5.

Rien à perdre Qualité, sécurité sanitaire, pertes et gaspillage

Les aliments qui ne plaisent pas aux consommateurs ne sont ni vendus ni consommés. Les denrées contaminées par des agents pathogènes ou par des produits chimiques sont impropres à la consommation et ne peuvent pas être considérées comme des aliments. Des aliments sont perdus ou gaspillés tout au long de la chaîne de valeur, des champs à la cuisine ou à l’assiette. Périssables et fragiles, les fruits et légumes sont d’autant plus exposés au risque de ne pas être consommés (FAO, 2019, p. 32).

Le présent chapitre est axé sur quatre problèmes: la qualité des aliments, la sécurité sanitaire des aliments, les pertes et le gaspillage alimentaires. Il expose les facteurs qui déterminent chacun de ces problèmes et décrit comment assurer la qualité et la sécurité sanitaire, tout en réduisant au maximum les pertes et le gaspillage de nourriture.

Qualité

Dans tous les marchés et magasins du monde, les acheteurs choisissent les fruits et les légumes en fonction de leur aspect. Ils veulent des tomates fermes, des bananes jaunes, des laitues qui ne sont pas flétries, des pommes sans vers, des mangues sans tâches et des épinards frais. Les négociants trient constamment leurs stocks pour se débarrasser des produits abîmés ou dégradés. Les supermarchés emballent les produits fragiles pour éviter que ceux-ci ne s’abîment et prolonger leur durée de vie. Les épiciers aspergent de l’eau sur leurs produits afin de les protéger des mouches et de préserver la fraîcheur des feuilles.

© FAO/Heba Khamis
© FAO/Heba Khamis

Par définition, les attentes et les perceptions des consommateurs déterminent également leur perception de la qualité des aliments (encadré 6). Un produit inacceptable pour un consommateur peut être parfaitement acceptable pour un autre. Les consommateurs évaluent souvent la qualité de manière subjective. Leurs choix sont effectués en fonction de leurs attentes. Les entreprises utilisent des normes de qualité fondées sur des mesures objectives, alimentées par des données sur la température, la fermeté, la teneur en sucre ainsi que les prévisions concernant la durée de vie des produits frais.

Encadré 6. Qualité et sécurité sanitaire des aliments

La qualité des aliments décrit les caractéristiques qui ont une influence sur la valeur d’un aliment et le rendent acceptable ou souhaitable aux yeux du consommateur. La qualité idéale varie donc en fonction des pays et des cultures.

La sécurité sanitaire des aliments est l’assurance que les aliments ne causeront pas de dommages aux consommateurs quand ils sont préparés et/ou consommés conformément à l’usage auquel ils sont destinés (CXC, 1969). Contrairement à la qualité des aliments, la sécurité sanitaire des aliments est une exigence non négociable.

La qualité est particulièrement importante au niveau des marchés et surtout des marchés de produits à valeur élevée tels que les marchés d’exportation, les supermarchés, les hôtels et les restaurants. Les normes de qualité commerciale pour les fruits et légumes sont élaborées et approuvées par la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe, par l’intermédiaire du Groupe de travail sur les normes de qualité des produits agricoles (CEE, 2020). Ces normes internationales facilitent les échanges commerciaux, encouragent une production de haute qualité, améliorent la rentabilité et protègent les intérêts du consommateur. Elles sont utilisées par les gouvernements, les producteurs, les négociants, les importateurs et les exportateurs, ainsi que les organisations internationales.

Les parties prenantes qui interviennent tout au long de la chaîne de valeur mettent l’accent sur différents aspects de la qualité.

  • Les producteurs privilégient des facteurs tels que le rendement, la résistance aux ravageurs et aux maladies et la facilité de récolte.
  • Les grossistes et les détaillants accordent la priorité à la taille, à la forme, à la couleur et à la sécurité sanitaire. Ils exigent souvent que les produits respectent des normes internes ou établies par le secteur.
  • Les consommateurs s’intéressent davantage à l’aspect visuel, à la texture, à la fermeté et aux propriétés sensorielles et nutritives.

Facteurs influant sur la qualité

La qualité des fruits et des légumes est influencée par des facteurs extrinsèques et intrinsèques. Parmi les facteurs extrinsèques figurent l’environnement de production, la manière dont les produits sont manipulés au cours de la récolte et à divers stades de la chaîne d’approvisionnement, et la façon dont ils sont conditionnés et vendus aux consommateurs. Les facteurs intrinsèques concernent les aliments eux-mêmes, leur apparence visuelle (taille, forme et couleur), leur texture, leur fermeté, leurs propriétés sensorielles et nutritives et leur sécurité sanitaire. Toutes ces caractéristiques ont un intérêt et une valeur pour les consommateurs.

La meilleure façon de procéder à la manipulation et au conditionnement dépend du type de produit. Les bananes, par exemple, doivent être maintenues à une température de 12 à 15 °C. Les choux-fleurs nécessitent des températures plus fraîches (0 à 5 °C). Les produits continuent de respirer au cours de l’entreposage, consomment l’oxygène qui se trouve à l’intérieur des emballages et rejettent du dioxyde de carbone, ce qui ralentit le processus de vieillissement et prolonge la durée de conservation. Cependant, si l’emballage est hermétique, l’oxygène disponible ne sera pas suffisant et le produit ne survivra pas. C’est la raison pour laquelle les emballages en plastique sont souvent perforés afin de permettre à l’oxygène d’atteindre le contenu en quantité contrôlée (MAP, 2012). L’éthylène émis par les fruits accélère le mûrissement, le vieillissement et éventuellement le pourrissement. Les bananes mûres (qui émettent beaucoup d’éthylène) accélèrent le mûrissement des pommes si elles sont placées à côté de celles-ci.

© FAO/Heba Khamis
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Critères selon lesquels les consommateurs achètent des produits

Les consommateurs achètent des produits frais en fonction de caractéristiques fondées sur l’examen du produit, l’expérience et la confiance du consommateur (encadré 7).

  • Les caractéristiques fondées sur l’examen du produit sont observées au niveau de l’apparence du produit. Le consommateur peut constater le degré de maturité du fruit (fruit trop mûr ou abîmé) et prendre la décision de l’acheter ou non.
  • Les caractéristiques fondées sur l’expérience du consommateur ne peuvent être constatées qu’après l’achat. Le consommateur découvre la qualité gustative et la texture du fruit en le consommant.
  • Les caractéristiques fondées sur la confiance dépendent des informations fournies par le vendeur ou des allégations de ce dernier: Le produit peut-il être consommé sans risque? A-t-il été cultivé localement? Est-il issu de l’agriculture biologique? Est-il exempt de résidus de pesticides? De telles informations peuvent être indiquées sur une étiquette. Cependant, les fruits et légumes frais sont souvent vendus sans emballage ni étiquette. Le consommateur doit également avoir confiance dans ce qui est imprimé car il n’est pas en mesure de vérifier les allégations du vendeur au moment de l’achat.

Encadré 7. Caractéristiques qualitatives perçues par les consommateurs

Caractéristiques fondées sur l’examen du produit

Vérifiables au moment de l’achat.

  • Couleur, taille, fermeté, tâches

Caractéristiques fondées sur l’expérience du consommateur

Evident only after purchase, but influence whether someone buys the same produce item again.

  • Goût, texture, qualité de cuisson

Caractéristiques fondées sur la confiance

Ne peuvent être évaluées ni avant ni après l’achat; dépendent de la crédibilité du fournisseur. Sont souvent indiquées sur les étiquettes.

  • Sécurité sanitaire des aliments (parfois)
  • Agriculture biologique, commerce équitable, origine locale, résidus de pesticides

Adapté de Rezare Systems (2020)

Normes

Les organismes internationaux (en particulier la Commission FAO/OMS du Codex Alimentarius), les gouvernements, les secteurs d’activité, les entreprises individuelles et les organisations non gouvernementales établissent des normes ou des réglementations techniques pour garantir la qualité et la sécurité sanitaire des produits. Ces normes ou réglementations techniques s’appuient sur des systèmes de contrôle des aliments incluant inspections, certifications et sanctions en cas de non-conformité. Elles sont conçues pour assurer la sécurité sanitaire et la qualité des produits et garantir aux acheteurs que la production et la transformation ont été réalisées suivant des procédés spécifiques.

Les normes et la certification sont particulièrement utiles en cas de problèmes d’asymétrie de l’information, notamment lorsque acheteurs et consommateurs ne peuvent pas évaluer facilement la sécurité sanitaire et la qualité de certains aspects des produits ou des processus de production. Le respect de l’environnement dans le cadre de la production biologique en est un exemple. Il s’agit d’une «caractéristique fondée sur la confiance» car les consommateurs ne sont pas en mesure de vérifier qu’un article a bien été produit de manière biologique (Caswell et Mojduszka, 1996). Les systèmes de certification (et l’étiquetage des produits certifiés) ont pour but de fournir une vérification ou une «preuve» de la conformité à certaines normes.

Normes internationales (Commission FAO/OMS du Codex Alimentarius). Le Codex Alimentarius est un «code alimentaire» qui réunit un ensemble de normes alimentaires, de directives et de codes d’usages élaborés par des experts et des spécialistes indépendants dans toute une gamme de disciplines, afin d’assurer que ces normes, directives et codes d’usages puissent résister à l’examen scientifique le plus rigoureux (tableau 2). Le Codex a été établi par la FAO et par l’OMS en 1963, en vue de protéger la santé du consommateur et de promouvoir des pratiques loyales dans le domaine du commerce des aliments. Il constitue la base sur laquelle reposent les réglementations nationales des pays en matière d’alimentation. Ces normes permettent aux entreprises d’effectuer des échanges commerciaux en ayant l’assurance que les produits qu’elles achètent sont conformes à des spécifications reconnues au niveau international. Les normes du Codex couvrent les exigences générales de qualité, une liste de pesticides autorisés, les limites acceptables applicables aux différentes classes de pesticides approuvés, les traitements après récolte tels que l’enrobage à la cire, les exigences relatives à l’étiquetage et au conditionnement, ainsi que les limites autorisées pour les contaminants. En l’absence de telles normes, le commerce international des produits alimentaires serait beaucoup plus difficile.

Tableau 2. Respect des normes et sécurité sanitaire

Relations interentreprises. Les normes privées telles que la Global Standard du BRC pour la sécurité sanitaire des aliments (BRCGS, 2020) sont généralement des arrangements établis entre les entreprises. La certification donne l’assurance aux acheteurs que le fournisseur respecte bien les normes de qualité, même si certaines marques de qualité sont aussi parfois promues directement auprès des consommateurs.

Entreprise à consommateurs. Les normes relatives à la durabilité ou à la protection de l’environnement sont généralement basées sur un modèle «entreprise à consommateurs». Il en est de même pour les normes ayant trait à des marchés spécialisés tels que les produits biologiques. Les produits certifiés sont souvent commercialisés au point de vente avec une étiquette. Les étiquettes sur lesquelles figurent des «caractéristiques fondées sur la confiance» telles que l’agriculture biologique ou le commerce équitable font partie de cette catégorie (encadré 7).

Lorsque des normes sont imposées par des pouvoirs publics (notamment les normes ISO [ISO 2017]) ou par des organisations non gouvernementales (GlobalG.A.P. par exemple [voir GlobalG.A.P., 2020]), le consommateur peut raisonnablement s’attendre à ce que le produit corresponde réellement à ce qui est indiqué sur l’étiquette. De nombreuses entreprises ajoutent cependant leurs propres étiquettes non soumises à vérification indépendante.

Sécurité sanitaire

Les fruits et légumes peuvent être riches en vitamines et autres nutriments, mais que se passe t-il s’ils ne peuvent pas être consommés en toute sécurité? Ils n’apportent alors aucun bénéfice aux consommateurs et peuvent provoquer des maladies voir s’avérer létaux. De tels produits ne peuvent pas être considérés comme des aliments. Ils peuvent contenir des agents pathogènes dangereux ou avoir été contaminés par des produits chimiques. Le lavage, l’épluchage et la cuisson peuvent contribuer à éliminer certains de ces dangers (occasionnant toutefois parfois la perte de certains nutriments). De nombreux fruits sont consommés crus et non pelés, ce qui est également le cas pour les salades, les concombres, les germes de soja et d’autres légumes.

© FAO/Karen Minasyan
© FAO/Karen Minasyan

Les consommateurs peuvent facilement percevoir la mauvaise qualité des fruits et des légumes et refuser de les acheter. Les problèmes de sécurité sanitaire des aliments, quant à eux, ne peuvent être détectés tant que le produit n’a pas été consommé. Ils peuvent occasionner des risques immédiats pour la santé, notamment l’intoxication alimentaire par la bactérie E. coli, ou des problèmes sur le long terme, tels que la contamination par des métaux lourds.

Maladies d’origine alimentaire

Les épidémies de maladies d’origine alimentaire peuvent avoir des conséquences catastrophiques pour les consommateurs aussi bien que pour les producteurs. Lorsqu’il existe des risques pour la sécurité sanitaire des aliments, certains produits peuvent être exclus du marché, ce qui occasionne de lourdes pertes économiques pour les producteurs, les transformateurs et les négociants. Assurer la sécurité sanitaire des aliments doit donc toujours primer sur la réalisation de niveaux élevés d’autres caractéristiques qualitatives.

On estime que les aliments sont responsables, chaque année, de près de 600 millions de maladies et de 420 000 décès à travers le monde (OMS, 2015). Selon des évaluations effectuées par la Banque mondiale dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, les maladies causées par la consommation d’aliments impropres à la consommation coûteraient chaque année, à elles seules, un montant de 110 milliards d’USD, en termes de perte de productivité, d’opportunités commerciales manquées et de frais médicaux (Jaffee et al., 2019).

Ces maladies sont souvent associées à deux principaux groupes d’aliments: les fruits et légumes et les produits d’origine animale (Département de la santé du Minnesota). Les produits frais contenant des quantités excessives de résidus de substances chimiques, ou exposés à la pollution ou à la contamination bactérienne, ont été associés à l’apparition, au cours des dernières années, de toute une série de foyers de maladies d’origine alimentaire à travers le monde (Hussain et Gooneratne, 2017). Les fruits et légumes qui peuvent être consommés crus, et en particulier ceux qui ne sont ni épluchés ni lavés à l’eau propre, peuvent transmettre des agents pathogènes et des substances chimiques dangereux (OMS, 2005). Le public est plus que jamais préoccupé par de tels risques pour la santé.

Contrôle de la sécurité sanitaire

Le contrôle de la sécurité sanitaire protège à la fois la santé du consommateur et les intérêts commerciaux, en assurant que les produits échangés sont conformes aux normes de sécurité sanitaire des aliments et propres à la consommation. La contamination des produits peut avoir lieu tout au long de la chaîne de valeur. Les contrôles doivent donc être effectués à tous les niveaux (tableau 3).

Tableau 3. Risques de sécurité sanitaire des aliments au long de la chaîne de valeur

Source: FAO (2004)

Source: FAO (2004)

Bonnes pratiques. La FAO publie également des recommandations de bonnes pratiques à adopter dans les domaines de l’agriculture, de la fabrication et de l’hygiène, en ce qui concerne les fruits et les légumes. Ces bonnes pratiques visent à aider les agriculteurs, les négociants et les transformateurs à respecter les normes fixées par le Codex Alimentarius.

Procédures opérationnelles standard. Il s’agit de descriptions écrites, détaillées et accessibles, expliquant comment effectuer chaque opération. Elles permettent d’assurer que les opérations (maintenance, assainissement, lutte contre les ravageurs et traitement des déchets) sont effectuées de manière efficace et appropriée.

Système d’analyse des risques - points critiques pour leur maîtrise. La méthode HACCP est fondée sur un système qui a été mis au point aux États-Unis d’Amérique par l’Administration nationale pour l’aéronautique et l’espace (NASA) en vue d’assurer que les astronautes ne contractent pas de maladies d’origine alimentaire au cours de leurs missions dans l’espace. Plutôt que de tester le produit final, cette méthode permet de recenser les points critiques du système de production, de déterminer les problèmes qui sont susceptibles de se poser à ces endroits et de les éliminer. Elle revêt une importance particulière pour les produits alimentaires car elle permet d’éviter que ceux-ci ne deviennent impropres à la consommation et de prévenir les gaspillages inutiles.

© FAO/Luis Tato
© FAO/Luis Tato

Traçabilité. Il s’agit de la capacité à suivre («retracer») les déplacements d’un produit alimentaire lorsque celui-ci passe par différents stades, de la production à la consommation (encadré 8). En cas de problème de sécurité sanitaire, la source du problème sera rapidement repérée et les lots provenant de cette source retirés du marché. La traçabilité permet également de fournir des informations fiables concernant les produits et de garantir leur authenticité, notamment en ce qui concerne les produits régionaux ou biologiques.

Encadré 8. Innovation et traçabilité

Incontournable dans les chaînes d’approvisionnement de fruits et de légumes, la traçabilité permet d’atténuer et de gérer les risques associés aux rappels d’aliments pour des raisons de sécurité sanitaire.

Les nouvelles pratiques de traçabilité qui utilisent les technologies numériques contribuent à garantir la sécurité sanitaire et la qualité des aliments, à optimiser les chaînes d’approvisionnement et à réduire les pertes en facilitant la détection des problèmes d’altération.

La technologie des chaînes de blocs est une méthode de traçabilité de plus en plus utilisée car elle permet de connecter les documents numérisés et les évènements de toutes les parties prenantes sous un format résistant aux falsifications. Il est possible d’avoir accès aux informations n’importe où et n’importe quand, mais celles-ci ne peuvent être ni modifiées ni effacées.

Responsabilité de la sécurité sanitaire des aliments

Différentes parties prenantes sont responsables de la sécurité sanitaire des aliments.

Les gouvernements nationaux ont la responsabilité d’établir des systèmes nationaux de contrôle des aliments qui reposent sur des instruments juridiques et stratégiques appropriés, un personnel qualifié, un cadre institutionnel solide et des actifs financiers, du matériel et des infrastructures permettant d’effectuer les inspections. Ils font appliquer les normes et imposent des sanctions en cas d’infraction ou de non-conformité. Les comités nationaux du Codex facilitent l’harmonisation des réglementations nationales avec le Codex, assurent la coordination entre les parties prenantes nationales et contribuent à l’élaboration des normes du Codex et des textes apparentés.

Les gouvernements nationaux sont également chargés de veiller à ce que les infrastructures de soutien permettent un approvisionnement de fruits et de légumes propres à la consommation en quantités suffisantes, notamment les routes permettant d’avoir accès aux marchés, l’approvisionnement en eau, l’électricité nécessaire pour le matériel et les systèmes de refroidissement, l’accès aux laboratoires et les installations d’entreposage adéquates.

Le secteur privé (des producteurs aux détaillants) a la responsabilité d’assurer la conformité tout au long de la chaîne alimentaire, ainsi que la mise à disposition des installations, des systèmes, des outils et du personnel qualifié nécessaires.

La FAO et l’OMS fournissent des orientations et des avis scientifiques et renforcent les capacités à l’appui de la sécurité sanitaire et de la qualité des aliments, notamment en aidant les pays à mettre en place et/ou à consolider des systèmes nationaux de contrôle des aliments.

Le Codex Alimentarius élabore des normes alimentaires reconnues à l’échelle internationale (pour des fruits et des légumes spécifiques, à l’état frais ou transformés), ainsi que des codes d’usages recommandés et des directives relatives à l’étiquetage, au conditionnement et au transport (CXC, 1995, 2003).

Maillons faibles de la chaîne

Inspection, certification et mise en application. L’inspection et la certification de la sécurité sanitaire des aliments font partie du système officiel de contrôle des aliments, mais ne sont pas toujours suffisants. Parmi les problèmes rencontrés, l’absence de mécanismes efficaces de communication et de coordination occasionnant doubles emplois et/ou défaillances, le manque de matériel, de moyens de transport et de personnel correctement formé, la mauvaise application des normes et un cadre juridique inadapté. Dans la tranche supérieure du marché, les entreprises privées imposent leurs propres normes et les petits exploitants éprouvent parfois des difficultés à les appliquer.

Commerce local et consommation des ménages. Une grande partie des fruits et des légumes sont commercialisés à l’échelle locale ou consommés par ceux qui les cultivent. Au niveau de la consommation, les normes officielles sont rarement appliquées. Les consommateurs ou les commerçants doivent eux-mêmes éliminer les produits non conformes aux normes. Cependant, il peut s’avérer difficile pour eux de détecter les problèmes de sécurité sanitaire des aliments simplement en observant les produits proposés. De la même façon, les cultivateurs ne sont pas toujours en mesure de déterminer s’il y a eu contamination suite à un usage inapproprié de produits chimiques ou à l’utilisation d’une eau contaminée à des fins d’irrigation. Lorsqu’ils sont conscients de telles situations, ils peuvent choisir de garder le silence afin de vendre leurs produits et de percevoir des revenus pour leurs familles.

Comportement des consommateurs. L’épluchage des fruits et des légumes et le lavage à l’eau propre peuvent contribuer à éliminer ou à réduire les contaminants présents en surface. Mais l’accès à de l’eau propre et potable n’est pas universel. Néanmoins, les campagnes d’information visant à encourager l’hygiène au niveau des points d’utilisation peuvent contribuer fortement à rendre ces produits nutritifs propres à la consommation.

Pertes et gaspillage

Chaque année, des quantités énormes d’aliments sont perdues ou gaspillées. Cet constat vaut surtout pour les fruits et légumes, pour la plupart particulièrement périssables. Les pertes et le gaspillage de fruits et de légumes représentent un gaspillage de nutriments.

Pertes et gaspillage sont deux choses différentes (tableau 4). Les pertes après-récolte se produisent tout au long de la chaîne d’approvisionnement, de la récolte à l’arrivée sur les marchés de gros. Le gaspillage de nourriture a lieu principalement lors de la vente au détail, dans le secteur des services de restauration et au sein des ménages.

Tableau 4. Pertes et gaspillage alimentaires

Source: FAO (2019), p. 5

Source: FAO (2019), p. 5

Quelle est la quantité perdue ou gaspillée?

Selon une synthèse de nombreuses études évaluant les pertes et le gaspillage alimentaires dans trois régions du monde (FAO, 2019), les pertes après-récolte étaient élevées à la fois en Asie de l’Est et du Sud-Est et en Afrique subsaharienne (barres colorées, figure 13), l’accent étant mis sur différents axes («points critiques», encadré 9). En Asie de l’Est et du Sud-Est, les pertes les plus élevées se produisaient au cours de l’entreposage (pertes d’une valeur médiane supérieure à 20 pour cent), de la transformation et du conditionnement. En Afrique subsaharienne, les pertes les plus élevées se produisaient au sein des exploitations agricoles et sur les marchés de gros. En Asie centrale et en Asie du Sud, les pertes et le gaspillage avaient tendance à être inférieurs, les pertes les plus importantes se produisant au cours du transport.

Figure 13. Pertes et gaspillage de fruits et de légumes

D’après la FAO (2019), p. 26. Sur la base de 660 observations (aberrations exclues).

D’après la FAO (2019), p. 26. Sur la base de 660 observations (aberrations exclues).

Encadré 9. Points critiques

On entend par points critiques les endroits de la chaîne d’approvisionnement où les pertes alimentaires sont les plus importantes, ont l’incidence la plus marquée sur la sécurité alimentaire et présentent les composantes économiques les plus significatives (FAO, 2019).

Ces valeurs médianes masquent des variations énormes. Selon certaines études, jusqu’à 50 pour cent des fruits et des légumes étaient perdus au cours de l’entreposage (en Asie de l’Est et du Sud-Est) et sur les exploitations (en Afrique subsaharienne) (représentées par des lignes en T, figure 13). Il existerait donc un fort potentiel d’amélioration des filières dans toutes les régions.

Causes des pertes et du gaspillage

Les pertes et le gaspillage sont systémiques et se produisent tout le long de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, de l’après-récolte à la vente au détail. Les pertes les plus importantes sont observées dans les pays en développement en raison du manque de technologies et d’infrastructures (FAO, 2019) ainsi que des connaissances limitées des parties prenantes de la chaîne d’approvisionnement. Aux stades de la vente au détail et de l’achat par les consommateurs, les pertes sont le plus souvent causées par des problèmes de comportements, un entreposage inapproprié et la manipulation excessive des fruits et des légumes.

Des pertes importantes en termes de qualité et de quantité sont observées dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, où les exploitations agricoles et les activités rurales sont mal organisées, et qui ont recours à des techniques et à des méthodes rudimentaires. Les pertes encourues par les petits exploitants de ces pays sont principalement dues au mauvais fonctionnement des chaînes d’approvisionnement. Les problèmes rencontrés sont notamment les capacités techniques limitées, une production et des pratiques de manutention insatisfaisantes, des infrastructures inappropriées (routes de desserte, eau potable, électricité et installations de conditionnement), ainsi que des capacités insuffisantes en matière de conditionnement, de transport et d’entreposage, et des cadres institutionnels et juridiques inadaptés. Un mauvais conditionnement en vrac entraîne des pertes au cours du transport (encadré 10 et FAO, 2017). Dans les climats chauds et humides, les produits sont rapidement abîmés par des levures et des moisissures s’ils ne sont pas maintenus à l’ombre ou réfrigérés. Les aliments contaminés non conformes aux critères de sécurité sanitaire sont impropres à la consommation humaine et doivent être éliminés. Malgré une apparence parfaite, les produits peuvent être contaminés par des micro-organismes et présenter des risques pour la santé des consommateurs.

Encadré 10. Diminuer les pertes de mangues

Selon une étude réalisée par l’Université des Philippines à Los Baños (FAO, 2020), le transport constitue le point critique de la filière des mangues aux Philippines. Les types de dommages mécaniques incluent coupures et perforations (1 pour cent), compression (1,9 pour cent), abrasion (2,8 pour cent), écrasement (2 pour cent) et marques laissées par les paniers en bambou (3,8 pour cent) utilisés pour transporter les mangues vers les marchés de gros. En cinq jours, 90 pour cent de mangues présentent des dommages mécaniques lors de la vente au détail, entraînant le pourrissement et de lourdes pertes économiques.

Un meilleur conditionnement permet de réduire ces problèmes. L’utilisation de caisses rigides à claire-voie en plastique au lieu des paniers en bambou diminue les dommages et les pertes et améliore la qualité des mangues et leur durée de vie sur les marchés.

Le gaspillage de nourriture peut être occasionné par l’application, au stade de la vente au détail, de normes strictes relatives à la qualité commerciale, qui mettent l’accent sur l’attrait esthétique. Les «fruits laids» sont rejetés même s’ils sont parfaitement sains et propres à la consommation sur le plan nutritionnel et du point de vue de la sécurité sanitaire: concombres tordus, haricots verts dont la forme n’est pas parfaitement régulière et tomates qui ne sont pas uniformément mûres.

Conséquences des pertes et du gaspillage

De toute évidence, les enfants atteints de malnutrition sont affamés lorsqu’ils n’ont pas accès à la nourriture. Les taux élevés de pertes alimentaires et de gaspillage de nourriture constituent un gaspillage de nutriments et d’argent et se traduisent par une perte de profit au niveau de la production et de la chaîne de valeur, une baisse des revenus pour les producteurs et une hausse des coûts pour les consommateurs. Les petits producteurs et les consommateurs qui disposent de peu de moyens sont les plus durement touchés.

Les aliments contaminés (par des agents pathogènes, des toxines ou des substances chimiques) peuvent paraître de bonne qualité mais doivent être éliminés car ils présentent un risque pour la santé.

Les pertes et le gaspillage se traduisent également par un gaspillage d’intrants, de terres, d’eau, d’énergie et d’autres ressources utilisées pour cultiver, transformer et manipuler les produits, ce qui augmente les émissions de gaz à effet de serre qui contribuent au réchauffement planétaire. Bon nombre de consommateurs ne réalisent pas que le gaspillage de nourriture est associé à ces problèmes.

Réduire les pertes et le gaspillage

Les techniques de gestion après récolte ont pour objectif de gérer et de préserver la qualité des aliments après la récolte et de réduire les pertes. Dans le cadre des chaînes d’approvisionnement traditionnelles (prédominant dans les pays en développement), les produits frais doivent être récoltés au stade de maturité approprié, triés et débarrassés des éléments avariés, lavés selon qu’il convient, séchés et correctement conditionnés pour le transport.

© FAO/Pedro Costa Gomes
© FAO/Pedro Costa Gomes

Les traitements après-récolte, tels que les traitements thermiques à l’eau chaude et à la vapeur, réduisent les infestations de ravageurs et de maladies avant la récolte, pour certaines espèces cultivées telles que la mangue et la papaye. Afin de diminuer le gaspillage, les consommateurs doivent planifier leurs achats de fruits et de légumes et les entreposer correctement (Esguerra et al., 2017).

Les produits frais doivent être conditionnés de préférence dans des contenants rigides qui permettent de réduire les dommages mécaniques (Rapusas et Rolle, 2009). Au cours du transport, l’air doit pouvoir circuler autour du produit et les diminutions de la teneur en eau doivent être réduites au maximum afin d’éviter le flétrissement ou le racornissement, la perte de poids et de qualité. L’amélioration du conditionnement et du transport permettent de diminuer les dommages mécaniques, de limiter la manipulation et d’accélérer la livraison aux détaillants et aux consommateurs. À l’arrivée dans les marchés de gros, les produits doivent être triés et reconditionnés en fonction de la demande des consommateurs.

La réfrigération au cours du transport peut contribuer à ralentir la croissance de certains micro-organismes et le pourrissement des produits de bonne qualité, à augmenter la durée de vie et à réduire les pertes et le gaspillage de fruits et de légumes. Incontournable dans les chaînes d’approvisionnement de fruits et de légumes, la traçabilité permet d’atténuer et de gérer les risques associés aux rappels d’aliments pour des raisons de sécurité sanitaire. Les nouvelles pratiques de traçabilité qui utilisent les technologies numériques contribuent à garantir la sécurité sanitaire et la qualité des aliments, à optimiser les chaînes d’approvisionnement et à réduire les pertes en facilitant la détection des problèmes d’altération (WEF, 2019). Une gamme de plus en plus importante de capteurs permet de surveiller la température ainsi que d’autres paramètres en temps réel, au cours du transport, et contribue grandement à assurer la sécurité sanitaire et la qualité des aliments acheminés le long des chaînes d’approvisionnement.

Le non-respect des mesures établies aux fins de la sécurité sanitaire des aliments peut conduire à des pertes commerciales plus élevées, notamment lorsque les aliments sont éliminés parce que les résidus de pesticides qu’ils contiennent dépassent les limites autorisées. Dans un monde où 690 millions de personnes s’endorment chaque soir l’estomac vide et où 3 milliards de personnes ne peuvent pas se permettre une alimentation saine, gaspiller de la nourriture pour des raisons d’attrait esthétique est moralement inacceptable. Les consommateurs devraient avoir la possibilité d’acheter des «produits laids» mais sains, même s’ils ne correspondent pas à des normes esthétiques. De tels produits sont aussi riches en nutriments que les aliments plus attirants d’un point de vue esthétique. La vente de tels produits à un prix inférieur pourrait particulièrement bénéficier aux consommateurs plus pauvres.

Les solutions incluent des mesures d’incitation à l’appui de technologies pour améliorer la manutention, des partenariats public-privé pour résoudre les problèmes liés aux infrastructures et à la commercialisation, des innovations permettant de diffuser les bonnes pratiques à grande échelle, et la formation des parties prenantes de la chaîne d’approvisionnement.

L’importance croissante du rôle des supermarchés dans la majeure partie du monde oblige les producteurs à se conformer aux normes de qualité. L’assouplissement de ces normes est toutefois de plus en plus envisagé afin de réduire le gaspillage. Il convient cependant de ne pas perdre de vue les taux élevés de gaspillage au niveau de la vente au détail, en particulier dans le contexte actuel de la pandémie de covid-19. Parallèlement, des efforts doivent être consentis afin de veiller à ce que les petits exploitants puissent tirer parti des débouchés commerciaux et soient en mesure de fournir les volumes et la qualité demandés.