Previous Page Table of Contents Next Page


Options en matière de mise en valeur des forêts tropicales, diversité sociale et vulgarisation en Amazonie orientale


P.H. May and M. Pastuk

Peter H. May est professeur d'économie de l'environnement et de politique agraire à l'Université fédérale rurale de Rio. Il a été forestier principal (produits forestiers non ligneux) à la FAO, puis chargé de programme à la Fondation Ford. Il est à présent consultant en développement économique et en aménagement de l'environnement auprès de banques de développement, de donateurs bilatéraux et d'ONG. Marilia Pastuk, consultante, est sociologue de l'environnement. Elle a plusieurs années d'expérience en éducation relative à l'environnement et les études de l'impact sur l'environnement dans le bassin de l'Amazone; elle a travaillé pour la FAO, le PNUE et l'Organisation des Etats américains.

Cet article décrit les efforts de vulgarisation entrepris avec deux groupes ayant des intérêts antagonistes en matière d'exploitation des mêmes ressources dans la municipalité de Paragominas, au Brésil.

Des "îlots" de diversité biologique en Amazonie brésilienne

Les options de mise en valeur des ressources forestières diffèrent en fonction de chaque groupe social. C'est pourquoi les informations transmises aux usagers doivent être adaptées de façon à refléter cette diversité. Le présent article décrit deux expériences récentes qui ont permis de concilier des points de vue et des intérêts divergents à Paragominas, municipalité située en Amazonie orientale, au Brésil. Le premier exemple montre comment la recherche participative a permis de quantifier l'utilisation et la valeur des produits forestiers non ligneux pour les collectivités locales, de manière à justifier l'aménagement durable des ressources forestières à des fins autres que la production de bois, ainsi qu'à freiner la progression des terres agricoles et les pratiques destructrices d'exploitation forestière. Dans la deuxième expérience, les activités de vulgarisation ont démontré aux bûcherons et aux décideurs locaux les avantages techniques et économiques offerts par l'exploitation durable du bois, dans l'espoir de diminuer la conversion des forêts en pâturages qui, à leur tour, se dégradent rapidement. La question qui se pose à présent est de déterminer comment les approches de vulgarisation forestière peuvent satisfaire les besoins de différents groupes aux intérêts contradictoires. Dans la mesure où la vulgarisation indique les diverses interventions possibles de l'homme dans le même écosystème, elle peut améliorer la répartition au sein de la société des profits tirés de l'utilisation des ressources locales.

DIVERSITÉ ET DURABILITÉ

Depuis la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement, qui a eu lieu à Rio de Janeiro en juin 1992, les efforts visant à l'exploitation et à la gestion durables des ressources forestières se préoccupent toujours plus de préserver la diversité biologique. L'expression "diversité biologique" s'applique généralement à la conservation des espèces animales et végétales et de la variabilité génétique au sein des espèces, ainsi que des écosystèmes et des habitats. Toutefois, en pratique elle devrait également inclure la diversité culturelle humaine. En effet, chaque groupe de population a des besoins différents et des liens particuliers avec les ressources forestières. Au fil des années, les groupes locaux ont souvent acquis une vaste connaissance de la diversité biologique et de l'exploitation des ressources. La foresterie et les efforts de conservation dans les zones de forêts naturelles font de plus en plus appel à ce savoir local par le biais de la participation.

Un des concepts clés de la conservation de la diversité biologique est que le monde est toujours plus interdépendant. Cette interdépendance permet aux populations d'accéder plus largement à des biens et services bénéfiques à moindre coût, mais elle accentue aussi parfois la pression sur une base de ressources naturelles fragile. La formation de liens entre les régions forestières et les marchés intérieurs, touchés de manière croissante par la concurrence, ainsi que les marchés internationaux plus facilement accessibles, constitue un problème pour tous ceux qui sont concernés par la durabilité des ressources forestières tropicales. Ce défi est particulièrement pressant le long de la frontière de l'Amazonie orientale, au Brésil, où l'agriculture et l'exploitation forestière sont en pleine expansion. Là, la construction d'autoroutes et les activités minières qui ont commencé dans les années 60 ont attiré des colons en quête de nouvelles terres, d'or et d'emploi. Ces colons sont entrés brusquement en contact avec les populations riveraines et les groupes autochtones isolés, qui, grâce à leur faible densité de population, à leur économie de subsistance et à leur connaissance des sols, de la végétation, de la faune sauvage, etc., vivaient en harmonie avec les forêts denses tropicales, véritables "îlots" de diversité biologique de l'Amazonie. Ces îlots, où subsistaient des espèces disparues du reste de la région depuis la sécheresse prolongée qui a transformé une grande partie de l'Amazonie en savane, ont été soudain menacés par le "développement", à savoir la progression de l'exploitation forestière, l'agriculture de subsistance itinérante, l'élevage bovin en liberté et d'autres facteurs dus à l'action de l'homme.

Certains produits forestiers, comme les noix palmier babassu, sont importants pour l'économie locale

Généralement, on pensait que pour parvenir au développement rural, il fallait systématiquement convertir les régions forestières à d'autres utilisations - à la base, la culture ou le pâturage. Dans ce contexte, la production de bois était une activité secondaire dérivée de l'expansion agropastorale. Malgré l'existence de centaines d'essences de feuillus, les bûcherons exploitaient seulement quelques essences commercialement appréciées, comme l'acajou et le cèdre. Après la récolte du bois, les éleveurs plantaient une herbe très prolifique, appelée "colonião" et brûlaient fréquemment les pâturages pour retarder la régénération de la forêt. Les agriculteurs ne cultivaient que des "cultures blanches" - riz et manioc - et pratiquaient la culture sur brûlis à des fins de subsistance et commerciales. En outre, la cueillette se limitait à quelques produits forestiers non ligneux, comme le palmier babassu (dont le fruit donne de l'huile et du charbon) et la noix du Brésil (voir Unasylva 42[165] sur les produits forestiers), à mesure que les populations se tournaient vers une économie de rapport. Par ailleurs, on incitait les groupes autochtones (par des mesures juridiques et économiques) à convertir les forêts et savanes qu'ils géraient depuis des siècles en de simples terres labourables et pâturages.

Parallèlement, le mouvement écologique, dans un effort pour arrêter le déboisement, lança des campagnes appelant à protéger la forêt naturelle de toute utilisation, position souvent extrême et impossible à tenir.

La situation commence cependant à changer, en partie grâce au tollé international déclenché par le déboisement de la région, et en partie grâce à la recherche par les collectivités locales et les entreprises commerciales de solutions de remplacement plus rentables à long terme. Réagissant aux accusations concernant la dégradation des forêts et le gaspillage des ressources, les exploitants de bois d'œuvre ont considérablement accru le nombre d'essences utilisées et ont testé des techniques d'aménagement novatrices. Les éleveurs s'efforcent de récupérer les pâturages dégradés pour éviter d'empiéter sur les forêts restantes. Quant aux nouveaux colons, ils espèrent à présent surmonter les limitations à court terme (tant sociales que techniques) qui ont conduit au déboisement et à l'instauration d'un cycle de pauvreté et de migration permanente. Ils ont constitué des coopératives à la base et mis en place des systèmes agroforestiers permettant d'exploiter le bois et les fruits des essences indigènes. Le soutien des instituts de recherche et des agents de vulgarisation est toujours plus important en cette période de transition.

Dernièrement, on tend à promouvoir la plantation ou l'aménagement d'un certain nombre d'espèces pérennes et à favoriser des systèmes de production pouvant mieux s'intégrer à l'écologie locale, plutôt que de se concentrer sur une protection restrictive de l'écosystème ou sur la conversion de la forêt naturelle en plantations de monoculture ou à d'autres usages. Cela reflète une modification significative de l'approche adoptée par les responsables des politiques de développement agricole et forestier, les techniciens et les écologistes. Tous les agents du développement recherchent un ensemble homogène d'utilisations possibles et respectueuses de l'environnement. Le défi, toutefois, consiste à trouver des options acceptables par des protagonistes ayant des intérêts contradictoires à l'exploitation des mêmes terres forestières.

Ce défi est particulièrement aigu en Amazonie orientale, où les organisations non gouvernementales ont commencé des activités pilotes de recherche sur l'utilisation des terres forestières, ainsi que des actions collectives dans la même municipalité, Paragominas, dans le sud de l'Etat de Pará. Des représentants des petites exploitations agricoles et des grandes entreprises d'exploitation forestière se sont efforcés de définir de nouveaux modèles d'utilisation des terres, afin de mieux protéger la base de ressources. Ces expériences montrent comment concilier les demandes contradictoires qui pèsent sur les ressources dans les régions tropicales.

L'amélioration des pratiques de récolte du bois peut contribuer à accroître les recettes des bûcherons et la durabilité de l'exploitation forestière

LE SAVOIR LOCAL AU SERVICE DE LA VULGARISATION

Les connaissances des autochtones en matière d'environnement, ainsi que leurs systèmes d'aménagement des ressources - auparavant ignorés ou considérés comme archaïques - sont toujours plus reconnus comme essentiels à une stratégie écologiquement viable d'utilisation des ressources. Par le passé, la vulgarisation agricole et forestière reposait sur l'introduction de systèmes et de modèles de production extensive. Aujourd'hui, il est devenu impératif de commencer par bien comprendre ce qui pousse la population locale à utiliser la terre comme elle le fait. Pour cela, il est indispensable de travailler directement avec les populations locales à long terme, en notant les pratiques existantes, les problèmes qu'elles posent et les facteurs qui les sous-tendent, et en proposant de nouvelles possibilités seulement lorsqu'il est clair qu'elles sont adaptées au système en question. Ces initiatives doivent tenir compte tant de la capacité d'adaptation de l'écosystème local que des valeurs culturelles.

Les activités en cours sur la Capim, affluent éloigné de l'Amazone, dans la municipalité de Paragominas, illustre bien cette nouvelle approche. Autrefois, les familles de ces communautés dépendaient de la combinaison de plusieurs activités: agriculture de subsistance, cueillette de produits forestiers non ligneux, chasse et pêche; ils n'avaient que peu de contacts avec les marchés régionaux, qui se trouvaient à plusieurs heures de là, en aval du fleuve. Les agriculteurs ont été récemment amenés à vendre du bois sur le marché en plein essor de la municipalité pour obtenir des liquidités. Les pratiques d'exploitation étaient mauvaises et les zones dégradées converties en pâturages ou laissées à l'état de friches en attendant leur régénération. En conséquence, les ressources animales et les ressources forestières non ligneuses devenaient toujours plus rares. Des syndicats d'ouvriers agricoles ont demandé à une équipe internationale de chercheurs, associée au Centre gouvernemental d'agroforesterie pour les zones tropicales humides (EMPRAPA-CPATU), de les aider à trouver des solutions pour empêcher la destruction de leurs ressources forestières.

L'équipe de chercheurs a commencé, avec la participation de la population, par dresser un inventaire des fruits, du gibier, du poisson et des plantes médicinales consommés par 45 ménages sur une année entière. En outre, l'écologie de la population de quatre espèces de produits forestiers non ligneux (trois arbres fruitiers et une source d'huile médicinale), choisies par la communauté, a été examinée de manière approfondie, et la répartition des arbres, leur régénération et leur productivité ont été étudiées. Dans les deux cas, ce sont les membres de la collectivité plutôt que les scientifiques qui ont permis d'identifier les paramètres et effectué l'inventaire des ressources et les études concernant leur utilisation.

Des marches de 40 km le long d'une piste forestière, en compagnie de membres de la communauté, ont permis d'identifier les produits le plus couramment utilisés. Après avoir reçu une formation, les membres de la communauté ont dessiné sur une carte l'emplacement de 200 arbres et suivi la phénologie de la production de fruits sur trois ans. On a fait appel à l'imagerie satellite pour localiser avec précision les champs de chaque agriculteur et identifier les forêts voisines auparavant exploitées et dégradées, ainsi que les zones restantes de forêt primaire.

Les ménages qui ont participé à l'inventaire ont tenu un registre quotidien des produits consommés (par poids pour le gibier, le poisson et les produits fibreux, par unité pour les plantes médicinales et les fruits). Plutôt que de calculer la valeur des produits uniquement en termes monétaires, leur équivalent dans un produit local essentiel, la farine de manioc (farinha) a servi à évaluer leur importance dans les revenus du ménage.

Les informations recueillies, comme l'équivalent en farinha de la consommation de produits forestiers non ligneux, ont été intégrées dans des programmes de vulgarisation. Les activités comprenaient de petits groupes de discussion, des ateliers destinés à l'ensemble de la communauté, des échanges entre villages, des représentations théâtrales et la production de brochures illustrées (voir l'encadré). Toutes avaient pour but d'assurer la compréhension et le suivi des données obtenues sur place pour aider la communauté à protéger et à aménager les forêts restantes et pour démontrer et quantifier l'immense valeur de la forêt pour la survie des communautés locales.

L'expérience de la Capim illustre de manière exemplaire les efforts déployés par les communautés vivant dans les forêts pour définir des systèmes effectifs d'aménagement permettant d'accroître les profits tout en conservant la base de ressources. Les méthodes de vulgarisation employées ont eu pour mérite d'encourager les membres de la communauté à faire appel à leur savoir et à leur imagination, et à planifier à long terme des activités permettant d'utiliser au mieux les ressources sous leur contrôle. La prise en compte des connaissances et des spécificités locales joue un rôle essentiel dans l'identification des ressources et des produits de la forêt qui devaient être au centre des essais d'aménagement et de commercialisation. Bien sûr, il sera indispensable d'effectuer une analyse quantitative de la valeur potentielle, tant commerciale que non commerciale, de toute la gamme des produits forestiers pour permettre aux communautés de prendre des décisions viables et à long terme concernant les utilisations possibles des ressources forestières. Par ailleurs, à moins que la gestion, l'exploitation et la commercialisation des produits forestiers non ligneux ne deviennent plus rentables que la production de bois, il n'est guère probable que les communautés s'y consacreront en priorité.

En attendant, la pression s'accentue dans les zones encore boisées de Paragominas, à mesure que les exploitants forestiers développent leurs activités vers l'ouest. La deuxième étude de cas expose les tentatives faites en vue de réduire les effets dévastateurs des pratiques forestières.

ENSEIGNER DES MÉTHODES D'EXPLOITATION FORESTIERE DURABLES

Au cours de la dernière décennie, du fait de la dégradation et de la disparition des ressources forestières dans d'autres régions du Brésil, le bassin de l'Amazone est devenu une source toujours plus importante de bois d'œuvre. Paragominas est actuellement au centre de la région la plus intensivement exploitée d'Amazonie; plus de 200 scieries marchent jour et nuit pendant les sept mois de saison sèche. Les bûcherons progressent vers l'ouest, laissant derrière eux des pistes d'exploitation, de nouveaux pâturages, les berges dénudées de la Capim et des bassins versants dégradés.

Les éleveurs et les bûcherons de Paragominas viennent soit du sud-est du Brésil, où la conversion des forêts denses côtières en champs destinés au pâturage ou à la culture a eu lieu il y a des décennies, voire des siècles, soit des savanes centrales où on ne trouve pas de forêts. C'est pourquoi ils considèrent souvent la forêt tropicale humide non comme une ressource en soi, qu'il convient de conserver et d'aménager, mais comme un obstacle qu'il faut s'empresser d'abattre pour convertir la terre à d'autres usages.

Par ailleurs, les pratiques d'exploitation sont souvent mauvaises. Jusqu'à une date récente, la plupart des bûcherons n'envisageaient pas la possibilité de revenir un jour sur la même terre pour l'exploiter à nouveau. Leur but était de prendre les grumes les plus précieuses avant que la terre ne soit brûlée et convertie en pâturage. Ils ne faisaient pas d'efforts pour favoriser la régénération ou éviter la dégradation (par exemple en planifiant les coupes de façon à éviter l'abattage d'autres essences précieuses ou en limitant les déblaiements). Les profits réalisés par les bûcherons et les propriétaires fonciers, surtout lorsque le gouvernement leur accordait des avantages fiscaux, suffisaient à couvrir les coûts entraînés par l'expansion des parcours.

Toutefois, l'inquiétude suscitée dans le monde par le déboisement des régions tropicales commence peu à peu à se refléter dans la politique des ressources naturelles du Brésil, et les mesures d'incitation qui favorisaient la conversion des forêts en parcours ont été progressivement supprimées. Depuis la fin des années 80, des chercheurs associés à l'Institut pour l'homme et l'environnement de l'Amazonie (IMAZON) travaillent avec les bûcherons pour trouver des techniques durables d'exploitation et d'utilisation des feuillus tropicaux. Les forestiers engagés dans le Projet bois d'IMAZON ont effectué une série d'études à Paragominas, qui ont permis de mieux comprendre le comportement des bûcherons et des éleveurs et d'identifier ainsi de nouvelles utilisations éventuelles des terres. Loin de critiquer les pratiques de ces bûcherons et éleveurs, les chercheurs ont découvert qu'elles étaient rationnelles, étant donné les incitations commerciales, l'information technique et le matériel disponibles dans la région. Comme IMAZON n'était pas en mesure de s'attaquer aux vastes questions relatives aux incitations commerciales et au régime foncier, il a lancé un programme visant à améliorer la base technique de l'aménagement forestier dans la région.

En accord avec un propriétaire foncier qui cherchait à vendre des droits d'exploitation du bois aux bûcherons, IMAZON a établi sur 50 ha une parcelle de recherche et de démonstration des techniques d'aménagement durable. Les mesures comprenaient une modification du système de sylviculture, notamment une réduction de la période de rotation de 90 à 30 ans, le marquage initial des arbres à abattre, l'arrachage des plantes grimpantes susceptibles d'entraîner la chute ou de casser les arbres voisins, l'emploi de cales pour orienter l'abattage et la planification du terrain pour réduire le plus possible l'étendue des pistes et les dégâts. On a utilisé de petits débusqueurs plutôt que des tracteurs à chenilles lourds, pour éviter d'endommager le sous-étage et de compacter le sol. Les efforts supplémentaires demandés par ces méthodes d'aménagement ont fait l'objet d'un suivi attentif.

Au début, le coût de la parcelle de démonstration s'est révélé légèrement supérieur à celui de la parcelle voisine où on exploitait parallèlement le bois selon les pratiques traditionnelles, alors que le volume de bois produit était moindre. Toutefois, si la production était plus élevée avec les pratiques traditionnelles, les dommages causés aux arbres restants l'étaient également, et le cycle de rotation nécessaire à la régénération de la forêt était de 90 ans. Avec les pratiques améliorées, ce cycle était ramené à 30 ans, d'où une augmentation considérable de la valeur productive du site.

Par ailleurs, si les pratiques d'exploitation traditionnelles étaient maintenues, les forêts de Paragominas seraient épuisées d'ici à la fin de la prochaine décennie, ce qui entraînerait une réduction de l'assiette de l'impôt et l'effondrement de l'économie locale, à moins que d'autres systèmes durables - non basés sur l'exploitation forestière - soient mis au point. Gérée rationnellement, la forêt pourrait fournir de la matière première indéfiniment, assurant ainsi des emplois, des revenus et des recettes publiques, par opposition au scénario actuel d'exploitation maximale des ressources jusqu'à leur épuisement.

Une fois ces études terminées, IMAZON a entrepris une série d'activités de vulgarisation visant à informer les bûcherons et les autres groupes des résultats obtenus. Une démonstration sur place des techniques d'extraction aménagées a été faite pendant la campagne d'abattage, avec la participation de directeurs de nombreuses entreprises locales d'exploitation forestière. Avec le soutien du Fonds mondial pour la nature (WWF-Brésil), une cassette vidéo de vulgarisation a été produite et largement diffusée à des fins d'éducation à l'environnement et de formation. Dans cette vidéo, des bûcherons adoptent avec enthousiasme des techniques d'aménagement moins agressives et plus durables, et décident d'utiliser le bois autrefois considéré comme déchet pour fabriquer des meubles, afin d'augmenter sa valeur et de développer l'emploi local.

Un manuel de vulgarisation qui décrit les pratiques appropriées est actuellement préparé par IMAZON; il sera largement diffusé et utilisé par les organismes d'Etat et fédéraux (voir l'encadré). Il contient une analyse financière qui montre que ceux qui optent pour un système durable voient leurs dépenses augmenter dans un premier temps, mais qu'ils pourront réduire la zone forestière à aménager à long terme pour la même production de bois, ce qui réduira les coûts afférents à la terre et au transport.

CONCLUSION

Les bûcherons et les communautés vivant dans les forêts de Paragominas se disputent l'exploitation et le contrôle de la même base de ressources. Encourager des utilisations des terres complémentaires, qui concilient les demandes contradictoires de ressources, est une tâche majeure pour les responsables de l'aménagement des forêts tropicales. Le succès des activités de vulgarisation concernant les produits forestiers non ligneux entreprises avec les communautés de la Capim et leurs voisins sera vain, à moins d'être accompagné d'efforts visant à promouvoir des pratiques durables d'exploitation du bois sur des zones réduites, pour alléger la pression sur des terres essentielles à la survie des communautés dépendant de la forêt.

Les résultats des activités novatrices de recherche et vulgarisation décrites plus haut représentent un progrès vers l'identification d'options viables à même de concilier les demandes contradictoires qui pèsent sur les ressources du bassin de l'Amazone. Mais d'autres voies doivent être explorées, et les succès doivent être accompagnés d'une modification des forces politiques et commerciales, qui actuellement ne favorisent guère l'adoption de pratiques durables d'aménagement forestier. Pour cela, il faut entreprendre des activités de vulgarisation non seulement auprès des bûcherons et des habitants des forêts, mais aussi des décideurs et du grand public, afin de mieux faire comprendre la valeur de la conservation des forêts et de leur exploitation rationnelle.

Ouvrages à consulter


Previous Page Top of Page Next Page