Comme spécifié dans la définition de la foresterie urbaine adoptée dans la section un, les arbres qui poussent dans les zones urbaines apportent une gamme très variée d'avantages mais aussi de préoccupations. La présente section étudiera essentiellement les avantages qu'offrent les arbres et qui ne s'obtiennent pas toujours sans coûts. Par exemple, si leur emplacement n'est pas choisi avec soin avant la plantation, les arbres d'alignement, qui donnent de l'ombre et ont une valeur ornementale, ont tendance à soulever et à crevasser les trottoirs de leurs racines. L'exploitation d'un arbre en vue d'un objectif donné peut être jugée par quelques-uns comme un inconvénient ; ainsi, l'émondage pour obtenir du fourrage en altérera la silhouette, le rendant aux yeux de certains bien moins attrayant.
Dans les pays développés, on n'attache normalement guère d'importance aux produits bruts tirés des arbres urbains ; les arbres fruitiers sont rarement plantés dans des lieux publics bien qu'ils occupent une place importante dans les jardins urbains. Tout en exagérant quelque peu, Webb (comm.pers,) observe que
“On aurait du mal à trouver un groupe de plantes moins productives ou moins utiles pour le genre humain que celles normalement utilisées dans la planification du paysage. On en arrive à penser qu'il est honteux d'introduire un arbre ou un arbuste d'utilité pratique dans un paysage, et pourtant certains des plus beaux arbres et arbustes qu'on pourrait planter donnent des fruits et des noix comestibles”.
Et il ajoute (citant Mollison, 1984) qu'Adelaïde est l'une des rares villes où est encouragée la plantation d'arbres utiles sur des terres publiques, en l'occurrence des oliviers dont les fruits sont récoltés par les habitants qui en tirent de l'huile et conservent les fruits. Les raisons pour lesquelles on n'encourage pas toujours la plantation d'arbres qui produisent des fruits comestibles en zone urbaine sont analysées dans la section six.
Contrairement aux arbres urbains des pays développés, ceux des pays en développement fournissent une grande variété de produits qui sont consommés par les citadins pour satisfaire leurs besoins de subsistance et créer des revenus. L'importance et les possibilités des arbres à cet égard varient largement d'un pays à un autre, voire d'une agglomération à une autre. La présente section examinera les produits que les populations locales utilisent le plus dans les différentes parties du tiers monde.
Bois de feu
La principale source d'énergie de nombreuses villes du tiers monde est le combustible ligneux sous forme soit de bois soit de charbon de bois. Les populations les plus pauvres utilisent aussi souvent comme combustible des brindilles et des feuilles. Le combustible ligneux provient en grande partie de zones péri-urbaines ou encore plus éloignées bien qu'une petite partie (notamment les brindilles et les feuilles) s'obtienne dans la ville même.
Bois de feu obtenu à proximité immédiate de la ville
Il est probable que pour les habitants très pauvres des villes du tiers monde, notamment ceux qui vivent dans des logements auto-assistés ou dans la rue, les espaces verts urbains représentent une source importante de combustible à ramasser (tant sous forme de brindilles et de feuilles que de déjections d'animaux brouteurs). En signalant ce fait, Leach (1987) observe aussi que le seul moyen qu'ont les gens qui vivent dans la rue ou les squats de brûler ce matériel est de recourir à l'inefficace foyer ouvert. Non seulement ne peuvent-ils se permettre d'acheter régulièrement des combustibles tels que le pétrole lampant ou le gaz, mais ils n'auraient aucun avantage à épargner pour acheter un appareil coûteux qu'ils ne pourraient pas conserver en lieu sûr. Pollard (1977:294), évoquant ses impressions sur la foresterie urbaine en Chine, écrit ce qui suit
“… nous avons observé que les paysans locaux récupèrent presque instantanément les branches mortes et la litière (des arbres) - parfois au détriment des conditions du sol - pour s'en servir comme combustible”.
Bois de feu des forêts péri-urbaines, des plantations et autres espaces arborés
Le rôle que jouent et peuvent jouer les plantations et forêts péri-urbaines en fournissant le bois de feu nécessaire aux citadins a fait l'objet d'une grande attention dans les années 1980. Vu la forte dépendance vis-à-vis du combustible ligneux de la plupart des habitants des villes du tiers monde d'une part et, de l'autre, l'écart croissant entre la demande et l'offre de ce matériau, de gros efforts ont été déployés avec l'aide d'organisations bilatérales et multilatérales pour établir des plantations pour combustible à la périphérie des villes en prévision des besoins futurs. La FAO a elle-même financé un certain nombre de projets visant la constitution de “ceintures vertes” à cette fin en Afrique, aux abords de Ouagadougou (Burkina Faso) et, entre autres, à Kinshasa (Zaïre), N'Djamena (Tchad), Nouakchott (Mauritanie) et Maputo (Mozambique).
Ces plantations n'ont pas toujours été couronnées de succès pour des raisons bien résumées par Cline-Cole (1990) et Shepherd (1990) qui ne seront exposées que brièvement ici. Normalement, dans les parcelles énergétiques péri-urbaines, on a utilisé des essences exotiques à croissance rapide (Eucalyptus spp. principalement) en recourant à un paquet technique incluant
“des essences testées et mises à l'essai et une technologie éprouvée qui donnent les taux les plus favorables de rendement économique de l'investissement. Les paquets, qui spécifient les essences à choisir, les pratiques culturales recommandées, etc. pour des sites donnés, sont devenues pour ces raisons extrêmement populaires.” (Cline-Cole, 1990:328–329).
Cependant, les prescriptions techniques ont souvent été appliquées sans considérer les conditions de station, et la productivité n'atteignait pas toujours les hauts niveaux prédits. Plus important, la technologie venue de l'extérieur ne prenait pas en compte les connaissances, les préférences et les coutumes locales. Elle n'avait pas étudié les modèles traditionnels d'utilisation du combustible, ce qui a conduit à formuler des suppositions fallacieuses. Cline-Cole note que la viabilité financière de nombreuses parcelles péri-urbaines dpour combustible est contestable pour les raisons suivantes:
Cline-Cole et Shephard (opp.cit.) recommandent, dans la mesure du possible, de mettre davantage l'accent sur la gestion appropriée de boisements indigènes dans les zones péri-urbaines, ainsi que sur celle des arbres cultivés dans les friches, autrement dit les arbres disséminés sur les terrains de parcours et les terres agricoles.
Cela dit, dans certains cas il est approprié et nécessaire d'établir des plantations de bois de feu péri-urbaines, du moins dans le court terme (comme Cline-Cole et Shepherd eux-mêmes le reconnaissent). Autour de certaines villes du tiers monde, les forêts naturelles se sont souvent dégradées à tel point que la seule option qui reste est de les replanter avec des essences pouvant survivre et se développer dans des terrains très pauvres. Le besoin immédiat de bois de feu et de construction peut aussi justifier le choix d'essences à croissance rapide; ce qui importe c'est que la décision soit prise d'un commun accord avec les populations locales et ne découle pas d'une simple supposition. Les plantations péri-urbaines autour d'Addis Abeba décrites dans l'encadré 4.1 montrent comment des plantations d'Eucalyptus peuvent devenir une source très importante de bois de feu pour une population urbaine.
Un autre point à spécifier en ce qui concerne l'approvisionnement des villes en combustible ligneux tiré des forêts péri-urbaines est que son ramassage constitue souvent une importante source de revenu pour les citadins (par exemple, Kamara, 1984; Haile, 1991). L'exemple d'Addis Abeba illustre bien ce fait, dans le cas de certains résidents très pauvres qui dégagent de maigres revenus de leur travail. Approvisionner les villes en bois de feu peut aussi apporter des gains importants aux entrepreneurs citadins, bien que le cas s'applique souvent davantage au transport organisé sur de longues distances qu'aux zones périphériques de la ville.
Aliments
Parmi les arbres que les habitants des villes du tiers monde cultivent le plus, on peut citer ceux qui fournissent des aliments, notamment des fruits, mais aussi des feuilles, des pousses et même des fleurs comestibles. Comme dans les villes du monde développé, on ne plante pas souvent des arbres producteurs d'aliments dans les lieux publics, bien que Webb (comm.pers.) signale qu'à Beijing les kakis et les noyers poussent dans les parcs, et qu'à Singapour l'Office du logement encourage la plantation d'arbres fruitiers dans les lotissements au profit des personnes âgées.
Encadré 4.1. | Bois de feu tiré des plantations péri-urbaines d'Addis Abeba |
L'urbanisation en Ethiopie remonte à la fin du 19e siècle et a démarré sous le règne de Ménélik II (1890– 1914). Les besoins urbains en combustible ligneux et en bois de construction étaient si grands qu'ils ont provoqué le déboisement des forêts de l'intérieur, et déterminé à diverses reprises le déplacement de la capitale. Lorsque Ménélik s'est installé près de l'emplacement actuel d'Addis Abeba, il a imposé un système de contrôle de l'exploitation des forêts naturelles avoisinantes. Cependant, en raison de l'accroissement de la population d'Addis Abba, la demande a vite dépassé l'offre et Ménélik a procédé à l'établissement des plantations d'Eucalyptus (principalement E. globulus) autour de la ville. Il a fait distribuer 100 plants de semis à chaque résident qui devait les planter, les entretenir et les exploiter. Il est signalé qu'au bout de six à sept ans, les habitants ont commencé à vendre du bois d'Eucalyptus comme combustible et que de gros propriétaires terriens ont pris en charge la gestion et le contrôle des plantations. Les plantations d'Eucalyptus sont restées sous gestion privée jusqu'à la révolution de 1974, après quoi la forêt est passée aux mains de l'Etat. Entre-temps, quelque 20 000 hectares de plantations avaient été établis par des cultivateurs privés autour d'Addis Abeba. Des agences publiques, des associations de citadins, et des associations de paysans en ont pris le contrôle et ils ont fait rapidement l'objet d'une exploitation anarchique. Selon des estimations fondées sur l'imagerie par satellite, entre 1973 et 1976, les plantations péri-urbaines d'Addis Abeba ont diminué de 33%. | |
Addis Abeba a désormais plus de 1,8 millions d'habitants (les chiffres auront certainement fluctué pendant la guerre civile). En outre, depuis 1989 les zones rurales des environs immédiats de la ville ont été incorporées à la zone administrative urbaine, et la population a atteint en 1991 le chiffre total de quelque 2,3 millions de personnes. La demande de bois de feu et de construction reste très forte, le premier provenant pour l'essentiel de forêts et de plantations situées à 100 km de la ville. Ces dernières années, le gouvernement d'Ethiopie a pris des mesures pour améliorer les approvisionnements en bois à destination d'Addis Abeba par le biais de programmes visant à améliorer les plantations d'Eucalyptus, en collaboration avec des organisations internationales de donateurs et de crédit telles que la Banque mondiale et le Fonds africain de développement. Les politiques forestières envisagent de réintroduire la propriété privée des forêts parmi les divers types de régime. | |
Un grand nombre de familles tirent leurs moyens de subsistance du transport du bois de feu. Les porteurs sont pour la plupart des femmes et des enfants et on estime qu'ils sont beaucoup plus de 10 000. Ensemble ils fournissent à Addis Abeba environ un tiers de ses besoins en bois de feu. Beaucoup d'entre eux sont jeunes (plus de 40% ont moins de 20 ans) et peu instruits (près de 75% sont analphabètes). Il s'agit souvent de migrants de fraîche date et la plupart (60%) sont chefs de famille. Travaillant en moyenne 10 heures par jour, ils passent quelque 7 heures de ce temps à ramasser et transporter le bois de feu, parcourant des distances de 30 km en moyenne avec des charges de quelque 30 kg. Non seulement le travail est-il pénible mais ils se trouvent souvent à devoir confronter des fonctionnaires gouvernementaux responsables du contrôle et de la gestion de la forêt, en particulier les gardes forestiers. Ces derniers estiment que les femmes détruisent la forêt et que leurs activités visent uniquement à réaliser un bénéfice financier immédiat sans se soucier de la conservation des arbres. Et pourtant les enquêtes montrent que les femmes sont en grande majorité | |
“étonnamment conscientes de la valeur de la forêt. Un grand nombre d'entre elles estimaient que les arbres n'étaient pas seulement une source de revenu, de bois de feu et de matériel de construction mais qu'ils jouaient aussi un rôle indispensable dans la protection du sol contre l'érosion, conférant ainsi à la terre sa beauté verdoyante et attirant la pluie” (Haile, 1991:19). | |
Ce n'est ni l'ignorance, ni le manque d'éducation, ni le désir d'obtenir des gains faciles et rapides qui ont conduit les femmes à transporter le bois de feu: c'est la pauvreté et l'absence de solutions de rechange. A l'heure actuelle des efforts sont entrepris pour identifier d'autres moyens de créer des revenus. | |
Source : Ferkete Haile (1991) : “Women Fuel Carriers in Addis Ababa and the Peri-Urban Forest”. |
Comme on l'a vu, l'agriculture urbaine est une importante source d'aliments et de revenu pour de nombreux résidents des villes du tiers monde et c'est dans ces cas qu'on trouve des arbres producteurs d'aliments en association avec d'autres cultures vivrières dans les systèmes agroforestiers. Les jardins urbains des îles du Pacifique (encadré 4.2) en fournissent un exemple. Smit (1992:12) a noté que
“Au Panama, dans les bidonvilles agricoles, on produit déjà des cultures forestières et horticoles dès la sortie du pont sur le Canal qui vient du centre de la capitale”.
Dans de nombreuses régions d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine, la culture d'arbres fruitiers par les citadins est une activité aussi bien traditionnelle qu'encouragée par les programmes forestiers (Niñez, 1985; Wade, 1987; Lipkis et Lipkis, 1990; Honghai, 1992).
Une activité productrice d'aliments et de revenu qui peut être complémentaire de l'arboriculture est l'apiculture. Selon Webb (comm.pers.) on trouve à l'heure actuelle dans les villes des pays développés des ruches extrêmement productives dont les abeilles butinent dans les tilleuls (Tilia spp.) et les sycomores (Acer pseudoplatanus). L'étude menée par l'Institut Mazingira sur six villes kényennes (Lee-Smith et al. 1987) a relevé que 48 ménages faisant partie de leur échantillon (3% du total) élevaient des abeilles. Les chiffres varient entre les villes; à Kitui et Isiolo, où l'apiculture est une activité traditionnelle, 10% et 9% respectivement des ménages interrogés étaient des apiculteurs. Alors que pour certaines cultures cette activité est jugée dangereuse et serait fortement contrariée dans des quartiers à haute densité, il est des pays en développement où l'apiculture urbaine est largement sous-exploitée, notamment dans les zones péri-urbaines, alors qu'on pourrait l'intensifier en introduisant des essences forestières appropriées.
Bien qu'on l'associe normalement aux zones rurales, la viande de chasse s'obtient parfois dans les zones péri-urbaines aussi. Dans certaines parcelles agricoles à la périphérie des agglomérations urbaines vivent un grand nombre d'animaux (considérés en agriculture comme des ravageurs) qui sont appréciés pour leur viande; tels sont l'aulacode (Thryonomys swinderianus) et l'athérure (Atherurus africanus). C'est là un thème qui mériterait une recherche ultérieure, et non seulement en Afrique de l'ouest. Il ne fait pas de doute que déjà certaines forêts péri-urbaines fournissent des protéines d'origine animale à leurs résidents locaux et pourraient être aménagées pour en produire davantage.
Fourrage
L'élevage du bétail est une pratique courante dans de nombreuses villes de certains pays du tiers monde, mais comme l'observe Smit (1992: 10–11),
“Rares ont été les recherches menées et les rapports établis sur les caractéristiques de cette pratique courante qui se distingue de l'élevage rural, sauf dans le cas de la volaille … Ce système agricole est largement réparti entre gros et petits producteurs et entre exploitants à revenu élevé et à faible revenu.”
Et de développer un peu sa théorie
“Le petit exploitant aura généralement un petit troupeau de chèvres ou quelques porcs et aura conclu quelques accords sur son accès aux pâturages et/ou aux marchés ou sur le droit de recueillir les déchets de restaurant. Le clapier et le poulailler de l'arrière-cour représentent le dénominateur commun.”
Pour illustrer l'ampleur de l'élevage urbain, l'étude de l'Institut Mazingira menée sur six villes kényennes (Lee-Smith et al. 1987) a montré que 17% des ménages élevaient du bétail dans la zone urbaine où ils résidaient. Il est aussi estimé que quelque 1,4 million de têtes de bétail se trouvaient dans les villes du Kenya au moment de l'enquête.
Encadré 4.2 | L'agroforesterie urbaine au service de la sécurité alimentaire et d'une meilleure nutrition: les jardins familiaux des îles du Pacifique |
Les jardins particuliers sont disséminés un peu partout dans les zones urbaines des îles du Pacifique. On peut cultiver dans un même jardin un grand nombre d'arbres, d'arbustes et de plantes basses, grimpantes et à tubercules, la diversité étant encore accrue par l'emploi de nombreuses variétés d'une même culture. Les jardins particuliers peuvent jouer un rôle vital dans l'alimentation et le maintien de l'état nutritionnel de nombreux habitants des villes, tout en fournissant d'autres avantages. Beaucoup d'arbres produisent des aliments importants; en effet, dans des îles de faible altitude comme les atolls de Kiribati, les principaux aliments de base sont tirés en grande partie des arbres (cocotiers, arbres à pain, clones de bananiers, pandanus et Ficus tinctoria). D'autres importants arbres producteurs d'aliments cultivés dans les jardins particuliers sont les papayers, les agrumes, les avocatiers, les goyaviers, Annona, Syzygium et Terminalia spp., Spondias dulcis et Pometia pinnata. | |
Ces dernières années, dans les habitudes alimentaires des citadins des îles du Pacifique, il y a eu un glissement généralisé de la consommation d'aliments traditionnels vers celle de denrées importées d'une valeur nutritionnelle inférieure. Il en est né un grave problème de santé que les fruits et légumes des jardins particuliers pourraient contribuer à atténuer. Un certain nombre d'études observent que les citadins possédant des jardins particuliers jouissent d'une meilleure nutrition que ceux qui n'en ont pas. A Honiara (îles Salomon) il a été observé que les personnes qui n'avaient pas de jardin particulier absorbaient moins de fer et de vitamines A et C. A Kiribati, on a lancé des campagnes visant à promouvoir ce type de jardinage et la consommation non seulement d'aliments traditionnels mais aussi de feuilles comestibles d'arbres locaux tels que Morinda citifolia, Pisonia grandis et Polyscias spp. Ces feuilles ne font pas normalement partie du régime alimentaire local mais elles sont riches en fer et en vitamine A. Grâce à cette campagne, on a observé une baisse du niveau d'anémie et de carence en cette vitamine. | |
Les jardins particuliers urbains peuvent également contribuer à la sécurité alimentaire moyennant la vente de produits comestibles ou non. Ce revenu en espèces est particulièrement important en période d'inflation et pour les familles proches du seuil de subsistance car il représente une assurance contre la hausse des prix des aliments. Cependant, on note que les citadins jeunes des îles du Pacifique manifestent moins d'intérêt que leurs parents et grand-parents à l'entretien des jardins particuliers. Il faudrait encourager l'agroforesterie urbaine et en diffuser les avantages tant à l'échelon national que communal. | |
Source : Thaman, R R (1987) “Dans les îles du Pacifique” |
Pâturages pour le bétail
Dans de nombreux pays en développement, les espaces verts urbains et les forêts péri-urbaines fournissent des pâturages aux animaux appartenant aux citadins et pourraient faire l'objet d'un aménagement plus productif. Pour citer à nouveau l'étude de l'Institut Mazingira, plus de 60% des ménages interrogés qui pratiquaient l'élevage urbain permettaient à leurs animaux de brouter en liberté, le pourcentage étant légèrement plus élevé pendant la saison des pluies (66%) que pendant la saison sèche (62%). Permettre aux animaux de se procurer leurs aliments par leurs propres moyens était commun à toutes les villes sauf Nairobi où la majorité du bétail est affouragé à l'étable. On a en outre observé que
“Quelques exploitants urbains tendent à enfermer leurs animaux pour éviter des différends avec les voisins et la destruction des fleurs, arbres et autres plantes. Evidemment, plus la ville est développée plus les habitants sont incités à agir ainsi”. (Lee-Smith et al 1987:210).
Du feuillage comme fourrage coupé
Dans beaucoup de pays en développement les arbres représentent une importante source de fourrage, notamment pendant la saison sèche lorsque la végétation au niveau du sol est rare et les résidus agricoles diminuent. On utilise un nombre élevé d'essences et, dans certains pays, comme au Népal, il est estimé que les animaux ont besoin d'une grande variété de fourrage pour se maintenir en bonne santé (Carter, 1992a). Dans certains endroits, le besoin de fourrage est si élevé qu'on ébranche les arbres d'agrément eux-mêmes, comme l'illustre un auteur pakistanais:
“Le plus grand dommage à l'arboriculture dans ce pays est causé par le bétail, les chèvres, les chameaux et l'ébranchage pratiqué par les bergers” (Sheikh, 1976: 211).
Il est impossible d'évaluer dans quelle mesure les arbres urbains sont actuellement utilisés comme fourrage et les chiffres varient sans doute grandement selon les régions du monde.
Il faudrait faire la distinction entre le fourrage apporté en ville pour la vente, auquel cas les bergers en mouvement coupent tout ce qu'ils trouvent sur leur chemin, et celui servant au bétail qui vit en permanence en ville. Pour alimenter ce dernier, les éleveurs doivent disposer d'un accès régulier et fiable aux sources de fourrage. L'étude de l'Institut Mazingira (Lee-Smith et al 1987) a trouvé que le principal fourrage utilisé était l'herbe, suivi des détritus, les résidus agricoles ne représentant qu'une faible composante de l'alimentation. “D'autres types de fourrage” ont été utilisés par 29% des ménages en saison sèche et 27% en saison des pluies; il s'agissait probablement “pour l'essentiel de feuilles, plantes grimpantes et brindilles provenant des arbustes”. Le fourrage forestier pourrait bien en avoir fait partie. Pendant la saison sèche, 31% des ménages ont acheté des aliments pour leurs animaux, un exemple étant l'herbe à éléphant achetée à des agriculteurs à la périphérie de la ville. Dans divers types de jardins urbains, on encourageait l'emploi d'essences à croissance rapide telles que Leucaena leucocephala qui, entre autres avantages, produit du fourrage (Siki, 1984; Wade, 1987). La vulnérabilité de cette essence à l'attaque du psylle s'est avérée catastrophique dans certaines zones, et pourrait servir d'avertissement, invitant ceux qui veulent améliorer les disponibilités de fourrage pour le bétail urbain à développer les fourrages traditionnels et à tirer parti des connaissances locales.
Dans un grand nombre d'agglomérations urbaines en Asie, on pratique la sériciculture ce qui impose de satisfaire une forte demande de feuilles de mûrier fraîches (Morus spp.). Ce fait est signalé pour la Chine par Honghai (1992), et pour la vieille ville de Delhi par Smit (1992). La provenance des feuilles dans ce dernier cas n'est pas claire, mais il paraît que dans les zones péri-urbaines de certaines villes asiatiques la culture du mûrier est déjà une activité prospère et rémunératrice.
Bois d'oeuvre et poteaux
Les agglomérations urbaines consomment de grosses quantités de bois pour la construction d'immeubles et de meubles. Au premier abord, les possibilités de satisfaire ces besoins à partir de la ville ou de ses alentours immédiats peuvent paraître médiocres. Cependant, on en connaît certains exemples, du moins dans les zones péri-urbaines. Smit (1992:4) a signalé que dans la ville de Baltimore, on cultive le paulownia pour l'exporter au Japon comme bois de placage. Webb (comm.pers.) a aussi constaté qu'au Royaume-Uni les spécialistes de foresterie urbaine étudient activement les moyens d'utiliser les diverses essences exotiques qui poussent dans les zones urbaines comme source de bois pour l'artisanat et les usages spécialisés lorsque leur coupe est prescrite. Dans une grande partie de l'Europe, les forêts péri-urbaines qui servent principalement à des fins de loisir sont également aménagées pour une production limitée de bois. En ce qui concerne les matériaux de construction, il semble qu'on exploite les forêts et plantations péri-urbaines des pays en développement pour en tirer des poteaux plutôt que du bois de plus grande taille. En théorie on peut, sur la base d'une rotation, les obtenir d'essences à croissance rapide telles que les eucalyptus ou même le bambou, bien qu'en pratique la préférence pour des essences locales et les conditions du lieu puissent déterminer d'autres choix.
Les arbres qui poussent dans la ville même peuvent servir dans certains cas de bois de construction. Par exemple, Pollard (1977) constate que les arbres d'alignement à Beijing (Beijing) fournissaient des matériaux pour des abris temporaires après les tremblements de terre catastrophiques de 1976. Il est probable que les citadins pauvres, qui cherchent à se construire des abris en zone urbaine dans tout le tiers monde, recourent chaque fois qu'ils le peuvent au bois et aux branches des arbres urbains.
Epices, fibres, médicaments et produits autres que le bois
Comme pour les arbres fruitiers, les arbres qui produisent des épices, ont des propriétés pharmaceutiques, donnent des fibres ou servent à d'autres fins sont rarement cultivés sur des terrains publics. En fait, Denne (comm.pers.) signale l'inquiétude exprimée par des étudiants forestiers asiatiques et africains quant aux dégâts causés à des arbres d'agrément par les citadins qui les écorcent pour en tirer des substances médicinales. Ce fait a été observé dans le cas d'essences de Melaleuca à Sri Lanka (Carter, comm. pers.); l'écorce est un important ingrédient dans la médecine traditionnelle, bien que le genre (originaire de l'Australie) ne soit pas indigène.
C'est dans les jardins particuliers des villes du tiers monde qu'on cultive couramment des arbres prisés pour leurs épices, fibres, champignons, parfums, matières premières pour l'artisanat, teintures, etc. Thaman (1987), par exemple, signale que les plantes médicinales sont une “ressource économique et agricole vitale” dans les îles du Pacifique. Sur les 93 espèces de plantes médicinales rencontrées dans les jardins urbains de Fidji, Tonga, Kiribati et Nauru, 55% étaient des arbres et 10% des arbustes ligneux. Les plantes sacrées et parfumées étaient aussi largement cultivées pour leur usage domestique ainsi que pour réaliser des revenus grâce à la vente, au travers de l'industrie du tourisme, de leurs fleurs, feuilles, fruits et écorce. Smit (1992:12), bien qu'il ne donne aucun exemple, note que les cultures médicinales sont traditionnelles dans de nombreuses petites exploitations citadines, et qu'on cultivait des champignons dans les forêts urbaines.
Les arbres pourraient aussi fournir des matériaux autres que les poteaux et le bois pour la construction d'abris. Les feuilles de palmier, par exemple, sont couramment utilisées comme toiture par de nombreux citadins pauvres.
Vu l'ampleur des problèmes de l'environnement dans certaines villes du tiers monde, on pourrait être porté à sous-estimer l'importance de l'arboriculture. Dans de nombreux cas, il est très probable que le manque d'espace et de terre représente un facteur de contrainte, comme indiqué dans la section trois. La présente section met l'accent sur les bienfaits potentiels pour l'environnement qui peuvent, si l'espace le permet, être tirés des arbres, et examine dans quelle mesure ils remplissent déjà ces fonctions dans les agglomérations urbaines des pays en développement.
Valorisation du paysage
Comme déjà observé, on cultive depuis bien longtemps des arbres dans les agglomérations urbaines dans le but d'améliorer l'aspect. Les arbres non seulement donnent de l'originalité et de la variété aux paysages urbains grâce à leurs différents feuillages, fleurs, leur taille, couleurs et silhouettes, mais ils peuvent améliorer le milieu de vie en atténuant l'éclat de la lumière et les reflets. Ils peuvent aussi conférer plus de cohérence à un paysage urbain en complétant son architecture. Comme l'observe Webb (comm.pers.), la foresterie urbaine et la notion de la “cité verte” sont souvent une source d'orgueil pour le citadin et servent à attirer les investissements dans une zone donnée. Parmi des exemples bien connus on peut citer Kuala Lumpur et Singapour, ainsi que le programme du festival du jardin organisé en Grande-Bretagne qui vise à mettre en valeur les zones abandonnées de nombreuses villes. Le rôle que les entreprises peuvent jouer à l'appui de la foresterie urbaine, grâce aux avantages économiques à tirer d'un environnement urbain attractif, sera examiné à la section sept.
Le choix des essences visant à améliorer le paysage (ainsi que d'autres facteurs) est analysé à la section six. Outre les raisons techniques du choix, des considérations d'ordre culturel peuvent également exercer leur influence. De plus, suivant les pays, certaines essences ont toujours été épargnées si elles se regénéraient naturellement, même dans un environnement urbain. Ainsi, l'essence forestière sous laquelle le Bouddha obtint l'illumination, Ficus religiosa, est admis partout dans les villes de Sri Lanka et dans d'autres pays profondément bouddhistes. Jim (1991:145) observe que
“Les arbres représentent une importante composante du paysage culturel des établissements humains … Les arbres d'agrément dans une ville donnée peuvent … être perçus comme une interaction entre la nature et la culture”.
Les arbres dans un environnement urbain suscitent un sentiment d'identité culturelle. Ainsi les asiatiques qui se sont installés en Afrique orientale ou dans les Iles du Pacifique (telles que Fidji) cultivent couramment des essences comme le manguier, le jaquier, le ben oléifère (Moringa oleifera) et Murraya koenigii (Kaudia, comm. pers. et Thaman, 1987). Le nombre restreint d'arbres ornementaux qu'ont planté les Européens dans leurs colonies d'outremer pourrait refléter partiellement le souci de recréer une ambiance familière. Même de nos jours, le voyageur qui a visité Nairobi et admiré la profusion de fleurs violettes de Jacaranda mimosifolia se sentira peut-être rassuré lorsque, par exemple à New Delhi, il retrouvera le même spectacle. En réalité, cette essence n'est originaire d'aucun de ces deux pays.
D'une manière quelque peu similaire, les arbres dans les paysages urbains peuvent jouer un rôle important dans la démarcation du territoire (Denne, comm.pers.). Par exemple, souvent les noms d'arbres apparaissent dans les noms de lieux. Sur une plus petite échelle, des particuliers planteront des arbres pour indiquer la propriété d'une parcelle de terre; en fait, dans certains pays, planter un arbre peut signifier revendiquer la propriété d'un terrain (Fortmann et Riddell, 1985), geste qui revêt un sens particulier dans le cas de campements de squatters.
Valeur éducative
Les parcs urbains, et notamment les jardins botaniques avec leur riche collection d'arbres et de plantes, ont un énorme potentiel éducatif. S'il est vrai que ce potentiel a été exploité plus largement dans les pays développés, il ne se limite aucunement à ceux-ci. Comme le note Webb (comm.pers.), la forêt ombrophile résiduelle de Bukit Temara à Singapour est largement utilisée comme ressource éducative pour les étudiants. De même, à Hong-kong le département des services urbains a établi des circuits forestiers dans certains de ses parcs. Dans le sud-ouest du Cameroun, des groupes d'écoliers visitent régulièrement les jardins botaniques de Limbe et il est question d'y établir des circuits éducatifs (Carter, 1992b).
Récréation
Dans les pays développés et en développement les parcs urbains et les forêts péri-urbaines sont d'importantes aires de loisir. C'est ainsi qu'au cours des fêtes nationales, une foule de citadins provenant de Katmandou se presse dans la Queen's Forest avoisinante et les jardins botaniques de Godavari. A Mexico, parmi d'autres parcs et jardins, la forêt de Chapultepec remplit une fonction similaire, et on pourrait citer un grand nombre d'exemples pris dans le monde entier. A un niveau inférieur, même une petite parcelle ne portant que quelques arbres peut avoir une grande valeur récréative comme terrain de jeux pour les enfants.
Un sentiment de bien-être
Il est prouvé qu'un paysage agrémenté d'arbres suscite chez certaines personnes un sentiment de bien-être. Selon Ulrich (1990), l'expérience passive représentée par l'observation des arbres produit des effets positifs aussi bien psychologiques que physiologiques. En ce qui concerne les premiers, il a noté que
“Par rapport aux spectacles urbains dépourvus de végétation, les paysages qui comprennent des arbres et d'autres plantes suscitent une préférence ou du plaisir et peuvent avoir une influence favorable sur une gamme d'autres sentiments importants qui jouent un rôle central dans le bien-être psychologique … de nombreux panoramas où dominent les arbres stimulent la reprise (psychologique) car ils provoquent des sentiments positifs, atténuent les émotions négatives telles que la peur, la colère et la tristesse, possèdent un réel intérêt et, partant, peuvent bloquer ou réduire les pensées créatrices de tension nerveuse.” (Ulrich, 1990:29).
D'autres chercheurs ont mentionné des résultats similaires (Hull et Harvey, 1989). En ce qui concerne les avantages physiologiques, une étude souvent citée d'Ulrich a trouvé que,
“Vingt-trois patients opérés et occupant des chambres dont les fenêtres donnaient sur un spectacle naturel séjournaient moins longtemps à l'hôpital, obtenaient moins de remarques négatives dans les notes d'évaluation des infirmières et prenaient moins d'analgésiques forts que 23 autres patients dans des conditions semblables occupant des chambres du même type mais dont la fenêtre donnait sur un mur en briques”. (Ulrich, 1984:420).
Bien qu'un surcroît de recherche soit nécessaire pour établir ce fait, il pourrait être économiquement rentable pour les hôpitaux d'offrir à leurs malades la vue d'un paysage aménagé et agrémenté d'arbres.
On pourrait répliquer que, pour maints citadins du tiers monde, le paysage, l'agrément et le sentiment de bien-être qui en découle sont d'une importance secondaire. Certes, les citadins pauvres ont des besoins pressants, mais il ne faudrait pas en conclure que ces besoins annullent entièrement leur capacité d'évaluer esthétiquement leur environnement. Si les quartiers résidentiels densément peuplés manquent d'espace pour y planter des arbres, la création de parcs et d'espaces ouverts même à une certaine distance de l'habitation peuvent constituer des aires valables de récréation occasionnelle, aussi bien pour les citadins pauvres que pour les riches. Les arbres d'alignement sont aussi une importante ressource récréative, pour y installer une buvette et comme lieu de rencontre où s'asseoir et causer (voir encadré 4.4). En outre, un certain nombre de chercheurs étudiant les zones de logements auto-assistés/communautés de squatters ont signalé la présence d'arbres ornementaux (ou du moins d'arbres prisés pour leur beauté autant que pour leurs produits). Les exemples vont de la Trinité où, dans la banlieue de Port-of-Spain, les squatters plantent des tabébuias roses et jaunes autour de leurs maisons (Bass, comm. pers.), aux îles du Pacifique où les essences ornementales sont communément plantées le plus près possible de l'habitation dans des parcelles agroforestières d'arrière-cour.
Un habitat pour la faune sauvage
Les écologistes de nombreux pays développés apprécient la diversité d'habitat qu'offre la foresterie urbaine à la faune sauvage. Le niveau d'appréciation varie grandement suivant les cultures et les différents groupes d'une même société (l'intérêt vis-à-vis de la faune sauvage étant souvent une prérogative des classes moyennes). En Inde, de nombreux groupes de pression en faveur de la conservation reconnaissent la grande valeur des parcs et des jardins urbains comme habitat pour la faune; par exemple, Shyam Sunder (1985) cite l'importance de la culture de Ficus spp dans les parcs de Bangalore pour la production d'aliments pour les oiseaux. L'intérêt qu'offrent les forêts urbaines en tant qu'habitat pour la faune sauvage pourrait suggérer leur exploitation pour la production de viande de chasse (comme l'examine la section 4.1).
Modifications climatiques
Ces vingt dernières années, l'effet des arbres urbains sur le micro-climat local a fait l'objet de nombreuses enquêtes dans les pays développés. Il en ressort que les arbres peuvent avoir un effet considérable et quantifiable sur le climat local immédiat, bien qu'il n'ait pas encore été prouvé qu'ils contribuent à la réduction globale de la température de l'air et à l'augmentation des précipitations. En revanche, de nombreux forestiers urbains chinois prétendent avoir influencé notablement le climat de certaines villes grâce à des plantations d'arbres généralisées (voir encadré 4.3 sur Nanjing). Miller (1988) groupe les modifications climatiques potentielles en deux grandes catégories: effet direct sur le bien-être humain et effet sur le budget énergétique des immeubles urbains.
Encadré 4.3. | Planter des arbres pour améliorer le micro-climat: Nanjing, Chine |
Avec une population estimée actuellement à environ 1,5 million d'habitants, la ville fortement industrialisée de Nanjing est considérée comme l'une des cinq villes “fourneau” de la vallée du Yangtsé. Depuis 1949, quelque 34 millions d'arbres auraient été plantés dans la ville et aux alentours dans le but spécifique de réduire les températures estivales, de régulariser le climat local, de purifier l'air et de valoriser l'environnement. On prétend que la chute de la température estivale moyenne de 32 à 29,4 °C entre 1949 et 1981 est directement imputable à l'effet de refroidissement des arbres plantés à cette époque. Au cours de ces 32 années, quelque 23 arbres par habitant ont été établis. Les plantations avaient pour objet le reboisement massif des pentes dégradées, la création de brise-vent, et l'établissement d'un triple rang d'arbres le long des voies ferrées et en bordure des routes. | |
Source : Beatty (1985) “Planning guidelines for urban forest management” citant Bartenstein. |
Confort humain
La principale contribution des arbres au confort humain, dans les pays chauds, est sans doute la fourniture directe et indirecte d'ombre (couverture des surfaces qui reflètent la chaleur). Ils assurent aussi une protection contre les fortes précipitations et, pour les citadins pauvres, constituent très souvent un abri tant pour la nuit que pour le jour.
Encadré 4.4. | Activités humaines liées aux arbres d'alignement le long de la Barrackpore Trunk Road, Calcutta, Inde |
Un recensement des arbres d'alignement poussant sur 4,6 km de la Barrackpore Trunk Road a été conduit en mars 1986. Sur les 400 arbres plantés, 142 étaient liés à une forme ou une autre d'activité humaine, la plupart d'entre eux (88) étant des arbres adultes de plus de 5 ans. Du fait que le nombre total d'arbres adultes s'élevait à 138, plus de la moitié (64%) faisait l'objet d'une utilisation. Les chercheurs ont groupé les activités en trois grandes catégories, notamment | |
• utilisation religieuse (52 arbres) • services publics (54 arbres) • utilisation économique (99 arbres) | |
Les usages les plus courants classés sous la rubrique services publics étaient les bancs (14 arbres) et les enseignes/avis (10 arbres). Les activités économiques le plus souvent citées étaient les buvettes (14 arbres), les boutiques de bétel (13 arbres), les salons de coiffure (9 arbres), les magasins de pneus (6 arbres) et les boutiques de cordonnier (4 arbres). Une grande variété d'autres magasins et métiers étaient également notés et allaient des vendeurs de fruits et légumes aux petites “aciéries”. Dans la plupart des cas, les commerçants se bornaient à installer une plate-forme découverte sous un arbre pour mener leurs activités. Quelques personnes avaient établi de petites structures couvertes, normalement à l'aide de bambous, alors que d'autres (pour la plupart des vendeurs de bétel et de cigarettes) avaient de petits étals. Un certain nombre d'arbres servaient à plus d'une activité, les plus fortement exploités étant les grands banyans (Ficus benghalensis). Il a été conclu que, l'ombre étant l'aspect le plus apprécié, les essences choisies comme arbres d'alignement devraient être à feuillage persistant pour fournir de l'ombre pendant toute l'année. En outre il faudrait planter des arbres indigènes, à croissance rapide, suffisamment robustes pour supporter les tempêtes (fréquentes localement), avoir des probabilités élevées de survie, fournir des fruits et favoriser la nidification des oiseaux. | |
Les chercheurs ont ajouté que tout en n'ayant pas de données quantitatives, ils avaient observé des modèles similaires d'utilisation des arbres d'alignement dans d'autres villes indiennes telles que Patna, Ranchi, Bhagalpur, Pune, Ahmednagar, Kolhapur, New Delhi et Rajkot. | |
Source : Malhotra K.C. et Vijayakumar M. (sd) “Man-tree relationship in an urban setting : A socio-ecological study”. |
Comme le montre une étude conduite sur une route à camion à Calcutta (voir encadré 4.2), dans les villes du tiers monde les petites entreprises exploitent les arbres d'alignement pour l'abri qu'ils fournissent aussi bien aux commerçants qu'aux clients. L'étude soulignait que
“En bref, les arbres bordant les avenues offrent de l'espace à un grand nombre de pauvres qui ne peuvent ni se payer des loyers exorbitants ni trouver une place où opérer dans les marchés citadins organisés. Ces personnes vendent et/ou fournissent des services bien meilleur marché que leurs contreparties qui, elles, travaillent dans les marchés organisés, et peuvent ainsi répondre aux besoins de la fraction la plus faible des citadins”. (Malhotra et Vijayakumar, sans date: 283–284).
Lorsqu'ils font l'objet d'une planification soignée, les arbres peuvent également contribuer à améliorer le confort humain dans les zones urbaines en orientant les mouvements de l'air. Une rangée d'arbres, par exemple, peut bloquer, guider ou dévier un courant d'air alors qu'un couvert arboré même d'une densité moyenne ou faible peut filtrer ce courant. Certains observateurs ont assuré que les arbres augmentent l'humidité et les précipitations, mais selon Miller (1988), ils n'ont pas d'effet mesurable sur l'humidité relative du milieu urbain.
Budget énergétique des immeubles
D'un grand intérêt sont les effets potentiels de plantes établies autour des immeubles aux fins de réduire les coûts du chauffage en hiver et de la climatisation en été. Miller (1988–53) observe que
“… la végétation exerce une influence significative sur le budget énergétique des immeubles. On a constaté que les brise-vent réduisent les coûts du chauffage des maisons de 4 à 22 pour cent, suivant l'intensité locale du vent et l'étanchéité à l'air de la structure. En revanche, la végétation qui ombrage une maison en hiver peut faire hausser les coûts du chauffage”.
Dans la plupart des pays en développement, ce sont les citadins qui seront le plus touchés par l'effet rafraîchissant des arbres. Deering (1954) a observé qu'en Californie dans les maisons non climatisées, les températures intérieures étaient souvent plus basses de 20 ° F (9 ° C) pendant les mois d'été. De fait, les études ont montré que les coûts de la climatisation d'un immeuble peuvent être réduits de 50 à 60% suivant l'emplacement de l'immeuble et des arbres qui l'entourent (Miller, 1988). Le budget énergétique des immeubles est certainement un facteur dont tiennent compte les paysagistes dans de nombreux pays. Dans un climat tempéré septentrional il serait normal, par exemple, de planter des arbres d'ombre à feuillage décidu le long des façades orientales et occidentales des immeubles pour qu'ils jettent une ombre rafraîchissante pendant l'été et que la chute automnale de leur feuillage laisse filtrer quelques rayons de soleil en hiver (Sand, 1993).
Qualité de l'air
La pollution atmosphérique n'est pas un problème qui concerne exclusivement les pays développés; dans les zones urbaines de nombreux pays nouvellement industrialisés et en développement les habitants souffrent aussi de niveaux élevés de pollution atmosphérique. En fait,
“Dans beaucoup de villes du tiers monde, la concentration et la composition des polluants atmosphériques sont déjà à même de provoquer des maladies chez des sujets vulnérables et la mort prématurée des personnes âgées, notamment celles atteintes de troubles respiratoires.” (Hardoy et al 1992:76).
Les mêmes auteurs présentent divers exemples de pollution atmosphérique, et citent le cas du centre de Shanghaï qui, en 1991, a enregistré une concentration moyenne annuelle d'anhydride sulfureux deux fois plus élevée que celle préconisée par l'OMS, avec des concentrations maximales pendant l'hiver. A São Paolo, posent de graves problèmes les particules en suspens et les niveaux d'anhydride carbonique et d'ozone, lesquels dépassent régulièrement les normes de qualité de l'air. Selon les données disponibles (rares en beaucoup d'endroits) la pollution atmosphérique tendrait à s'accroître. Un exemple en est Mexico où le niveau moyen des particules en suspension dans l'atmosphère a augmenté, passant de 65 mg/m3 en 1974 à 400 mg/m3 en 1990. Au cours de la même période, les niveaux d'anhydride sulfureux ont augmenté de 60 à 120 mg/m3 (Chacalo et Pineau, 1991). La pollution atmosphérique peut être aggravée par des conditions locales, notamment l'inversion de l'air (de l'air chaud reposant sur de l'air froid) qui piège l'air pollué au-dessus des villes pour des périodes prolongées. Parmi les exemples de ce phénomène on peut citer Mexico et Katmandou (Népal).
La lutte contre la pollution atmosphérique urbaine comporte un engagement politique et social et la prise en compte de facteurs scientifiques, économiques et écologiques souvent complexes. Il est improbable que la plantation d'arbres puisse, à elle seule, exercer une incidence significative sur la purification de l'atmosphère. Cependant, la présence d'arbres et de plantes, conjuguée à la prise de mesures appropriées, peuvent contribuer à atteindre cet objectif. Un succès particulier aurait été obtenu dans les villes de Chine, comme l'illustre l'encadré 4.5.
Encadré 4.5. | Le verdissement d'une fabrique: la Capital Iron and Steel Corporation, Beijing |
La Capital Iron and Steel Corporation (société du fer et de l'acier de la capitale) est désormais considérée “au même titre qu'un jardin”. Au cours des années précédant 1991, la société a établi 3 390 000 arbres, parmi lesquels des peupliers blancs, des paulownia, des buis chinois à petites feuilles, des pins et des bambous. En outre, sur 904 000 m2, elle a planté de l'herbe et 8 590 000 plantes à fleurs. Les murs des hauts immeubles du complexe de la fabrique sont recouverts de plantes grimpantes, la zone verte verticale atteignant 46 500 m2. La société a fait de gros efforts pour développer la production tout en protégeant l'environnement, associant l'efficience économique à la responsabilité sociale. En 1990, les rendements en acier ont été de 2,37 fois supérieurs à ceux de 1979. La quantité de fumée et de déchets émise a baissé de 50%. Désormais le ciel au-dessus de la fabrique est, paraît-il, toujours transparent et l'air pur, ce qui favorise les conditions de travail et de vie des employés et améliore la qualité de l'environnement de toute la région. | |
Source : Honghai (1992) "Urban agriculture as food supply and environmental protection subsystems in China (Citant Wu, 1991). |
Le rôle que peuvent jouer les arbres dans l'amélioration de la pollution atmosphérique est illustré dans l'encadré 4.6 qui s'inspire des informations fournies par Miller (1988), citant Smith et Dochinger (1976) et Smith (1978). La grande majorité des recherches dans ce domaine a été conduite en Amérique du nord et dans d'autres pays développés où les conditions climatiques, la composition et le niveau des polluants, et les essences forestières plantées diffèrent généralement de celles des pays en développement. Le petit nombre d'études menées ailleurs n'a pas dépassé le stade des enquêtes de base. Les arbres peuvent améliorer de façon marquée la qualité de l'air en absorbant l'anhydride carbonique et les autres polluants, en filtrant les particules transmises par l'air et par évapotranspiration. Cependant, si l'on veut planter des arbres à ces fins dans les villes du tiers monde, il faudra accompagner cette initiative d'un surcroît de recherche.
Les aspects principaux dont il faut tenir compte en ce qui concerne le rôle potentiel des arbres vis-à-vis de la pollution atmosphérique sont indiqués ci-dessous.
Importance du sol
Le sol joue un rôle important aux fins de réduire les émissions de polluants atmosphériques. Il représente un puits de stockage pour ceux filtrés par le couvert végétal ou déposés directement sur le sol. Ce dernier peut aussi neutraliser certains polluants grâce à des réactions chimiques. A cet égard, les forêts situées dans les agglomérations urbaines ou aux alentours peuvent mieux purifier l'atmosphère que les arbres d'alignement ou les autres plantes disséminées dans la ville où une grande partie du sol est recouvert d'une couche de béton ou d'asphalte.
Dommages causés aux arbres et à la végétation par les polluants
Certaines essences sont beaucoup plus vulnérables à la pollution atmosphérique que d'autres et quelques-unes ont une tolérance particulièrement faible aux substances en particules. (Ce fait pourrait servir d'indicateur du niveau de pollution, comme il le fait, paraît-il, en Chine. Pollard (1977:295) a observé que le jaunissement des feuilles de Prunus davidiana autour d'une fabrique chinoise qu'il a visitée, a servi précisément à cette fin, bien qu'il n'ait pas spécifié à quelles substances particulières l'arbre réagissait). Si l'on veut utiliser des arbres pour réduire la pollution atmosphérique, il faudra bien entendu choisir ceux qui la tolèrent le mieux. En Amérique du nord et en Europe, on est déjà très bien renseigné sur la vulnérabilité de certaines essences forestières aux divers polluants; en outre, parmi celles utilisées couramment, on sait que certaines provenances ont une tolérance élevée ou faible. On en trouve un exemple dans une étude sur cinq cultivars du caroubier à miel (Gleditsia triacanthos var inermis) qui a signalé que la résistance aux dommages causés par l'ozone variait entre élevée (pour le cultivar “Majestic”) et très faible (pour le cultivar “Imperial”) (Miller, 1988, citant Smith et Brennan, 1984). On peut utiliser cette information lorsqu'on planifie l'implantation d'arbres urbains dans les régions tempérées du monde en développement. Par exemple, la tolérance aux polluants et aux autres agressions environnementales urbaines de Platanus acerifolia, un arbre largement cultivé dans les villes européennes, est bien reconnu en Chine où il est très souvent établi dans les villes à climat chaud et tempéré et, dans une mesure moindre, dans celles à climat subtropical (Jim, 1991).
Rares ont été les recherches sur la tolérance à la pollution atmosphérique des essences adaptées au climat des villes tropicales par rapport à celles menées pour les régions tempérées. On a probablement éliminé, par un processus de tâtonnement, les essences très vulnérables aux agressions urbaines. Cependant, en ce qui concerne la tolérance à la pollution croissante des milieux urbains actuels, le criblage systématique a généralement fait défaut et il faudrait disposer de plus d'informations (Jim, 1990a; Chacalo et Pineau, 1991).
Généralisations concernant l'efficacité de la végétation dans la réduction de la pollution atmosphérique
On a formulé un certain nombre de généralisations concernant l“idéal” théorique des associations de plantes pouvant réduire la pollution atmosphérique. Elles figurent à l'encadré 4.7. Quoique fondées sur la recherche conduite en Amérique du nord, la plupart de ces considérations théoriques s'appliquent au monde entier (à l'exception de la deuxième basée sur la chute généralisée des feuilles en hiver).
Encadré 4.6. | Effets des arbres et autres plantes associées sur les polluants atmosphériques | ||
Elément | Exemples clés | Réduction des niveaux par les arbres | Observations |
Particules Solides (organiques, inorganiques) Liquides (aérosols) | Divers | Oui | Elimination par sédimentation (sous l'effet de la gravité); retombée (sous l'effet des précipitations). Les plantes réduisent la vitesse du vent, ce qui favorise le dépôt des particules. Les courants aériens se divisant pour contourner les plantes, les particules en heurtent la surface. |
Gaz Primaire (émis directement) | Eliminés par absorption foliaire ; utilisation d'une partie de l'azote par les plantes. | ||
Inorganique | Oxydes d'azote | Oui | |
Anhydride sulfureux | Oui, mais très limitée | La quantité éliminée par les plantes ligneuses serait négligeable comparée aux concentrations atmosphériques. De nombreuses essences subissent des dommages foliaires. | |
Monoxyde de carbone | Oui, mais limitée | Une certaine réduction serait due à la végétation ligneuse. | |
Chlore et fluor | Oui, en particulier le chlore | De nombreuses espèces végétales sont vulnérables aux halogènes. | |
Sulfure d'hydrogène | Non | (Pas d'effet signalé). | |
Ammoniac | Oui | Absorbé et utilisé dans une certaine mesure par les plantes (azote). | |
Organique | Hydrocarbures, aldéhides, mercaptans | Non | (Pas d'effet signalé). |
Secondaire (synthétisé dans l'atmosphère) | Ozone | Oui | Eliminé à un taux accéléré mais de nombreuses essences subissent des dommages foliaires. |
Peroxyacétyl nitraté | Oui, mais limitée | Les plantes réduisent les faibles niveaux mais des concentrations plus élevées causent des dommages foliaires. |
Encadré 4.7. | Considérations théoriques guidant le choix des arbres et associations végétales pour réduire la pollution atmosphérique |
1. Elimination des particules transmises par l'air Il faudrait donner la priorité aux essences qui ont des rapports élevés entre circonférence de la feuille et surface foliaire et entre surface et volume, et présentent une rugosité superficielle. | |
2. Elimination des particules pendant l'hiver (dans les régions tempérées) Les essences adaptées sont les résineux et les essences à feuillage décidu dont les branches et les brindilles ont une structure dense. | |
3. Elimination des polluants gazeux | |
Les essences forestières ayant une bonne tolérance aux environnements urbains sont les plus adaptées car leur taux métabolique et, partant, l'ouverture stomatite sont généralement, plus élevés. Une bonne résistance à la sécheresse est particulièrement indiquée. | |
4. Des ceintures vertes pour exercer une influence significative sur la qualité de l'air urbain | |
Des bandes relativement larges seront nécessaires si l'on veut vraiment réduire la pollution atmosphérique; la largeur minimale devrait être de quelque 150 m encore que ce chiffre variera en fonction des conditions locales. | |
5. Densité et structure des forêts urbaines et des ceintures vertes | |
| |
6. Minimiser les effets d'un échec imprévu Les plantations mixtes d'espèces à feuillage persistant et décidu minimisent le danger d'une brusque interruption de la fonction (mort d'une essence due à des agressions environnementales, entomologiques ou pathologiques élevées). | |
Source : Miller (1988) “Urban Forestry Planning and Managing Urban Greenspaces” (citant à la fois Smith, 1978 et DeSanto et al. 1976). |
Réduction du bruit
Dans les environnements urbains le bruit est souvent excessif et nuisible, notamment à fréquences élevées (ondes courtes). Bien qu'on ne possède guère de documentation sur la question, il s'agit certainement d'un problème qui affecte les villes du tiers monde et, en particulier, les habitants les plus pauvres, forcés de vivre dans les quartiers les plus désavantagés (Hardoy et al. 1992). Comme exemple probablement le plus pertinent on peut citer Mexico où le bruit peut atteindre des niveaux de 100 dB(A)1 de façon intermittente et quelque 75dB(A) en permanence à proximité des principales routes urbaines à grande circulation et de l'aéroport (Chacalo et Pineau, 1991:50). Comme le soulignent ces mêmes auteurs, ces chiffres sont d'autant plus alarmants qu'on sait qu'une exposition prolongée (plus de huit heures) à des niveaux sonores de 85 à 90 dB(A) peut entraîner la perte de l'ouïe.
Comme pour la pollution atmosphérique, l'arboriculture ne peut résoudre le problème du bruit mais peut contribuer à le ramener à des niveaux acceptables, en particulier si on l'associe à d'autres mesures de lutte contre les émissions sonores. Par exemple, Cook (1978) a observé que des arbres et des plantes associés au relief réduisaient le bruit des autoroutes de 6 à 15 dB alors que les arbres associés à des obstacles solides le réduisaient de 5 à 8 dB. Les arbres diminuent la pollution acoustique grâce à cinq mécanismes, à savoir l'absorption, le détournement, la réflexion, la réfraction et la dissimulation du son. En ce qui concerne l'absorption, les plantes absorbent en général plus rapidement les hautes fréquences que les basses ce qui veut dire qu'elles éliminent sélectivement les fréquences les plus nuisibles pour les oreilles de l'homme. L'efficacité du détournement, de la réflexion et de la réfraction du bruit dépend du modèle adopté pour leur plantation. La dissimulation consiste à remplacer des sons indésirables par d'autres agréables. La végétation produit des sons tels que le bruissement des feuilles dans la brise et les êtres humains tendent à faire une sélection entre les bruits indésirables issus de la ville et les sons de la nature (Miller, 1988, citant Robinette, 1972).
Lutte contre l'érosion
Les sols et les côtes de nombreuses villes du tiers monde connaissent une grave érosion, notamment si l'expansion de ces villes est récente et qu'elles ont largement dépassé leur taille initiale. Les pentes raides, vulnérables à l'érosion, sont les lieux privilégiés des logements auto-assistés. On reconnaît pleinement leur danger; de fait, leur établissement se fait normalement en contrevenant aux lois locales. D'après Douglas (1983), beaucoup de pays appliquent depuis de nombreuses années une législation visant à interdire les lotissements urbains sur des pentes excessivement raides. Comme exemple il cite la Loi forestière brésilienne de 1959 qui (bien qu'elle ne s'applique pas exclusivement aux emplacements urbains)
“a imposé l'interdiction de construire au-delà d'une certaine hauteur afin de préserver l'influence stabilisatrice des forêts et d'éviter de bâtir en travers des sources.”
Pourtant, à Rio de Janeiro, trois millions de personnes, soit les deux tiers de tous les habitants des favelas (logements auto-assistés), vivent sur les pentes raides qui entourent la ville, et les coulées de boue à la fin de la saison des pluies menacent en permanence la vie et les maisons des habitants.
Dans quelle mesure les arbres pourront contribuer à la maîtrise de ces mouvements du sol dépendra en partie de la nature de la pente et des conditions locales. Ce thème a fait l'objet de nombreuses recherches; le lecteur pourra consulter Coppin et Richards (1989) pour plus d'informations. Il ne faudra certes pas conclure que le couvert forestier pourra dans tous les cas réduire le bruit ou maîtriser l'érosion du sol. Les gouttes de pluies qui tombent de la couronne des arbres atteignent facilement une vitesse dangereuse avant de heurter le terrain et, du moment que les gouttelettes s'élargissent en s'unissent sur les feuilles, elles pourraient bien devenir encore plus dangereuses que celles qui tombent librement du ciel. A cet égard l'élément qui compte est la végétation de sous-étage (Clarke, comm.pers. cf. la section Références).
Encadré 4.8. | Des arbres pour lutter contre l'érosion et pour d'autres objectifs : travailler avec les dislocados (“déguerpis”) de Nampula, Mozambique |
La capitale de la province de Nampula est la troisième plus grande ville du Mozambique et sa population estimée à plus de 200 000 personnes. En réalité, les chiffres varient considérablement en fonction de la situation de la sécurité locale. La guerre civile du Mozambique a provoqué la fuite d'un grand nombre de réfugiés - dislocados - vers les villes où ils s'installent dans les bairros, les campements de squatters péri-urbains. Au moins 80% de la population actuelle de Nampula y vivent. Situés sur les flancs raides de la colline que domine la vieille ville, les bairros qui n'ont aucun système de drainage performant sont si vulnérables à l'érosion du sol et à l'érosion ravinante que les fortes pluies emportent les maisons et les terres productives. Tous les dislocados enregistrés ont droit à de petites parcelles de terre destinées à la production agricole (machambas), mais ces parcelles sont souvent situées loin de la ville et ne sont pas desservies par les transports en commun. La pénurie de bois de feu représente un problème d'une gravité croissante et contribue à la réduction du couvert forestier autour de la ville. | |
Depuis 1987 CONCERN, une institution charitable irlandaise, travaille aux côtés de la population locale pour promouvoir la conservation du sol et mettre au point des techniques viables d'utilisation des terres dans les bairros grâce à un projet qui comprend des activités d'horticulture (arbres fruitiers), d'agroforesterie, de plantations d'arbres forestiers et de construction de barrages non érodables et de barrages de correction. Les objectifs comprennent l'amélioration des pratiques culturales, la réduction du déboisement rural et de l'érosion du sol urbain et la promotion de techniques d'utilisation des terres respectueuses de l'environnement. En réalisant ces objectifs, CONCERN essaie de renforcer la capacité des organes gouvernementaux afin d'assurer la viabilité institutionnelle une fois que le financement aura pris fin. Dans une première phase, le travail de CONCERN consistait à appuyer l'établissement, auprès du Conseil municipal de Nampula, d'une Division de l'environnement désignée sous le nom de GAMA. C'est désormais une structure officielle qui depuis 1991 reçoit son propre financement. | |
Une grande partie du programme de plantation d'essences “forestières” s'était concentrée initialement sur l'emploi de Leucaena leucocephala, une essence qui devait fournir du bois de feu et contribuer à la conservation et à l'amélioration du sol. Quelques 200 000 plants ont été établis en 1990/91 dont la plus grande partie consistait en Leucaena (le reste se composant de Cassia siamea et Casuarina spp). Environ la moitié des plants a été fournie gratuitement aux agriculteurs des bairros désireux d'entreprendre des essais de cultures en couloir; le reste a été distribué à d'autres projets. Pour accroître la variété des essences forestières en réponse à la demande locale, on a planté par la suite Acacia albida, Albizia lebbek, Eucalyptus camaldulensis, E. citriodora, Gliricidia sepium, Melia azedarach, Moringa olifera et Prosopis juliflora. La demande de fruits et de plants d'arbres “forestiers” et fruitiers a augmenté à la suite de la campagne de sensibilisation financée par CONCERN. Elle comprenait des transmissions radiophoniques et la représentation d'une comédie forestière. Malgré la réaction positive, on ignore encore si la campagne influencera le comportement des résidents des bairros car les dégâts causés volontairement ou par simple négligence aux arbres et l'absence de protection des jeunes plants contre les animaux brouteurs causent des problèmes. | |
Source: CONCERN documents intérieurs |
Quelle que soit la situation, les arbres ne pourront jouer un rôle efficace dans la conservation du sol que si leur plantation s'accompagne de mesures complémentaires de nature à la fois pratique et institutionnelle. Bien que les aspects institutionnels seront analysés spécifiquement à la section sept, quelques-uns d'entre eux sont examinés dans l'exemple concernant les interventions visant à maîtriser l'érosion à Nampula, Mozambique, qui figure à l'encadré 4.8.
Aménagement des bassins versants: forêts péri-urbaines pour protéger les bassins de réception servant à l'approvisionnement en eau des villes
Le rôle des arbres et des forêts dans la lutte contre l'érosion pourrait s'étendre à la protection des bassins de réception. Dans de nombreuses parties du monde, on exerce un contrôle rigoureux sur ces bassins qui approvisionnent en eau les villes, et qui sont normalement protégés par un couvert forestier. Dans certains cas on a même sollicité une aide extérieure à cette fin. Par exemple, la FAO a appuyé des programmes d'aménagement des bassins versants pour l'approvisionnement en eau de Katmandou, Népal, Freetown, Sierra Leone et Tegucigalpa, Honduras. Comme le montre le cas de Katmandou (encadré 4.9), l'aménagement des bassins versants des zones péri-urbaines pour la fourniture en eau des villes peut donner lieu à des conflits d'intérêts. Il faudra les affronter avec délicatesse, en tenant compte des besoins des résidents tant urbains que péri-urbains.
Cultiver des arbres en utilisant les déchets urbains
Il se pourrait que notre mode de considérer les déchets urbains soit sur le point d'évoluer; suivant les mots de Smit et Nasr (1992:143).
“Les zones métropolitaines sont en voie de changement et passent d'une prédominance de systèmes à boucle ouverte avec flux à sens unique des ressources “dans” et de déchets “hors de” la ville à une prédominance de systèmes à boucle fermée où la distinction entre déchets et ressources tend à s'estomper”.
D'une manière générale on peut grouper les déchets urbains en deux catégories: eaux usées et déchets solides. La valeur potentielle des premières intéresse particulièrement les zones arides et semi-arides, où les eaux usées riches en éléments nutritifs sont un intrant important en agriculture et en foresterie. Du fait cependant qu'elles peuvent contenir des agents pathogènes et des vecteurs, elles conviendraient davantage aux cultures forestières non vivrières qu'aux cultures agricoles destinées à la consommation humaine. Smit et Nasr (opp. cit.) considèrent aussi que l'emploi d'eaux usées dans les zones urbaines du tiers monde a plus d'avenir que dans les pays industrialisés car elles contiennent moins de produits chimiques et toxiques. Leur usage potentiel variera suivant les pays et, dans certains cas, il faudra surmonter une gamme de contraintes culturelles et socio-politiques. On pratique déjà ce type d'arboriculture avec irrigation à base d'eaux usées par exemple à Lima (Pérou), au Caire (Egypte) et en Jordanie.
Encadré 4.9 | Le projet d'aménagement de bassin versant et plantations énergétiques à Shivapuri, Népal |
L'une des principales sources d'eau potable pour les habitants de Katmandou (capitale du Népal) est le bassin versant de 144 km2 de Shivapuri. Pendant les années 1970, on s'est aperçu que la qualité et la quantité de l'eau obtenue de cette zone diminuaient en raison de la perte du couvert forestier, du surpâturage et de l'agriculture pratiquée sur des pentes raides. En 1975, le gouvernement du Népal a décidé que l'essentiel de la zone (112 km2) serait protégé en tant que bassin versant et réserve de faune sauvage. Un mur de démarcation et une route ont été construits autour de la réserve et on a éliminé la plupart des agglomérations disséminées à l'intérieur de la zone, à l'exception de deux villages. On y a interdit la chasse, le pâturage et la collecte de bois de feu et de fourrage, et des gardes armés ont été placés le long du mur pour contrôler la mise en application de ces règlements. | |
Les résidents invités à quitter la zone ont été dédommagés de l'abandon de leurs terrains et maisons, mais ils ont manifesté un profond ressentiment pour la perte d'accès à la forêt. En particulier, de nombreuses familles se sont indignées de l'interdiction de ramasser du bois de feu; avant ils tiraient dégagé une part importante de leur revenu de la vente de ce bois au marché de Katmandou. Finalement, en 1985, le gouvernement a lancé un programme destiné à répondre aux besoins de la population de Shivapuri. Le Projet d'aménagement du bassin versant et d'établissement de plantations énergétiques a été mis en oeuvre grâce à l'aide de la FAO et du fonds fiduciaire norvégien. Il a permis la mise en route d'activités rémunératrices, y compris l'arboriculture fruitière et le maraîchage, la production de champignons, la sériciculture, et l'établissement de plantations privées de bois de feu, fourrage et bois d'oeuvre. Des foyers améliorés (chulos) ont été également distribués pour réduire la consommation locale de bois de feu, et le projet a offert des emplois salariés. On a estimé que certaines de ces initiatives, sinon toutes, se sont soldées par un succès mais qu'elles n'auraient favorisé que certaines personnes, à savoir les résidents les plus riches et les plus instruits. Selon un critique | |
“Les efforts faits pour lutter contre la dégradation de la forêt ne peuvent réussir sans l'engagement des populations locales. Des mesures ad hoc, telles que l'introduction de chulos améliorés, l'horticulture et l'arboriculture ne résolvent pas les insécurités fondamentales auxquelles doivent faire face quotidiennement les agriculteurs de Shivapuri et des alentours.” | |
Les actions à entreprendre à l'avenir pour aménager le bassin versant de Shivapuri paraissent évidentes, encore que certains aspects pratiques restent irrésolus. | |
Source : Rankin et Joshi (1992) “Speaking for Shivapuri's Rim Dewllers”. |
On peut grouper les déchets solides en organiques et inorganiques, les premiers (comme compost) étant déjà largement employés dans l'agriculture urbaine. Dans le contexte actuel il est intéressant de souligner leur utilisation courante dans la culture d'arbres fruitiers et la production de plants. En Chine, l'utilisation des déchets solides est particulièrement bien développée dans les jardins urbains à système pratiquement clos (Honghai, 192). Un autre type de déchets organiques urbains provient de l'entretien des parcs et des arbres d'alignement. Dans un certain nombre de villes du monde en développement, les résidus de l'élagage sont fragmentés et utilisés comme paillage, alors que les feuilles et l'herbe de la tonte des pelouses sont compostées. Certaines municipalités se vantent d'être pratiquement autosuffisantes à cet égard. Des systèmes semblables pourraient être aisément mis en oeuvre dans des villes telles que Hong-kong et Singapour mais dans de nombreux pays en développement ils soulèveraient des difficultés. Les résidus de l'entretien des arbres et pelouses ont davantage de valeur en tant que combustible et fourrage (cf section 4.1).
Selon Smit (1992:12),
“Il existe dans de nombreux pays d'immenses possibilités non exploitées d'associer les forêts et les déchets urbains en vue d'accroître la biodiversité, de créer des aires de loisirs et de produire des aliments, du combustible et du matériel de construction”..
Quand bien même ce principe serait fondé d'importants changements organisationnels s'imposent auparavant.
La section six examinera un certain nombre de problèmes potentiels que posent les arbres dans les zones urbaines, notamment en ce qui concerne le choix des espèces. Cependant, un bref aperçu des problèmes en question et des moyens de les éviter s'impose ici.
Coût
Il peut coûter très cher de mettre en oeuvre des initiatives de foresterie urbaine menées sur une échelle supérieure à celle des petits jardins particuliers. Tel est le cas, en particulier, si l'on veut obtenir des résultats immédiats des plantations d'agrément, et qu'on plante des arbres déjà grands qui exigent des soins intensifs pendant la première année suivant la plantation. Les coûts d'entretien, et surtout d'irrigation, peuvent être alors très élevés. Des campagnes de plantation mal conduites peuvent aussi s'avérer très onéreuses si le taux de mortalité est élevé du fait d'un appui insuffisant ou mal orienté (voir la section sept pour des remarques sur de telles campagnes). Il existe de nombreux moyens de réduire les coûts et de maximiser les avantages grâce à l'emploi de techniques appropriées et à une planification judicieuse (voir les sections cinq et sept respectivement), mais il est vital d'organiser un entretien constant.
Menaces à la sécurité publique
Des arbres mal plantés ou inadaptés peuvent constituer un danger pour les citadins, soit directement (chute de branches ou de l'arbre lui-même) soit indirectement. Le premier cas s'appliquera en particulier aux pays régulièrement frappés par des cyclones tropicaux ou des ouragans. Ces problèmes touchent de manière croissante les anciennes colonies où les arbres plantés en période coloniale sont désormais trop vieux et devraient être remplacés (Denne, comm.pers.). Alors que, dans de nombreux pays développés, des mesures sont prises pour assurer l'élimination ou le traitement des arbres dangereux, elles n'existent souvent pas ou ne sont pas appliquées dans certains pays en développement. Il en résulte qu'il y aurait davantage lieu de s'inquiéter de la sécurité des arbres dans les villes des pays en développement que dans celles des pays développés. Ongaga (1992) observe qu'au Kenya, par exemple, les problèmes causés par les arbres “qui obstruent les autoroutes et qui tombent sur les toits des maisons sont courants en zone urbaine”. La plantation et le choix judicieux des essences, leur entretien régulier et des responsabilités clairement définies quant à la gestion des arbres dangereux contribueraient à accroître la sécurité des citadins.
Les menaces indirectes à la sécurité humaine causées par les arbres comprennent l'accrochage par les branches des lignes électriques aériennes, la visibilité réduite et, partant, les accidents, et les cachettes que les arbres assurent aux agresseurs. On peut en général éviter aisément les deux premières menaces par un choix rationnel des essences et leur entretien régulier, de même que, dans une certaine mesure, la troisième. Dans le cas de parcs urbains, en particulier, la dissuasion des agresseurs potentiels impose des mesures additionnelles. A Limbe, dans le sud-ouest du Cameroun, les résidents locaux évitaient normalement les jardins botaniques par peur d'être attaqués, jusqu'au lancement d'une campagne de “remise en ordre” à la fin des années 1980. Elle a comporté l'élimination de la végétation de sous-étage, l'entretien des clôtures et le recrutement de gardiens - il en est résulté une diminution considérable des attentats. Les citadins, en particulier les femmes, des villes européennes expriment aussi très fréquemment leur crainte d'être attaqués par des malfaiteurs cachés derrière les arbres (Hill, comm. pers.). On peut réduire ces risques en bordant les sentiers de plantes basses qui ne sont remplacées par des arbustes et, ensuite par des arbres, qu'à une certaine distance des sentiers. Là où les résidents sont plus susceptibles d'être attaqués, le choix des essences forestières devra être limité à celles qui ne deviendront jamais assez épaisses pour offrir une cachette adéquate à l'agresseur.
Dommages structurels
Les racines des arbres d'alignement provoquent souvent des crevasses dans les routes et les trottoirs et peuvent endommager les tuyaux d'adduction d'eau. Les arbres urbains peuvent aussi causer des dégâts structurels aux immeubles au niveau des fondations (racines), ou par leur chute ou celle de leurs branches. De même que pour la sécurité personnelle, un choix judicieux des essences et leur maintien permettront de réduire ces problèmes (Biddle, 1987).
Vandalisme et broutage
Des dommages peuvent être infligés aux arbres par le désir pur et simple de destruction, par la négligence lors de la récolte des produits forestiers et par le broutage du bétail. Alors que de nombreux forestiers et arboriculteurs attribueront au vandalisme toutes ces actions, elles présentent de claires différences. Alors que seul le vandalisme délibéré ou accidentel représente normalement un problème dans le monde développé, ces trois formes de dommage coexistent dans les villes du tiers monde. Toute autre considération mise à part, de ce fait elles offrent un lieu bien moins propice à la culture des arbres.
Gagner l'appui actif à l'arboriculture des populations locales est l'aspect le plus important de la lutte contre toutes les formes de dégâts imputables à l'action de l'homme et des animaux, thème qui est examiné à la section cinq. Cependant, on peut fort bien planifier les plantations d'arbres d'agrément de façon à réduire les risques de vandalisme. Les arbres plantés dans un terrain cultivé sont normalement moins vulnérables aux dommages volontaires ou accidentels que ceux entourés d'asphalte ou de béton, de même que ceux plantés en groupes par rapport aux arbres isolés (Hill, comm. pers.). Ce fait est confirmé par l'observation des arbres d'alignement de Bangalore, Inde. On a noté que
“l'ampleur des mutilations est inversement proportionnelle au niveau du couvert forestier du lieu. Moins il y avait d'arbres, plus insidieux s'avérait le processus de destruction … Partout, il y avait soit une mutilation très réduite soit une mutilation quasi-totale … On aurait dit qu'un seuil psychologique intervenait: une fois que les gens ont surmonté leurs inhibitions et pris l'habitude de taillader les arbres, ils le feront invariablement”. (Gadgil et Parthasarathy, 1977: 65).
La position des pieux peut aussi stimuler le vandalisme; les arbres entourés de pieux à hauteur de poitrine seront plus susceptibles d'être brisés que ceux de plus petite taille et moins apparents.
Le degré de vandalisme délibéré vis-à-vis des arbres urbains varie suivant les régions du tiers monde mais on en signale des exemples dans un grand nombre d'endroits (comme dans le projet CONCERN au Mozambique décrit à l'encadré 4.6). L'observation suivante est salutaire.
“Il est courant au Kenya, pendant les funérailles de personnages importants ou lorsqu'une équipe locale gagne une coupe prestigieuse, de couper des arbres et de porter des branches en signe de deuil ou de victoire. Une journée de désordre suffit pour qu'un parc soit dépouillé de milliers d'arbres” (Onganga, 1992:219).
Les dommages causés aux arbres lors de la récolte de leurs produits sont étroitement liés à l'objectif de la plantation, point qui est examiné à la section six (choix des essences). Les dégâts dus au bétail peuvent être minimisés par le choix d'espèces non fourragères et l'érection de dispositifs de protection autour des plantes vulnérables (notamment des jeunes arbres d'alignement), comme l'analyse en détail Shyam Synder, 1985.
Elimination désorganisée des déchets
Plutôt qu'un moyen de recycler les déchets urbains, les forêts urbaines peuvent servir de décharge et, partant, porter de graves dommages à l'environnement. Comme le remarque un chercheur,
“Beaucoup de gens considèrent les forêts urbaines comme le lieu idéal pour déverser les déchets industriels. Il s'agit là d'un grave problème qui ne trouve pas de solution aisée au Kenya car il concerne des personnes riches et influentes. Les déchets constitués par des pneus, des bouteilles et d'autres sous-produits de l'industrie couvrent souvent des superficies étendues qui pourraient être destinées à la plantation d'arbres. Ces déchets sont devenus aussi un danger pour la santé des citadins” (Onganga, 1992:219).
Accès à l'énergie solaire
Dans les pays en développement aussi bien que développés qui jouissent d'un important rayonnement solaire, on fait appel de plus en plus souvent à l'énergie solaire. Tout en reconnaissant la valeur de l'ombre rafraîchissante qu'offrent les arbres, si cette ombre réduit le rayonnement qui frappe un panneau solaire elle pourrait fort bien être jugée comme un inconvénient. Dans de nombreux Etats des E.-U.A. de nouvelles lois concernant l'accès à l'énergie solaire imposent l'élagage ou l'abattage d'arbres qui obstruent le rayonnement solaire (Miller, 1988). Bien que ces obstacles juridiques n'affecteront sans doute pas les arboriculteurs urbains des pays en développement, la question de l'accès à l'énergie solaire peut revêtir une importance croissante à l'avenir.
Pour conclure cette section, les arbres urbains peuvent fournir une gamme étendue d'avantages aux citadins du tiers monde, en particulier si leur culture est associée à des activités complémentaires visant à améliorer les conditions de vie urbaine. Certes, la pleine potentialité de la foresterie urbaine ne se réalisera que si elle reçoit un appui socio-politique et institutionnel vigoureux. De même, pour minimiser nombre des problèmes potentiels que posent les arbres urbains, il faudra entreprendre une action au niveau socio-politique et institutionnel. Ces questions sont examinées ultérieurement aux sections cinq et sept.