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Chapitre 2: LE CONTEXTE DE LA PLANIFICATION


2.1 - Bref historique du développement des implantations humaines
2.2 - Les marchés dans les zones rurales
2.3 - Les marchés de vente au détail dans les zones urbaines

Ce chapitre prend en considération le contexte dans lequel se développe la planification des marchés. Leur mode de fonctionnement et leur rôle au sein de la communauté seront différents, selon qu'il s'agisse de marchés de villages, de bourgs, de banlieues ou de centres-villes.

2.1 - Bref historique du développement des implantations humaines

La vente au détail a toujours été une activité majeure de toute implantation humaine. Le plus souvent, il s'agit de marchés qui représentent un aspect prédominant de la vente au détail et de l'aménagement du territoire. Pour comprendre le contexte des marchés, il faut nécessairement comprendre la manière dont ils s'inscrivent dans le processus d'urbanisation.

En Europe, jusqu'au XIXe siècle, les bourgs ou villes de marché s'organisaient autour d'une "Place du marché", à la fois centre géographique, centre commercial, centre des affaires sociales, et foyer religieux et culturel de la communauté. Les vastes dimensions de la "Place du marché" servaient à différentes manifestations: à la vente au détail bien sûr, mais aussi à l'organisation de spectacles. Le plus souvent, ces "Places du marché" avaient été aménagées dès les origines de l'implantation; toutefois, et en particulier dans les zones rurales, nombreuses sont les aires de vente au détail qui se sont développées spontanément. A partir du moment où des vendeurs ambulants s'installent toujours en un même lieu et y reviennent périodiquement, un premier noyau de marché se crée. Ce processus est toujours celui que l'on constate encore aujourd'hui dans de nombreux pays.

L'industrialisation des villes européennes a porté à une demande d'achats peu coûteux, d'où la construction de marchés. En Angleterre, par exemple, le Parlement a approuvé, au cours du XIXe siècle, près de 400 lois autorisant la construction de marchés au centre des villes, mais aussi pour équiper les banlieues on a de nouvelles créations. Il en a été de même ailleurs en Europe, notamment en Espagne et en France (voir figure 8).

L'industrialisation a également contribué à modifier l'aspect et la structure des villes par un développement de leurs banlieues. Au XXe siècle, quand l'automobile devient un moyen de transport accessible à tous, elle joue un rôle majeur dans le choix des emplacements où implanter les nouveaux quartiers résidentiels et leurs infrastructures de vente au détail. Aux Etats-Unis, notamment, au cours des années cinquante, la population des banlieues a grossi 30 fois plus que celle des centres-villes, et les banlieues se sont éloignées de plus en plus. Cette croissance a provoqué une floraison de centres commerciaux décentralisés, voire même hors de toute agglomération, uniquement desservis par de grandes routes. On constate toutefois, ces derniers temps, un certain renversement de tendance dû à la construction de nouveaux centres commerciaux urbains qui, le plus souvent, englobent les zones de marchés, dans un effort de revitalisation ou de conservation des centres-villes et des quartiers commerçants.

2.2 - Les marchés dans les zones rurales


2.2.1 - La théorie des lieux centraux
2.2.2 - Les niveaux des services
2.2.3 - La création de marchés ruraux et l'amélioration des existants
2.2.4 - Les marchés de groupage
2.2.5 - Le transport des produits agricoles jusqu'aux marchés
2.2.6 - La coordination entre l'amélioration des marchés et celle des autres infrastructures
2.2.7 - Les critères à utiliser pour la conception des programmes d'amélioration des marchés ruraux

Quand on envisage d'intervenir sur le système de commercialisation des zones rurales, les principaux aspects à prendre en considération sont: les connexions entre les infrastructures de vente au détail et la répartition des implantations humaines; l'emplacement et la nature des zones de production; l'évolution prévue du réseau routier au plan régional; l'existence d'éventuels marchés de groupage; les filières de commercialisation en action et les liens qui existent entre les marchés ruraux et les agglomérations urbaines avoisinantes, notamment au niveau des marchés de gros.

Les différents types de marchés ruraux à considérer sont:

2.2.1 - La théorie des lieux centraux

Un des principaux concepts à retenir quand on veut faire l'inventaire des marchés d'une région, c'est le rôle qu'ils y jouent en tant qu'éléments constitutifs de ses bourgs ou de ses villages. En fait, ils sont probablement la force à l'origine de leur création et celle qui les fait vivre. Les marchés agissent en tant que "lieux centraux" des populations avoisinantes puisqu'ils leurs fournissent des biens et des services (fonction de distribution). Ils peuvent également servir d'instruments pour le groupage des produits fermiers locaux, acheminés ensuite vers les filières de la vente en gros destinée aux agglomérations urbaines.

La figure 9 montre comment s'établit la connexion entre les différents centres d'attraction: selon l'importance du lieu habité, chaque marché est individuellement vu comme un élément d'une hiérarchie faite d'emprises ou de zones d'influence, chaque emprise étant délimitée par la "portée" de son économicité pour s'approvisionner en biens et services. La forme théorique d'une zone d'influence est circulaire, mais on la représente souvent sous forme d'hexagone s'emboîtant ou se juxtaposant l'un à l'autre (voir figure 10). L'emplacement des centres d'attraction et la forme de leurs emprises se trouvent toutefois distordus par l'influence des itinéraires des infrastructures de transport et par certains autres facteurs géographiques.

Dans un tel système, les populations des centres de plus faible attraction (par exemple un village) s'adressent au niveau immédiatement supérieur pour s'approvisionner en services plus spécialisés (par exemple un bourg), et elles iront jusqu'au sommet de la hiérarchie pour obtenir des services universitaires ou plus particulièrement spécifiques (par exemple une préfecture ou la capitale). Au niveau le plus bas, il ne s'agira que de marchés périodiques fonctionnant un seul jour par semaine. La figure 11 montre une hiérarchie typique des marchés périodiques dans la Upper Region au Ghana.

Pour bien montrer la différence de catégorie des marchés ruraux, le tableau 1 ci-après récapitule le résultat d'une analyse des caractéristiques de dix marchés en zone rurale faite au Bangladesh. Les marchés les plus petits correspondent environ à des centres de services en milieu rural ou dans des villes au niveau de l'arrondissement, et le marché le plus grand à celui d'un centre urbain en pleine expansion.

Figure 9 Structure générale des échanges commerciaux et des rapports existant entre les marchés villageois, urbains et régionaux

Source: Village Markets in Ghana, USAID, 1963.
Tableau 1 CARACTÉRISTIQUES DES MARCHÉS EN ZONE RURALE AU BANGLADESH

Caractéristiques

Moyenne des 10 marchés

Catégorie de marchés:

Petits

Grands

1. Zone d'influence, en km2

143,60

79,00

153

2. Population totale en 1981, en milliers d'habitants

85,80

45,82

110,66

3. Surface couverte par le marché, en ha

1,40

0,72

4,69

4. Acheteurs/commerçants journaliers(nombre max.), en unités

29418

27418

47537

5. Revenus annuels des ventes à la criée, en milliers de taka

325,90

11

1456

6. Surface couverte par la vente libre, en m2

4694

3772

9651

7. Densité des acheteurs/commerçants, en unités/ha

26862

38081

10136

8. Surface couverte par la vente sur la surface totale du site, en %

32

52,40

20,60

Source: FAO, Projet N° TCP/BGD/4511.

2.2.2 - Les niveaux des services

Les gouvernements ont souvent tendance à fonder leurs politiques d'implantation rurale sur le principe d'un renforcement de la hiérarchie existante des centres de services, afin de réduire les déséquilibres régionaux et de distribuer plus équitablement les services administratifs. D'une manière générale, ce genre de système s'organise sur trois niveaux de centres d'attraction, ce qui se reflète sur les infrastructures de vente au détail:

Figure 10 Hiérarchie des lieux centraux et des zones qu'ils desservent vues sous forme d'hexagones, d'après les principes de commercialisation de Christaller

Source: DHV Consulting Engineers, 1979. Guidelines for rural centre planning. Economic and Social Commission for Asia and the Pacific, United Nations, New York.
Figure 11 Hiérarchie des marchés périodiques, Bulsa, Upper Region, Ghana
Source: Smith, R. and Gormsen, E., éds. 1979. Market Place Exchange. Geograhisches Institut der Johannes Gutenberg Universität, Mayence, Allemagne.

2.2.3 - La création de marchés ruraux et l'amélioration des existants

Pour améliorer des marchés établis dans de gros bourgs ruraux, il faut commencer par faire une étude détaillée de chaque marché pour établir les avantages que l'on peut attendre de leur développement. Bien que les échanges commerciaux qui y sont pratiqués soient, en général, d'un niveau tel qu'il est probable que la viabilité économique et financière du projet ne pose aucun problème, il faut toutefois veiller à ce que les redevances perçues puissent également être augmentées afin de pouvoir couvrir les coûts d'investissement.

Les figures 12, 13 et 14 montrent des implantations typiques de marchés ruraux, où le facteur déterminant de leur emplacement a été leur association avec d'autres structures publiques, comme par exemple les parkings pour camions. Même quand il ne s'agit que d'éventaires en plein air (voir figure 13), le stationnement des camions est à considérer avec soin.

Parfois, certains marchés n'ont pas d'infrastructure. C'est le cas illustré à la figure 15 où le marché au poisson fonctionne directement sur les bords du lac Victoria, alors qu'il est l'une des principales sources d'approvisionnement en poisson séché de toute la Tanzanie. C'est également le cas d'un petit marché rural établi aux côtés d'une piste d'atterrissage située dans les montagnes de Irian Jaya, en Indonésie (voir figure 16), dans une région où jamais aucun marché ne s'était établi avant.

Figure 12 Un marché vu comme le foyer central d'un village, avec parking pour camions adjacent

Source: Alcock, A.E.S. & Richards, H.M. 1953. How to plan your village. Longmans Green and Co., éds. How to Build Series, Londres.
Lorsqu'il s'agit d'améliorer des marchés périodiques d'agglomérations plus petites, on risque de devoir affronter des problèmes beaucoup plus sérieux. Il est souvent difficile d'y augmenter les redevances, alors que cela est nécessaire pour couvrir les coûts d'investissement, même s'il est vrai qu'en améliorant la gamme des biens et services offerts, on devrait obtenir un majeur impact sur la population environnante, et donc un encouragement de l'économie locale. Il n'est pourtant pas impossible de faire des améliorations, mais il faut les considérer en maintenant au plus bas les coûts d'infrastructure.

Le chapitre 6 décrit des expériences faites au Zimbabwe et en Papouasie-Nouvelle-Guinée où l'on a essayé de mettre les marchés existants en rapport avec des structures administratives mobiles fonctionnant avec un minimum de personnel et ne requérant que très peu d'investissements en bâtiments et équipements (crédit agricole; services d'éducation rurale en matière de production agricole et de commercialisation des produits, fourniture d'intrants).

Figure 13 Amélioration d'un point de vente de produits agricoles au bord d'une route de campagne, avec espaces aménagés pour accueillir les vendeurs de babioles et garer les véhicules

Source: Alcock, A.E.S. & Richards, H.M. 1953. How to plan your village. Longmans Green and Co., éds. How to Build Series, Londres.

2.2.4 - Les marchés de groupage

Les marchés de groupage se distinguent des autres marchés ruraux par le fait qu'ils s'adressent plus aux producteurs qu'aux consommateurs. Ces espaces de vente qui permettent aux producteurs d'exposer leurs produits agissent en tant que centres d'attraction pour des acheteurs provenant d'ailleurs, le plus souvent de zones urbanisées. Ils servent également à regrouper les produits à écouler en gros. Ils sont en général essentiellement saisonniers et très vulnérables aux évolutions des habitudes et filières de commercialisation. Quand les producteurs pensent qu'ils peuvent écouler leurs produits directement, en utilisant leurs propres moyens de transport, ils ont tendance à éviter le centre de groupage. De ce fait, la distance qui sépare un centre de groupage des villes avoisinantes est de la plus haute importance. Si la zone de production est proche d'un centre urbain, il faut s'attendre à ce que le centre de groupage n'arrive pas à jouer son rôle. Cet argument est approfondi au chapitre suivant.

Figure 14 Modèle de centre de services implanté autour d'un marché villageois, conçu pour les zones de transmigration du sud de Sumatra, Indonésie

Source: Auteur.
Les marchés de groupage sont d'une importance fondamentale pour le monde rural, en particulier lorsqu'ils représentent également un endroit où les producteurs peuvent avoir accès au crédit, s'approvisionner en intrants, voire même acheter des produits d'importation. La mise en relation des marchés de groupage et des marchés de vente au détail peut donc représenter un élément

Figure 15 Marché au poisson très rudimentaire, au bord du Lac Victoria, Mwanza, Tanzanie

Source: Auteur.
important de succès. Ces marchés sont particulièrement sensibles aux redevances perçues et, plus que pour toute autre forme de marché, leur viabilité financière et économique doit être établie de façon rigoureuse. Il faut donc pouvoir disposer de données de base dignes de foi. Essayer de faire une estimation approximative du chiffre d'affaires d'un marché de groupage même de petites dimensions est absolument impossible. Au Yémen, par exemple, des écarts substantiels ont été trouvés entre l'évaluation initiale faite du chiffre d'affaires d'un marché de groupage sur la base d'opinions exprimées par les commerçants, et les résultats d'une enquête rigoureuse, même limitée.

2.2.5 - Le transport des produits agricoles jusqu'aux marchés

Quand on formule un projet de développement de marchés ruraux, il faut également tenir compte de la manière dont les produits sont transportés de la ferme aux marchés, et vice versa. La plupart des systèmes de commercialisation agricole sont conçus pour permettre à un grand nombre de petits producteurs de vendre, aussi directement que possible, leurs produits à un nombre équivalent de petits consommateurs. C'est le modèle adopté par de nombreux pays africains où les produits agricoles vont directement de la ferme au marché de groupage, et parfois même à un marché urbain, pratiquement sans groupage. Ce type de commercialisation a une influence sur le transport des produits, et se traduit notamment par deux caractéristiques précises:

Figure 16 Marché de vente au détail dans une zone montagneuse où jamais aucun marché ne s'est établi, Wamena, Irian Jaya, Indonésie

Source: Auteur.

2.2.6 - La coordination entre l'amélioration des marchés et celle des autres infrastructures

Pour que la production agricole bénéficie vraiment des avantages souhaités, il faut que tout programme de mise en valeur rurale coordonne l'amélioration des marchés ruraux avec celle des infrastructures et des services correspondants. Cela peut inclure une amélioration des services de vulgarisation, mais aussi une amélioration des routes d'accès et de desserte, ou un renforcement des ponts et des systèmes d'irrigation. Les équipements des ports fluviaux ou maritimes peuvent également représenter un maillon important de la chaîne des transports.

La difficulté à laquelle on se heurte habituellement, quand on veut améliorer à la fois les routes et les marchés, est celle de maintenir un juste équilibre entre les investissements à consacrer à chacun de ces deux volets. Il faut donc commencer par faire une évaluation de la manière dont ils vont interagir entre eux. Un excès d'investissements sur les marchés locaux peut s'avérer nocif si l'amélioration simultanée des routes de desserte des fermes et d'accès aux marchés urbains fait que l'agriculteur a tendance à vendre ses produits à sa porte, ou à les transporter lui-même jusqu'à la ville. Il faut donc bien connaître les flux du système de commercialisation; et procéder à des enquêtes systématiques de marché.

Il est nécessaire d'intégrer les marchés aux autres infrastructures quand, par exemple, de nouvelles zones agricoles se créent, ce qui comporte l'installation de nouvelles implantations humaines, et donc la nécessité de leur fournir des services. La figure 14 en montre un exemple sur petite échelle: celui d'un village agricole en Indonésie créé dans le cadre d'un projet de culture sèche. La figure 17 illustre le même schéma mais sur plus grande échelle: un centre-ville s'articulant autour d'un marché et de son esplanade, dans le cadre d'un grand projet de culture irriguée.

Figure 17 Plan de masse du centre-ville d'une agglomération de nouvelle création, s'articulant autour d'un petit marché couvert et d'une esplanade, Dehiatte Kandiya, Sri Lanka

Source: Auteur.

2.2.7 - Les critères à utiliser pour la conception des programmes d'amélioration des marchés ruraux

La première chose à faire, quand on élabore un programme d'amélioration des marchés ruraux, est de déterminer si les améliorations prévues en valent la peine. Ceci se fait sur la base des données recueillies et de leur analyse (voir chapitres 3 et 8). Cette analyse peut déterminer, par exemple, que la première priorité du programme doit être celle d'améliorer uniquement les marchés qui servent de centre de groupage, car il n'est pas possible d'établir une viabilité économique ou financière valable pour ceux qui n'ont que la fonction de vente au détail. Ces conditions posées, il y a encore deux critères de choix à appliquer:

Un programme d'amélioration des marchés ruraux peut être appelé à améliorer certains grands marchés situés à proximité de zones urbanisées afin d'élargir les possibilités de répondre à la demande engendrée par le développement de la population et par l'évolution des consommations (par exemple une demande de produits de meilleure qualité). Ces améliorations peuvent inclure un renforcement des équipements de manutention des produits, en partie pour réduire les pertes de l'après-récolte et en partie pour réduire le temps que perdent les agriculteurs et les commerçants pour acheminer les produits jusqu'aux marchés urbains. Ces améliorations devraient également dépendre de la possibilité de percevoir des redevances accrues pour couvrir les coûts d'investissements, et de l'acceptation de cette augmentation des redevances de la part des commerçants.

2.3 - Les marchés de vente au détail dans les zones urbaines


2.3.1 - Les plans régulateurs urbains et les contrôles de la planification
2.3.2 - Les modèles de croissance urbaine
2.3.3 - Choisir l'emplacement d'un marché
2.3.4 - Les zones d'influence des marchés urbains
2.3.5 - Les caractéristiques à respecter dans l'emplacement des marchés urbains
2.3.6 - Les terrains d'implantation et leur valeur
2.3.7 - Les marchés périphériques
2.3.8 - Comment intégrer les vendeurs ambulants aux marchés
2.3.9 - Le choix des sites d'implantation des marchés urbains
2.3.10 - Les critères à suivre dans le cadre des programmes d'amélioration des marchés urbains

Pour comprendre le rôle que jouent les marchés dans les zones urbaines, il faut commencer par comprendre quelles sont leurs relations avec l'évolution démographique du tissu urbain, la composition de la circulation, la disponibilité des transports en commun, les éventuels conflits avec d'autres aménagements prévus et la répartition de la population résidente qu'ils desservent. De plus, il faut également tenir compte de certains facteurs comme les pressions exercées pour la remise en valeur des centres-villes, les problèmes créés par l'éventuel déplacement des marchés, et les connexions avec les marchés de gros. Il faut donc distinguer deux types de marché:

2.3.1 - Les plans régulateurs urbains et les contrôles de la planification

Toute proposition de développement d'un marché doit commencer par l'étude de l'évolution du tissu urbain, et doit également tenir compte des plans de mise en valeur globale ou des stratégies de développement urbain, lorsque c'est possible. De nombreuses agglomérations souffrent d'une croissance trop rapide, mal contrôlée et trop étalée alors que ces plans ou stratégies donnent en général des indications précises sur les zones réservées au développement résidentiel, au développement industriel et sur les programmes de développement des routes principales et secondaires. Malgré l'apparition spontanée d'activités de vente informelle, le plus souvent sous forme de vendeurs ambulants, l'emplacement des marchés n'est pas toujours traité par les plans. Ceci représente un problème, souvent exacerbé par la pénurie de terrains commerciaux abordables, et la complication des baux de location. Malgré tout cela, les politiques en matière d'aménagement du territoire et de développement des transports que contient un plan sont toujours utiles pour évaluer les aspects sociaux et physiques de la planification aux fins des programmes de développement des marchés.

2.3.2 - Les modèles de croissance urbaine

Les différentes manières d'utiliser les terrains urbains tendent à se regrouper pour des motifs essentiellement économiques. Ces rassemblements forment des noyaux - les centres-villes - qui offrent aux habitants une grande variété de services et de fournitures. Quand l'agglomération s'élargit trop, ce noyau devient difficile d'accès et perd de son intérêt. Pour la vente au détail, l'expérience montre qu'un centre-ville est en mesure de desservir environ 300 000 habitants; au-delà, il faut en général prévoir d'autres centres périphériques de vente au détail.

Une subdivision territoriale souvent utilisée aux fins de l'aménagement urbain consiste à partager l'agglomération en zones adjacentes d'un à trois km de côté, chaque zone correspondant à une population de 5 000 à 10 000 habitants, et à prévoir pour chacune d'elles un marché de détail et un certain nombre de commerces.

C'est aux intersections des différents systèmes ou modes de transport qu'il convient de situer les marchés, en particulier si l'on a soin de réduire les distances à couvrir entre un moyen de locomotion et l'autre (en plaçant la station de taxis à côté de la gare, par exemple). Ce n'est pas un hasard si, dans les pays en développement, les marchés fleurissent près des arrêts d'autobus ou de cars.

2.3.3 - Choisir l'emplacement d'un marché

Quand il s'agit de choisir un emplacement commercial, il faut s'attacher à trouver un équilibre entre le désir évident des commerçants de maximiser leurs gains et le désir non moins évident des consommateurs de disposer d'un vaste choix de produits et de services à des prix raisonnables, non loin de chez eux. C'est donc en tenant compte de ces deux facteurs qu'il faut faire un choix. Il faut toutefois considérer qu'un groupe de commerces ou de stands de marché attirent en général plus de monde qu'un magasin isolé. On aura donc, dans les zones périphériques, de vastes étendues urbanisées moins bien desservies, parce que moins peuplées. La figure 18 montre un exemple de zones desservies par les marchés urbains à Calcutta, basées sur une analyse des aires d'influence urbaines.

Il est fréquent que le besoin de nouveaux points de vente au détail soit comblé par l'installation de petits commerces et de marchés de petite taille, surtout si les loyers sont suffisamment bas. Dans le cadre général de la vente au détail, ces commerces s'installent là où ils peuvent tirer avantage de consommateurs locaux potentiels, dont les revenus sont en général assez bas. Dans les pays en développement, il arrive que de petits commerces s'installent au milieu des habitations, en dépit du zonage prévu par les responsables de l'aménagement urbain qui ont tendance à interdire cette pratique qu'ils considèrent comme seyant peu aux quartiers résidentiels.

Avant de décider de l'amélioration d'un marché, il est donc nécessaire de faire le point sur la façon d'organiser la vente au détail dans l'ensemble de l'agglomération et il faut considérer la densité et le pouvoir d'achat des habitants aux fins de son emplacement. On reparlera plus tard de ces deux derniers aspects, quand on traitera des marchés de périphérie.

Figure 18 Zones desservies et niveaux de services offerts par les marchés de vente au détail, Calcutta, Inde

Source: Dutt, A.K. Daily Shopping in Calcutta, Town Planning Review, octobre 1966.
Pour l'instant, pour faire le point sur les marchés de vente au détail desservant le tissu urbain, il faut:

2.3.4 - Les zones d'influence des marchés urbains

L'analyse des marchés de vente au détail qui desservent le tissu urbain devrait permettre d'en redresser la répartition, pour qu'elle cesse d'être aléatoire et pour qu'elle puisse reposer sur des bases économiquement stables. Il faut donc procéder à des enquêtes cognitives (voir chapitre 3) permettant de faire l'inventaire des marchés existants, de les situer et d'en évaluer la clientèle potentielle. Les zones non desservies ou mal desservies devraient être retenues pour y situer de nouveaux marchés et de petits commerces, de préférence non loin d'autres magasins d'articles divers. Le tableau 2 reporte les principales caractéristiques et la hiérarchie des marchés pour l'organisation de la vente au détail dans les grandes villes.

Tableau 2 HIÉRARCHIE DES ZONES URBAINES DE VENTE AU DÉTAIL


Habitants desservis

Distance minimum (km)

Centre-ville/grand marché couvert

300 000

16

Centre commercial de circonscription/marché couvert

50 000

6,5

Centre commercial de quartier/marché en plein air

10 000

2,9

Commerces dans le voisinage/éventaires de rues

4 000

1,8

Epicerie du coin/voitures de quatre-saisons

1 000

0,8

N.B.: Le tableau suppose une densité moyenne de la population d'environ 2 000 habitants au km2. Si la densité n'est que de 1 000 habitants au km2, il faut augmenter la distance de 1,4. Par contre, si la densité est de 3 000 habitants au km2, il faut la réduire de 0,8.

2.3.5 - Les caractéristiques à respecter dans l'emplacement des marchés urbains

En zone urbaine, les marchés devraient être l'un des principaux équipements de la ville, faire l'objet d'une étude stratégique d'emplacement et faire partie du plan régulateur. Idéalement parlant, tous les habitants d'une ville devraient pouvoir atteindre un marché ou un centre commercial quelconques en dix ou quinze minutes à pied.

Comme toute rue commerçante, les marchés qui s'installent dans les rues dépendent fortement de leur commodité d'accès. Les centres commerciaux et hypermarchés modernes sont, en général, situés au bord de grandes routes, au milieu d'un stationnement, et une zone piétonnière les entoure. Il est fort peu probable que ce genre d'aménagement soit réalisable dans les rues commerçantes et les marchés traditionnels des centres-villes où il est courant de trouver un mélange de bâtiments à usage divers, souvent d'époques diverses. Il faudra donc y prévoir des modes d'accès différenciés: à pied, en autobus, en voiture, etc. Un conflit oppose souvent l'intérêt des clients à celui de la circulation.

La solution idéale pour l'ensemble des marchés urbains, et tout particulièrement pour les marchés qui s'installent dans les rues, serait de les situer perpendiculairement aux artères principales et de les munir de stationnements et d'allées piétonnières par derrière, de façon à ce que les automobilistes qui suivent leur chemin n'aient pas à pénétrer dans l'aire d'emprise commerciale. Pour minimiser leur impact sur l'environnement, les stationnements devraient se subdiviser en parcelles de petites dimensions, cachées à la vue par des plantes ou par des murs.

2.3.6 - Les terrains d'implantation et leur valeur

Il faut également considérer les marchés du point de vue de leurs propriétaires. Les stands individuels sont des espaces de vente de petite taille, usuellement exploités par un noyau familial, contrairement aux supermarchés, par exemple, qui sont eux des entreprises de grandes dimensions. Les commerçants qui exploitent un stand de marché ont donc des besoins totalement distincts et, pourtant, l'ensemble de l'espace de vente que représente un marché peut être le fait d'un seul et unique propriétaire, un particulier, ou une autorité municipale ou locale, dans le cas d'un marché urbain.

Dans les zones urbaines, quand on veut créer un marché ou en agrandir un qui existe déjà, on se heurte fréquemment au problème de la cherté des terrains ou au manque de terrains appropriés, ou qui appartiennent souvent à l'Etat. Il existe pourtant quelques solutions ingénieuses à ce problème, comme par exemple le fait de transformer des rues en une structure de marché (voir figure 48).

Un autre problème majeur est représenté par le fait que de nombreux marchés se trouvent à des endroits qui ne correspondent plus à la répartition actuelle de la population.

Les marchés couvrent souvent une surface importante sur des terrains chers, parce que situés au centre des villes ou des villages. Il faut donc voir s'il ne serait pas plus opportun de louer cet espace plus cher en l'utilisant à d'autres fins. Même si la valeur présente du terrain n'est pas considérable, il est probable qu'elle aille en augmentant au fur et à mesure de la croissance économique de l'endroit.

Figure 19 Marché de vente au détail construit spécialement pour les besoins d'une nouvelle banlieue, Pasar Kopo, Bandung, Indonésie

Source: Auteur.
Il appartient donc à l'Autorité locale ou au Comité directeur du marché de décider s'il convient aux fonds publics de maintenir le marché à son endroit actuel ou d'en construire un ailleurs (voir chapitre 8). A Leicester, en Angleterre, par exemple, il a été décidé que la meilleure chose à faire, pour la place du marché, était de la conserver telle quelle en améliorant ses structures, plutôt que d'en entreprendre la restructuration complète.

2.3.7 - Les marchés périphériques

Toute implantation de nouveaux marchés dans les banlieues doit se faire dans un cadre de planification. Les terrains nécessaires doivent être réservés à cet effet dans les plans de développement et ils doivent être situés près des mairies et des rues commerçantes. Les plans doivent prévoir des étendues de terrain suffisantes pour pouvoir couvrir les besoins d'expansion sur longue échéance (de 5 à 20 ans), sinon les marchés s'avéreront très vite saturés.

Même si le but ultime est celui de construire un marché couvert permanent, une première stratégie à court terme peut être celle d'encourager la venue de vendeurs ambulants et l'installation de marchés dans les rues pour couvrir les besoins immédiats des banlieues. Un marché qui s'installe spontanément à un endroit déterminé indique souvent l'endroit idéal où il serait bon de prévoir un marché permanent. Les facteurs qui influent sur le succès d'un marché de banlieue sont les suivants:

Figure 20 Marché couvert de vente au détail couvrant 1 400 m2, Sidi-bel-Abbès, Algérie

Source: Aloi, R. 1959. Mercati e Negozi, Ulrico Hoepli, éd., Milano.
Il faut choisir entre placer le marché dans un quartier fortement peuplé mais habité par des ménages ayant de petits moyens, ou dans un quartier moins peuplé mais dont les ménages ont un pouvoir d'achat plus fort. En fait, il est en général commercialement plus viable d'installer les marchés de vente au détail dans les quartiers fortement peuplés bien qu'assez pauvres, à condition de faire en sorte qu'ils soient facilement accessibles à d'autres groupes de populations ayant des revenus plus substantiels. Il faut alors que les responsables du marché encouragent la vente d'un choix plus vaste d'articles.

La figure 19 montre un exemple de marché polyvalent de nouvelle implantation dans une banlieue. Dans ce cas précis, le marché a été construit sur un terrain de bonification, précédemment utilisé pour la culture du riz. Il est situé aux abords d'une grande voie de communication, entre un lotissement de HLM préexistant et un nouveau quartier habité par des ménages à revenus moyens.

2.3.8 - Comment intégrer les vendeurs ambulants aux marchés

On ne peut nier l'importance que revêt, dans certains pays, le commerce non officiel. Les activités reconnues de vente en gros et au détail ne forment souvent qu'une parcelle de l'ensemble du secteur commercial et le nombre d'emplois engendrés par la vente de détail est souvent sous-estimé du fait que les vendeurs ambulants ne sont pas comptés dans le nombre. Ils représentent pourtant une force importante d'emplois supplémentaires, en particulier pour les femmes. Ils exercent leurs activités sous diverses formes: tréteaux installés à l'extérieur des marchés, hayons de camion aménagés ou simples caisses de produits agricoles posées par terre.

L'amélioration d'un marché devrait comprendre les rues avoisinantes et s'occuper des vendeurs ambulants pour leur permettre de s'intégrer correctement aux activités du marché, en les empêchant d'en salir les abords ou de gêner la circulation. Pour bien planifier un programme d'amélioration de ce genre, il faut en général faire appel aux services de conseil fournis par le service local de l'équipement. Les aménagements à prévoir peuvent inclure une amélioration du système d'approvisionnement en eau, une amélioration des égouts, et un service efficient de ramassage quotidien des ordures.

Figure 21 Marché de vente au détail associé à des magasins, des bureaux et un restaurant, construits sur un parking souterrain, Wolverhampton, Angleterre

Source: The Builder, Vol. 200, p. 219-222, février 1961. Schofield, H. ingénieur.

2.3.9 - Le choix des sites d'implantation des marchés urbains

Que l'on veuille améliorer un marché existant, ou en construire un nouveau, la meilleure façon d'aborder le problème est de faire une reconnaissance sur place du site. Le mieux est de parcourir toutes les rues adjacentes, dans un rayon de cinq minutes à pied, et d'en observer le caractère, les magasins, et les éventuelles autres formes d'activités commerciales. Des conversations avec les commerçants et leurs clients permettront de glaner de bonnes indications sur les possibilités commerciales du projet.

Il faudra évaluer les mérites respectifs des différentes options possibles. Le mieux est, en général, d'inclure les sites dans des quartiers résidentiels fortement peuplés ou à proximité de ceux-ci, en évitant les quartiers non résidentiels à faible densité de population (quartier industriel, par exemple). Le voisinage d'autres commodités est essentiel: magasins, bureau de poste, banque. Un marché installé sur une place publique ou dans une rue large, à proximité de rues commerçantes, a plus de chances qu'un marché situé dans un cul-de-sac ou dans une zone commerçante statique ou en déclin. La disponibilité de moyens de transport (arrêts d'autobus, arrêts de cars, gare) est très importante. Si le site choisi est mal desservi de ce point de vue, il faudra qu'il puisse disposer d'un parking adéquat pour les voitures. Dans le cas de marchés de nouvelle implantation, certains services publics, comme l'eau courante et l'électricité, sont indispensables.

Figure 22 Marché couvert de vente au détail, Guadalajara, Mexique

Source: Bauen-Wohen, Vol. 15, p. 420-421, novembre 1961. A. Zohn, architecte.
Figure 23 Plan de conservation pour le "Old Stone Town Market" à Zanzibar, Tanzanie
Source: Auteur/United Nations Capital Development Funds (URT/93/C06).

2.3.10 - Les critères à suivre dans le cadre des programmes d'amélioration des marchés urbains

D'une manière générale, les programmes d'amélioration des marchés urbains doivent s'appuyer sur les mêmes critères que les programmes d'amélioration des marchés ruraux (voir ci-dessus). Il faut encourager les commerçants à y participer pour s'occuper essentiellement d'améliorer les infrastructures dites "communes". Ces deux critères sont directement applicables aux marchés installés dans les rues. Dans le cas de marchés couverts, il est probable qu'il faille aussi en améliorer la structure, voire procéder à leur agrandissement. La réalisation de ces opérations et leurs coûts doivent être pris en charge par les responsables du marché, qui récupéreront leurs investissements par la suite, en percevant des loyers plus chers.

Figure 24 Construction polyvalente (café-bar, toilettes publiques, bancs publics) face à l'arrêt des minibus, Castries Central Market, Sainte-Lucie

Source: FAO (PFL/RLA/001). Ian Marshall, achitecte.
Les priorités conduisant à l'amélioration des marchés urbains diffèrent légèrement des priorités considérées pour les marchés ruraux: la réduction des risques pour la santé publique (par exemple par l'amélioration des structures d'assainissement), la conservation du milieu urbain et la réduction des embouteillages de la circulation en seront vraisemblablement les motifs principaux.

Figure 25 Nouveau marché construit sur un terrain récupéré sur la baie de Tawau, Malaisie orientale

Source: Auteur.

1 Nouveau marché au poisson
2 Nouveau marché de vente au détail sur plusieurs étages
3 Marché à ciel ouvert amélioré
4 Magasins existants

Le contexte des programmes d'amélioration des marchés urbains peut être des plus variés. Les figures de 20 à 25 en donnent des exemples.

La figure 20 montre un marché couvert en Algérie, spécialisé dans la vente de fruits et légumes, construit sur un site ne présentant aucune contrainte particulière du point de vue de son développement, mais également prévu pour accueillir un marché au poisson séparé (voir figures 37 et 57). La figure 21 montre une nouvelle implantation de marché à Wolverhampton, en Angleterre, situé dans un quartier central cher où le développement du marché s'est accompagné de la construction d'un parking souterrain, d'une galerie marchande et d'un immeuble de bureaux sur plusieurs étages. La figure 23 expose le redéveloppement complexe requis pour sauver le Old Stone Town Market à Zanzibar. La vieille halle à viande et au poisson datant du XIXe siècle avait besoin d'être restaurée mais il fallait également améliorer le reste du marché et ses rues avoisinantes, en particulier du point de vue de l'évacuation des eaux de surface. Il a donc été décidé d'éviter la pression des marchands de gros en leur construisant une nouvelle aire pavée servant de renforcement pour la vente à la criée, notamment en période de pointe. Un nouvel auvent a également été prévu pour la vente au détail des fruits et des légumes. La figure 24 montre une solution assez semblable adoptée pour le marché central de Castries à Sainte-Lucie. La figure 25 illustre un marché de nouvelle implantation, adjacent à un marché de plein air préexistant et à une zone commerçante, destiné à la vente du poisson et autre, et construit sur un site récupéré sur la baie de Tawau, en Malaisie.


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