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2. Le contrôle et les SADA

La société africaine traditionnellement rurale est en train de passer à une société urbaine. La transformation d’un artisanat familial en système plus ou moins industriel s’accompagne d’une concentration de population et met à rude épreuve les systèmes de production et de distribution alimentaires. Le développement inconsidéré des villes engendre des conditions de vie défavorables car les centres urbains sont mal préparés à accueillir une telle masse humaine qui n’est pas sans soulever des problèmes d’assainissement des villes et, en conséquence, des risques pour la santé publique. En zone urbaine, on assiste à une transformation importante de la société. On ne produit plus ce que l’on consomme. La majeure partie des citadins ne peut plus produire sa propre nourriture et compte exclusivement sur les aliments fabriqués et vendus par d’autres.

La grande quantité de vivres nécessaires dans les centres urbains, les difficultés d’approvisionnement et les risques de pénurie ou de surrenchérissement des produits en découlant créent un terrain favorable à l’adultération d’une part, et ouvre la porte aux importations alimentaires d’autre part, pour compenser l’insuffisance de production ou faciliter l’approvisionnement des populations urbaines en aliments peu coûteux.

Par ailleurs, l’allongement de la chaîne alimentaire entre le producteur et le consommateur et la transformation de plus en plus complexe et centralisée des aliments multiplient les points de contamination possibles: lors de longues périodes de stockage ou de transport des aliments, lors de l’utilisation de technologies appropriées pas toujours bien assimilées dans la transformation industrielle ou semi-industrielle des produits alimentaires, par le faible niveau d’éducation des personnels du secteur agroalimentaire et par l’usage de mauvaises pratiques hygiéniques dans la chaîne alimentaire, de la fabrication, manipulation, distribution à la commercialisation des aliments.

Ces différents facteurs rendent nécessaire pour les pays de se doter d’un service efficace de contrôle des aliments afin d’assurer un approvisionnement en produits alimentaires sains et présentés de façon loyale, et de protéger leur population contre des denrées contaminées, décomposées ou adultérées pouvant être nocives pour la santé ou emballées de façon trompeuse. Il vaut aussi la peine ici de mentionner certains objectifs que des activités de contrôle alimentaire bien menées peuvent permettre d’atteindre dans les systèmes d’approvisionnement, notamment: empêcher les pertes évitables de produits alimentaires après la récolte, durant le stockage et la distribution en particulier, améliorer la disponibilité alimentaire et donc la nutrition des populations, encourager le développement méthodique des industries agroalimentaires, faciliter le commerce des denrées alimentaires, prévenir les pertes occasionnées par l’importation d’aliments impropres à la consommation ou de qualité inférieure. Le contrôle alimentaire qui, il y a de nombreuses années, n’était vu que comme une mesure strictement policière, n’a plus à démontrer son rôle dans le développement économique d’une nation et l’approvisionnement des populations en denrées propres à la consommation.

On ne peut donc parler de chaîne alimentaire, préparation, stockage, distribution, transport, commercialisation et consommation, sans tenir compte des concepts fondamentaux qui jouent un rôle non négligeable dans ce secteur, à savoir les aspects qualitatifs liés à ces aliments et leurs conséquences en terme de santé publique, d’une part, et sur les échanges commerciaux d’autre part.

Les sources de contamination ou d’adultération potentielles sont nombreuses dans un système d’approvisionnement alimentaire. Elles rendent encore plus nécessaire pour le pays de disposer d’un système de contrôle et d’assurance de la qualité des aliments. Il faut s’assurer en effet que, par exemple, après leur fumigation durant leur transport, certains fruits ne seront pas recontaminés ultérieurement lors de leur entreposage. Il faut s’assurer que cette fumigation ne se fait pas avec des produits non autorisés ou dans des conditions amenant la présence de résidus chimiques en quantité excessive et donc pouvant créer des problèmes de santé publique ou la destruction du lot ainsi traité. Quel serait l’avenir de la commercialisation d’un produit local contaminé lors de son stockage défectueux au niveau des grossistes ou autres répartiteurs? On peut aisément prévoir les conséquences d’une désaffection des consommateurs pour le produit en général, d’où perte de marché potentiel et atteintes diverses de tous les intervenants de la filière, du producteur au commerçant: coûts additionnels de reconditionnement, de destruction, de décontamination par exemple. On peut aussi penser aux risques auxquels sont exposés les consommateurs: risques nutritionnels (dégradation de la valeur nutritionnelle du produit) ou risques de contamination (et maladies possibles chez le consommateur).

Par ailleurs, de nombreuses formes de falsification et de contamination flagrantes des denrées ont encore lieu de nos jours, surtout dans les pays dépourvus de systèmes efficaces de contrôle de la qualité. On peut mentionner rapidement les fraudes liées aux poids et mesures. Mais l’identité même d’un produit peut être hasardeuse. Il est courant de trouver sur le marché par exemple du «jus de fruit» qui ne se compose que d’eau, d’édulcorant et de colorant. Ailleurs, le sel contient du sable, les épices de la cendre, signes de falsification par des matières étrangères. Parfois le sel «iodé» ne contient pas d’iode. Des colorants, des aromatisants, des agents de conservation, et même des produits chimiques dangereux, sont utilisés pour donner une apparence de fraîcheur ou de bonne qualité à des viandes abîmées ou avariées. L’exemple de l’adjonction d’eau dans le lait peut être évoqué pour ses bénéfices illicites pour certains mais aussi pour les pertes nutritionnelles sur le produit, les risques de contamination par l’eau ajoutée, les difficultés technologiques et les coûts de ces difficultés dans les processus de transformation à l’échelle industrielle ou artisanale.

Bien que la contamination chimique des aliments soit aussi un problème, la plupart des maladies liées à l’ingestion de denrées alimentaires sont actuellement provoquées par des agents microbiologiques, biologiques ou par leurs toxines. Le suivi de pratiques hygiéniques appropriées suffit à prévenir ce type de contamination des approvisionnements alimentaires, réduisant ainsi au minimum la détérioration des denrées et les vecteurs de ces contaminants. Un approvisionnement en eau saine est souvent indispensable pour la transformation des aliments et le maintien des conditions hygiéniques à diverses étapes. C’est aux services de contrôle de promouvoir l’utilisation de bonnes pratiques de fabrication et autres codes d’usage dans la chaîne alimentaire par les opérateurs économiques. Double rôle donc «d’éducateur» et de contrôleur.

Les pays de la région se plaignent souvent de recevoir des produits alimentaires de mauvaise qualité, inacceptables par les consommateurs du pays destinataire, pas plus qu’ils ne pourraient être distribués dans le pays d’origine. Il existe au niveau international un texte du Codex, le «Code de déontologie du commerce international des denrées alimentaires», qui encourage les pays exportateurs à suivre des pratiques déontologiques dans ce secteur, et donc à s’engager volontairement à soutenir l’application de ce Code dans l’intérêt général de la communauté mondiale. Cependant, il ne dispense pas les pays importateurs de se protéger contre des expéditions insatisfaisantes. C’est pour se protéger de cela que nombre de pays stipulent que chaque lot de denrée importée doit être accompagné d’un certificat attestant de sa qualité. Une telle disposition est susceptible de réduire l’écoulement de marchandises de mauvaise qualité, mais seul un service efficace de contrôle de la qualité peut servir à long terme les intérêts du pays, ne serait-ce qu’en vérifiant la valeur de ces certificats.

Ces quelques exemples démontrent la place et le rôle indéniable des services de contrôle alimentaire et de leurs représentants dans l’équipe multisectorielle nécessaire à l’évaluation et l’amélioration des systèmes d’approvisionnement et de distribution alimentaires (SADA). Ils peuvent contribuer à l’amélioration de la qualité à tous les niveaux des SADA en identifiant les problèmes de qualité rencontrés dans les denrées agroalimentaires. En effet, un service de contrôle possède les informations nécessaires pour définir les problèmes de qualité en général, de contamination et d’adultération et, en particulier, leur impact en terme économique, nutritionnel et sanitaire. Sa contribution est essentielle, non seulement pour identifier les origines de certaines causes de «non-qualité», mais aussi pour définir les mesures qui pourraient contrôler les origines des contaminations ou adultérations et surtout celles qui limiteraient leurs effets sur le système d’approvisionnement des villes en particulier. Ainsi, en imposant le respect de bonnes pratiques hygiéniques durant le transport, l’entreposage, la transformation et les divers stades de la commercialisation, les préposés au contrôle des aliments peuvent prévenir dans une large mesure les problèmes causés par les rongeurs, les insectes et autres parasites et micro-organismes, voire même les agents chimiques. Grâce à la surveillance des pratiques ayant cours dans la chaîne de distribution, il est possible de garantir que la valeur nutritive du produit est conservée, que certains éléments nutritionnels ne sont pas éliminés frauduleusement et remplacés par des éléments de moindre coût et de moindre valeur nutritive.

Les responsables d’un service de contrôle auront aussi un rôle à jouer dans la sensibilisation de l’équipe multidisciplinaire attachée à l’étude des SADAdans tous les aspects liés à la qualité et à l’hygiène ainsi que sur les conséquences en termes économique, nutritionnel et sanitaire. Ils seront une référence quand il s’agira d’intervenir pour faire respecter les normes et autres réglementations alimentaires en vigueur dans le pays ou pour les définir en collaboration avec les intervenants du secteur considéré.

Les consommateurs, individuellement ou par l’intermédiaire de leurs organisations, peuvent être des alliés pour les autorités gouvernementales ou municipales qui cherchent à améliorer les SADA. En ce qui concerne les aspects de qualité, ils peuvent faire beaucoup pour décourager l’adultération des aliments et informer les services de contrôle des anormalités qu’ils ont décelées. Ils peuvent apporter une aide précieuse à l’éducation de la population afin d’améliorer les conditions sanitaires. C’est pourquoi les responsables du contrôle et ceux chargés des SADAdoivent intégrer la participation des consommateurs et de leurs représentants dans toute activité visant à l’amélioration de la qualité dans les SADA.


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