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3.10 Aménagement des bassins versants dans les zones arides


1. Introduction
2. Le rôle de l'aménagement des bassins versants
3. Contraintes et stratégies
4. Quelques caractéristiques hydrologiques des bassins versants des zones arides
5. Lacunes des connaissances
6. Références


JOHN L. THAMES
Professeur, School of Natural Renewable Resources,
Tucson -Arizona

1. Introduction

Les rapports hydriques des zones arides sont peut-être plus essentiels pour un plus grand nombre de gens sur la terre que ceux des régions plus humides. L'eau est toujours en équilibre précaire avec les écosystèmes arides et cet équilibre est actuellement rompu par l'homme et ses animaux à des rythmes alarmants sur de vastes étendues.

Le surpâturage, l'agriculture primitive et le prélèvement de bois de feu ont épuisé dans bien des pays la végétation naturellement clairsemée des bassins versants des terres arides, au point que le débit des rivières qu'ils alimentent est devenu torrentiel avec un important contenu de sédiments en saison humide, pour se réduire à un filet d'eau ou rien en saison sèche. Il en est résulté en aval une dégradation des bonnes terres agricoles, des travaux d'irrigation, une aggravation de l'inondation des vallées et des établissements humains, l'envasement des lacs de retenue et la destruction des autres travaux de génie civil. En période sèche, le débit des cours d'eau ne suffit pas à diluer les éléments polluants pathogènes, entretenir les ouvrages d'irrigation et répondre aux besoins urbains et industriels.

Peut-être plus importante encore est la disparition par érosion des retenues des terres qui ne constituent pas le moyen principal de réguler l'écoulement de l'eau des bassins versants, mais aussi et surtout la base de production des ressources renouvelables sur ces mêmes bassins versants. La terre étant emportée par l'eau et par le vent de lieux où l'équilibre écologique est déjà fragile, il en résulte une diminution de productivité qui va s'accélérant à mesure que la base de ressources s'épuise, parfois jusqu'à un point irréversible, comme c'est le cas actuellement dans de nombreuses régions arides du monde.

Aussi longtemps que se perpétueront les modes actuels d'utilisation des terres sur les bassins versants des zones arides, l'existence de dizaines de millions d'êtres ne pourra, dans le meilleur des cas, que se maintenir à son triste niveau. Dans le pire des cas, et c'est le plus probable, une sécheresse prolongée rééquilibrera sans merci la population avec les ressources disponibles. Cette catastrophe se produit déjà dans de nombreux pays et ce n'est peut-être que l'annonce de ce qui se passera dans l'avenir dans beaucoup plus de pays des régions arides du monde.

Les régions arides couvrent environ le tiers de la superficie des terres de la planète et un peu plus de la moitié est habitée par plus de 850 millions de personnes. Le reste est climatiquement si aride et improductif que l'homme ne peut y survivre. Mais la dégradation par l'homme des ressources en terre des bassins versants des zones arides est en train de transformer en Asie, en Afrique et en Amérique latine des terres arides potentiellement productives en déserts stériles. C'est ce qu'on appelle la désertification. On a estimé qu'une superficie totale supérieure à celle du Brésil, et à pluviométrie supérieure à celle de zones classées semi-arides, a été dégradée au point de devenir désertique. Encore cela ne tient-il pas compte de la dégradation beaucoup plus importante qui a lieu dans les zones semi-arides potentiellement productives.

Les modes d'utilisation des terres sur les bassins versants des zones arides doivent être modifiés de façon que les rapports hydriques fragiles ne soient pas poussés au-delà de leurs limites. La population humaine et animale vivant dans les zones arides étant en augmentation et la qualité des terres sur lesquelles elles doivent vivre diminuant parallèlement, l'impact sera, faute de solutions, d'ampleur mondiale.

2. Le rôle de l'aménagement des bassins versants

Les zones arides étant soumises par l'homme à des pressions sans cesse croissantes, les interrelations écologiques entre la population, les plantes, les animaux et l'eau sont importantes en ce qui concerne le rôle de l'aménagement des bassins versants dans l'élaboration de politiques qui permettent un développement raisonnable et une productivité continue favorisant l'amélioration du bien-être de l'homme. Cela s'applique aux conditions de vie des populations qui vivent en amont des bassins versants et qui doivent faire face aux contraintes naturelles sévères des écosystèmes arides et aussi à celui des populations qui vivent en aval et qui sont tributaires d'un approvisionnement régulier en eau.

Les terres arides se caractérisent généralement par un ensoleillement abondant et des sols riches en sels minéraux; avec de l'eau, elles peuvent devenir les terres les plus productives du monde. Il n'est pas étonnant que la civilisation moderne soit née dans ces régions arides où, avec de l'organisation, on pourrait facilement exploiter les ressources en eau pour assurer une irrigation à grande échelle.

Les grands projets d'irrigation d'aujourd'hui sont plus complexes. Ils mettent en jeu la technologie et l'économie de la construction et de la gestion de grands lacs de retenue, de systèmes de distribution d'eau, de périmètres irrigués et d'installations de drainage. Source ultime d'eau à être mise en valeur, le bassin versant ne s'est souvent vu attribuer dans le passé qu'une faible place dans la conception de ces systèmes. Une plus grande importance est aujourd'hui accordée à son aménagement au profit des populations situées en aval: maintien d'un débit d'eau en période sèche, régulation des débits solides, réduction des crues subites, amélioration de la qualité de l'eau et recharge de la nappe phréatique. Étant donné l'importance des dépenses d'investissement et d'entretien consacrées aux grands systèmes d'irrigation, l'aménagement des bassins versants est de plus en plus considéré comme une activité économiquement rentable.

Le rôle que peut jouer cet aménagement dans la vie des populations situées sur les bassins versants des terres arides des pays en développement est peut-être encore plus important. L'eau est la variable qui y régit les interactions entre l'homme et l'écologie. Étant donné les importantes variations, apparemment capricieuses, de l'abondance de l'eau, les bassins versants des zones arides peuvent être considérés comme des systèmes de réserve "à impulsions" qui se déclenchent lorsqu'il y a de l'eau, la stockent pour la saison sèche puis s'arrêtent jusqu'à la prochaine précipitation ou la prochaine saison des pluies. Les espèces végétales et animales indigènes de ces systèmes se sont adaptés à ce paradigme en échappant à la sécheresse par diverses méthodes. Les humains ne sont pas aussi bien adaptés. Dans les pays en développement, les populations doivent soit recourir au nomadisme, soit mener une existence sédentaire tributaire de sources d'eau exploitées par des moyens primitifs.

Le but de l'aménagement des bassins versants dans ces régions est de comprendre les rapports entre l'homme, l'écologie et l'hydrologie et d'appliquer cette connaissance à la remise en valeur des zones épuisées, à la conservation du sol, de l'eau et des autres ressources et à améliorer l'utilisation des terres pour obtenir une productivité accrue et durable.

3. Contraintes et stratégies


3.1 Stratégies d'amélioration des parcours
3.2 Agriculture en sol aride
3.3 Foresterie en zone aride


L'aménagement des bassins versants en zone aride se heurte aux problèmes complexes que posent le développement et la conservation des ressources en aliments et en fibres dans des climats extrêmes et variables alors que les besoins de l'homme ne font que croître. Il implique l'application de stratégies visant à améliorer les terrains de parcours pour le bétail, à développer la foresterie et à améliorer l'agriculture, stratégies qui, à leur tour, dépendent de la mise en valeur et de la protection des ressources fondamentales en terre et en eau.

3.1 Stratégies d'amélioration des parcours

Le pâturage est la principale utilisation et la seule d'intérêt économique de vastes zones arides dans les pays en développement. Un pâturage excessif et incontrôlé a entraîné une grave désertification des bassins versants dans beaucoup de ces zones. L'aménagement, le contrôle et l'amélioration des terres de pâturage est par conséquent l'aspect le plus critique de l'aménagement des bassins versants dans la plupart des terres arides. Les stratégies à considérer en premier lieu sont l'aménagement pastoral, l'amélioration des parcours et la réhabilitation des bassins versants.

Aménagement pastoral: De nombreux systèmes de pâturage sont recommandés dans le monde mais ils doivent, pour être valables et réussir, être adaptés aux conditions locales. Trop souvent, il a été institué des systèmes pastoraux qui ne sont pas fondés sur les besoins locaux et qui, par conséquent, n'ont pas représenté d'amélioration par rapport aux systèmes traditionnels.

La quantité de fourrage produite, les saisons où il est produit et la fiabilité de la production sont les premières considérations à prendre en compte dans l'élaboration d'une stratégie. Une unité bétail, soit environ 450 kg de poids vif, nécessite environ 400 kg de fourrage par mois. Il faut pouvoir répondre à ce besoin avec moins de la moitié des herbages et des feuillages à brouter de la zone en question. La moitié au moins de la production doit être laissée sur les bassins versants de façon à conserver la vigueur des plantes, un microclimat favorable et un couvert végétal suffisant pour protéger la surface du sol et le réalimenter en matières organiques.

Si la principale production de fourrage sur le bassin versant se produit en une seule saison, il faut l'utiliser à la fois pour alimenter le bétail et pour conserver un couvert végétal pendant toute l'année. La capacité de charge peut être limitée par le nombre de bêtes que la zone peut supporter pendant les périodes d'arrêt de la végétation. La production d'herbages et de feuillages à brouter doit être gérée de façon à suffire à la protection du bassin versant à la fin des périodes d'arrêt de la végétation et avant les principales saisons de pousse. Il peut arriver que les végétaux n'aient pas une vigueur suffisante pour redonner une pleine production après les périodes sèches, surtout si celles-ci durent plus d'une saison. Il faut donc adapter le cheptel à un approvisionnement variable en fourrage.

La diversité des caractéristiques physiologiques et morphologiques des végétaux influe aussi sur l'aménagement. Sur un même site de parcours, ils peuvent avoir des caractéristiques de croissance différentes et réagir différemment à la pression du pacage selon les saisons. Il importe de connaître, au moins pour les principales espèces végétales, les périodes de production de nouvelles pousses, les rapports entre l'épuisement et l'accumulation d'hydrate de carbone, les périodes principales de croissance de nouvelles racines et l'époque de production des graines. Ces caractéristiques influent sur l'aptitude des différents végétaux à profiter des périodes de repos et sur leur risque d'être endommagés par le broutement pendant certaines saisons.

On peut généralement améliorer la répartition du bétail sur les parcours en créant des points d'eau bien situés, car on peut ainsi attirer le bétail vers des zones où il n'aurait pas consommé le fourrage en raison du manque d'eau. La régulation de l'accès du bétail à l'eau et son déplacement d'une zone à une autre sont un moyen de réguler les zones de concentration. On peut utiliser des clôtures pour limiter les zones de pâturage et construire des pistes en terrain difficile ou broussailleux pour aider à déplacer le bétail d'une zone à une autre ou le répartir de manière plus égale. On peut aussi dans une certaine mesure utiliser le sel pour attirer le bétail vers des zones qui seraient peu utilisées sans cela.

Il y a lieu de prévoir des périodes de repos pour permettre à certaines espèces végétales de prendre de la vigueur en s'enracinant davantage, de se régénérer, de recompléter leurs réserves d'hydrate de carbone, de produire de nouvelles pousses ou de combiner ces divers besoins qui ne peuvent être satisfaits lorsque le pâturage se fait toute l'année.

De bonnes méthodes d'élevage et d'aménagement se conjuguent pour assurer une conversion efficace du fourrage des parcours en protéines commercialisables. L'efficacité d'un élevage sur parcours pourrait se mesurer au nombre de kilos de fourrage du parcours consommé pour produire un kilo de viande commercialisable. Dans le monde d'aujourd'hui, où il y a insuffisance de protéines et d'énergie, c'est là une contribution importante des bassins versants bien aménagés.

Le plan de pâture: Un inventaire du fourrage disponible sur le bassin versant est nécessaire pour déterminer la charge limite de l'herbage. Équilibrer le cheptel avec la quantité de fourrage disponible de manière à conserver aux plantes leur vigueur et au bassin versant sa stabilité est souvent le problème principal qui se pose pour une bonne gestion des pâturages. Le niveau d'utilisation du fourrage qui permettra de maintenir le parcours en bon état est étroitement lié au site, à la saison d'utilisation et aux plantes pâturées. Un bon niveau de pacage est généralement compatible avec les objectifs à long terme d'une production continue, mais peuvent ne pas l'être avec les objectifs économiques immédiats de l'éleveur privé. Des programmes d'éducation visant à présenter aux éleveurs les objectifs à long terme pour satisfaire les besoins de la société sont indispensables. Pour qu'ils réussissent, les plans de charge des pâturages doivent être établis avec la participation des éleveurs, car c'est d'eux que dépend la réussite ou l'échec des programmes d'aménagement des pâturages. Des pressions politiques et sociales peuvent cependant être nécessaires pour obtenir les niveaux voulus de pâturage sur les bassins versants de certaines régions.

L'équilibrage entre le cheptel et la quantité de fourrage disponible doit se faire avec souplesse et pouvoir être adapté en fonction des bonnes et des mauvaises années de production fourragère. Ceci implique une élimination radicale des bêtes malades et la vente des bêtes en surnombre les années de sécheresse Une autre solution consiste à n'avoir qu'un cheptel restreint de façon que le bassin versant soit protégé même en période de sécheresse. La première solution est préférable.

L'un des objectifs majeurs de tout système d'aménagement de pâturage devrait être d'équilibrer l'utilisation des espèces végétales sur le parcours de façon que le fourrage provienne de nombreuses plantes et non pas uniquement de quelques espèces qui subissent la totalité de la pression. Si une ou plusieurs espèces importantes subissent l'essentiel de la pression et sont broutées avant d'autres espèces, il faut appliquer une stratégie qui permette de les laisser en repos. Si l'on ne peut détourner la consommation vers des espèces associées, il faut déterminer la capacité de charge maximale de l'herbage en fonction du degré d'utilisation que peut supporter l'espèce préférée par le bétail.

Un autre objectif majeur doit être aussi une répartition uniforme du bétail sur les parcours. Si la topographie, la végétation et les sols varient beaucoup sur un bassin versant, cette répartition risque d'être inégale. Le bétail tend à utiliser plus massivement certaines zones plus que d'autres, en particulier celles qui se trouvent près des points d'eau, le long des bas-fonds, des crêtes et sur certains sites. Il évitera les pentes raides, certains sols et les broussailles épaisses.

Il faut aussi prendre en considération les besoins des animaux. En plus de sa quantité, le fourrage doit satisfaire les besoins nutritionnels dans quatre domaines principaux: protéines, énergie, phosphore et carotène. Tous ces nutriments se trouvent généralement en quantités suffisantes dans un fourrage en vert adéquat. Les ligneux appétables n'ont cependant pas en général une teneur énergétique suffisante et l'herbe sèche a une faible teneur en protéines, en phosphore et en carotène. Lorsque les deux types de fourrage existent, les besoins nutritionnels peuvent souvent être satisfaits, faute de quoi un aliment de complément est nécessaire. Un haut degré de nutrition est particulièrement important en période de reproduction.

En général, le plan d'aménagement vise à assurer une production animale maximale tout en maintenant ou en améliorant la stabilité du bassin versant. Il convient toutefois pour un bassin versant donné de définir en détail les objectifs de l'aménagement et notamment d'identifier les sites de pâturages et même les principales espèces végétales à utiliser. Si une zone donnée du bassin versant a besoin d'être améliorée, il faut le préciser dans les objectifs de l'aménagement.

Amélioration des parcours: Une stratégie utile consiste à manipuler la végétation sur les bassins versants des terrains de parcours en réduisant ou en éliminant les espèces indésirables et en augmentant le nombre des espèces souhaitables. Toute décision relative à une telle manipulation de la végétation sur un bassin versant doit se fonder sur la connaissance des modèles de précipitation, de la productivité potentielle de tels ou tels sites et sur des estimations des tendances progressives ou régressives qui peuvent résulter de différentes stratégies d'aménagement. Une bonne gestion des pâturages peut permettre d'améliorer l'état de la végétation sur les sites d'un bassin versant de façon à développer le couvert végétal et augmenter le nombre des espèces végétales souhaitables.

Outre l'amélioration générale que l'on peut obtenir grâce à un bon aménagement, il existe aussi d'autres méthodes, mais chacune présente des contraintes selon la situation. L'aménagiste se trouve obligé de choisir entre différentes méthodes et de procéder ensuite à des expérimentations pour déterminer celles qui conviennent le mieux et celles qui doivent être modifiées. Les méthodes le plus souvent utilisées pour l'amélioration des parcours sont l'utilisation du bétail, du feu, des produits chimiques, des traitements mécaniques et du réensemencement.

Bétail: Il est souvent possible d'utiliser le bétail pour provoquer des changements dans les espèces végétales. Bovins, ovins et caprins ont des goûts différents en matière de fourrage, qui peuvent être encore accentués selon les saisons. Si l'on connaît les préférences des animaux selon les saisons et si l'on connaît aussi les besoins pour la croissance des plantes, on pourra souvent concevoir un système de pâturage qui augmentera ou diminuera la vigueur de telle ou telle espèce végétale. Il y a toutefois des limites. Si les plantes indésirables vivent longtemps - et c'est le cas de la plupart des espèces ligneuses - et ne sont du goût du bétail, elles ne seront pas éliminées par le broutement une fois installées.

Brûlage: Le brûlage est une méthode qui permet d'éliminer à peu de frais la végétation indésirable mais fait courir le risque d'éliminer en même temps des espèces souhaitables. D'une façon générale, les espèces arbustives sont plus endommagées par le feu que les espèces herbacées mais certains arbustes peuvent repousser après avoir brûlé. Pour pouvoir utiliser le feu de façon efficace dans la manipulation de la végétation, il faut savoir comment les différentes espèces y réagissent. Le coût principal de l'opération est représenté par l'herbage nécessaire comme combustible, dont il faut tenir compte dans les évaluations économiques des brûlis. D'autre part, toute opération de brûlage doit être coordonnée avec les programmes d'aménagement des pâturages de façon qu'il y ait de quoi alimenter à la fois le feu et le bétail. Il faut aussi tenir compte des modèles de précipitation, afin que les zones brûlées ne soient pas dépourvues de couvert végétal lorsqu'il y a de fortes probabilités de pluie.

Produits chimiques: L'utilisation de produits chimiques est efficace mais coûteuse et risque de contaminer l'eau. L'efficacité des applications foliaires d'herbicides dépend beaucoup de la phénologie des espèces indésirables. L'herbicide doit être appliqué lorsque la surface feuillue est suffisante mais lorsque les feuilles n'ont pas encore de cuticules. Les granulés herbicides appliqués au sol au pied des plantes sont moins sensibles au moment de l'application mais sont sensibles à l'humidité. L'efficacité des applications dépend aussi de l'espèce à détruire et de l'état du sol. Les informations realtives à l'utilisation des herbicides ne permettent pas de déterminer leurs effets probables sur les plantes autres que celles qui sont à détruire. C'est lorsqu'une ou plusieurs espèces peuvent être abondamment détruites pour permettre à d'autres espèces indigènes de se développer que l'utilisation des produits chimiques a le plus de chances d'être utile.

Moyens mécaniques: Le traitement mécanique peut être préférable aux herbicides pour créer une planche de semis en cas d'absence d'espèces souhaitées et en particulier si un réensemencement est nécessaire. Il existe de nombreuses méthodes de destruction mécanique selon l'espèce à éliminer, le sol, la main-d'oeuvre et le matériel dont on dispose, les coûts et le type de planche de semis que l'on prépare. L'arrachage à la main est efficace si les plantes à éliminer ne sont pas trop nombreuses et si l'on dispose d'une main-d'oeuvre bon marché. Pour les végétaux ligneux importants, le dessouchage au bulldozer est efficace sur tous les sites à l'exception des pentes raides. Le trainage au câble ou le chaînage entre deux tracteurs est également efficace pour les sujets importants, qui seront soit déracinés, soit cassés au ras du sol. En revanche, ces méthodes ne permettent pas de bien éliminer les petits arbustes souples et les espèces qui rejettent. Le sol est remué mais risque de ne pas être suffisamment ameubli pour constituer une bonne planche de semis. Les plantes ligneuses peuvent être éliminées de façon efficace à la charrue: celle-ci peut être ajustée pour couper juste en dessous de la zone de bourgeonnage et sa lame inclinée de manière à soulever les plantes et à préparer une bonne planche, ce qui peut se faire aussi avec une charrue à disques, qui convient pour éliminer les petites broussailles.

Réensemencement: Sur beaucoup de bassins versants des zones arides, les pâturages ont été à ce point dégradés qu'un réensemencement est nécessaire. Le succès de l'opération dépend du modèle des précipitations et des autres conditions du site. D'une façon générale, les conditions suivantes doivent être remplies:

1. Sols et précipitations offrant une probabilité raisonnable de succès. Il faut généralement une pluviométrie plus importante pour que les plantes s'installent sur les sols argileux plutôt que sur les sols plus sableux.

2. Espèces indigènes ou adaptées. Les chances de succès peuvent aussi être accrues sur certains sites par la sélection d'écotypes adaptés à l'intérieur d'une espèce (voir Wright et Streetman, 1960).

3. Préparation des planches de semis de façon à éliminer la végétation existante et à assurer une infiltration rapide. Une planche ameublie et irrégulière est souvent souhaitable dans les opérations de semis de pâturage.

4. Quantité suffisante de graines pour assurer un peuplement satisfaisant mais sans gaspillage. Une estimation approchée de l'intensité de semis est d'environ 2 à 3 millions de graines viables à l'hectare. Pour les espèces à petites graines comme l'eragrostis, la dose d'ensemencement est inférieure à 1 kg/ha.

5. Profondeur convenable d'ensemencement. Plus la graine est petite, moins elle doit être enfouie en profondeur. Le semis en plein est souvent suffisant pour les petites graines sur des sols ameublis, mais le semis en ligne est recommandé pour les plus grosses graines et les terrains durs.

6. Semer lorsque des conditions favorables d'humidité et de température se conjuguent pour laisser le plus de temps possible à la germination et au début de la pousse.

7. Protection des plantules jusqu'à ce qu'elles soient bien installées. Dans les sites très secs, cela peut nécessiter trois saisons de pousse ou davantage.

8. Pâturage approprié une fois que les plantes sont installées. Le réensemencement est onéreux et ne peut se justifier que s'il fournit du fourrage et s'il assure la protection du bassin versant pour de nombreuses années.

Traitements culturaux correcteurs: Ces traitements sont coûteux et exigent du matériel ou une main-d'oeuvre importante. La dépense ne se justifie guère à moins que le ruissellement et les sédiments provenant du bassin versant ne menacent d'importantes opérations de mise en valeur en aval ou que la réhabilitation ne soit indispensable à la survie de la population locale qui n'a pas d'autres moyens d'existence.

Le but des traitements culturaux est de réduire le ruissellement de surface et la perte de terre en retenant l'eau sur le site jusqu'à ce qu'un couvert végétal puisse s'installer. Les traitements culturaux ont une espérance de vie limitée selon l'importance du ruissellement et des sédiments produits sur le site. Il est donc important d'évaluer la capacité du site de maintenir un couvert végétal une fois que le traitement a perdu son efficacité. Il est évident que, pour que le traitement ait un effet durable, il faut élaborer et appliquer une stratégie de gestion. Le type de traitement choisi dépend du potentiel de ruissellement du site. Une combinaison de différents traitements pourra souvent être souhaitable, mais la plantation doit suivre le traitement aussi rapidement que possible. Quelques-uns des traitements les plus courants sont les sillons ou rigoles et les tranchées suivant les courbes de niveaux, et les cuvettes.

Les rigoles de niveau sont de petits fossés de 20 à 30 cm qui suivent les courbes de niveau et sont généralement creusées à l'aide d'une charrue monosoc. Elles forment des terrasses miniatures qui retiennent l'eau jusqu'à ce qu'elle s'infiltre dans le sol. Des études ont indiqué qu'elles sont efficaces si leur espacement est inférieur à 2 mètres. S'il est plus grand, leur effet ne se fait guère sentir sauf le long des rigoles elles-mêmes (Barnso et al, 1966 et Wright, 1972). Sur les pentes de plus de 5%, la terre est généralement déposée plus bas pour accroître la capacité de stockage. Un certain nombre des premiers essais ont échoué en raison principalement de la difficulté de suivre la courbe de niveau, de l'absence de semis et d'entretien par la suite. Il est important que les rigoles soient situées sur la courbe de niveau, faute de quoi elles se transforment en fossés de drainage qui concentrent le ruissellement et peuvent provoquer une érosion au lieu de l'empêcher. Il est difficile de suivre les courbes de niveau et c'est l'un des inconvénients de cette méthode. L'efficacité des rigoles peut être améliorée et le défaut d'alignement sur la courbe de niveau corrigé par la construction de traverses que l'on place en travers des rigoles à des intervalles de 1,5 à 10 mètres. Les rigoles forment alors de petites cuvettes et si une section cède, l'eau des sections adjacentes reste en place.

Les tranchées suivant les courbes de niveau sont en général nécessaires sur les pentes trop raides pour les rigoles. Elles sont de deux types: 1) le type extérieur peu profond où le matériau de déblai fait obstacle au ruissellement et 2) le type intérieur plus profond où l'excavation en retient la plus grande partie. Le type extérieur convient pour les pentes jusqu'à 30% et le type intérieur pour les pentes plus raides - jusqu'à 70%). Ils sont tous deux onéreux, exigent en général l'utilisation de machines et doivent être conçus pour des débits d'orage importants; la défaillance d'une tranchée supérieure pourrait se traduire par un effet de cascade sur les tranches inférieures. Selon Hull (1973), un bon peuplement une fois installé retient le sol et empêche que les sédiments ne soient entraînés le long de la pente.

Les bandes alternées se sont révélées efficaces sur les terrains plats ou peu accidentés (Wright, 1972). Elles ont environ 1 mètre de large et sont parallèles à la courbe de niveau. On les laboure pour détruire la végétation inutile, ameublir la surface et préparer une planche de semis. La végétation d'origine est conservée entre les bandes jusqu'à ce que la végétation nouvellement plantée soit installée. On retourne alors de nouvelles bandes que l'on plante et l'opération se poursuit jusqu'à ce que le bassin versant tout entier soit remis en état. On peut utiliser pour ces opérations du matériel aratoire classique.

On peut aussi creuser des dépressions peu profondes dans la surface du sol pour y recueillir le ruissellement de surface: c'est le "pitting". Le traitement de surfaces étendues nécessite un tracteur muni d'un "pitter". Une charrue à disques classique est facile à transformer pour cela, bien qu'une charrue à disques similaire soit faite exprès pour cet usage. On peut supprimer un disque sur deux et décaler les disques restants ou plutôt y découper une demi-lune. On dispose les disques de façon qu'ils frappent la surface à différents moments, ce qui crée des cuvettes alternées à mesure qu'on avance. Le sillon est interrompu chaque fois qu'il y a un disque manquant ou découpé, de sorte que le sillon est discontinu. Une charrue à disques de 51 cm standard avec des trous à 8 cm du centre creusera des dépressions ou "pits" de 20 à 30 cm de large sur 45 à 60 cm de long, de 15 cm de profondeur et espacés de 40 cm. Lorsque le type de sol, son humidité et le poids de la machine sont les plus favorables, les dépressions en question auront une capacité d'environ 0,013 m3. On peut calculer le nombre de dépressions nécessaire à l'hectare en divisant le ruissellement estimatif produit par un orage type par la capacité de chaque dépression. Cette technique est efficace sur des pentes allant jusqu'à 30%, et l'on a estimé qu'elle pouvait produire jusqu'à quatre fois la quantité de fourrage produite sur les surfaces non traitées (Slayback et Reeney, 1972).

Les cuvettes sont analogues mais plus grandes et ont en général environ 2 m de long, 1,8 m de large et 15 à 20 cm de profondeur. Hinez et Frost (1973) ont mis au point une machine spéciale qui peut être tractée par un tracteur de 25 à 30 CV avec des raccords hydrauliques. Cette machine peut aussi être munie d'un équipement permettant de semer en même temps. Selon Slayback et Renney (1972), les cuvettes produisent cinq fois plus de fourrage que les "pits" et neuf fois plus que les zones non traitées. La capacité importante et la plus grande espérance de vie permettent à un plus grand nombre de plants de s'installer et assurent un peuplement plus durable et plus productif.


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