Autrefois le régime alimentaire était essentiellement composé de haricots, du sorgho, du maïs, du lait et du beurre. Les ignames, les colocases, les patates douces et le manioc étaient aussi cultivées. On ne consommait pas de viande parce que c'était la coutume de ne pas manger d'animal domestique. Même si on pouvait trouver de la viande auprès d'une autre famille on ne la mangeait pas, parce qu'on croyaint que par la suite sa vache diminuerait sa production de lait.
La consommation de légumes était un signe de pauvreté. On ne pouvait que consommer par exemple des feuilles de haricots ou des légumes indigènes poussant en vrac, dans le cas où l'on n'avait pas de haricots.
Et les fruits (goyaves, citrons, oranges) étaient
pour les enfants.
A cette époque, l'effectif de la population était
probablement d'un million ou un million et demie
d'habitants.
On raconte qu'à présent, la quantité de haricots qu'on mange par repas a été relativement réduite ; les champs ne produisent plus beaucoup de céréales ; il n'y a plus beaucoup de pâturages; on consomme de plus en: plus de patates douces et même des légumes pour remplacer les haricots, suite à la vulgarisation faite par les Centres Nutritionnels et autres services.
D'après quelques oeuvres scientifiques, en 1975 les produits d'origine animale ont apporté moins que 2% à l'approvisionnement énergétique et leur apport protéinique est estimé à 5–6%. Il s'est confirmé aussi la répartition de plus en plus défavorable entre céréales, légumineuses et racines/tubercules (en 1975 leurs apports énergétiques étaient respectivement de 17,5%, 23,5%et 36,5%).
Regardons le changement du régime alimentaire en rapport avec l'accroissement de la population. En 1986 le Rwanda comptait 6,5 millions d'habitants avec un taux d'accroissement de 3,8% par an. A ce rythme la population aura doublé en 19 ans. Si on estime qu'environ 60 % du territoire est cultivable, il en résulte que la densité physiologique est d'environ 440 habitants par km2. Il faut aussi considérer que toujours 95 % de la population dépend presque totalement de l'auto-subsistance alimentaire et que le Rwanda n'est constitué que de collines.
C'est dans ce cadre que se situe le Projet de Développement de la Pêche au Lac Kivu. Ce projet a été crée avec le but de donner des revenus à la population riveraine et de fournir à la population rwandaise un aliment d'origine animale. Le poisson produit (Limnothrissa miodon), appelé Isambaza, représente une nouvelle denrée alimentaire au Rwanda, introduite au Lac Kivu au cours des années 1959/60 et exploitée depuis 1979.
Aussi pour d'autres espèces de poissons, il n'y avait guère d'habitudes alimentaires pour raison de l'absence d'une production d'importance et probablement aussi imposé par l'ancien interdit dans les communautés des éleveurs de vaches concernant la consommation de toute sorte de viande (ci-haut cité). Cette croyance a tendance à disparaître avec la diminution des éleveurs, mais il existe encore et -ce qu'on peut apercevoir aujourd'hui- même à propos du poisson.
C'est en fait seulement sur les marchés de quelques “villes” (chefs-lieux de Préfectures) qui ont des relations commerciales avec des pays voisins, où actuellement on trouve du poisson. C'est du poisson fumé et séché du Zaïre (Tilapia et plus grandes espèces), et du petit poisson séché (Stolothrissa tanganicae) de l'Uganda, du Burundi et de la Tanzanie, ainsi que peu de poissons de production locale (Tilapia frais et Haplochromis frais, séchés et fumés). Les quantités sont réduites et surtout limitées aux marchés principaux de Gisenyi, Ruhengeri, Cyangugu, Butare et Kigali. Et c'est dans ces centres aussi que se concentre l'écoulement de notre produit ; frais, séchés et congelés (voir la carte géographique en Annexe 1).
Le projet est situé à Gisenyi, Kibuye et Cyangugu. Ce n'est pas étonnant qu' à Kibuye l'écoulement du poisson est presque nul. C'est là où il y a très peu de relations extérieures (sauf avec l'île Idjwi) et éminemment la région des anciens éleveurs. Pour le moment le projet ne produit pas encore le dixième du potentiel de Limnothrissa miodon du territoire rwandais du Lac Kivu (estimé à 3.000.000 kgs/an). Et même si on le produisait, ceci ne représenterait que 1/2 kg par personne par an. C'est dans ce contexte que se réalise notre action de vulgarisation nutritionnelle et de promotion de la consommation du poisson auprès de la population. Il est encourageant qu'une étude alimentaire sur une petite échelle, effectuée par un stagiaire du projet, montre le résultat favorable que, là où l'Isambaza est consommé, la composition du repas à base de poisson est mieux équilibrée sur le plan nutritionnel que celui à base de haricots ou de viande. Il faut souligner la nécessité de la production du poisson séché et de sa distribution en milieu rural.
Composition nutritionnelle du poisson séché (Limnothrissa miodon) par ration alimentaire de 100 grammes 1
| Energie | 386 kcal |
| Protéines | 63,8 grs |
| Graisses | 14,5 grs |
| Calcium | 5.190 mgrs |
| Phosphore | 2.650 mgrs |
| Eau | 7,7 grs |
Comparaison des prix relatifs à la valeur nutritive. On part de 16 grs de protéines, apportées par divers aliments.
| quantité (grs) | protéines (grs) | énergie (kcal) | calcium (mg) | prix 3) (FRW) | |
| Combinaison légumineuses+céréales 2) | 40 + | 16 | 413 | 46 | 6,7 |
| 80 | (404–418) | (32–60) | (4–10) | ||
| Isambaza | 100(frais) 4) | 16 | 96,5 | 1298 | 10 |
| 25(séchés) | |||||
| viande | 100 | 16 | 262 | 10 | 14 |
| Oeufs | 120(unités) | 16 | 190 | 66 | 30 |
| Lait entier | 500 | 16 | 320 | 600 | 35 |
1) Recherche faite par l'Université Agronomique de Wageningen, Pays-Bas. Octobre 1985.
3) Pour tous les produits : prix du détail à Gisenyi au mois de Novembre 1985.
4) La réduction de poids par le séchage est estimée à 75%.