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1. INTRODUCTION


1.1 L’accès sûr à la terre est un moyen déterminant d’éradiquer la faim et la pauvreté. Il n’est généralement pas facile de sécuriser l’accès à la terre et une telle tâche est particulièrement complexe dans les pays émergeant de conflits violents. La solution du problème peut passer par l’établissement d’une paix durable. Répondre à des besoins humanitaires d’urgence après un conflit consiste à trouver des lieux permettant d’assurer aux populations une certaine sécurité sans mettre en péril les droits à la terre de tiers. Assurer une stabilité sociale et économique dans la durée oblige à trouver des solutions plus permanentes quant aux endroits où les populations peuvent vivre et travailler. Trop souvent cependant, les mesures en faveur du relèvement et de la reconstruction sont planifiées sans tenir compte de la nécessité de résoudre les problèmes fonciers.

1.2 Les conflits violents éclatent pour des raisons diverses. Certains trouvent leur origine dans des litiges portant sur l’accès aux terres. Dans maints autres cas, les problèmes fonciers ne sont pas la cause fondamentale de la violence, mais les différends liés à la terre peuvent aggraver les tensions. Quelle que soit l’origine d’un conflit, la persistance d’actes de violence généralisés pendant plusieurs années entraîne l’exode d’une grande partie de la population. Les personnes perdent leurs terres. Les groupes vulnérables sont généralement constitués de femmes et d’enfants, mais peuvent aussi inclure des minorités ethniques ou politiques. Au terme du conflit, les personnes déplacées doivent pouvoir accéder à la terre. Beaucoup s’efforcent de regagner leurs terres d’origine. Il arrive alors qu’elles soient confrontées à plusieurs revendications légitimes portant sur ces mêmes terres en raison des déplacements de population successifs. D’autres, nombreuses, faute de pouvoir récupérer leurs terres, sont dans l’obligation de s’installer ailleurs.

1.3 Si les conséquences des conflits violents touchent généralement l’ensemble du territoire du pays concerné, elles peuvent être particulièrement graves dans les campagnes. Les conflits se produisent le plus souvent dans les pays pauvres, où une grande partie de la population vit dans les campagnes; ces pays sont caractérisés par un niveau d’urbanisation relativement faible et une forte proportion d’emplois agricoles. Les conflits de grande ampleur frappant les pays pauvres peuvent donc conduire un grand nombre de personnes à fuir les zones rurales. À l’issue du conflit, les routes et autres infrastructures faisant défaut dans ces zones et parce qu’il est difficile d’y trouver un travail, font que l’on accorde souvent moins d’attention aux problèmes qui s’y posent

1.4 Il est extrêmement difficile pour un pays de se relever d’un conflit violent. Il lui faut pour cela s’attaquer aux problèmes que posent l’exode massif de populations ayant fui leurs terres, les nombreuses pertes en vies humaines et séquelles corporelles, la destruction d’infrastructures essentielles, l’effondrement du système juridique, la disparition des registres et la perte de compétences techniques, le manque de confiance généralisé, de même que le sentiment constant de peur latente et la crainte de nouvelles violences. La plupart des pays émergeant d’un conflit étant déjà pauvres avant de sombrer dans la violence, leur capacité à résoudre les problèmes d’accès à la terre et d’administration foncière est limitée.

1.5 Aider les pays à assurer un accès à la terre et à remettre en place des systèmes d’administration foncière au terme des conflits constitue une part importante du travail de la FAO en matière de structure agraire. L’Organisation possède une longue expérience dans ce domaine; l’une de ses fonctions initiales a été de résoudre les problèmes de régimes fonciers qui se sont posés en Europe après la seconde guerre mondiale. L’expérience récente acquise par l’Organisation et ses partenaires dans ce domaine a été utilisée pour l’élaboration du présent guide. Celui-ci a pour objet de fournir des avis concrets aux spécialistes concernés travaillant avec la FAO à la remise en place de systèmes de régimes fonciers et d’administration foncière dans les pays émergeant de conflits. Il vise aussi à aider ceux qui élaborent des plans d’urgence, de relèvement et de reconstruction en énumérant les problèmes d’occupation des terres pouvant être pris en considération dans la conception des projets.

1.6 Le guide met l’accent sur les caractéristiques générales que présentent les zones rurales à l’issue de conflits. Il reconnaît toutefois que l’administration foncière doit être envisagée dans une perspective holistique afin de prendre en compte les liens entre zones urbaines et zones rurales. Par ailleurs, il définit d’autres problèmes comme la nécessité de prévoir des abris et des logements. Nombre des nouvelles politiques, des lois et des structures administratives mises en place à l’issue du conflit transcendent généralement la distinction établie entre zones urbaines et zones rurales.

1.7 Tous les conflits donnent lieu à une situation différente, mais ils présentent souvent de nombreuses caractéristiques communes. Le présent guide traite principalement de ces problèmes communs. Il ne peut donner qu’une orientation générale; son contenu doit être évalué et appliqué en fonction de chaque situation. Certaines des solutions proposées, peuvent s’avérer totalement inadaptées à un contexte donné.

1.8 Selon le présent guide, il est considéré que le conflit est achevé lorsque les principales hostilités ont cessé, au point qu’une assistance internationale peut être assurée pour les activités d’urgence, de relèvement et de reconstruction. Même s’il existe un relatif degré de sécurité, l’environnement n’est pas nécessairement sûr et des conflits peuvent à nouveau éclater.

1.9 Au chapitre 2, le guide donne un aperçu des caractéristiques générales des conflits: pertes en vies humaines et violences, disette et famine, destruction des cultures, des habitations, des infrastructures et des services de l’État. Ce chapitre s’adresse pour l’essentiel aux spécialistes des régimes fonciers et de l’administration foncière ne possédant qu’une expérience limitée des conflits violents pour les informer des conditions dans lesquelles ils peuvent être appelés à travailler.

1.10 Le chapitre 3 traite des conditions spécifiques d’accès à la terre et d’administration foncière prévalant généralement à l’issue d’un conflit. Il contient des informations sur les régimes fonciers et l’administration foncière destinées aux concepteurs des projets d’urgence qui disposent parfois d’une expérience limitée dans ces domaines. Il décrit, à l’intention des concepteurs de projets ainsi que des spécialistes des régimes fonciers et de l’administration foncière, les conditions qui caractérisent généralement un pays à l’issue d’un conflit. Il souligne la nécessité de trouver une solution aux problèmes de régimes fonciers après un conflit.

1.11 Avec la cessation progressive des hostilités, les organisations internationales entreprennent généralement des missions exploratoires pour évaluer la situation. Des spécialistes des régimes fonciers et de l’administration foncière doivent être inclus dans ces missions d’évaluation précoce pour définir et analyser les problèmes d’accès à la terre et d’administration foncière et déterminer les éventuelles mesures à prendre. Le chapitre 4 énumère les problèmes susceptibles de se poser lors de ces missions.

1.12 Après les missions d’évaluation préliminaires, les premières interventions porteront vraisemblablement sur la fourniture de services d’urgence ou à caractère humanitaire. Le chapitre 5 traite des questions essentielles de régimes fonciers ou d’administration foncière qui peuvent se poser à ce stade. Ce travail doit constituer la base nécessaire pour définir des priorités et concevoir des mesures de portée immédiate pouvant être appliquées de façon relativement rapide.

1.13 Au fur et à mesure de l’achèvement des activités d’urgence, il est possible de planifier l’élaboration d’orientations. Cela peut notamment consister à traiter des questions d’accès à la terre et d’administration foncière dans le cadre d’une politique générale plutôt qu’à travers des initiatives isolées. Il s’agira généralement d’adopter un certain nombre de décisions de principe de portée plus limitée: type de revendications recevables, identité des personnes pouvant former des requêtes et procédures à utiliser, par exemple. Le chapitre 6 donne un aperçu des questions essentielles devant être considérées en ce qui concerne la restitution de terres, la réinstallation et la mise en place d’un système d’administration foncière fonctionnel.

1.14 L’aboutissement des efforts de paix permet la mise en œuvre de politiques foncières de portée à la fois élargie et plus limitée. Le chapitre 7 définit les principales questions qui peuvent se poser, notamment en ce qui concerne le suivi et l’évaluation des effets desdites politiques. Enfin, le chapitre 8 définit brièvement les rôles que les responsables de l’administration foncière peuvent jouer comme conseillers tout au long du processus.


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