché pour le blé et les produits de l'élevage bulgares mais les exportations dépendront de façon cruciale de l'évolution des républiques. Si les revenus commencent à monter, ce marché pourrait se développer. En revanche, la réussite de la réforme économique permettrait à la Fédération de Russie, à l'Ukraine et au Kazakhstan de concurrencer fortement la Bulgarie sur le marché mondial du blé.

Le commerce des fruits et légumes, l'autre grande source de recettes d'exportation, a été durement frappé par l'effondrement du marché soviétique. Les exportations de tomates de plein champ, de tomates non pelées en conserve et de pommes sont tombées bien en dessous de leur niveau antérieur. Simultanément, les exportations de tomates précoces, de tomates de serre et de poivrons verts restent actives, les produits allant principalement vers l'Allemagne et l'Autriche, ainsi que vers la Pologne, l'ex-Tchécoslovaquie et l'ex-Yougoslavie. On pourrait développer les marchés pour d'autres légumes de serre. Cependant, les difficultés actuelles du secteur compromettent sérieusement ces perspectives. Les serres doivent être privatisées et subissent les mêmes contraintes financières que les autres entreprises publiques. Il n'est nullement exclu que certaines d'entre elles finissent par être abandonnées ou détruites.

L'industrie de la transformation est particulièrement affaiblie. Les installations sont périmées au plan technique, travaillent souvent très en deçà de leur capacité et ont besoin de capitaux considérables pour financer leur modernisation, condition essentielle pour atteindre les niveaux qualitatifs exigés par les marchés occidentaux.

Roumanie


Le secteur agricole
Réformes
Impact de la réforme économique
Perspectives et politiques

Le secteur agricole

En 1991, l'agriculture fournissait 19 pour cent du PIB et employait 29 pour cent de la main-d'œuvre. Les céréales sont de très loin les cultures les plus importantes, le blé et le maïs occupant environ le tiers des terres cultivables du pays. Entre 1986 et 1990, la production de blé s'est élevée en moyenne à 7,3 millions de tonnes par an, et celle de maïs à 9,8 millions de tonnes. Parmi les autres cultures importantes, on peut citer les oléagineux: la production de graines de tournesol a atteint en moyenne 700 000 tonnes et celle de fèves de soja 300 000 tonnes par an en 1986-1990. Le produit de l'élevage le plus important est la viande de porc.

Exportateur agricole net pendant un certain temps, la Roumanie exportait des quantités considérables de blé et, certaines années, de maïs. Les autres grands produits d'exportation étaient les produits de l'élevage, l'huile de tournesol, les fruits et les légumes. Pendant presque toute la période communiste, la Roumanie importait de grandes quantités de soja et, parfois, de maïs. Cependant, pendant les dernières années du régime, les efforts déployés par le Gouvernement roumain pour rembourser sa dette extérieure ont fait baisser fortement les importations de produits fourragers tandis que les exportations de produits agricoles ont fait l'objet d'une vigoureuse promotion, d'où de graves pénuries de presque toutes les denrées de base sur les marchés intérieurs.

Sous le régime communiste, les fermes d'Etat et les coopératives dominaient l'agriculture roumaine. Les fermes d'Etat (environ 5 000 ha en moyenne) couvraient 20 pour cent des terres agricoles et 16 pour cent des terres cultivables. Il s'agissait d'entreprises appartenant à l'Etat, dont les travailleurs avaient le statut d'employés. Les fermes coopératives avaient une superficie moyenne d'environ 2 000 ha. Leurs travailleurs étaient des «membres» dont le revenu était en principe lié à la production de la coopérative. En pratique, il n'y avait guère de différence dans le fonctionnement et la gestion de ces deux types de fermes, mais leur privatisation suit des voies différentes.

A l'époque communiste, il existait un important secteur privé. Environ 9 pour cent des terres agricoles appartenaient toujours à des particuliers, mais elles se situaient en majorité dans des régions montagneuses impropres à la grande agriculture collectivisée. En outre, 8 pour cent environ des terres se composaient de parcelles de 0,5 ha attribuées aux membres des coopératives pour leur usage personnel. Le secteur privé fournissait près de 40 pour cent de la production de viande, fruits et légumes.

Réformes

En comparaison avec les autres pays en transition d'Europe centrale, la réforme s'est caractérisée en Roumanie par une application très progressive et beaucoup de prudence, dans l'espoir de protéger la population et de limiter l'effet de récession des réformes structurelles.

Prix de détail. Les premières mesures de libération ont été appliquées en novembre 1990, avec la suppression par l'Etat de tous les contrôles sur les prix, sauf dans le cas de 22 articles essentiels dont les prix étaient fixés par le gouvernement et bénéficiaient de subventions. Les aliments de base, ainsi que l'énergie et les communications, restaient assujettis au système de contrôle des prix. Entre 1991 et 1992, les plafonds des prix officiels ont été relevés, les subventions aux produits alimentaires, versées aux industries de transformation pour compenser les pertes dues à la limitation des prix de détail, ont été réduites et le nombre de produits sujets à des prix plafonds a été réduit. A partir de septembre 1992, des prix plafonds officiels ne restaient en vigueur que pour le pain, le beurre, le lait et le lait en poudre.

Le 1er mai 1993, on a supprimé les derniers plafonds officiels sur les prix de détail, ce qui a fait largement quadrupler le prix du pain. Cependant, des subventions subsistent pour la viande de bœuf, de porc et de volaille et le lait. Elles sont versées aux usines de transformation d'Etat qui respectent les prix minimaux à la production imposés par le gouvernement.

Prix à la production. Sur les marchés traditionnels, les prix ont été libérés après la révolution de 1989 mais le gouvernement a imposé, pour les produits de base, des prix minimaux à toutes les entreprises publiques acheteuses. Ces prix ont été relevés à plusieurs reprises mais, en général, ils n'ont pas suivi l'inflation. A partir du 1er mai 1993, les prix minimaux sont restés en vigueur pour le blé, le maïs, la viande de bœuf, de porc et de volaille et le lait. Le rôle de monopole que continuent en fait à jouer les entreprises publiques acheteuses tend à rapprocher les prix des niveaux minimaux. La privatisation a été lente dans le secteur d'aval et les producteurs n'ont encore guère d'autres débouchés que les entreprises d'Etat. Les marges bénéficiaires des compagnies publiques et les subventions qu'elles reçoivent de l'Etat leur permettent de fournir à l'avance aux exploitants intrants et crédits en échange de contrats de vente à terme de leur production; mais cette situation limite l'accès des nouveaux agents privés aux marchés des produits agricoles.

Politiques commerciales. La première mesure prise par le gouvernement après la révolution a été d'interdire toutes les exportations de produits agricoles et alimentaires, alors que la politique précédente visait à maximiser les exportations sans tenir compte de leurs effets sur les disponibilités alimentaires intérieures. Simultanément, il a autorisé les importations d'intrants indispensables. Ces importations ont pu être financées initialement par les réserves de devises qui s'étaient constituées l'année précédente.

En 1991, la plupart des importations et des exportations ont été libéralisées, bien que les interdictions d'exportation et les contingents soient restés en vigueur pour de nombreux produits agricoles. Le leu a été dévalué et rendu partiellement convertible, et le gouvernement a autorisé les adjudications de devises et aboli le monopole de l'Etat sur le commerce extérieur. En janvier 1992, il a autorisé les exportateurs à conserver leurs recettes en devises.

A partir du 31 mai 1993, on a levé les interdictions d'exporter des produits agricoles, à l'exception du blé et du beurre. Les importations de ces produits sont sujettes à des droits de douane assez élevés, mais qui sont sou vent supprimés pour les «importations d'urgence» afin de parer à des pénuries constatées.

Privatisation dans le secteur non agricole. La privatisation à petite échelle a démarré en février 1990, après la promulgation d'un décret qui autorisait la création d'entreprises privées employant au maximum 20 personnes. La loi sur les sociétés commerciales, adoptée en novembre 1990, éliminait la plupart des restrictions frappant l'établissement de nouvelles entreprises. C'est à partir de cette date également que la location des avoirs appartenant à l'Etat a été possible. A la fin de 1992, en dehors du secteur agricole, il y avait en Roumanie plus de 200 000 entreprises privées (nouvelles firmes privées et unités appartenant à l'Etat gérées par des particuliers) employant environ 1,4 million de personnes.

La privatisation à grande échelle a démarré à la suite du vote, en août 1990, d'une loi qui prévoyait la transformation de toutes les entreprises publiques soit en sociétés commerciales dont le gouvernement continuait de détenir toutes les actions, mais qui étaient destinées à être privatisées, soit en régies autonomes qui devaient rester propriété de l'Etat. En principe, les régies autonomes se situeraient dans des industries considérées comme stratégiques (défense, énergie, mines, services publics). Une loi, passée en août 1991, fixe un délai de sept ans pour la privatisation des sociétés commerciales publiques. A cette fin, la loi a créé cinq sociétés de participation privées qui détiennent 30 pour cent environ des actions des compagnies commerciales et une société de participation publique qui possède les 70 pour cent restants. Cette dernière aura pour tâche de préparer et exécuter des programmes annuels de privatisation qui aboutiront à la privatisation totale au bout de sept ans. Les cinq sociétés privées sont des sociétés en commandite par actions dont les citoyens roumains possèdent des certificats d'actions. Elles sont censées mettre au point des méthodes permettant aux actionnaires d'échanger leurs certificats contre des actions proprement dites des sociétés elles-mêmes.

Le processus de privatisation lui-même n'en est encore qu'à ses débuts. Dans l'agriculture, le programme de privatisation à grande échelle s'appliquera aussi bien aux fermes qu'aux compagnies d'Etat des secteurs d'amont et d'aval et intéressera 2 200 compagnies commerciales. Il est envisagé d'en privatiser 500 en 1993.

Restitution des terres. La redistribution des terres a démarré spontanément peu de temps après la révolution, car les coopératives se démantelaient et leurs membres se partageaient leurs avoirs. En 1991, une loi sur la terre a été votée, en vertu de laquelle non seulement les membres des coopératives ayant fourni des terres, mais aussi les autres, ont le droit de revendiquer jusqu'à 10 ha, maximum imposé par la pénurie de terre. Dans les zones riches en terre, on pourra distribuer 10 ha aux familles sans terre provenant d'autres régions, à condition qu'elles résident sur place et cultivent leur parcelle. La plupart des citoyens sont libres d'acheter ou de vendre des terres, mais personne ne peut posséder plus de 100 ha. La vente de terres par les nouveaux propriétaires qui n'en possédaient pas auparavant est interdite pendant 10 ans. Les ressortissants étrangers peuvent hériter de terres mais doivent les vendre dans un délai d'un an.

Les anciens propriétaires dont la terre fait maintenant partie de fermes d'Etat ne peuvent la récupérer. En revanche, les 176 000 propriétaires dont les terres ont été expropriées par les fermes d'Etat sont devenus actionnaires de ces fermes.

La restitution des terres avance plus rapidement en Roumanie que dans les autres pays d'Europe centrale et orientale. En juin 1993,90 pour cent des ayants droit avaient reçu des terres. Les terres privées ont augmenté, passant de 1,4 million d'hectares en 1989 à 10,3 millions d'hectares en 1991, et représentent désormais plus de 70 pour cent des terres agricoles du pays (80 pour cent des terres cultivables). Cependant, le processus a eu pour effet de rétablir la structure antérieure à la seconde guerre mondiale, dominée par les petites exploitations fragmentées. Les nouvelles propriétés privées ont en moyenne 2 ha et se composent souvent de deux ou plusieurs parcelles non contiguës, toujours comme avant la guerre. Le retour au morcellement a eu des effets extrêmement fâcheux à court terme sur les rendements agricoles.

A long terme, le remembrement de ces propriétés pourrait se réaliser par l'intermédiaire d'un marché foncier. Pour vendre ou transférer un fonds, le vendeur doit posséder un titre de propriété définitif mais l'assignation des titres se fait très lentement. Au milieu de 1993, sur 5 millions environ de nouveaux propriétaires terriens, seulement 300 000 avaient reçu des titres définitifs. Le gouvernement espère que 700 000 en recevront d'ici la fin de 1993 et qu'en 1995 80 pour cent des nouveaux propriétaires auront obtenu leurs titres fonciers définitifs. Les acheteurs potentiels de terre ont également beaucoup de mal à obtenir des crédits. Les prêts hypothécaires sont assortis d'intérêts très élevés et sont remboursables en cinq ans.

Le manque de machines appropriées constitue un autre problème grave pour les nouveaux propriétaires terriens. La plupart des tracteurs appartiennent encore aux stations de mécanisation d'Etat, dénommées «Agromecs». Les 611 Agromecs existants possèdent 70 000 tracteurs et 27 000 moissonneuses-batteuses, alors que le secteur privé n'a que 36 000 tracteurs. Le gouvernement a organisé un programme de prêts à conditions avantageuses, offrant des crédits à faible taux d'intérêt aux producteurs qui veulent acheter des tracteurs aux Agromecs. Malheureusement, nombre de ces tracteurs sont trop gros pour être utilisés dans de petites exploitations privées.

Formation de nouvelles coopératives. Pour compenser les effets négatifs du morcellement des terres, le gouvernement encourage fortement les nouveaux exploitants privés à s'inscrire à des associations. Il en existe deux types: les groupes organisés de manière plutôt souple, qui vont des petites «associations familiales» (comprenant habituellement de trois à cinq familles) à des groupes informels de plus grande taille, ou à des associations plus structurées enregistrées légalement. Les associations permettent de regrouper des parcelles contiguës pour les cultiver ensemble. Un exploitant qui a diverses parcelles non contiguës peut appartenir à deux ou plusieurs associations.

Crédit agricole. Le gouvernement a pris plusieurs initiatives pour aider les exploitants à obtenir du crédit, ce qui reste très difficile pour la plupart d'entre eux. Les taux d'intérêt du marché qui s'élèvent à 70 pour cent ou davantage découragent la plupart des producteurs, vu la faible hausse des prix des produits agricoles. Le crédit agricole est généralement fourni par Agrobank. Avant la révolution, cette institution n'avait que 10 000 clients; aujourd'hui, elle en compte 150 000. En outre, elle est devenue de plus en plus indépendante de la Banque nationale de Roumanie, qui ne lui fournit désormais que 27 pour cent de ses ressources. Mais 80 pour cent des prêts d'Agrobank sont à court terme, et 60 pour cent vont à Romcereal, société céréalière de l'Etat. Agrobank administre également un programme de prêts à des conditions avantageuses pour le compte de la Banque nationale; ces prêts sont offerts à un taux d'intérêt de 15 pour cent et les producteurs peuvent s'en servir pour acheter des intrants. Cependant, la demande excède largement l'offre: 23 milliards de lei ont été affectés à ce programme alors que les demandes de prêts présentées s'élèvent à 250 milliards.

Impact de la réforme économique

En Roumanie, la plupart des indicateurs économiques ont accusé une baisse aussi sensible que dans la majorité des autres pays d'Europe centrale. Le PIB a fléchi de 14 pour cent en 1991 et de 15 pour cent en 1992. L'inflation s'est accélérée, passant de 161 pour cent en 1991 à 210 pour cent en 1992. Le chômage est passé de 2,7 pour cent en 1991 à 6 pour cent en 1992 et continue de croître.

Impact sur l'agriculture. La production agricole a fléchi de 14 pour cent en 1992 du fait de la confusion régnant sur la question de la distribution des terres, de l'emploi réduit d'intrants et de la grave sécheresse quia sévi pendant l'été 1992. Les baisses ont intéressé la plupart des produits des cultures et de l'élevage. Le recul de la production agricole entre 1989 et 1992 atteint 25 pour cent au total.

La production céréalière totale a baissé de 38 pour cent en 1992. Les semis de blé ayant diminué de 2,1 millions à 1,5 million d'hectares, la production a fléchi de 42 pour cent. Le blé a moins souffert de la sécheresse estivale - les rendements n'ont accusé qu'une légère diminution par rapport à 1991 - que des perturbations liées à la redistribution des terres. La production de maïs, gravement frappée par la sécheresse, a fléchi de 35 pour cent. Les superficies ensemencées ont augmenté d'environ un tiers, les nouveaux producteurs privés s'étant efforcés de produire les fourrages nécessaires à leur bétail, mais les rendements ont baissé de 50 pour cent.

La production de graines oléagineuses a enregistré d'importants changements structurels. La superficie cultivée en tournesol a augmenté de 56 pour cent entre 1990 et 1992, alors que celle sous soja a diminué de 13 pour cent au cours de la même période. Comme en Bulgarie, les producteurs privés ont constaté que le tournesol est plus facile à cultiver et tolère relativement bien la sécheresse. Le gouvernement communiste avait tout fait pour augmenter la production de soja afin d'arriver à l'autosuffisance en matière de fourrages, mais les rendements sont restés faibles. Il est clair que, une fois libres d'agir à leur guise, les producteurs ont perdu leur intérêt pour le soja.

Les premiers effets négatifs de la redistribution des terres pourraient maintenant s'être atténués. La superficie ensemencée en blé en 1993/94 est estimée à 2,3 millions d'hectares, niveau voisin de ceux du passé. On prévoit que la superficie sous maïs sera proche de celle de l'année dernière et celle sous tournesol légèrement supérieure.

Le secteur de l'élevage a subi les mêmes perturbations qu'en Bulgarie. Ce sont les troupeaux de bovins, difficiles à entretenir dans de petites exploitations privées, qui ont accusé la baisse la plus forte: 31 pour cent entre 1990 et 1992. Le nombre de porcins a reculé de 16 pour cent au cours de la même période en raison de l'impossibilité pour le pays d'importer assez de farine de maïs ou de soja. La production de lait s'est réduite de 14 pour cent entre 1990 et 1992.

Perspectives et politiques

En Europe centrale, la Roumanie serait le pays le plus durement frappé par les perturbations, à l'exception de l'Albanie. Le fait que ce pays, jadis gros exportateur, ait dû importer plus d'un million de tonnes de céréales en 1990, 1991 et 1992 montre bien l'ampleur des problèmes qu'il doit affronter. Simultanément, l'inflation reste élevée, la privatisation à grande échelle n'avance que lentement et le gouvernement semble hésiter plus que ceux des autres Etats de la région à mettre pleinement en œuvre les réformes. Malgré tout, cette prudence n'a pas épargné à la Roumanie les bouleversements et la récession immédiate et grave qu'ont connus les autres pays en transition de la région.

La Roumanie pourrait devenir un exportateur important de plusieurs produits agricoles, mais ce potentiel ne pourra se réaliser que si le gouvernement met en oeuvre intégralement le programme de réforme.

La Roumanie offre un bon exemple des problèmes que peut entraîner une privatisation rapide non accompagnée de la création d'une infrastructure institutionnelle capable d'appuyer le nouveau secteur privé. Ce qu'il faudrait avant tout, c'est accélérer le processus d'octroi des titres définitifs de propriété des terres restituées. Sans titre permanent, les propriétaires fonciers ne peuvent ni vendre leurs terres ni contribuer au remembrement.

Une diversification plus poussée des systèmes de commercialisation et de fourniture d'intrants est également nécessaire. Les achats et la fourniture d'intrants sont encore largement aux mains de monopoles d'Etat, coûteux et inefficaces, qui sauvegardent leurs marges bénéficiaires en limitant les prix payés aux producteurs. Dans ce contexte, l'élargissement du réseau des coopératives pourrait contribuer à résoudre ce problème. Les associations que l'on encourage à l'heure actuelle sont les coopératives de production, qui regroupent des parcelles adjacentes afin de mieux les cultiver. Mais ces associations sont encore très défavorisées face aux fournisseurs d'intrants et aux organisations officielles d'achat. Outre les coopératives de production existantes, il faudrait créer des coopératives de commercialisation et d'intrants.

La mise en place de réseaux de vulgarisation et d'information plus performants permettrait également d'améliorer les perspectives de l'agriculture roumaine. On tente actuellement de renforcer la transmission de l'information en ce qui concerne les moyens de distribution, les marchés et les perspectives de la production agricole.

Le développement de l'agriculture roumaine pourrait en outre bénéficier grandement de la suppression des restrictions frappant encore les exportations, qui limitent les prix à la production et finissent par freiner l'offre. Si la Roumanie souhaite réduire le déficit de sa balance commerciale ou le remplacer par un excédent, elle devra encourager les exportations. Or, l'agriculture est l'un des secteurs qui offrent le plus de possibilités de réaliser des recettes d'exportation à court terme.

Fédération de Russie


Disponibilités alimentaires
Production agricole en 1992/93
Politiques agricoles
Opérations de troc et commerce extérieur
Perspectives de l'agriculture

Disponibilités alimentaires

Pendant les années 80, la production agricole a augmenté deux fois plus vite que la population, le secteur de l'élevage faisant preuve d'un dynamisme marqué. Cependant, les revenus moyens ont augmenté encore plus rapidement que la production agricole si bien que, malgré l'accroissement de la consommation moyenne par habitant, la demande de produits alimentaires - notamment de produits de l'élevage - a continué de dépasser l'offre. Cette situation a incité les dirigeants de l'ex-URSS à donner une priorité élevée dans leurs programmes économiques à la croissance de la production vivrière. Toutefois, les faiblesses des systèmes de production et de commercialisation ont obligé à accorder des subventions de plus en plus élevées et démontré l'urgence d'une réforme.

Cette urgence s'est encore accentuée en 1990, année où la production agricole a commencé à diminuer, aggravant le déséquilibre entre l'offre et la demande et rendant plus manifestes encore les déficiences des systèmes de commercialisation et de distribution du pays. L'excédent de demande a persisté en 1991 mais a disparu en 1992 lorsque les prix à la consommation, en hausse rapide après leur libération partielle, ont provoqué une contraction de la demande de produits alimentaires. En ce qui concerne les produits de l'élevage, l'industrie de transformation a réagi en réduisant les achats de viande et de lait aux exploitations au lieu d'abaisser les prix de vente. Cette fragilité croissante du rapport demande/offre était liée à une réduction sensible de la consommation, notamment de produits de l'élevage.

Un phénomène parallèle, qui aurait pu dans une certaine mesure atténuer le déséquilibre de l'économie alimentaire, a été le ralentissement de la croissance démographique, dont le taux annuel de 0,7 pour cent jusqu'à la fin des années 80 devait devenir négatif en 1992. Cette nouvelle tendance serait due à la dégradation du niveau de vie et aux craintes et à l'incertitude suscitées par les récents changements économiques et politiques.

En ce qui concerne la consommation alimentaire, selon les estimations officielles du premier trimestre de 1993, le niveau de consommation par habitant est inférieur à celui de la période janvier-mars 1989 (le plus favorable des années récentes); la baisse atteint 21 pour cent pour les produits carnés, 34 pour cent pour les produits laitiers, 7 pour cent pour les œufs, 5 pour cent pour les produits de la pêche, 13 pour cent pour le sucre et la confiserie et 32 pour cent pour les fruits. Par ailleurs, au cours de la même période, la consommation a augmenté de 22 pour cent pour les produits céréaliers, de 4 pour cent pour les pommes de terre et de 8 pour cent pour les autres légumes.

La consommation de protéines animales, qui avait déjà fléchi légèrement en 1990 par rapport au niveau de 1989, semble avoir accusé une nouvelle baisse d'environ 20 pour cent en 1991/92. Il s'agit de protéines qui ont été partiellement remplacées par des aliments amylacés. Dans l'ensemble, l'apport calorique par habitant est retombé à peu près au niveau des années 70, et peut-être même plus bas d'après certaines estimations.

Bien que les apports alimentaires moyens semblent relativement élevés, d'importants îlots de malnutrition sont apparus dans les régions et parmi les groupes défavorisés. Les problèmes d'accès à la nourriture se sont exacerbés à la suite de la réduction des contrôles sur les ventes de produits agricoles et les accords de troc, ainsi que de l'application de systèmes régionaux et locaux de fixation et/ou de subvention des prix à la consommation pour certains produits (cette dernière mesure a été légalisée par un décret présidentielle 27 mars 1993). Les écarts de prix entre les villes restent sensibles, même s'ils se sont un peu réduits avec le temps, probablement à cause de la réponse des agents économiques aux occasions d'arbitrage qu'offre une telle situation. A la fin de mars 1993, les écarts entre les prix maximaux et minimaux à la consommation dans les différentes villes étaient les suivants: 1:70 pour le pain, 1:34 pour le lait, 1:16 pour le bœuf et 1:10 pour l'huile végétale, les pommes de terre et les autres légumes. Même les groupes de population les moins touchés par l'inégalité des approvisionnements enregistraient une profonde dégradation qualitative de leur régime alimentaire.

Néanmoins, la situation globale pourrait être moins sombre que ne le font penser les statistiques officielles, car celles-ci ne couvrent pas les quantités inconnues d'aliments produits à titre privé et vendus plus ou moins légalement en dehors des circuits officiels.

Production agricole en 1992/93

On a estimé que la production agricole avait reculé de 6 pour cent environ en 1992, la production de viande, lait et oeufs ayant diminué de 12 à 15 pour cent.

Parmi les produits des cultures, seules les céréales, les légumineuses et les pommes de terre ont marqué une reprise importante après le recul de l'année précédente. La superficie ensemencée en céréales a légèrement augmenté, pour atteindre 62,4 millions d'hectares en 1992, et davantage en 1993. La réduction des pâturages, de 28,8 millions d'hectares en 1986 à 23,3 millions d'hectares en 1992, a eu une profonde incidence sur les disponibilités fourragères.

L'un des facteurs qui limitent la hausse des rendements agricoles est la dégradation des sols, phénomène qui sévit depuis plus de 100 ans mais qui, selon les spécialistes russes, s'est fortement accéléré au cours des 10 ou 20 dernières années. Cette dégradation est imputable à l'absence généralisée de mesures antiérosion, à la rotation insuffisante des cultures, au compactage du sol dû à l'emploi exagéré de matériel agricole lourd, à l'épandage excessif d'engrais minéraux et à la salinisation entraînée par l'excès d'irrigation et l'insuffisance de drainage. Il est difficile de chiffrer les dommages, mais on reconnaît généralement qu'ils limitent lourdement le potentiel de croissance des rendements.

En 1992, le cheptel a accusé une baisse de 5 pour cent pour les vaches, 6 pour cent pour les autres bovins, 11 pour cent pour les porcins et 9 pour cent pour les moutons et les chèvres. Les réductions du cheptel des fermes collectives et d'Etat n'ont été que partiellement compensées par l'augmentation dans les exploitations privées. Jusqu'à 1991, le taux de réduction de l'ensemble des troupeaux était inférieur à celui de la production de viande et de lait, ce qui dénote une lente amélioration de la productivité animale. Cependant, selon les statistiques officielles, la productivité a baissé en 1992.

Le nombre de troupeaux et la production animale ont accusé un nouveau recul en janvier-mars 1993 et continueront sans doute de fléchir pendant le reste de l'année, mais peut-être plus lentement qu'en 1992 grâce à la hausse des prix d'achat officiels. Les pénuries et/ou les prix élevés des produits fourragers restent la cause principale de cette réduction.

Le démarrage de la campagne agricole 1992/93 a été marqué par une réduction de 20 pour cent des labours et des semis d'automne par rapport aux chiffres normaux, mais le déchaussement des céréales par la gelée a été modéré. Si les conditions météorologiques sont favorables en été et en automne, la production agricole pourrait marquer une légère reprise en 1993 par rapport à 1992, mais sans compenser ainsi la baisse de la production animale. Il est probable que la production agricole diminuera dans l'ensemble de 5 pour cent ou plus.

Politiques agricoles

D'une manière générale, on estime que la réforme agraire est un préalable indispensable pour accélérer la croissance de la production agricole, équilibrer l'offre et la demande, relever les niveaux nutritionnels et améliorer les activités d'aval liées à l'agriculture.

Les aspects conceptuels et opérationnels de la réforme sont définis de façon assez libre par des expressions telles que restructuration, marchéisation et pluralité des entités socio-économiques. Les opinions divergent fortement quant à la nature, au rythme et à la profondeur du processus.

La suppression en mai 1993 du Centre de réforme agraire et agro-industrielle, créé en juin 1992, témoigne de l'instabilité institutionnelle qui entoure les questions agraires. Divers organismes gouvernementaux et autorités régionales s'emploient, chacun à sa façon, à mettre en oeuvre les lois et décrets de réforme. En outre, l'Association des fermes et coopératives paysannes de Russie (AKKOR) est représentée dans la plupart des provinces et cantons.

Fermes réorganisées et fermes nouvelles. On admet généralement que, dans un proche avenir, l'essentiel de la production alimentaire de base devra provenir des fermes collectives et des fermes d'Etat, qu'elles gardent leur forme traditionnelle ou aient été réorganisées. En 1992, elles ont fourni quelque 60 pour cent de la production brute et une part encore plus grande de la production commercialisée. Cependant, un nouveau secteur de «fermes paysannes» familiales et privées voit le jour, même s'il ne représente encore qu'un faible pourcentage de la production agricole du pays.

Il reste à savoir à quel rythme l'agriculture privée devrait se développer, et quelles devraient être ses relations avec les fermes collectives et les fermes d'Etat. Ces dernières devraient-elles conserver les dimensions énormes qu'elles avaient dans le passé ou être fractionnées en unités inférieures tout en demeurant de grande taille (selon les critères occidentaux)? Les agriculteurs qui restent dans les fermes d'Etat ou les fermes collectives réorganisées recevront une part des avoirs et des terres, mais cette part devra-t-elle être exprimée en termes matériels ou en valeur? Bon nombre de lois, de décrets et d'arrêtés ont été adoptés sur ces questions et d'autres, mais ils sont encore contestés et appliqués de différentes façons à l'échelon local.

En principe, on reconnaît déjà légalement la propriété privée intégrale, mais la loi et la constitution interdisent toujours la vente ou l'achat de terres agricoles privées à des fins autres que l'agriculture. Vers la fin de 1992, la loi n'a autorisé la propriété privée intégrale que pour les jardins et les parcelles familiales, et deux amendements constitutionnels correspondants ont été approuvés.

Il est tout aussi important de réformer et de privatiser les immenses fermes publiques, limitant au minimum les pertes et les perturbations, que de créer de nouvelles fermes individuelles. Mais les désaccords demeurent quant à la vitesse, la profondeur et la forme de ces processus parallèles.

Jusqu'à la fin de 1992, sur un nombre total de 25 609 fermes collectives et d'Etat, 19 719 avaient été «réenregistrées». Trente-cinq pour cent d'entre elles conservaient leur ancien statut alors que 65 pour cent ont été réorganisées en «autres formes de propriété». La majorité de ces dernières (8 551) se sont transformées en «sociétés» à responsabilité limitée ou en «sociétés mixtes», d'autres (2 410) sont devenues des «coopératives (de production) agricoles» et des «associations de fermes paysannes». D'autres encore se sont scindées en unités coopératives plus petites, dont certaines se sont transformées en ce que l'on peut considérer comme des fermes paysannes totalement indépendantes. Dans l'ensemble, la mesure dans laquelle les fermes réorganisées peuvent être considérées comme privées dépend des définitions retenues.

En 1992,134 700 nouvelles fermes familiales ou privées ont été créées, ce qui en a porté le nombre total à 183 700 à la fin de l'année. Comme la plupart d'entre elles ont été établies après le printemps de 1992, leur contribution à la production agricole annuelle n'a été que de 2 à 2,5 pour cent. Leur nombre a augmenté pour dépasser 250 000 au milieu de 1993, et elles ont cultivé environ 10,4 millions d'hectares, soit 5 pour cent des terres agricoles de la Fédération de Russie. La superficie moyenne d'une ferme était d'environ 43 ha. Les fermes familiales et privées ont commencé à organiser des coopératives pour l'achat, la location et l'entretien des machines aussi bien que pour les opérations de transformation, de commercialisation et de banque. L'absence d'une législation pertinente entrave souvent la constitution de ces coopératives, qui ne jouissent que d'un statut semi-légal. En outre, le nombre de fermes privées existant dans une localité est habituellement trop faible pour que la coopération soit viable.

Le secteur des parcelles familiales et des jardins s'est fortement développé ces dernières années sous l'angle du nombre comme de la valeur de la production. Ce secteur privé, y compris les parcelles rurales «personnelles», fournit 80 pour cent de la production de pommes de terre (73 pour cent des terres ensemencées) et 55 pour cent des autres légumes. Certains réformateurs espèrent que le système des cultures familiales se développera, car c'est un moyen moins coûteux et plus réaliste d'établir des fermes familiales authentiques.

Parité des prix. La politique des prix est un autre important problème économique et politique qui a suscité des désaccords en 1992/93. Les partisans de l'égalité entre secteurs voudraient que les prix agricoles à la production montent parallèlement à ceux des intrants industriels. Cependant, on estime que les prix de ces intrants ne représentent que 25 à 40 pour cent des coûts de production agricole. La main-d'œuvre, les facteurs de production provenant de l'exploitation même ou d'autres exploitations et la gestion (ou l'organisation des opérations agricoles) absorbent la majeure partie de ces coûts41. En tout état de cause, il est peu probable que l'alignement des hausses de prix des produits agricoles et des intrants industriels puisse en soi apporter un soutien considérable à l'agriculture ou réduire la nécessité d'améliorer les rendements du secteur.

41 A la terre, qu'on a longtemps refusé de reconnaître comme un facteur de coût, on a enfin attribué indirectement un prix, d'ailleurs faible, avec l'introduction des impôts fonciers, des fermages et des ventes et achats limités en 1991.
En 1991, l'Etat a pratiquement doublé les prix des intrants industriels pour l'agriculture et le système des prix contractuels s'est développé; simultanément, les prix payés aux agriculteurs ont augmenté de 50 pour cent ou davantage.

Dans l'ensemble, l'évolution des termes de l'échange à l'intérieur du pays en 1991 et au cours des neuf premiers mois de 1992 n'a pas trop pénalisé l'agriculture. En fait, celle-ci obtenait auparavant les intrants industriels à des prix extrêmement faibles.

La situation ne s'est dégradée que vers la fin de 1992, après la libération d'une grande partie des prix des intrants et des services fournis par l'industrie. Au cours des trois derniers mois de l'année, les prix des intrants ont augmenté 3,3 fois plus rapidement que ceux des produits agricoles. Les prix de gros des intrants produits industriellement ont été multipliés par 1,9 au cours du premier trimestre de 1993, ceux des camions et des tracteurs par 2,1, et ceux des engrais minéraux et des fourrages par 2,4.

Les retards, souvent de plusieurs mois, tant dans les paiements des produits agricoles que dans l'octroi de crédits et d'indemnités d'inflation, ont été aussi défavorables pour les agriculteurs que les augmentations des prix des intrants. Récemment, ces retards se sont un peu raccourcis parce que tous les paiements étaient effectués par la banque centrale. Cependant, en raison des augmentations de prix mentionnés plus haut, un simple retard d'un seul mois entraîne une perte d'environ 25 pour cent de valeur de l'argent disponible pour l'achat des intrants. En revanche, l'industrie et les services exigent dans la plupart des cas un paiement immédiat, voire anticipé.

Au début de 1993, la Fédération de Russie a tenté de rétablir la «parité des prix» et de compenser, partiellement du moins, l'effet des retards de paiement. Un décret du 23 janvier 1993 prévoyait plusieurs formes d'appui financier à l'économie alimentaire, y compris des indemnités de 30 pour cent pour la hausse des coûts des intrants. A la suite de ce décret, le gouvernement a fortement relevé les prix d'achat officiels de 1993 pour toutes les catégories d'agriculteurs produisant des céréales, des oléagineux et des betteraves à sucre.

Les prix d'achat officiels pour les céréales qui, en août 1992, étaient 40 fois supérieurs aux prix moyens de 1990, avaient encore plus que doublé en février 1993, et ont augmenté à nouveau légèrement en mars. Les nouveaux prix doivent être révisés tous les trois mois à la lumière des changements intervenant dans les coûts des intrants et les coûts de production, en fonction des négociations entre le Ministère de l'agriculture, l'organisation publique d'achat et l'«Union agricole». En outre, 50 pour cent du prix seront payés à l'avance après conclusion d'un contrat de vente. En avril 1993, le prix du lait était deux fois plus élevé que celui des céréales et le prix de la viande près de dix fois.

Les achats de l'Etat n'absorbent désormais que moins de la moitié des produits agricoles commercialisés, et leur importance varie grandement entre les régions. Malgré cela, ils permettent peut-être de maintenir des niveaux de prix minimaux en cas de baisses excessives des prix du marché. Reste à savoir si les difficultés financières permettront à l'Etat de respecter pleinement ses engagements d'achat.

A partir des dernières années 80, l'Etat a réduit son rôle dans la commercialisation et la distribution des denrées. Bien que la récolte de 1992 ait été relativement bonne, les achats officiels des principaux produits ont accusé un recul net par rapport à 1986-1990. Cependant, les achats ont dépassé les objectifs pour la majorité des produits, à l'exception des céréales et des pommes de terre. Un décret passé le 17 décembre 1992 prévoit que chaque région doit créer son propre fonds céréalier et subventionner le prix du pain à la consommation.

Pour 1993, les achats envisagés par le biais du fonds central ne s'élèvent qu'à 12,6 millions de tonnes de céréales, 2,6 millions de tonnes de pommes de terre, un peu plus de 1 million de tonnes de viande et 6 millions de tonnes de lait.

Depuis 1991, les fermes collectives et d'Etat sont autorisées à vendre une partie de leurs produits de l'élevage par le biais de leurs propres organisations commerciales. Ces ventes, faibles en 1991, se sont élevées en 1992 à 20 pour cent environ de la production totale de viande. En outre, 30 pour cent sont produits à titre privé, une petite partie seulement étant vendue aux organismes d'Etat, principalement par l'entremise des fermes collectives et d'Etat. Ainsi, environ la moitié de la production de viande est consommée par les producteurs ou commercialisée en dehors du système commercial officiel. Les pourcentages correspondants sont inférieurs pour les œufs et le lait, et supérieurs pour les pommes de terre et les légumes.

Aux termes d'un décret du 12 février 1993, le président de l'Etat avait demandé que les caisses publiques centrales et régionales d'alimentation garantissent des approvisionnements adéquats à certaines zones qui, en raison de mauvaises conditions météorologiques ou de la taille de la population, ne sont pas autosuffisantes. Les bénéficiaires de cette décision sont Moscou et Saint-Pétersbourg, un certain nombre de zones septentrionales et industrielles, l'armée et quelques organisations publiques. Les achats à cette fin devront se faire sur la base de contrats volontaires, en partie par le biais d'organisations commerciales privées pour le compte de l'Etat. Les achats de l'étranger et d'Etats appartenant à l'ex-URSS devront également contribuer à alimenter la caisse centrale.

Opérations de troc et commerce extérieur

La réduction du rôle des achats centraux n'a pas encore fait naître un marché efficace, mais un marché rudimentaire fonctionne face à une inflation galopante et conserve quelques aspects de l'économie dirigée précédente. En 1992, la transformation alimentaire était encore largement un monopole des sociétés d'Etat. Le sucre représente un cas particulier: une partie de la production de sucre raffiné est restituée aux producteurs de betteraves en vertu de contrats, alors que les raffineries en conservent une autre partie plus faible qui, de ce fait, est consommée et commercialisée en dehors du système étatique. On applique un régime analogue aux aliments composés du bétail.

On estime qu'en 1992 le commerce libre de céréales a représenté environ 15 pour cent en volume de la production, dont 2 pour cent passaient par les bourses de commerce (birzhy). Le troc entre les fermes, les entreprises non industrielles et les administrations territoriales s'est développé. Ainsi, dans la province de Vologda, le fonds de troc échange des métaux, du bois d'œuvre et des machines contre des fourrages et d'autres aliments provenant du Kazakhstan et de certaines provinces russes. Dans toute la Russie, de nombreuses fermes échangent de la viande et d'autres produits agricoles contre les intrants nécessaires.

On estime qu'environ 30 pour cent des intrants agricoles produits industriellement sont ainsi obtenus en dehors du système parapublic AGROSNAB, et on s'attend à ce que ce pourcentage atteigne 45 à 50 pour cent en 1993 et dans les années à venir. Même lorsqu'elles se font légalement, une partie seulement de ces transactions est enregistrée.

Jusqu'à l'automne de 1991, on n'enregistrait les échanges commerciaux de produits alimentaires entre les républiques de l'ex-URSS que pour certaines d'entre elles, et sans les publier systématiquement. Le premier annuaire statistique publié par la Fédération de Russie contenait des données sur les importations et exportations principales de denrées des républiques de l'ex-URSS mais sans une ventilation par partenaires commerciaux. Ces données ne couvrent, très probablement, que les échanges effectués par le biais de compagnies d'Etat et le système d'achat qui utilise des fonds publics. En dehors des céréales, les produits agricoles que l'ex-URSS importait des autres républiques en 1989 étaient essentiellement la viande et les produits carnés (876 000 tonnes), le lait et les produits laitiers (4,5 millions de tonnes), les œufs (847 millions), les légumes, fruits, raisin et melons (3 millions de tonnes) et le sucre (2,6 millions de tonnes). D'autre part, les livraisons aux autres républiques de ces produits par la Russie étaient négligeables, à l'exception de celles d'oeufs et de pommes de terre. Depuis lors, les quantités (y compris celles provenant de la Géorgie et des Etats baltes) ont beaucoup baissé. Les accords réduits conclus en 1991 n'ont même pas été respectés.

Les principaux fournisseurs de viande et de lait étaient l'Ukraine, les Etats baltes et le Bélarus. L'Ukraine fournissait aussi la plupart des œufs et le Bélarus la plus grande partie des pommes de terre. L'Asie centrale, l'Ukraine et la Moldavie étaient les principaux fournisseurs de légumes, fruits et melons. Parmi les pays de l'ex-URSS, le Kazakhstan demeure le principal fournisseur de céréales de la Russie.

Cet exposé porte sur le commerce dit «extérieur proche», qu'il faut distinguer du commerce «extérieur éloigné», ce dernier concernant les échanges avec les pays qui n'appartenaient pas à l'ex-URSS et qui comprennent désormais les trois Etats baltes. En ce qui concerne les céréales, la Fédération de Russie est fortement tributaire d'importations de l'extérieur éloigné, les autres principaux produits d'importation étant le sucre, la viande, l'huile végétale et la farine d'oléagineux. Selon les informations officielles, en 1992 les importations de blé en provenance de l'extérieur éloigné ont atteint 20,6 millions de tonnes, contre 12,4 millions en 1991, mais les importations de maïs ont diminué de plus de la moitié et sont tombées de 11,8 millions de tonnes à 5 millions de tonnes. En 1992, les importations de viande de l'extérieur éloigné n'atteignaient que 380 000 tonnes (en 1991, elles s'élevaient à 693 000 tonnes), alors que celles d'huile végétale avaient quadruplé, passant de 108 000 à 452 000 tonnes, et celles de sucre de 3,6 à 4 millions de tonnes.

On signale également des opérations de troc entre les administrations territoriales et des partenaires de l'«extérieur éloigné», par exemple entre Saint-Pétersbourg et la Pologne ou la Hongrie, ou encore l'échange de pétrole d'Ufa et de charbon de Vorkuta contre de la viande de Lituanie.

Perspectives de l'agriculture

Il faudra encore deux ou trois ans, sinon davantage, pour que la Fédération de Russie retrouve les niveaux de production agricole de 1986-1990, notamment dans le secteur de l'élevage où la reconstitution des troupeaux prendra du temps. On pourrait même se demander s'il est justifié de considérer le retour aux niveaux antérieurs comme un objectif prioritaire, et s'il ne vaudrait pas mieux mettre l'accent sur: i) une meilleure intégration des activités en aval liées au secteur de l'alimentation; et ii) l'adaptation aux changements de la demande de consommation qui ne manqueront pas de se manifester lorsque se redresseront les revenus réels - même s'il faut peut-être encore plus de temps pour que ces derniers remontent à leur niveau précédent.

On essaiera peut-être d'améliorer la production agricole en renforçant la productivité sans augmenter les coûts d'investissement et de main-d'œuvre par unité de production. La réduction des coûts, encore plus que les objectifs de croissance matérielle, pourrait représenter la principale contribution des nouvelles fermes individuelles. Mais les fermes collectives et les fermes d'Etat, ainsi que leurs successeurs réorganisés, devront démontrer leur capacité de rendre ce service à l'économie alimentaire, d'autant plus que les subventions directes et indirectes à l'agriculture recommencent à augmenter. En outre, il faut tenir compte du coût du relèvement des prix d'achat officiels et des subventions aux produits de l'élevage en 1993, ainsi que des subventions centrales et locales à la consommation. Si l'agriculture ne réduit pas ses coûts de production, elle restera l'un des principaux responsables de l'inflation et, par là, un facteur de distorsions économiques croissantes.

Pour résoudre ces problèmes à long terme, il faudra que les divergences de vues existant entre les décideurs, à tous les niveaux, soient réglées. L'incertitude politique et économique est le principal obstacle à la réforme et au redressement de l'agriculture de la Fédération de Russie.

PAYS DE L'OCDE


Vue d'ensemble
États-Unis
Communauté économique européenne
Japon

Vue d'ensemble

Les politiques adoptées par les pays de l'OCDE en matière de commerce des produits agricoles et de macro-économie influent sur le sort des pays en développement tout autant, sinon plus, que leurs propres politiques. Les politiques macro-économiques des pays développés ont ensemble un impact marqué sur la croissance économique et les taux d'inflation, les taux d'intérêt, les taux de change et, partant, les niveaux des échanges et les mouvements de capitaux entre les pays. Les politiques agricoles et les politiques du commerce des produits agricoles de ces pays influencent aussi profondément les secteurs agricoles et les communautés rurales des pays en développement. C'est pourquoi La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture indique chaque année les changements du panorama économique mondial dans la Situation mondiale, et met en évidence l'évolution des politiques agricoles et commerciales des pays de l'OCDE dans la Situation par région.

La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 1993 étudie certains des effets probables de la réforme de la politique agricole commune (PAC) de la Communauté économique européenne (CEE), après avoir examiné l'an dernier les mesures de réforme de la PAC. Compte tenu du changement de gouvernement et de législation agricole (qui expire en 1995) aux Etats-Unis, la présente section aborde certaines des grandes questions et des options probables que ce pays devra prendre en considération pour adapter sa politique agricole aux nouvelles réalités. Enfin, le Japon, premier importateur net mondial de produits agricoles, a annoncé un vaste programme de réforme agricole. La section sur le Japon met en évidence l'évolution en cours dans l'agriculture du pays, dans le cadre des réformes annoncées ou indépendamment d'elles.

États-Unis


Déficit budgétaire et effets sur la politique agricole
Situation récente et évolution de la politique

Déficit budgétaire et effets sur la politique agricole

Un nouveau gouvernement, qui s'est engagé à renforcer la croissance économique et à réduire graduellement le déficit budgétaire, est au pouvoir à Washington. Il faut avant tout savoir comment les mesures d'austérité destinées à diminuer ce déficit affecteront certains éléments de la société, dont l'agriculture. Les changements et les nouvelles orientations de la politique agricole qui tendront à se manifester au cours des prochaines années influeront non seulement sur l'agriculture des Etats-Unis mais aussi sur l'agriculture internationale, car le secteur agricole américain joue un rôle prédominant dans le monde agricole. Les répercussions générales de l'évolution de la politique agricole des Etats-Unis dans les mois et les années à venir sont analysées brièvement ci-après.

Souhaitant diminuer le déficit budgétaire, le Gouvernement des Etats-Unis a proposé au Congrès une enveloppe de mesures visant principalement à réduire les dépenses et à accroître les revenus de l'Etat. Certaines de ces mesures pourraient avoir une incidence notable sur les programmes agricoles existants alors que d'autres actions d'ordre plus général, telles celles qui sont proposées dans le domaine des impôts, influenceront l'agriculture en tant que secteur de l'économie. Le gouvernement a proposé de mettre graduellement en vigueur les réformes agricoles entre les exercices budgétaires 1994 et 1997, et a demandé que le pouvoir législatif autorise certains changements immédiatement dans une nouvelle loi, tandis que d'autres ne seraient introduits que dans la loi sur l'agriculture de 1995.

Les propositions du gouvernement en matière d'agriculture représentent un ajustement des mécanismes de programmes plutôt qu'une transformation radicale des programmes agricoles. Les mesures proposées pour 1995 ne prévoient pas de changements profonds de structure, même si elles peuvent mener à des réformes plus fondamentales. Dans le cadre des propositions actuelles, le mécanisme du prix indicatif/paiement compensatoire, destiné à soutenir les revenus ruraux, reste en place, de même que les prix garantis et les mécanismes de contrôle de la production servant à soutenir les prix. Le gouvernement a explicitement exclu une réduction rapide des subventions à l'exportation en invoquant l'inopportunité d'un «désarmement» uni latéral tant que la question ne sera pas résolue dans le cadre des négociations commerciales multilatérales du GATT, qui sont actuellement bloquées.

Les deux changements qui auraient l'impact le plus fort sur le budget et les programmes, et seraient applicables aux récoltes de 1996, sont les suivants: porter la superficie imposée, dont la production n'a pas droit aux mesures de soutien du programme dit de «triple base»42, de 15 à 25 pour cent de la superficie de base; supprimer les programmes dénommés 0/92 et 50/92. Aux termes du programme 0/92 pour le blé et les céréales fourragères, les producteurs peuvent cultiver de 0 à 100 pour cent de la superficie dont la production a droit au soutien, tout en recevant des paiements compensatoires pour 92 pour cent de cette superficie, sans que l'exploitation subisse une réduction de sa superficie de base future. Les avantages sont calculés de la même façon pour le riz et le coton moyenne série, mais les agriculteurs sont tenus de mettre en culture au moins 50 pour cent de la superficie bénéficiant des mesures de soutien (50/92).

42 Voir La situation de l'alimentation et de l'agriculture 1992, p. 119.
La suppression des programmes 0/92 et 50/92 obligerait les agriculteurs à remettre en culture les superficies actuellement hors production afin d'obtenir les avantages prévus. Il en résulterait une diminution du découplage partiel assuré par les programmes de 0/92 et 50/92, et l'augmentation de la production qui suivrait devrait probablement être compensée par des augmentations des niveaux des programmes de réduction des superficies.

La suppression de ces programmes pourrait également influencer les décisions des agriculteurs concernant le programme de mise en réserve des terres à des fins de conservation (CRP). Un grand nombre de contrats CRP prendront fin en 1996. Que feront alors les propriétaires de ces terres? Jusqu'à présent, les options probables sont les suivantes: renouvellement des contrats; prorogation de la mise en réserve d'une partie ou de l'ensemble des terres, mais dans le cadre des programmes 0/92 et 50/92; ou remise en exploitation des terres gelées (au titre desquelles les agriculteurs conservent une base). La suppression des programmes 0/92 et 50/92 exclurait une des options, alors que celle du renouvellement des contrats de mise en réserve à des fins de conservation est incertaine.

On ne sait pas encore si le Congrès approuvera ou non la demande de crédits du nouveau gouvernement pour 1994 et 1995, qui permettraient d'englober dans le programme un million d'hectares supplémentaires nécessaires pour réaliser l'objectif de la loi sur l'alimentation, l'agriculture, la conservation et le commerce (FACT) de 1990. Il faudrait également savoir comment il entend résoudre la question du renouvellement du programme à la fin de la période d'application de la loi en 1995. Certaines critiques du programme de mise en réserve des terres à des fins de conservation ont suggéré que le montant de 1,8 milliard de dollars, dépensé chaque année pour payer les locations, pourrait être investi plus utilement dans d'autres systèmes de conservation. On pourrait contrebalancer l'augmentation de la production qui résulterait de l'élimination de ces options par des accroissements du programme de réduction des superficies cultivables pour les cultures concernées.

Le gouvernement a proposé d'autres mesures en vue de réaliser des économies: accorder les subventions aux agriculteurs dont le revenu non agricole est inférieur à 100 000 dollars; augmenter les frais de constitution de dossier et autres relatifs aux prêts pour certaines cultures comprises dans le programme; réformer les programmes d'assurance des cultures et d'aide en cas de catastrophe; enfin, éliminer progressivement les ventes subventionnées de bois d'oeuvre venant de terres domaniales.

Les répercussions à long terme de ces propositions de réduction du budget fédéral des Etats-Unis pourraient rendre les programmes agricoles moins intéressants pour les participants éventuels. En effet, à mesure que se réduisent les avantages, en raison de l'augmentation des superficies variables et de l'accroissement possible des programmes de réduction des superficies cultivables (dans le cas où seraient supprimés les programmes 0/92 et 50/92), certains exploitants pourraient juger préférable de ne pas y participer. Ils continueraient ainsi à profiter du niveau élevé des prix intérieurs des produits dû aux programmes, tout en étant libres de produire n'importe quel produit à leur gré. Le gouvernement réussirait alors moins bien à contrôler l'offre d'un produit déterminé, mécanisme qui permet normalement de maintenir les niveaux des prix dans les programmes.

Le programme de mise en réserve des terres à des fins de conservation et les autres mesures de conservation des programmes agricoles ont également aidé les Etats-Unis à maîtriser l'érosion et le ruissellement des pesticides dans les exploitations. Les agriculteurs qui en font partie doivent remplir certaines conditions de conservation afin d'avoir droit aux paiements prévus par le programme. Avec une participation réduite, le programme agricole serait moins efficace à ce point de vue. En l'absence de ces mesures, destinées à lutter contre les effets nuisibles de l'agriculture sur l'environnement, le gouvernement devrait mettre au point de nouveaux systèmes pour répondre à l'inquiétude croissante du grand public. Les Etats pourraient, par exemple, adopter chacun de nouvelles lois antiérosion. Ces lois varieraient d'un Etat à l'autre et affecteraient donc les agriculteurs de manière différente selon l'emplacement de leurs exploitations.

Si un grand nombre d'agriculteurs décide de ne pas participer aux programmes agricoles, les exploitants adhérents risquent d'en souffrir. Si les disponibilités s'accroissent, le programme pourrait être orienté de façon à inciter les agriculteurs à réduire encore leur production pour maîtriser l'offre. A cette fin, on pourrait relever le programme de réduction des superficies cultivables, ce qui entraînerait une nouvelle diminution des paiements versés aux agriculteurs et, partant, les dissuaderait de participer au programme.

Les réductions pourraient également avoir sur le budget un effet contraire à celui qui était recherché en augmentant les dépenses du gouvernement pour les programmes agricoles. Des disponibilités accrues résultant de modifications du programme feraient baisser le prix du marché d'un produit donné, et les paiements compensatoires s'accroîtraient à mesure que l'écart entre le prix du marché et le prix indicatif s'élargirait. Les paiements plus élevés versés aux agriculteurs adhérents augmenteraient les dépenses à la charge du gouvernement proportionnellement au nombre de participants et à l'accroissement des paiements.

Le Gouvernement des Etats-Unis est décidé à appliquer ses programmes d'exportation tant que les autres grands pays producteurs agricoles en utilisent de semblables. Les niveaux d'assistance fournie dans le cadre de programmes tels que la loi PL 480 et le plan de garantie du crédit sont fixés par le Congrès et resteront en vigueur jusqu'à la fin de 1995.

Au cas où des augmentations ultérieures des superficies cultivables n'ayant pas droit aux mesures de soutien prévues par la triple base réduiraient le nombre d'exploitations participant aux programmes agricoles, il serait difficile pour les Etats-Unis de maintenir les niveaux des stocks de la Commodity Credit Corporation (CCC), qui fournit l'aide alimentaire.

Les perspectives à long terme des programmes d'exportation dépendront donc de la situation budgétaire aux Etats-Unis en 1995, à la fin de la période d'application de la loi en vigueur sur l'agriculture. Le montant alloué aux différents programmes d'exportation et à l'aide alimentaire sera calculé compte tenu de la situation financière de l'Etat. Les programmes comme la PL 480 resteront sans doute inchangés, mais les programmes d'exportation tels que le Programme de promotion des marchés pourraient être réduits. L'avenir du Programme de promotion des exportations sera sans doute lié aux résultats des négociations du GATT et à la concurrence constatée des autres pays développés plutôt qu'au budget.

Pour ce qui est du découplage et de la libéralisation du marché, l'effet des modifications des programmes envisagées est incertain. La suppression des programmes 0/92 et 50/92 aurait pour résultat de réduire le découplage alors que l'augmentation de 15 à 25 pour cent des superficies variables n'ayant pas droit aux paiements compensatoires l'augmenterait. L'accroissement des disponibilités accrues; y compris pour l'exportation, dû à une participation réduite au programme, provoquerait une baisse des prix sur les marchés mondiaux. L'intervention gouvernementale renforcée qui en résulterait pour maîtriser l'offre entraînerait une inversion de la tendance antérieure à la libéralisation du marché.

Situation récente et évolution de la politique

Situation. Les prix relativement élevés au moment des semis, le relâchement des restrictions gouvernementales sur les superficies ensemencées et les conditions météorologiques favorables dans l'ensemble ont permis en 1992 d'augmenter les récoltes de la plupart des principales cultures concernées par le programme, notamment le maïs. Malgré l'accroissement des exportations, les stocks privés de presque toutes les céréales, spécialement le maïs - y compris la réserve détenue par les agriculteurs - ont enregistré une hausse durant la campagne commerciale 1992/93. Les stocks du gouvernement sont restés proches du niveau minimal permettant de conserver la réserve de sécurité alimentaire de blé de 4 millions de tonnes, et de mettre en oeuvre des programmes de secours alimentaires.

Aides à l'exportation. Il a été proposé que, pendant l'exercice budgétaire 1994, les garanties de crédit à l'exportation restent au niveau de 1993 - 5 milliards de dollars pour les garanties à court terme, 500 millions pour celles à moyen terme et 200 millions pour garantir les ventes aux nouvelles démocraties. Pour 1994, le budget proposé par le gouvernement prévoit jusqu'à 1 milliard de dollars de primes au titre du programme de promotion des exportations, contre un montant estimé à 1,2 milliard en 1993 et 968 millions en 1992.

Aide alimentaire. L'aide alimentaire au titre de la PL 480 a été estimée en 1993 à 1,698 milliard de dollars, contre 1,604 milliard en 1992. Une réduction à 1,618 milliard a été proposée pour 1994 dans le cadre du programme de réduction du déficit du gouvernement. La proposition présentée pour 1994 financerait un volume de produits estimé à 6,3 millions de tonnes, soit à peu près le même qu'en 1992, mais près de 200 000 tonnes de moins que le volume estimé pour 1993. Les pays d'Europe de l'Est bénéficient de plus en plus de l'aide alimentaire fournie par les Etats-Unis au titre de la PL 480 Title I concernant les ventes à crédit; cette aide représente 37 pour cent des 2,5 millions de tonnes de produits qui avaient été alloués mi-mai 1993. En outre, les Etats-Unis ont annoncé en avril 1993 une contribution de 700 millions de dollars (dont 200 millions pour couvrir les frais de transport) à la Fédération de Russie, 433,5 millions de dollars sous forme de ventes à crédit de produits agricoles et 66,5 millions de dollars à titre de don au programme Vivres pour le progrès. Un montant additionnel de 194 millions de dollars sera destiné aux dons directs d'aide alimentaire relevant de la section 416(b) du programme d'écoulement des excédents et du programme Vivres pour le progrès.

Communauté économique européenne


Réforme de la Politique agricole commune
Production agricole
Revenus ruraux et structures agricoles
Réforme de la PAC et environnement
Ce que la réforme de la PAC n'est pas

Réforme de la Politique agricole commune

La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 1992 passait brièvement en revue les principaux éléments de la réforme de la Politique agricole commune (PAC) approuvée en juin 1992. La présente section étudie cette réforme sous l'angle des problèmes qu'elle tend à affronter et des effets attendus dans les années à venir.

La réforme de la PAC répond à toute une série de problèmes qui sont apparus au sein de la Communauté économique européenne ces dernières années. Le système de soutien des prix conduisait à une surproduction car la production agricole en hausse constante dépassait la demande. Les coûts liés à la constitution de stocks et aux subventions à l'exportation, en vue d'éliminer les excédents croissants, tendaient à augmenter malgré la quasi-stabilité des prix à la production depuis 1985. Les efforts faits pour réduire les coûts et diminuer les excédents pendant les années 80 se sont avérés insuffisants. Par ailleurs, en dépit du coût élevé du système de soutien des prix, indépendamment des charges imposées aux consommateurs par l'augmentation des prix, on a estimé que la PAC ne fournissait plus le soutien souhaité aux agriculteurs, notamment aux petits exploitants et à ceux des régions peu favorisées, qui ne pouvaient tirer pleinement profit des méthodes de production intensives ni, partant, bénéficier des mesures de soutien des prix favorisant les grandes unités agricoles. En fait, avant la réforme, plus de 80 pour cent des dépenses de la CEE en faveur de l'agriculture allaient à moins de 20 pour cent des agriculteurs de la Communauté. De nombreuses régions de la CEE devaient en outre résoudre le problème de la surexploitation des terres due à l'emploi intensif d'engrais.

Les éléments précis des réformes approuvées en 1992 sont présentés plus en détail dans La situation mondiale de l'alimentation et de l'agriculture 1992. Ces réformes seront mises en vigueur graduellement au cours des campagnes commerciales 1993/94, 1994/95 et 1995/96. Lorsqu'elles seront appliquées intégralement, elles devraient avoir un impact profond sur l'agriculture de la CEE, influant à la fois sur la production, les revenus ruraux, les structures agricoles et l'environnement.

Production agricole

La production agricole sera affectée par l'évolution des régimes commerciaux et par certaines mesures d'accompagnement telles que le programme de boisement et le programme en faveur de l'environnement. Pour les cultures de plein champ (céréales, oléagineux et protéagineux), certaines de ces mesures auront pour effet de limiter la production. Tel est le cas des fortes réductions de prix des céréales, qui abaisseront le prix d'intervention à 100 ECU la tonne en 1995/96, et de l'abolition des prix garantis pour les protéagineux à partir de 1993/94 (les prix garantis pour les oléagineux ont déjà été abolis dès la campagne commerciale 1992/93).

En outre, le gel des terres que devront appliquer les producteurs pour avoir droit aux versements directs visant à compenser la baisse des prix limiteront la production des cultures de plein champ. Le gel obligatoire sera fixé initialement à 15 pour cent des terres cultivables avec rotation, mais ce chiffre pourra être modifié chaque année suivant la situation du marché. Toutefois, les petits exploitants qui produisent moins de 92 tonnes de céréales échapperont à cette obligation de gel, sans perdre pour autant le droit aux versements compensatoires directs. Les superficies consacrées aux cultures de plein champ pourront également faire l'objet d'une réduction par absorption dans le programme de boisement. En outre, certains éléments du nouveau programme en faveur de l'environnement - à savoir les mesures visant à promouvoir les modes de production agricole plus extensifs, le gel de terre à long terme à des fins environnementales et la conversion de terres cultivables en pâturages extensifs - entraîneront également une diminution de ce type de production.

Bien qu'il soit très difficile de mesurer l'effet global de toutes les mesures décrites ci-dessus sur les terres arables, la Commission des Communautés européennes a essayé d'estimer la production attendue en 1999. En ce qui concerne les céréales, les estimations pour 1999 se fondent sur l'hypothèse d'un taux de gel de 15 pour cent et sur l'absorption de 1 million d'hectares de terres cultivables par les programmes à long terme de gel des terres et de boisement. Il en résulterait une baisse de la superficie totale sous céréales dans la CEE, qui tomberait à 33,3 millions d'hectares en 1999/2000, contre 36 millions en 1991/92 et 35,7 millions en 1992/93. Etant, en outre, admis que les rendements se stabiliseraient aux niveaux de 1991/92, la production céréalière totale de la CEE en 1999/2000 devrait s'élever à 167 millions de tonnes, contre 181 millions en 1991/92 et 166 millions au cours de l'année de sécheresse 1992/93. Dans l'hypothèse d'une augmentation annuelle constante de 1 pour cent des rendements (chiffre quelque peu inférieur à l'augmentation de 1,8 pour cent par an enregistrée au cours des cinq dernières années), la production devrait se situer à 177 millions de tonnes en 1999/2000.

La production de viande sera influencée principalement par les changements du régime de la viande bovine et la réduction des prix du fourrage qu'entraînera la baisse des prix des céréales. Les producteurs de viande de bœuf seront directement touchés par la diminution de 15 pour cent des prix d'intervention, mais ce désavantage sera contrebalancé par la réduction des prix du fourrage qui suivra celle des récoltes de plein champ. Les agriculteurs qui élèvent des bovins de boucherie sur des pâturages seront dédommagés directement grâce à l'augmentation des primes versées pour les unités d'élevage. Cependant, afin d'encourager la production extensive, les primes ne seront octroyées que pour les unités ne dépassant pas la densité maximale autorisée (unités de bétail par hectare de pâturage). Les petites exploitations de moins de 15 unités seront, quant à elles, exemptées de ces limites. L'impact sur la production des densités maximales sera peut-être assez limité, car leur dépassement n'entraîne pas la perte du droit aux primes pour le troupeau tout entier, mais seulement pour les unités qui dépassent le maximum autorisé. Quant aux autres produits de l'élevage, aucun changement n'est prévu dans les régimes commerciaux du porc, de la volaille et des œufs dont les producteurs, par ailleurs, paieront moins cher les aliments pour animaux. Cela devrait stimuler ces productions et rendre les producteurs de la CEE plus compétitifs.

Dans l'ensemble, les projections de la Commission européenne concernant la production de viande en 1999 traduisent l'impact attendu de la réforme sur divers produits. On prévoit, en fait, une réduction de la production de viande de bœuf, qui devrait tomber à 8,1 millions de tonnes en 1999, contre 8,7 millions en 1991 et 8,4 millions en 1992. La production de viande de porc atteindra, suivant les prévisions, 15,3 millions de tonnes en 1999, contre 14,3 millions et 14,2 millions en 1991 et 1992 respectivement, alors que la production avicole devrait passer de 6,7 millions de tonnes en 1991 et 6,9 millions en 1992 à 7,8 millions en 1999.

La production de lait de la CEE est déterminée en grande partie par les contingents, qui seront réduits de 2 pour cent si la situation du marché l'impose. Simultanément, le prix du beurre diminuera de 5 pour cent. On s'attend de ce fait à une baisse de la production de beurre au profit du fromage et des produits laitiers frais, conformément aux tendances actuelles de la consommation.

Revenus ruraux et structures agricoles

En ce qui concerne les revenus ruraux, l'impact des réductions de prix prévues par la réforme sera compensé par les sommes versées directement aux agriculteurs sous forme de montants compensatoires ou de primes non liés à la production. Pour les cultures de plein champ, la baisse des prix doit être compensée par des versements directs, à condition que les agriculteurs respectent les obligations annuelles de «gel» de terres consacrées à ces cultures. Le versement compensatoire octroyé par hectare sera calculé au niveau régional sur la base de la moyenne de certains rendements passés (tonnes par hectare), chiffre qui sera multiplié par le montant compensatoire (ECU par tonne). Ainsi, les versements par hectare varieront selon les régions.

Le paiement compensatoire a pour objectif de compenser intégralement en moyenne pour l'agriculteur la réduction des prix (ou l'abolition des prix garantis). Mais, dans chaque région, il favorisera surtout les producteurs dont les rendements sont inférieurs au niveau régional, car ceux-ci seront amplement indemnisés des pertes de revenu dues à la baisse des prix. Les producteurs ayant des rendements plus élevés seront, eux, désavantagés. En ce qui concerne la production animale, les diminutions de prix de la viande de bœuf seront compensées par la réduction des prix des aliments du bétail et l'augmentation des primes. Les limites de densité applicables pour avoir droit aux primes favoriseront les producteurs qui pratiquent un élevage peu intensif, alors que les limitations concernant le nombre d'animaux par troupeau défavoriseront les gros producteurs. Comme les régimes de commercialisation de la viande de porc, de la volaille et des œufs ne sont pas modifiés, les prix réduits des aliments pour animaux pourraient améliorer les revenus des producteurs, mais un accroissement de production risque d'abaisser les marges bénéficiaires.

Sur la base d'échantillons représentatifs d'exploitations tirés du Réseau d'information comptable agricole de la Communauté européenne43, la Commission a simulé l'effet de la réforme sur les producteurs de cultures de plein champ ainsi que sur les producteurs de bovins de boucherie et de produits laitiers.

43 Agra Europe, 5 mars 1993.
Les simulations sont statiques: elles évaluent l'impact de toutes les mesures adoptées à la fin de la période de transition, au moment où elles seront pleinement opérationnelles, et elles supposent que les exploitants n'adaptent pas l'utilisation des ressources et les plans de production aux nouvelles incitations prévues par les réformes. Il apparaît que, pour tous les types d'exploitation laitière et d'élevage bovin considérés, les revenus exprimés en valeur ajoutée nette à l'exploitation augmenteront grâce à la réforme. Pour les exploitations de terres arables, l'impact variera en fonction de la taille. Les petits et moyens producteurs verront en fait leurs revenus augmenter. Les petits producteurs, produisant moins de 92 tonnes de céréales, seront plus avantagés que les producteurs moyens. En revanche, les grandes exploitations, qui produisent plus de 230 tonnes de céréales, verront baisser la valeur ajoutée nette à l'exploitation.

D'une manière générale, la réforme de la PAC tend à orienter plus précisément les mesures de soutien à l'agriculture vers les petits producteurs moins performants, même si cet effet est beaucoup moins prononcé que ne l'aurait été celui des réformes proposées par la Commission européenne en 1991.

L'effet de la réforme sur les structures agricoles n'est pas très net. L'un des objectifs de la reforme est d'assurer la viabilité des petites exploitations familiales et de ralentir l'exode rural. Le ciblage plus précis du soutien en faveur de ce type d'exploitation et des modes de production agricole extensifs contribuera à réaliser cet objectif. Cependant, la réforme des régimes de commercialisation est associée, entre autres, à un plan de départ anticipé à la retraite qui vise à libérer les terres, soit pour agrandir les exploitations et en améliorer la viabilité économique, soit pour les consacrer à des fins non agricoles.

Réforme de la PAC et environnement

La réforme de la PAC est conçue pour avoir une incidence favorable sur l'environnement. Les effets positifs devraient découler de la réforme des régimes commerciaux et des programmes d'action agro-écologique et de boisement qui accompagnent les réformes du marché. En ce qui concerne la modification des régimes commerciaux, les réductions de prix décourageront l'accroissement de la production par le biais de techniques d'exploitation intensives. En outre, des mesures spécifiques incitent à adopter des pratiques de production extensives.

Le programme de boisement fournira lui aussi une aide financière aux agriculteurs qui souhaitent utiliser des terres agricoles à des fins de foresterie et prendra diverses formes: une aide pour les dépenses de boisement; prime par hectare couvrant les coûts d'entretien des terres boisées pendant les cinq premières années; allocation annuelle pour compenser les pertes de revenu résultant du boisement de terres agricoles; enfin, aide pour l'investissement destiné à améliorer les espaces boisés. Il est difficile de prévoir l'impact exact du programme, car il dépendra en partie de la mise en oeuvre au niveau national.

Le programme agro-écologique, dont le champ d'application est plus vaste, fournira une aide financière pour la mise en œuvre d'une série de mesures visant à améliorer l'environnement rural:

· l'adoption de pratiques culturales qui réduisent la pollution agricole;

· l'application de méthodes agricoles et d'élevage plus extensives;

· une utilisation des terres compatible avec la protection de l'environnement, du sol et des paysages;

· la sauvegarde des races locales;

· l'entretien des terres agricoles et forestières abandonnées lorsqu'il s'impose pour des raisons écologiques et de sécurité;

· le gel de longue durée des terres pour des motifs d'environnement;

· la formation des exploitants à l'agriculture respectueuse de l'environnement et à l'entretien des campagnes.

Comme dans le cas du programme de boisement, il est difficile d'évaluer avec exactitude l'impact du programme agro-écologique, car il dépendra, lui aussi, de la mise en œuvre au niveau national.

Ce que la réforme de la PAC n'est pas

Bien que la réforme approuvée en 1992 doive apporter de profonds changements à la PAC, elle ne modifiera pas certains de ses principes et mécanismes de base tels que les prix communs fixés par le Conseil des ministres européens, la protection commune contre les importations agricoles au moyen de taxes variables, le recours aux subventions à l'exportation pour rendre les produits de la CEE plus concurrentiels sur les marchés mondiaux, et l'intervention des pouvoirs publics sur les marchés agricoles. Ainsi, la réforme contribuera sans doute à diminuer la production et les excédents intérieurs pour certains produits, ainsi que le niveau des restitutions à l'exportation. Cependant, en raison de la baisse des prix des aliments pour animaux, la production de porc, de volaille et d'œufs sera probablement stimulée.

En général, la réforme ne changera ni les conditions d'accès au marché de la CEE des importations de produits agricoles ni les conditions d'accès aux marchés mondiaux des exportations de ces produits. Pour la plupart d'entre eux, le traitement préférentiel accordé aux producteurs de la CEE par rapport aux importateurs sur le marché intérieur demeure inchangé. Dans la mesure où le système double de fixation des prix reste en place, c'est-à-dire où les prix agricoles intérieurs garantis sont fixés indépendamment des cours mondiaux, les producteurs agricoles et les consommateurs de la CEE continueront d'être isolés des mouvements des cours sur le marché mondial, tant que ces cours ne dépassent pas les prix garantis.

Japon


Une agriculture en transition
Structure agricole
Politique de commercialisation des produits agricoles
Agriculture et environnement
Nouvelles orientations

Une agriculture en transition

Au cours des deux dernières décennies, l'agriculture japonaise a connu une révolution tranquille, et les facteurs du changement, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, n'ont fait que se renforcer. Conscient de cette pression croissante, le Ministère de l'agriculture, des forêts et des pêches a constitué en mai 1991 un groupe spécial de travail chargé de mettre au point de nouvelles directives de base pour affronter la nouvelle situation et les problèmes concernant l'alimentation, l'agriculture et les zones rurales. En juin 1992, le Ministère a publié le rapport de ce groupe qui était intitulé Orientation de base des nouvelles politiques en matière d'alimentation, d'agriculture et de zones rurales, qu'il a ensuite adopté comme grandes lignes de sa future politique, présentant plusieurs projets de loi et propositions budgétaires à la session 1993 de la Diète.

La présente section examine la situation actuelle de l'agriculture japonaise, les pressions exercées pour et contre le changement et les problèmes à affronter et à résoudre, au moment où l'agriculture japonaise, au seuil du 21e siècle, s'intègre davantage dans le système commercial et économique international.

Le cadre. Le Japon, ayant une superficie émergée de 378 000 km2, est plus grand que l'Italie mais moins vaste que la Suède ou la Thaïlande. Il est en grande partie montagneux, couvert de vastes forêts et a un relief plus accidenté et abrupt que la majorité des pays d'Europe occidentale, et les fleuves y ont un débit plus rapide. Situé dans la partie méridionale de la zone tempérée, le Japon se caractérise par un climat subtropical au sud et des températures très basses au nord, dans l'île d'Hokkaidô, où les hivers sont souvent rigoureux. Les montagnes occupent environ 70 pour cent du territoire et les terres agricoles, dont un peu plus de la moitié est cultivée en riz, en couvrent seulement 14 pour cent. Avec 124 millions d'habitants, le Japon occupe le quatrième rang pour la densité démographique dans la région Asie et Pacifique.

Du point de vue politique, le Japon est une démocratie parlementaire fondée sur le bicaméralisme. Le gouvernement est fortement centralisé et le pouvoir exécutif appartient au Cabinet qui est dirigé par le premier ministre, chef de la majorité parlementaire. Le parti libéral démocrate, qui a gardé la majorité à la Diète depuis la fin de la seconde guerre mondiale jusqu'à juillet 1993, a subi de fortes pressions politiques de la part des électeurs japonais, dont les milieux d'affaires et les chefs des syndicats, qui demandaient une réforme politique radicale, et aussi de la partie des groupes d'agriculteurs qui s'opposaient à la libéralisation du marché intérieur des produits agricoles.

Après avoir représenté pendant des décennies le miracle économique du monde industrialisé, le Japon connaît aujourd'hui une forte récession économique. Selon l'Atlas de la Banque mondiale 1992, la croissance réel le du PNB a atteint en moyenne 4,3 pour cent par an en 1980-1991; la croissance du revenu par habitant a été de 3,7 pour cent en moyenne pendant la même période. Le ralentissement, qui a commencé au cours du dernier trimestre de 1991, a provoqué une baisse de la croissance du PIB qui, de 5,2 pour cent en 1990 et 4,4 pour cent en 1991, est tombée à 1,8 pour cent en 1992. Cependant, les niveaux estimatifs de chômage et d'inflation sont restés faibles (1,9 pour cent et 2,2 pour cent respectivement).

L'agriculture a fourni 2 pour cent du PIB en 1991, alors que 5,9 pour cent de la population étaient classés comme agriculteurs. Depuis 1988, le Japon est le premier importateur net de produits agricoles du monde, absorbant l'équivalent de 29 milliards de dollars en 1991.

Structure agricole

En 1991, la superficie totale des terres agricoles du Japon s'élevait à 5,20 millions d'hectares, dont 2,82 millions, soit 54 pour cent, étaient cultivées en riz. Depuis 1975, les terres agricoles ont diminué au profit d'utilisations non agricoles à raison d'environ 22 000 ha par an en moyenne, en majeure partie d'anciennes rizières. Le nombre des ménages ruraux a fléchi, tombant de 6 millions en 1960 à 3,7 millions en 1992 (soit 9 pour cent des ménages japonais), et il devrait passer à moins de 3 millions en l'an 2000.

L'agriculture japonaise se caractérise aussi par la petite superficie des exploitations: en 1991, 58 pour cent des fermes commerciales avaient moins de 1 ha de terre et seulement 13 pour cent plus de 2 ha. Mais ce n'est là qu'un aspect de la question. Les propriétés foncières sont également très morcelées, les terres d'un exploitant étant souvent dispersées tout autour d'un village selon un système compliqué de propriétés morcelées dont l'objectif est de réduire les risques de perte totale de la récolte. Par exemple, 50 pour cent des 2,7 millions d'hectares de rizières du pays se composent de parcelles de 0,3 ha ou davantage et seulement 3 pour cent de parcelles de 0,5 ha ou plus. L'objectif est de porter la superficie moyenne à 1 ha ou davantage au cours des 10 prochaines années. Pour le remembrement et la réorganisation des terres, l'élimination des accotements, le regroupement des rizières en champs plus grands et leur nivellement sont des opérations à coefficient élevé de main-d'œuvre et de capital.

Les 3,7 millions d'exploitations agricoles du Japon comprennent 23 pour cent d'exploitations classées comme non commerciales et 77 pour cent classées comme commerciales. Sur les 2,9 millions de ménages des exploitations commerciales, seulement 16 pour cent travaillent à plein temps dans l'agriculture et les 84 pour cent restants n'y travaillent qu'à temps partiel. Ces derniers se divisent en deux catégories: ceux du type I qui en tirent plus de 50 pour cent et ceux du type II qui tirent moins de 50 pour cent de leur revenu de l'agriculture. Les ménages du type I représentent 19 pour cent du groupe produisant à temps partiel et ceux du type II 81 pour cent. Ainsi, en 1992, sur 3,7 millions de ménages agricoles, seulement 897 000 étaient du type commercial, travaillant soit à plein temps, soit à temps partiel, et tiraient 50 pour cent ou plus de leur revenu de l'agriculture (type I). En outre, seulement 7 pour cent environ du revenu des ménages du type II provenaient de l'agriculture, le reste venant de sources non agricoles. Cela signifie que le travail qui est effectivement consacré à l'agriculture a diminué de façon bien plus brutale que ne l'indique la réduction du nombre de ménages agricoles.

Parmi les tendances fondamentales du secteur agricole, on peut relever les suivantes: la diminution de la part de l'agriculture dans le PNB total; la persistance de l'exode rural; le vieillissement de la population agricole, avec très peu de nouveaux venus; enfin, une augmentation plutôt lente de la taille moyenne des exploitations. En fait, il y a une pénurie aiguë de main-d'œuvre agricole. Aujourd'hui, 4 à 5 pour cent des terres classées comme agricoles sont inexploitées, en raison précisément du manque de main-d'œuvre. Le nombre de nouveaux agriculteurs diplômés a diminué rapidement et ne s'élève à l'heure actuelle qu'à 2 000 par an. Ce phénomène s'explique par les raisons suivantes: faiblesse du revenu par habitant dans le secteur agricole; tâches plus lourdes, conditions de travail plus pénibles, notamment horaires plus longs que ceux de travailleurs des villes; enfin, incertitude des perspectives de l'agriculture, accentuée par les négociations du GATT et les pressions extérieures en faveur de la libéralisation du secteur agricole. En outre, dans les parties reculées du pays, les jeunes femmes tendent à migrer vers les villes, ce qui réduit pour les jeunes gens qui restent sur place les chances de se marier. Alors que le revenu disponible des ménages agricoles représente 133 pour cent de celui des ménages non agricoles, le revenu par personne n'en représente que 92 pour cent, parce que les ménages agricoles comprennent un plus grand nombre de personnes que les autres ménages.

Politique de commercialisation des produits agricoles

L'un des principaux instruments de la politique agricole du Japon est le système de contrôle des produits alimentaires de base, géré par l'Office de l'alimentation du Ministère de l'agriculture, des forêts et des pêches. Le système a pour objectif d'aménager l'offre, en fonction de la demande prévue, et le prix du riz, du blé et de l'orge. Alors que les céréales de base sont généralement vendues, par l'entremise d'intermédiaires et de coopératives agricoles, directement aux grossistes plutôt qu'au gouvernement, l'ensemble du système est contrôlé par l'Office de l'alimentation.

Les mécanismes de contrôle du riz diffèrent de ceux qui sont utilisés pour le blé et l'orge. Le Japon est autosuffisant en riz, aliment de base de la population, alors qu'il est loin de l'être en blé et en orge. L'offre de riz fait l'objet d'un aménagement quantitatif direct. Dans le cadre de la loi sur le contrôle de l'alimentation, le Japon établit un plan de base annuel permettant de projeter la demande de riz de l'année suivante; l'offre est alors adaptée à cette demande au moyen de mécanismes d'aménagement de la production, y compris la conversion des terres à d'autres cultures. Chaque producteur doit alors vendre une quantité fixée de riz au gouvernement afin de stabiliser le volume et le prix. Le riz appartenant à l'Etat est vendu à un prix uniforme par les grossistes et détaillants agréés, le gouvernement fixant le prix maximal pouvant être demandé au consommateur. Il s'agit de riz de qualité ordinaire qui est vendu à un prix inférieur à celui du riz que le producteur commercialise volontairement pour répondre à la demande.

Ce système de ventes volontaires, qui a été instauré en 1969, est aussi contrôlé par le gouvernement. C'est ce dernier qui établit le prix auquel il achète le riz, mais celui du riz commercialisé volontairement est négocié entre les organisations d'intermédiaires et celles de grossistes. Afin de remédier au manque de transparence et à la rigidité du mécanisme des prix, deux Bourses de commerce où s'effectuent les échanges volontaires de riz (Tokyo et Osaka) ont été créées en août 1990. Les ventes y sont réalisées par adjudication.

La consommation annuelle de riz du Japon s'élève à environ 10 millions de tonnes. Comme les producteurs consomment eux-mêmes 3,5 millions de tonnes, 6,5 millions de tonnes sont vendues sur le marché, dont 2 millions sont achetées par le gouvernement en tant que riz ordinaire et afin de contrôler le marché. Les 4,5 millions de tonnes restants sont commercialisés volontairement, 1 million de tonnes étant vendu aux enchères à Tokyo et à Osaka. Le prix du riz vendu ainsi peut fluctuer d'environ 7 pour cent entre un maximum et un minimum établis. Ce mécanisme permet au prix de ce riz d'apparaître plus clairement. Les distributeurs estiment que 2 à 3 millions de tonnes de riz passent par le «marché parallèle libre», ou marché noir libre, la majeure partie du reste allant directement aux grossistes puis aux détaillants par l'intermédiaire des coopératives.

En matière de distribution de riz, malgré la loi sur le contrôle des aliments, le marché en pleine expansion exerce une influence multiple. Face au recul de la demande, les riziculteurs se consacrent de plus en plus à la production de riz de qualité supérieure pour des marques régionales ou des produits de qualité. Ils peuvent vendre le riz «biologique», c'est-à-dire cultivé sans produits chimiques, qu'il s'agisse de pesticides ou d'engrais, directement sous contrat à des groupes de consommateurs. En outre, des réseaux privés de vente par correspondance se sont organisés pour livrer le riz directement des producteurs aux consommateurs des villes éloignées.

Etant donné que les stocks de report ont diminué ces dernières années, le gouvernement a assoupli son programme d'ajustement de la production afin de constituer des stocks suffisants pour contrôler le marché et fournir assez de riz de qualité ordinaire aux détaillants.

Les marchés du blé et de l'orge sont assujettis à un contrôle indirect au moyen d'un prix au producteur minimal garanti. Bien qu'il ne s'agisse pas d'un régime obligatoire, les producteurs japonais vendent la quasi-totalité de leur blé et de leur orge au gouvernement. Ce dernier établit les prix d'achat et de vente, et les coopératives agricoles sont incitées à conclure des contrats en volume avec les utilisateurs finals. L'Office de l'alimentation achète le blé aux producteurs à un prix subventionné qui est nettement supérieur à celui qu'il demande aux industries de transformation. Selon les prévisions des besoins, le gouvernement délivre chaque semaine, par le biais de l'Office de l'alimentation, des licences d'importation de blé et d'orge, assurant ainsi la stabilité du marché. L'Office est l'unique acheteur du blé et de l'orge importés.

Coopératives agricoles. Les coopératives agricoles jouent un rôle important dans la vie des agriculteurs japonais. Il en existe de deux types: d'une part, la coopérative polyvalente qui commercialise les produits agricoles, fournit les intrants, le crédit, l'assurance mutuelle, s'occupe de la transformation des produits et offre des services consultatifs et autres et, d'autre part, la coopérative spécialisée qui s'occupe de la commercialisation des produits de secteurs particuliers tels que les fruits, les légumes et les produits de l'élevage.

L'organisation de ces coopératives comprend trois niveaux: les coopératives locales; les fédérations de coopératives préfectorales qui se spécialisent dans divers types de services comme le crédit, l'épargne, la commercialisation, les achats et l'assurance; enfin, les fédérations de coopératives nationales.

Les coopératives de niveau national sont les suivantes: la Banque Norinchukin qui, recueillant 50 pour cent des économies des agriculteurs, occupe la première place sous l'angle des dépôts et des crédits; la Fédération nationale d'assurance mutuelle des coopératives agricoles Zenkyoren; une compagnie d'assurance d'importance moyenne; une société commerciale d'importation-exportation; une fédération nationale médicale et sociale; une fédération nationale de presse et d'information; une maison d'édition; une société touristique, qui occupe la sixième place dans le pays; la Fédération nationale des associations coopératives agricoles (ZEN-NOH), un conglomérat qui occupe la huitième place parmi les compagnies commerciales du pays et regroupe environ 140 compagnies et leurs succursales, avec un chiffre d'affaires annuel de quelque 60 milliards de dollars, ainsi que l'organisme responsable des politiques de la fédération qui sert aussi de groupe de pression, l'Union centrale des coopératives agricoles (ZENCHU). Le réseau de coopératives agricoles s'occupe des membres «du berceau à la tombe»; il exerce en outre une puissante influence, par le biais du parti au pouvoir, sur la politique agricole du pays.

Les agriculteurs sont les membres ordinaires des coopératives et ont le droit de vote. Il existe également des membres associés qui ne votent pas; ce sont des personnes ne pratiquant pas l'agriculture qui désirent profiter des services de la coopérative. Alors que la plupart des agriculteurs sont membres des coopératives, les membres associés ne représentent qu'un tiers des adhérents. Le nombre des agriculteurs membres a baissé (de 5,9 millions en 1970 à 5,5 millions en 1990) alors que celui des membres associés a augmenté, passant de 1,3 million de personnes en 1970 à 2,9 millions en 1990. Les coopératives polyvalentes ont 300 000 employés environ, soit un employé pour 18 agriculteurs adhérents.

Le gouvernement met en oeuvre une grande partie de sa politique agricole par l'intermédiaire des coopératives. Ainsi, ce sont les coopératives qui versent aux agriculteurs les subventions accordées par le gouvernement sur les prix des produits agricoles. En outre, le programme de conversion des rizières (grâce auquel un tiers des terres à riz est passé à d'autres cultures, car la consommation de riz par habitant est tombée de 118 kg au maximum en 1962 à 70 kg en 1989) est appliqué au niveau local par les coopératives et les autorités administratives. En 1989, le réseau de coopératives a commercialisé 95 pour cent du riz, 96 pour cent du blé, plus de 90 pour cent de l'orge et plus de 50 pour cent des fruits et légumes, des bovins de boucherie et du lait. En ce qui concerne les intrants, il a fourni plus de 90 pour cent des engrais, 70 pour cent des produits agrochimiques, 64 pour cent de l'essence utilisée dans les exploitations, 50 pour cent des machines agricoles et 40 pour cent des aliments pour animaux.

Les coopératives ne se font pas concurrence au niveau local et le réseau opère suivant des principes égalitaires. Souvent, les agriculteurs n'ont guère d'autre solution que de vendre leurs produits à la coopérative agricole et d'y acheter leurs intrants. Compte tenu de ces principes, les gros exploitants ne peuvent jouir d'avantages tels que des rabais pour les achats importants d'intrants ou de primes sur les grosses ventes de produits que leur offraient normalement des entreprises commerciales rurales. Ainsi, ils ne peuvent bénéficier des économies d'échelle dans leurs activités de commercialisation ou d'achat d'intrants.

Le réseau des coopératives agricoles est forcé, à l'heure actuelle, de s'adapter à une situation nouvelle. Il doit non seulement affronter les problèmes financiers liés au ralentissement de l'économie en général et à la libération des prix, mais aussi faire face à la baisse de volume des produits agricoles passant par les coopératives. Les gros producteurs adhérents ont tendance à quitter leurs systèmes traditionnels de commercialisation par le biais des coopératives pour en adopter d'autres, y compris la vente directe aux consommateurs. Les coopératives locales fusionnent et se regroupent en vue de réduire le nombre de coopératives polyvalentes à environ un millier, soit un tiers de moins, d'ici l'an 2000. En outre, on envisage d'intégrer les fédérations préfectorales aux fédérations nationales à mesure que les coopératives locales se regroupent.

Libéralisation du marché de la viande de bœuf. A l'issue de négociations prolongées, le Japon a décidé de mettre fin au système de contingentement appliqué aux importations de viande de bœuf en 1988. Ce système a été remplacé par des droits de douane entrés en vigueur en 1991 au taux de 70 pour cent ad valorem, pour passer à 60 pour cent le 1er avril 1992 et à 50 pour cent le 1er avril 1993. Les stocks de bœuf ont augmenté, car les disponibilités, y compris les importations, ont dépassé la demande en 1989 et 1990, avant de retourner aux niveaux de 1988 au début de 1992. Au cours de cette période, le prix de la viande de bœuf de qualité supérieure, y compris le bœuf Wagyu, est resté relativement stable alors que le prix de la qualité inférieure, à savoir la viande de bovins laitiers, a fléchi récemment de 25 à 35 pour cent suivant la catégorie. En outre, on a constaté une très forte évolution de la demande au détriment du bœuf congelé et en faveur du bœuf frais ou réfrigéré. Le prix du bœuf de qualité supérieure a baissé récemment en raison principalement de la contraction de l'activité économique.

Du fait que la libéralisation a affecté essentiellement la viande de qualité relativement inférieure provenant de bovins laitiers, ce sont les producteurs de lait qui ont le plus souffert. S'il est vrai que les prix du lait n'ont pas varié, celui des veaux de race laitière vendus à l'embouche a baissé considérablement.

Afin de compenser les pertes des producteurs laitiers, le gouvernement offre des paiements compensatoires aux éleveurs engraisseurs de bovins. Ces derniers sont censés restituer ces paiements aux producteurs laitiers en payant des prix plus élevés pour leurs veaux d'embouche. Cependant, depuis la libéralisation du marché de la viande de bœuf, le nombre d'élevages laitiers a diminué de 20 pour cent. Il est intéressant de noter, toutefois, que la taille du troupeau laitier national n'a pas baissé, ce qui montre que ce processus a permis un important regroupement des troupeaux laitiers.

La libéralisation du marché de la viande de boeuf a provoqué une baisse des prix intérieurs et suscité une concurrence sur le marché à laquelle les agriculteurs Japonais réagissent en améliorant la qualité. Les engraisseurs de bovins de race laitière se félicitent de la baisse des prix des veaux, tandis que le gouvernement complète le prix des veaux versé aux producteurs laitiers par les engraisseurs par des paiements compensatoires.

La consommation de viande de bœuf au Japon s'élève actuellement à 6,2 kg par an par habitant, le taux d'augmentation étant tombé de 10,9 pour cent en 1989 et 1990 à 1,6 pour cent en 1991.

Agriculture et environnement

Depuis les origines, la gestion des eaux et l'agriculture sort étroitement liées au Japon. Les montagnes sont si escarpées que les fleuves ont un débit rapide, évitant ainsi la pollution des eaux. Cependant, une certaine pollution de la mer commence à se manifester à la sortie des estuaires de ces fleuves. La pollution d'origine agricole est provoquée essentiellement par les produits chimiques, les engrais et les effluents de l'élevage. Les rizières, qui occupent un peu plus de la moitié des terres cultivées, servent de réservoir en filtrant l'eau jusqu'au niveau des nappes souterraines. En altitude, les engrais azotés se transforment en acide nitrique. Dans les rizières, il n'y a pas d'oxygène, si bien que les engrais azotés se transforment en ammonium qui est fixé dans le sol, alors qu'une partie de l'azote se dégage sous forme de gaz. Ainsi, la pollution des eaux souterraines due aux produits chimiques et aux engrais est beaucoup plus prononcée dans les zones d'altitude qu'au niveau des rizières.

Le Gouvernement japonais a abordé pour la première fois la question de l'agriculture durable au cours de l'exercice budgétaire 1992. Le Ministère de l'agriculture, des forêts et des pêches définit l'agriculture durable comme une agriculture qui utilise un niveau de produits chimiques et d'engrais minéraux inférieur à la normale; elle doit remplir deux critères - rendements durables et qualité - et employer moins de produits chimiques et d'engrais minéraux.

Les deux principales techniques utilisées pour encourager l'agriculture durable sont l'emploi d'engrais à diffusion lente et la lutte biologique et intégrée contre les ravageurs. Pour lutter contre les insectes, on attire les mâles dans une zone limitée, grâce à l'odeur ou au son émis par les femelles, pour les éliminer ensuite dans ces zones.

Entre autres programmes, le Ministère de l'agriculture, des forêts et des pêches encourage le recyclage des déchets animaux qui sont transformés en engrais dans le cadre de contrats passés entre les agriculteurs et les éleveurs. Le Ministère facilite l'opération en créant des installations de traitement du fumier et des fermes de démonstration et en assurant des services de vulgarisation.

Les agriculteurs adoptent à l'heure actuelle des méthodes d'agriculture durables moins pour des motifs d'ordre économique que pour un souci altruiste du bien-être des générations à venir. On étudie des techniques qui permettent de réduire l'utilisation et le coût des intrants. Par exemple, il existe une repiqueuse de riz dotée d'un applicateur qui épand les produits chimiques et l'engrais tout près de la plantule, ce qui permet de réduire les quantités utilisées.

Le Ministère s'intéresse actuellement aux exploitations productrices de fruits et de légumes, car ce sont elles qui utilisent le plus de produits chimiques. Cependant, il charge en général les administrations des préfectures d'analyser et de réviser les normes d'épandage d'engrais et de lutte contre les ravageurs afin de préserver la qualité de l'environnement.

Nouvelles orientations

Plusieurs facteurs et tendances se conjuguent à l'heure actuelle pour déclencher de profonds changements structurels à l'agriculture du Japon et entraîner une révision de la politique agricole, à savoir:

· La fermeté du yen japonais, en raison duquel les importations de produits agricoles sont moins coûteuses et continueront à augmenter.

· Le dépeuplement des zones rurales, la dégradation des infrastructures et des services ruraux à mesure que le nombre des héritiers et des nouveaux exploitants diminue et que le vieillissement de la population agricole s'accélère. Ces phénomènes sont imputables à la diminution des revenus, au travail pénible et aux horaires lourds, ainsi qu'aux emplois plus intéressants offerts hors du secteur agricole.

· La baisse de la demande de riz, qui entraîne la conversion ou l'abandon des rizières, phénomène qui, à son tour, a un effet négatif sur la qualité de l'eau et l'environnement.

· L'exiguïté et le morcellement des exploitations agricoles qui empêchent les agriculteurs d'adopter des techniques économiques telles que les semis directs de riz.

· La nécessité de libéraliser davantage les marchés agricoles à mesure que se poursuit l'internationalisation de l'agriculture.

· La diminution du taux d'autosuffisance alimentaire, ou calories fournies au plan national (46 pour cent seulement des calories provenaient de produits nationaux en 1991).

Il est largement reconnu que nombre de tendances actuelles sont défavorables pour l'agriculture et les zones rurales. En raison de la gravité de la situation agricole, le Ministère de l'agriculture, des forêts et des pêches a amorcé un processus de réforme sectorielle en constituant un groupe spécial qui, à l'issue d'entretiens avec des particuliers et des organisations du pays entier, a présenté son rapport Orientation de base des nouvelles politiques en matière d'alimentation, d'agriculture et de zones rurales en juin 1992. Le rapport définit les objectifs structurels et, comme il a été mentionné plus haut, formule des directives générales pour la réforme du secteur agricole et la transformation des zones rurales. Il propose des lois et des budgets en vue de réaliser une réforme complète en 10 ans.

Dans le cadre de cette nouvelle politique, les objectifs structurels - qui sont au cœur même du plan tendant à rendre l'agriculture japonaise plus efficiente et plus compétitive - sont liés à la taille des exploitations et au mode de gestion. Au bout des 10 ans, le Japon devrait avoir 300 000 à 400 000 unités de gestion agricole individuelles (exploitation agricole gérée par un seul ménage), dont 150 000 pratiqueraient la riziculture, 50 000 en monoculture sur des parcelles de 10 à 20 ha et 100 000 en polyculture (y compris le riz) sur des parcelles de 5 à 10 ha. En outre, il y aurait de 40 000 à 50 000 organismes de gestion agricole organisés (associations de gestion de divers types, dont coopératives de production agricole, petites sociétés et associations de production agricole) qui administreraient des exploitations de 30 à 50 ha pratiquant la monoculture du riz.

Dans le cadre de la nouvelle politique, des lois, votées en 1993, prévoient que chaque communauté établira ses propres objectifs de réforme agricole et déterminera son mode d'organisation, à savoir en coopérative individuelle, en société en commandite simple, etc., afin d'accroître la taille des organismes de gestion agricole. Au total, plus de 3 000 municipalités mettront en oeuvre la réforme en fonction de leurs propres objectifs, et le gouvernement national soutiendra leurs décisions au moyen d'une politique des prix et des mesures structurelles. Les crédits nécessaires à la mise en oeuvre de cette politique au niveau national, préfectoral et municipal ont été ouverts pendant l'exercice budgétaire 1993.

Le plan d'avenir envisagé pour l'agriculture et les communautés rurales du Japon demandera d'énormes investissements, et de nombreux problèmes sérieux devront être résolus. Le prix des terres agricoles dans la zone intéressée par la loi sur l'urbanisation est extrêmement élevé. La loi concernant la mise en réserve de terres agricoles dans la zone de promotion de l'urbanisation a été révisée en 1991 et vise à promouvoir la conversion des terres agricoles à des fins de construction et à atténuer la pression sur les prix de la terre et le marché du logement. Autrefois, les terres agricoles étaient protégées contre l'urbanisation et bénéficiaient d'un régime fiscal favorable qui réduisait considérablement les impôts pour les exploitants. En vertu de la nouvelle loi, les agriculteurs des zones périurbaines peuvent déclarer leurs terres soit comme terres agricoles soit terres à urbaniser. Dans le premier cas, ils sont tenus de l'exploiter pendant 30 ans pour bénéficier des impôts agricoles moins élevés. Si, au contraire, ils déclarent que leurs terres se prêtent à l'urbanisation, ils devront payer un impôt calculé en fonction du prix plus élevé du marché urbain. Ce système devrait faire baisser les prix et les loyers des terres agricoles, au moins pour la fraction (1 pour cent) de ces terres touchée par la loi.

Le régime foncier de propriété et le morcellement traditionnels entravent également l'accroissement de la superficie des exploitations. Les sociétés préfectorales de remembrement et de développement des terres agricoles achètent des terres et les louent ou les vendent à d'autres exploitants afin d'accélérer le remembrement et d'augmenter la taille des exploitations. Le Ministère de l'agriculture, des forêts et des pêches fera probablement appel à ces sociétés pour mettre en œuvre sa nouvelle politique. Il devra alors leur fournir des fonds considérables pour renforcer leur capacité d'acheter et de revendre ou louer les propriétés agricoles.

Certains analystes estiment que le plan du gouvernement, qui vise à regrouper plusieurs exploitations en une seule entité juridique, telle qu'une société en commandite simple, ne réussira que partiellement, même s'il existe déjà 3 800 sociétés de production agricole. Ce plan pourrait donner de bons résultats - pour la première génération du moins - si tous les actionnaires étaient membres d'une même famille, mais des personnes étrangères à la famille n'accepteraient peut-être pas de laisser à d'autres le soin de gérer leur propriété. Il existe cependant un comité agricole chargé de l'administration des terres agricoles sous la direction du Ministère. Il existe également des comités dans chaque préfecture qui, à leur tour, disposent d'un réseau de comités au niveau municipal. Ces comités agricoles semblent jouer un rôle important en contrôlant les conditions de vente et de location des terres agricoles dans chacune des municipalités et communautés du Japon. Les comités agricoles, les conseillers techniques des coopératives agricoles et les vulgarisateurs agricoles seront probablement regroupés en un réseau global dans chaque juridiction. Ce réseau deviendrait alors le centre de la promotion des sociétés familiales ou non familiales ou des sociétés en commandite simple, et de la pleine utilisation des terres agricoles. Ce serait évidemment une tentative d'incorporer les terres appartenant aux exploitants à temps partiel du type II dans des unités de production mieux organisées. La réalisation des objectifs de la nouvelle politique aiderait l'agriculture japonaise à s'insérer dans une économie mondiale. L'agrandissement et le remembrement des rizières réduiraient l'apport de la main-d'œuvre nécessaire et amélioreraient la production rizicole. En semant directement le riz sans repiquage, on diminuerait aussi considérablement la durée de travail, qui passerait de 50 heures à cinq pour cultiver 0,1 ha de riz. Avec les autres économies d'échelle réalisables dans le cadre de la nouvelle politique, ces mesures permettraient de réduire les coûts de production de plus de 50 pour cent.

Cependant, certaines forces politiques puissantes résistent au changement. Dans le passé, les syndicats de fonctionnaires se sont opposés aux tentatives de décentralisation des activités du gouvernement et de réduction de son rôle, notamment dans le secteur agricole. Le syndicat des employés des coopératives est également d'avis que la situation actuelle est le plus favorable possible à ses propres intérêts. Cette forte résistance au changement se réduit en partie à un problème social intéressant aussi bien les fonctionnaires et les employés des coopératives agricoles que les exploitants. Il faudra résoudre ce problème avant de mettre pleinement en oeuvre les réformes envisagées dans les Orientations de base des nouvelles politiques en matière d'alimentation, d'agriculture et de zones rurales.

Le Japon, ayant entrepris la réforme de son agriculture en une période de faible activité économique, aura plus de mal à réaliser la réforme qu'en période de prospérité. Le ralentissement qui a caractérisé toute l'économie ces dernières années rendra certainement plus difficile l'ouverture des crédits nécessaires. Les réformes proposées dans le rapport sur la nouvelle politique représentent une tâche énorme s'étalant sur 10 ans, mais le Gouvernement japonais a déjà pris les premières mesures juridiques et financières nécessaires pour réaliser ces réformes et semble décidé à les mener à bien.


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