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Première partie: ANALYSE PAR PAYS DU SECTEUR AQUACOLE

I-I L'EGYPTE

“L'Egypte est un don du Nil” écrivait l'historien grec Hérodote, il y a 25 siècles. Ce fleuve a fait de sa plaine et de son delta la plus grande oasis du monde. Mais cet oasis est précaire car menacé par la surpopulation : 13,5 millions d'habitants vivent au Caire et la population égyptienne (58 millions en 1993) s'accroit d'un million d'habitants tous les 8 mois, c'est à un rythme (2,5%) très supérieur à la croissance économique qui n'est que de 0,5% (l'Etat du Monde 92). C'est donc la course contre la montre pour le gouvernement égyptien qui, fort de son héritage historique et de son rayonnement culturel dans le monde arabe, entend montrer le bien-fondé de ses choix politiques de développement avec l'aide de la communatué internationale. Celle-ci ne lui ménage pas son soutien depuis l'engagement de l'Egypte dans un ambitieux programme de réformes économiques : annulation de 25 milliards de dollars de la charge de la dette, signature d'un accord avec le Fonds Monétaire International en 1991, obtention auprès de la Banque Mondiale d'un prêt pour favorise l'ajustement structurel.

I-1.1 LE SECTEUR DU DEVELOPPEMENT

a) Historique du développement de l'aquaculture

La représentation la plus ancienne au monde d'une activité d'aquaculture est un bas-relief d'une tombe thébaine daté de 2 000 ans avant J.C. Le peuple égyptien vit depuis toujours dans la vallée du Nil et son delta. Il a donc une longue expérience de la gestion de l'eau, de la protection contres les crues, de l'irrigation, de la polyculture intégrée en systèmes extensif ou semi-extensif. Cette accumulation de siècles d'expérience rend les Egyptiens particulièrement réceptifs aux possiblités de l'aquaculture sous toutes ses formes. Tous les Eygptiens savent que l'eau est précieuse, qu'elle est la vie, et qu'elle doit être partagée avec intelligence pour permettre le profit du plus grand nombre. Cette perception est suffisamment rare pour mériter d'être soulignée.

Figure 1

Figure 1: Bas relief d'une tombe thébaine daté de 2000 avant JC : Pêche au tilapia dans un bassin aménagé (cité par Chimits, 1958)

La première ferme d'expérimentation sur l'élevage de poisson a été construite en 1931 à El Mex, au bord du lac Maryut, près d'Alexandrie. L'objectif était de restocker le lac en alevins de mulets afin de compenser la baisse des prises. Cette forme d'élevage n'a cessé depuis de se développer : 50 millions d'alevins en 1926, 100 millions en 1988 (Sadek, 1989).

En 1938, des juvéniles de soles sont stockés à des fins de repeuplement dans le lac Quarun, lac déparessionnaire situé à 90 km au Sud-Ouest du Caire (Ezzat et al, 1979). Le suivi des restockages successifs montre une très bonne adaptation des soles à leur nouvel environnement et l'apparition d'une reproduction in situ. La production est passés de 1,5 T en 1943 à 900 T en 1970.

Après la seconde guerre mondiale, diverses techiques d'élevage sont essayées : rizipisciculture, huître perlière en Mer Rouge. Mais les bases scientifiques du développement de l'aquaculture ne sont mises en place qu'à partir des années 70 avec l'aide internationale : ferme pilote de El Zawya en 1977, avec la coopération de la FAO, ferme de Maryut en 1979 avec l'aide de la Banque Mondiale, Centre National d'Abassa avec l'appui de l'USAID en 1981, fermes de Raswa, au bord du lac Manzala en 1980 et de Barsik, près du lac Edku, en 1983.

L'effort gouvernemental de recherche et de démonstration dans les fermes pilotes est mené par la GAFRD (General Authority for Fisheries Resources Development) organisme dépendant du Ministère de l'Agriculture). Au début des années 80, la production aquacole augmente rapidement et passe en 10 ans d'environ 23.000 T(1982) à 54.000 T(1992). Il faut cependant rester prudent sur les données quantitatives car le système de collecte des résultats de production ne présente pas toutes les garanties de précision et de fiabilité.

b) Contexte général du développement

Depuis quelques années, l'économie égyptienne s' est engagée dans un processus d'assainissement et de restructuration avec l'aide des principaux bailleurs de fonds internationaux. Par ailleurs, l'augmentation des recettes du canal de Suez et la hausse des revenus pétroliers ont permis un excédent de la balance des paiements courants en 1991. Cependant, plusieurs problèmes menacent cette embellie économique:

-  au plan structurel, la démographie garde une croissance trop forte pour les capacités de développement actuelle du pays. D'autre part, la stagnation de l'industrie et de l'agriculture montrent que ces deux secteurs s'essouflent, le premier en raison d'une diversification insuffisante, le second en rasion du manque de terres disponibles et de la pression de l'urbanisation et la raréfaction de l'eaux disponible pour l'irrigation.

-  au plan conjoncturel, la crise régionale liée aux retombées de la guerre du golfe a réduit considérablement deux importantes sources de devises : le tourisme et les transferts financiers des 2 millions d'Egyptiens employés au Koweit ou en Israël. Enfin, la mise en oeuvre du plan d'ajustement structurel, qui n'ira pas sans sacrifices pour la population, risque d'entraîner des troubles sociaux

c) Place de l'aquaculture dans le développement

D'une façon globale, l'Egypte représente le pays aux plus fortes potentialités aquacoles de toute l'Afique du Nord. Compte tenu de la surface disponible à des fins d'aquaculture, 300 à 800.000 ha selon les auteurs, elle est capable, à partir de nombreux sous-produits disponibles sur son sol et d'une main-d'oeuvre de qulité ayant une culture ancestrale de l'eau, de produire des quantités de pissons de haut de gamme (loup, dorade) et de crevettes (Penaeus japonicus notamment) susceptibles d'approvisionner le marché européen à des coûts inférieurs ou comparables à ceux observés ailleurs autour de la Méditerranée.

La croissance rapide de la population, la tradition de consommation de consommation de poisson, la forte demande sur toutes les espèces de poissons (selon Saad, l'élasticité de la demande en poisson par rapport au revenu est de + 0,7), la stagnation des capacités de capture de la pêche tant en mer ouverte que dans les eaux intérieures ont conduit les autorités égyptiennes à soutenir le développement de ce secteur depuis la fin des années 60. A l'époque, il s'agissait de compenser rapidement l'effondrement de la pêche en mer passée de 65.000 T en 1963 à 11.000 t en 1970 (Saad, 1982).

Les résultats du tableau 3 montrent clairement la progression de ce secteur. L'augmentation en parallèle des prises de la pêche, notamment par le doublement des captures en mer, dans les lacs saumâtres et dans le Nil, a permis d'élever en 10 ans la consommation de poisson de 5,9 à 7,8 kg/habitant et par an.

Tous les auteurs s'accordent à dire qu'il reste d'importantes marges de progression dans toutes les formes d'élevage aquacole mais que l'accentuation de la pression des activités humaines au sens large (urbanisation, récupération des terres cultivables au détriment des lacs, pollutions d'origines agricole et industrielle, etc), nécessite une réorganisation du développement de ce secteur afin d'éviter le gaspillage des ressources et les risques d'effondrement des productions par suite de l'eutrophisation et de la pollution des milieux aquatiques.

 19821992
Pêche (x 1000 T)186347
Aquaculture (x 1000 T)2354
Importation (x 1000 T)79111
Exportnégligeablenégligeable
Consommation apparente (x 1000 T)266457
Population (millions)44,558,2
Consommation (kg par habitant et par an)5,97,8
% aquaculture1215
/production nationale1215

Tableau 3 : Evolution des principaux paramètres de la production et de la consommation des produits aquatiques en Egypte de 82 à 92.
(Sources : GAFRAD, OAA, CEA, Sadek)

d) Statistiques de production

Le tableau 4 présente les valeurs de la production aquacole. Celles-ci sont extraites des statistiques collectées par le Ministère de l'Agriculture. On observe que la production aquacole augmente régulièrement jusqu'en 1987 en raison notamment des succès de la rizipisculture, forme d'élevage développée par le secteur privé (carpes et tilapias). En revanche, la progression de fermes privées semble s'être arrêtée depuis 1986. La raison invoquée est la pression administrative pour la récupération de terres agricoles au détriment des surfaces en eau des 4 lacs inférieurs (“Land réclamation”). Ainsi la surface de ceux-ci est passée de 239.000 ha en 1956 à 198.000 ha en 1984 et il risque de n'en rester qu'environ 100.000 ha en l'an 2000 (Sadek, 1984).

Les cages à tilapia dans le Nil ont connu un développement significatif depuis 1989. On peut en observer sur plusieurs dizaines de kilomètres de long du cours principal du Nil en amont de Damiette. Mais la pollution croissante des fleuves et l'auto-pollution de cette forme d'élevage en limite d'expansion.

année19821983198419851986198719881989199019911992
Fermes d'Etat0,10,40,80,70,81,31,31,41,81,96
Fermes privées2323293136381616181418
Rizipisciculture  3815202227242126
Cages      0,33,8454


Total aquaculture

2324324052594047484254
Import7310012180100102111114138090111
Consommation266266330270317342380390430433457

Tableau 4: productions de l'aquaculture en Egypte de 1982 à 1992 (en milliers de tonnes) (source : Ministère de l'Agriculture)

e) Analyse de quelques échecs et succès significatifs

Eches :

Ces trois exemples résument bien les raisons majeures des difficulté de l'aquaculture égyptienne :

-  Etude insuffisante des contraintes du site notamment au plan de la qualité de l'eau.

-  Absence d'étude préalable sur la rentabilité financière à term et notamment l'évolution du marché.

-  Dimensions excessives des project, ce qui transforme les petits problèmes de mise au point initiale en défauts difficiles à corriger car déjà multipliés à grande échelle.

-  Dépendance excessive de l'approvisionnement en alevins sauvages, les écloseries, quand elles existent, sont trop peu fiables pour permettre la mise en oeuvre d'un programme d'expérimentation rigoureux.

-  Insuffisance de la formation scientifique et technique.

-  Ambiguité de la concurrence commerciale à terme entre le secteur privé et les fermes d'Etat à finalité commerciale.

-  Faible efficacité du transport d'alevins sous la responsabilité de l'Etat alors que les survies au transfert auraient probablement été bien meilleures sous la responsabilité du secteur privé.

-  Manque d'une structure de recherche en charge exclusivement de l'adaptation de technologies déjà bien maîtrisées ailleurs.

Succès :

CHARGESPRODUITS
 - 6 T à 4 livres/kg
(5 ind./kg)
24.000
- Alevins
60.000 individus/an
(survie finle : 50 %) à 40 livres/1000
2.400 
- Aliment taux de conversion : 2
6 × 2 × 300 livres/tonne
3.600 
- Salaire gardien 200 livres × 122.400 
- Entretien/ divers1.600 
- Amortissement4.000 
- Bénéfice d'exploitation10.000 
Total24.00024.000

Tableau 5 : Compte d'exploitation type d'un éleveur de tilapia en cage sur le Nil

Ces trois exemples de succès tirés de milieux et de systèmes d'élevage différents mettent en évidence les facteurs communs du développement :

-  Valorisation de milieux naturellement riches par des aménagements simples et peu coûteux.

-  Utilisation d'un savoir faire traditionnel au service de l'intensification progressive de la production (collecte, tri et transport de juvéniles, gestion de l'eau, récolte).

-  Recherche et approvisionnement réguliers de marchés porteurs.

Il est intéressant de noter que dans deux cas (74–84 pour le tilapia et le mulet, 85–91 pour le loup et la dorade), le développement de l'aquaculture en Egypte a été entraîné par des augmentations significatives du prix de vente local : la construction du barrage d'Assouan dans les années 60 a entraîné une chute rapide de la production sardinière des eaux côtières du delta, qui est passée en quelques années de 30.000 tonnes à 8.000 tonnes par an, ce qui a fait monter les prix Tilapia et des Mugilidés. Ce renchérissement a permis le décollage de la production aquacole égyptienne de ces espèces qui est passée de 5 000 tonnes de production en 1974 à 35.000 tonnes en 1986.

Le deuxième exemple concerne la récupération à partir de Bardawill, où les Israéliens avaient développé de 1967 à 1978 un circuit d'exportation vers l'Italie de loups et de dorades : entre 1968 et 1978, le chiffre d'affaire pour ces a été multiplié par 10 et la part à l'exportation par 26. (Pisanty, 1981). La récupération dans les années 80 de ce marché a dynamisé les cours locaux des loups et dorades en les faisant passer de 15 à 45 livres égyptiennes/kg (en valeur 92). Cette rapide augmentation est à l'origine de ce second décollage de l'aquaculture en Egypte, cette fois à partir de la production des espèces marines “nobles” qui passent de 50 à 1 000 tonnes en 4 ans.

I-1.2 LE SECTEUR DE LA RECHERCHE AQUACOLE

a) Cadre administratif et institutionnel

Depuis 1983, le secteur de l'aquaculture est sous la responsibilité du GAFRD, General Authority for Fish Resources Development, organisme dépendant du Ministère de l'Agriculture Cette institution placée sous la responsabilité d'un président, actuellement M. Taher Youssef, est divisée en 4 départments : recherches et Projets, Formation et Assistance Technique, Pêche et Aquaculture. Trois sous-secrétaires basés à Alexanderie, Damiette et Suez ont respectivement reponsabilité de régions Ouest, Centre et Est (dont le Sianï). Dépendant du GAFRD, I'Institu Ocenography and Fisheries (IOF) est chargé de la partie recherche. Son activité s'est développée sur 3 cnetres: le Caire, Alexandrie et Al Shardaga sur la Mer Rouge. Trois universités (Le Caïre, Alexandrie et Suez) ont un départment d'océanographie et de biologie marine/eau douce; elles collaborent fréquemment avec le GAFRD sur des programmes spécifiques.

Le GAFRD gère plusieurs femes-pilotes, comme El Zawya, Barsik, Maryut, réparties dans la vallée du Nil et le delta. Neuf d'entre elles assurent la production de juvéniles de carpes et de tilapias (El Abassa, El Sharkia, Safat Khalid, Fewa, El serow, El Tell el Kébir, etc). En plus de la fonction de production/démonstration, certaines fermes ont la responsabilité de programmes de recherche, comme le grand centre d'Abassa à 150 km au nord-est du Caire. Le GAFRD a également la responsabilité de 16 centres de collecte d'alevins qui approvisionnent le secteur privé comme Shandura sur le canal de Suez ou El Mex à Alexanderie.

Le GAFRD mène également des essais de culture en enclos dans les lacs Quarun et Nasser ainsi que des élevages en cage dans les bras du Nil et les grands canaux d'irrigation.

b) Objectifs et programmes de recherche

Les programmes de recherche en aquaculture embrassent un domaine très vaste car le gouvernement souchaite à la fois consolider les production existantes et diversifier les espèces d'élevage dans tous les milieux aquatiques depuis l'eau douce des fleuves jusqu'aux lacs hyperslaés.

On peut distinguer deux grandes orientations dans l'ensemble des programmes de recherche menés sous l'égide de GAFRD: la recherche par espèces ou groupes d'espèces et la recherche thématique.

-  Recherche par espèces: il s'agit essentiellement des espèces suivantes:

-  Recherche thématique:

Le GAFRD dispose de 6 stations de recherche: El Abassa, El Serow, El Khiria, Shandura, Maryut (éclosrie d'espèces marines) et Kaytbay (écloserie d'espèces d'eau douce). Plusieurs écologie, limnologie, physiologie et technologie de l'alimentation. Environ 200 chercheurs et 100 professeurs associés sont impliqués dans ces programmes. La plupart ont été formés à l'etranger. Les financements proviennent de GAFRD, des Universités, des Ministères de l'Agriculture et de la Recherche scientifique et sont abondés par de nombreux programmes d'origine étragère, le plus souvent par le biais de la coopération bilatérale.

En matière de coopération internationale, l'Egypte collabore avec de nombreux pays comme les Etats-Unis (écloserie de muges avec l'Oceanic Institute d'Hawaï), la Chine (polyculture poissons-canards), les Pays-Bas (production d'Artemia avec l'Université de Gand), la Norvège (production de masse de Tilapia), le Danemark (écloserie de pissons marins) L'Italie, Taïwan, etc.

I.1.3 LES PRIORITES DE LA RECHERCHE POUR LE DEVELOPMENT

a) les priorités du développement

Le développement de l'aquaculture représente toujours une des priorités de l'Etat égyptien pour plusieurs raisons:

-  il s'oppose à l'exode rural, or la surpopulation des villes et surtout du Caire (environ 14 millions d'habitants en 1992) est un frein considérable à l'organisation des conditions de vie satifaisantes pour l'ensemble de la population.

-  il permet de diversifier les sources de protéines á un coût faible: la proéine du poisson est une des moins chères des les protéines. L'Etat vise une consommation moyenne de produits aquatiques par habitat d'environ 9 kg par an en 1996 et de 10 kg par an en l'an 2000. S'il veut éviter les importations, il faut augmenter la production nationale. Cet énorme effort paraît justifié car le déficit des produits aquatiques de la Défense a chargé la société norvégienne Aquarius de préparer un programme de production de tilapias pour l'alimentation des armées. Ce programme implique 26 entreprises européennes et représente un investissement de 14 millions de dollars.

-  il conduit à valoriser les surfaces en eau et notamment l'immense lac Nasser en amont du barrage d'Assouan. Pour ce qui concerne les lacs traditionnellement exploités, les rendements restent encore faibles de l'ordre de 100 à 300 kg/ha alors qu'un potentiel bien supérieur existe (Sadek, 1986. Hem, 1991). Certains auteurs pensent d'ailleurs que les productions enregistrées sont largement sous-estimées en raison d'une forte auto-consommation.

-  il sitmule la recherche d'une meilleure utilisation de l'eau, ressource appelée à se raréfier dans les prochaines années: rizipisciculture, polyculture de poissons ou poissons-crustacés. Intégration avec d'autres formes d'élevage (canards), utilisation de carpes phytophages par l'assainissement de canaux, fertilisation de l'eau d'irrigation, etc. II faut souligner ici le poids politique considérable du Ministère en charge de la gestion des eaux. Ce poids est d'autant plus fort qu'il n'y a pas de vrai débat au plan macro-économique sur la place de l'aquaculture dans l'aménagement du delta. Grâce à des rendements quantitatifs plus élevés, la rizipisciculture supplante peu à peu les autres formes d'aquaculture et gagne progressivement sur la surface des grands lacs saumâtres; d'où l'intérêt d'une meilleure connaissance des polycultures possibles.

-  il ouvre des persepectives de production par la conquête de l'espace marin. Cette évolution permet de s'affranchir des contraintes grandissantes liées à l'occupation des terres du delta ou du Nil. Une étude de 1979 (France Aquaculture) monte ainsi l'important potentiel du littoral de la mer rouge avec 76 sites favorables et 5 espèces élevables (dont la dorade et la crevette) sans difficulté technique majeure.

-  il offre de bonnes perpectives de rentabilité financière, notamment à l'exportation. Les fermes privées sont plus intensives (postes aliment et juvéniles plus élvés) que les fermes e'état, car elles cherchent à réduire la main d'oeuvre et les frais généraux, ce qui les conduit généralement à une bonne rentabilité. Celle-ci est déjà élevée en système en système extensif comme le montre le tableau 6 qui établit un compte d'exploitation type d'une ferme extensive de loup/dorade de la zone nord du lac Manzala.

ChargesProduits
-Alevins-loups, dorades
(200 l.e/1000)
100-40 kg à 45.l/kg1.800
  -tilapias
(40 l.e/1000)
120-300 kg à 4.l.e/kg1.200
  -mulets
(6.l. e/1000)
30-120 kg à 12 l.e/kg1.440
-Fertilisation100 
-Gardien (Sur 20 ha)
200 l.e. × 12/20
120 
-Main d'oeuvre pour récolte100 
-Gasoil500 
-Boîtes isothermes/glace400 
-Enttretien400 
-Amortissement 1.500 l.e/ha/10 ans150 
-Bénéfice d'exploitation2.420 
Total4.4404.440

Tableau 6: Compte d'exploitation type d'une ferme extensive d'un hectrare sur le lac Manzala (1 l.e. = livre égyptienne = 0,3 USD en octobre 1992; source : GAFRD))

Cette volonté gouvernementale du développement de ce secteur s'accompagne du souci d'affecter les espèces aux zones qui sont les plus favorables à leur croissance. Plusieurs auteurs principaux facteurs limitants de ces projets sont le manque de technologie adaptées au contexte du pays et l'insuffisance de formation à tous les niveaux de responsabilité technique.

On peut ramener l'ensemble des priorités du Gouvernement égyptien en matière de développement de l'aquaculture trois éléments:

-  le développement de l'aquaculture marine:

-  la maîtrise de l'ensemble des techniques d'élevage du Tilapia (notamment le passage de i'hiver et la production d'hybrides rouges)

-  la valorisation de l'eau et l'aménagement des lues saumâtres

Cette denière priorité apparait la plus urgente à mettre en oeuvre. Le développement anarchique actuel est supportable parce qu'il ne prend qu'une forme extensive d'élevage. L'utilisation de l'eau est cependant bien peu rationnelle; Chacun pompe et rejette les eaux usées où il peut sans tenir compte de ses voisins. Mais l'intensification inévitable (et souhaitable si elle est maîtrisée) risque de conduire à l'auto-pollution et à l'effondrement de la totalité des élevages. Ce phénomène a été déjà observé à grande échelle chez de grands pays aquacoles. L'Egypte peut éviter ce risque à condition d'aménager rationnellement la circulation des eaux dans le delta. L'échelle du problème requiert l'utilisation de la télédetection. Une coopération scientifique avec un pays maîtrisant cet outil (les Etats-Unis on la France par exemple), permettrait de gagner en temps et en efficacité et offrirait l'avantage de disposer d'une vision globale des schémas d'aménagement possibles et d'un moyen fiable de suivi de l'évolution du delta.

b) Priorités nationales de la recherche aquacole

Elles ont été résumées de la manière suivante par M. Taher Youssef, le Président de GAFRD, lors de l'entretien avec la mission OAA/CEA:

-  intensifier les techniques d'élevage traditionnelles

-  acquérir les technologies modernes d'élevage pour les espèces d'exportation

-  Intensifier le traditionnel signifie passer du mode d'élevage extensif vers un mode semi-intensif. Les immenses surfaces des lacs peu profonds permettraient une exploitation très importantes réserves de productivité disponibles sous peine d'abandon des terres au profit de l'agriculture. Cette mise en valeur est donc justifiée à plusieurs titres. Cette évolution passe par une meilleure connaissance du milieu, par son aménagement afin d'assurer le contrôle du grossissement et afin d'éviter un processus d'eutrophisation mortel à terme pour tous les élevages, par une amélioration des conditions de transfert des alevins (tout point de survie gagné représente environ 1,5 millions d'alevins par an soit environ 400 T de production supplémentaire), par la mise au point d'Etat a prévu d'aider cette évolution par des prêts á faible taux et à long terme notamment pour les coopératives. La marge de manoeuvre est donc étroite: dans ces milieux fragiles, il faut intensifier sans détruire pour justifier l'intérêt de ne pas céder ces terres à l'agriculture et échapper ainsi à une poldérisation irréversible.

-  Acquérir et diffuser les technologies modernes d'élevage gagner du temps. Tant en écloserie qu'en grossissement, les techniques de production à grande échelle existent pour le loup, la dorade, les crevette marines et la crevette d'eau douce L'assimilation de ces technologies disponibles auprès étrangères soit en achetant le savoir-faire, soit enfin en passant des accords de coopération scientifique et technique.

Dans tous les cas, il faut un travail d'adaptation des techniques au contexte local notamment pour la définition d'aliments à base de sous-produits de l'agriculture égyptienne.

Le développement d'écloserie pluri-spécifiques (économies d'échelle) apparait indispensable car la disponibilité d'une source fiable d'alevins en grand nombre est souvent le facteur déclenchant de toute une filière comme cela a pu è te observé par exemple pour la crevette en Equateur, aujourd'hui second poste d'exportation de ce pays après le pétrole.

Ceci implique la recherche d'une meilleure intégration de l'aquaculture et des productions agricoles traditionnelles, notamment par le moyen de la polyculture. Cette évolution est doublement justifiée: d'une part, l'eau deviendra une ressource de plus en plus rare et il faudra la partager avec le plus grand nombre possible d'activités; d'autre part, les systèmes d'élevage à plusieurs espèces sont beaucoup moins vulnérables que les monocultures au plan des affections pathologiques.

Figure 2

Figure 2: Répartition schématique en Egypte des potentiels d'élevage des principales espèces par grandes zones favorables.

I 2- LA TUNISIE

La Tunisie est un pays riche d'influences venues de la mer comme de la terre. Malgré la petite taille du pays l'économie tunisienne s'affirme l'une des plus performante d'Afrique et surtout l'une des plus tournées vers le développement humain global tel qu'il est mesuré par le classement du PNUD: la Tunisie est classée 4ème sur 43 pays d'Afrique en 1989.

Avec plus de 10 milliards de dollars, son produit national brut annuel est le 7ème d'Afrique, derrière l'Algérie, l'Afrique du Sud ou le Nigéria, mais assez proche du Maroc ou de la Libye, qui ont pourtant des atouts économiques que la Tunisie n'a pas. Par ailleurs, sa croissance a été parmi les plus importantes d'Afrique entre 1967 et 1987 (2ème rang derrière le Cameroun), avec un taux annuel moyen de 3,6%

I.2-1 LE SECTEUR DU DEVELOPPEMENT

a) Historique du développement de l'aquaculture

L'aquaculture est une activité très ancienne en Tunisie. Elle remonte à l'époque romaine comme l'attestent les mosaïques du musée du Bardo, à Tunis. Les grandes étapes de l'aquaculture peuvent être résumées comme suit

-  Les premières tentatives ont concerné l'élevage de moules dans le lac de Bizerte. L'ONP (Office National des Pêches) a en effet développé cette activité depuis sa création en 1958 et l'a étendue à l'élevage des huîtres. Cette production, que représente actuellement environ 130 T/an, est freinée par les difficultés d'écoulement tant sur le marché national qu'à l'exportation.

-  La deuxième étape intéresse le lancement de l'élevage de poissons dans les eaux continentales et plus particulièrement dans les barrages (des oueds Mellégué et Nebkana) et a été menée conjointement par l'ONP et l'INSTOP (Institut National Scientifique et Technique d'Océanographie et de Pêche) durant la période 1966–1976. Ces actions ont consisté à empoissonner certaines retenues d'eau par les alevins de diverses espèces (muges, carpes) et à procéder à leur pêche une fois la taille commerciale atteinte. Les efforts entrepris n'ont pas connu le succès escompté en raison de préjugé défavorable du consommateur tunisien vis-à-vis du poisson d'eau douce.

-  La troisième étape a été entreprise en 1973 par l'INSTOP par la création de la station expérimentale d'El Akarit qui utilise l'eau d'un forage artésien abandonné afin d'élever le mulet et la carpe. Cette expérience a permis de maîtriser les techniques de grossissement en eau saumâtre de ces deux espèces. Parallèlement, l'ONP construisit quatre étangs destinés à des expérimentations en semi-intensif dans la lagune de Monastir. Des essais d'élevage de loups et de daurades entrepris à partir de 1975 avec des alevins du milieu naturel se révèlent positifs.

-  Fort de l'expérience acquise à El Akarit et à Monastir, l'INSTOP décide en 1977 la création du centre expérimental de Ghâr El Melh, sur la base des installations réalisées en 1973 par la Compagnie Laurent BOUILLET. Ce centre doté d'une écloserie pluri-spécifique, de bassins de prégrossissement et de grossissement à permis de réalise les actions suivantes.

-  acclimatation des géniteurs en captivité (loup, daurade, sole)

-  reproduction artificielle du loup et de la daurade

-  reproduction naturelle en captivité de la crevette et de la sole

-  élevage larvaire et production d'alevins de loup et de sole.

-  La cinquième étape est celle de la création en 1983 du Centre National d'Aquaculture (CNA) à Monastir, près de Sousse. Ce centre destiné à l'expérimentation et à la vulgarisation des techniques dispose d'une écloserie de poissons marins, d'une quarantaine de bassins et d'une lagune de 150 ha reliée au large par deux passes. A cette époque, débute la construction d'une première ferme de production industrielle de loups sur l'île de Djerba, au bord de la lagune de Bougrara (Aquaculture du Sud Tunisien, projet de SEPIA).

Aujourd'hui, cette ferme est en production de croisière après une perte accidentelle de 160 tonnes en 1991. Deux autres projets industriels ont vu le jour, l'un en 1986 (Pêcheries de Djerbagrossissement de dorades et mulets), l'autre à Hergla en 1988 (Société d'Aquaculture Tunisienneferme intégrée loups/daurades).

La figure 3 montre la répartition des principales fermes aquacoles et des centres de recherche et d'expérimentation de Tunisie.

b) Contexte général du développement

L'économie tunisienne s'est largement modifiée depuis l'indépendance : au pays agricole faiblement exportateur et fermé sur lui-même de la fin des années cinquante, a succédé un pays à l'économie diversifiée où l'agriculture est aujourd'hui moins importante que les industries manfacturières et où le tourisme prend une place croissante.

L'agriculture a donné de bons résultats sur les deux dernières années, ce qui a eu un effet d'entrainement sur les autres secteurs; un tunisien sur trois en tire directement ou indirectement la majeure partie de ses revenus. Cependant, la croissance n'a pas été suffisante pour éviter une aggravation du chômage qui dépasse maintenant 15 % de la population active. Le service de la dette (Capital + intérêts) représente 22 % des recettes à l'exportation, ce qui est lourd pour un pays disposant de peu de réserves de change pour amortir les mauvaises années. On peut résumer en trois points la politique de gouvernement dans le domaine économique:

-  Favoriser l'investissement notamment étranger.

-  Orienter l'activité industrielle vers des produits à plus forte valeur ajoutée.

-  Diversifier les activités.

L'aquaculture répond précisément à ces trois souhaits.

c) Place de l'aquaculture dans le développement

Avec 1200 Km de côtes, 80.000 ha de lagunes, une consommation croissante de poissons (8 Kg / habitant / an actuellement) et une augmentation régulière des prix des produits de la mer malgré l'accroissement des prises (67.000 T en 1983; 102.000 T en 1988), la Tunisie présente un contexte plutôt favorable au développement de cette activité.

Un premier bilan a été dressé en novembre 1993. Il fait apparaitre un potentiel certain mais limité, grâce notamment au recours à l'observation satellitaire. Contrairement à une idée répandue, la région Nord compte plus de sites favorables (23) que la région Sud. L'inventaire des espèces susceptibles d'élevage fait émerger la palourde, la crevette (plutôt Penaeus monodon, orientalis et japonicus que kerathurus), plusieurs espèces d'eau douce (mulet, sandre, carpe et anguille), la moule, l'artemia, le bar et la daurade à condition de préparer d'ores et déjà une action marketing de différenciation bien étudiée. Ce séminaire rassemblant administrations, chercheurs, financeurs et professionnels a été perçu comme un “coup de starter” pour de nombreux projets privés. Les avantages comparatifs mis en avant par l'Etat sont la température favorable toute l'année, la présence d'une main d'oeuvre abondante et de qualité et l'appui institionnel à ce secteur.

Cette présentation d'un contexte plutôt favorable ne doit pas occulter plusieurs contraintes importantes:

-  Indisponibilité locale d'alimentes et d'équipements spécifiques à l'aquaculture

-  Relative rareté des sites disponibles

-  Difficulté d'approvisionnement en alevins en raison de l'interdiction de pêche dans le milieu naturel

-  Importance des garanties demandées par les banques pour les projets aquacoles, d'où le frein au développement de fermes familiales

d) Statistiques de production

Le tableau 7 présente les principaux chiffres:

 1987198819891990199119921993
Poissons (total)641127284397395885
- loup64112325724483419
- daurade  4276810852
- muges    5413
- autres (pêche en barrage    80200400
Mollusques (total)69151146170151138150
- huîtres25  7  130
- moules44  163  130
- palourdes      20
Total général751922734545485331.035

Tableau 7: Productions de l'aquaculture tunisienne de 1987 à 1993 (en Tonnes) (Source: Ministère de l'Agriculture)

On observe une progression régulière de la production interrompue en 1992 par les conséquences de la perte totale du cheptel de l'AST l'année précedente. La précisions et le caractère récent des statiques de production s'expliquent par l'excellent dispositif de suivi de la production aquacole mis en place depuis 1990 par le Ministère de l'Agriculture tunisien. La pêche en barrage correspond bien à une activité d'aquaculture car il y un réempoissonnement régulier des retenues d'eau par des alevins du milieu naturel

e) Analyse de quelques échecs et succès significatifs

L'analyse des projets aquacoles en Tunisie est délicate à mener car elle ne dispose pas du recul historique et de la multiplicité des formes d'aquaculture comme en Egypte. On peut néanmoins étudier le cas de trois fermes intégrées de loups en mettant en parallèle les facteurs limitants de leur développement.

• Un demi-échec: La ferme d'aquaculture tunisienne d'Hergla

Cette ferme située à 50 Km au Nord de Sousse, a été conçue pour produire 200 Tonnes de loups et de dorades dans 30.000 m3 de raceways situés à terre et alimentés par une station de pompage de 7 m3/second d'eau de mer. L'investissement total représente environ 4,5 millions de dollars pour un fonds de roulement de 5 millions de dollars. La production a été en progression régulière depuis 1991 mais à un rythme moins rapide que prévu en raison de plusieurs problèmes d'ordre technique.

-  mauvaise implantation du point de captage de l'eau de mer : situé à 3 mètres de profondeur à proximité du bord de la plage, il capte du sable et des algues et surtout la température des eaux pompées reste supérieure à 29°C pendant environ 2 mois en été. Or cette valeur est sub-létale pour le loup et elle a contribué probablement à la méningite virale (encéphalite à Picornavirus) qui a affecté surtout les juvéniles pendant l'été 1991, entraînant la mort de 20 à 50% de ceux-ci.

-  la faible profondeur des bassisn et l'absence d'ombrage entraînent le développement d'algues macrophytes, gêne considérable nécessitant un important travail de nettoyage des bassins.

La volonté de résoudre progressivement les problèmes techniques est remarquable mais le coût de la restructuration risque de réduire la rentabilité de l'entreprise. Un investissement représentant 224 bassins en béton et une hydraulique complexe doit s'appuyer sur une ingénierie soigneusement réfléchie et bien adaptée aux contraintes au site. Dans ce cas, l'ingénierie semble avoir appliqué des concepts exogènes (eaux calmes, peu turbides, tempérées toute l'année) sur une situation qui exigeait une redéfinition partielle du cahier des charges. L'absence de phase pilote à petite échelle entraîne un surcoût non négligeable pour la correction des erreurs de conception.

• un demi-succès: la ferme d'AST à Djerba.

La première étude du site date de 1982 et établit l'intérêt d'un élevage de loup dans cette région. L'exploitation démarre en 1986 avec des installations réparties dans des bâtiments spécialisés ce qui permet de limiter les risques pathologiques et de fiabiliser la production d'alevins. Le prégrossissement s'effectue à terre jusqu'au poids moyen de 20 g avant le transfert des juvéniles dans 3 modules de cages de 150 à 300 m3 unitaire ainsi qu'un ensemble de huit bassis circulaires de 300 m3; les cages sont situées dans la lagune de Bougrara, sur des fonds de 9 m, avec un courant moyen d'un noeud (Brunel, 1987). La montée en puissance s'est effectué conformément aux prévisions avec 252 tonnes exportées en 1990.

Le 31 août 1991, les ventes atteignaient 222 tonnes pour un objectif de 320 T. pour l'exercice 91 quand une marée rouge de dinoflagellés (Gyrodinium aureolum) est apparue subitement et a entraîné début septembre la perte des 160 tonnes du stock (Brunel et al, 1992). L'enquête scientifique demandée par le cabinet d'assurance a établi que cette marée rouge d'était pas due à l'eutrophisation directe de la lagune par l'apport en aliment (1,100 tonnes par an).

La mise en parallèle de ces deux exemples montre l'importance capitale du choix du site: même dans le cas d'une réussite technique complète, sou mauvais choix ou la mauvaise adaptation du dispositif d'élevage aux spécificités du site peut entraîner des conséquences graves pour la survie du projet. Second facteur essentiel : l'échelle du développement. La dimension industrielle est une arme à double tranchant : si elle permet des économies d'échelle, elle transforme toute erreur tehnique, même minime, en charge finacière importante dès lors que la correction de l'erreur est nécessaire.

La troisième ferme la plus importante de Tunisie, projet financé par la Société des Pêcheries de Djerba, a opté pour le système d'élevage semi-intensif pour le grossissement du loup, de la daurade et du mulet en bassin en terre à partir d'alevins du milieu naturel. Cinq ans après son démarrage, cette ferme de 33 Ha souhaite évoluer vers un système plus intensif (50 raceways en béton totalisant 3700 m3) pour deux raisons:

-  rentabilité insuffisante de semi-intensif

-  difficulté de contrôle du milieu d'élevage en bassin en terre

Par ailleurs, l'absence de maîtrise de l'approvisionnement en juvéniles et le caractère exceptionnel (donc révocable) de l'autorisation de prélèvement d'alevins dans le milieu naturel ont conduit cette ferme à chercher à se doter de sa propre écloserie.

I.2.2 LE SECTEUR DELA RECHERCHE AQUACOLE

a) Cadre adminstratif et institutionnel

• Les dipositions générales favorisant l'essor de l'aquaculture en Tunisie peuvent être regroupées dans l'historique suivant :

La loi №:58–115 du 4 novembre 1958 institue “l'Office National des Pêches”. Cet office a la responsabilité de l'exploitation des lacs et des lagunes notamment en matière de grossissement de poissons et de conchyliculture.

II faut attendre le décret du 10 août 1964 portant organisation de l'Institut National Scientifique et Technique d'Océanographie et de Pêche pour voir la notion d'aquaculture évoquée dans l'article 2 où il est mentionné que l'Institut a pour mission l'étude des possibilités d'élevage et d'exploitation rationnelle des espèces, i'ostréiculture et la myticulture. Ce décret reconnait et officialise le fait que l'aquaculture puisse faire l'objet d'une recherche scientifique.

En 1980 est créé un Commissariat Général à la Pêche ayant pour objectif:

-  le développement de la production en matière de pêche,

-  l'assistance technique et financière au secteur de la pêche,

-  l'élaboration de programmes d'études et de recherches intéressant les activités de la pêche.

C'est en 1985 qu'est créé un Centre National d'Aquaculture chargé d'effectuer les travaux de recherche d'expérimentation et de vulgarisation des techniques en matière d'aquaculture.

Le loi du 29 mars 1987 ouvre la possibilité d'investissements étrangers en matière d'aquaculture et leur donne la possibilité de mener une activité commerciale sous certaines conditions. Cette dynamique est renforcée en 1988 par un code spécifique des investissements agricoles, de pêche et d'aquaculture.

Pour ce qui concerne l'environnement, un décret de janvier 85 précise les conditions de rejet d'eaux usées pour toutes activités y compris l'aquaculture. Un second décret de mars 1991 exige la réalisation d'une étude d'impact pour tout projet d'aquaculture (Tritar, 1992; in Aquaculture et Environnement en méditerranée).

• Les structures de recherche aquacole

Créé par décret le 22 novembre 1993, la Direction Générale de la Pêche et de l'Aquaculture a notamment la double responsabilité de favoriser le développement de l'aquaculture et de collaborer à l'élaboration des programmes de recherche dans ce domaine

La recherche aquacole est assurée par deux structures : l'INSTOP et le CNA.

-  L'Institut National Scientifique et Technique d'Océanographie et de pêche (INSTOP), dépend directement du Secrétariat d'Etat à la Recherche Scientifique et à la Technologie. II est chargé d'effectuer “tous travaux d'études et de recherches relevant du domaine des sciences de la mer et intéressant directement ou indirectement la pêche et les industries qui s'y rattachent”). II dispose de 4 stations :

L'effectif de recherche (chercheurs et ingénieurs) représent 25 personnes. L'INSTOP édite un bulletin scientifique et est en relation avec de nombreux organismes scientifiques et institutions internationales :

-  Le programme des Nations Unies pour l'Environnment (projet Medpol)

-  Le programme des Nations Unies pour le Développement (projet Medrap)

-  La GTZ, agence allemande de coopération (pour la pisciculture continentale)

-  le CNRS, l'IFREMER (contrat cadre), l'INRA, l' ORSTOM (France)

-  un programme sur l'élevage de la crevette (Chine)

-  Le Centre National d'Aquaculture (CNA) est un organisme public créé en 1985 et dépendant du Commissariat Général à la Pêche, service du Ministère de l'agriculture. II est installé au sud de la ville de Monastir, au bord d'une lagune de 150 ha. II dispose d'une écloserie pour poissons, de 40 bassins de formes et de natures variées (terre, béton) et d'une unité de fabrication d'aliment semi-humide. Le personnel compte 6 chercheurs et 9 spécialisés.

Favorisé par le président Bourguiba (originaire de Monastir), le centre a connu une certaine désaffection au départ de celui-ci. Par ailleurs, son maintien sous la tutelle du ministère de l'Agriculture au moment du passage de l'INSTOP pour la responsabilité du ministère de la Recherche a rompu son lien naturel avec l'INSTOP, ce qui a entraîné sa marginalisation. Enfin, la réduction très rapide de son budget de fonctionnement l'a contraint à transformer une partie des activités d'expérimentation en activité de production afin de pouvoir équilibrer son budget.

b) Objectifs et programmes de recherche

On peut distinguer deux approches : la recherche par espèce et la recherche thématique.

Ces programmes sont ambitieux au regard des moyens disponibles surtout qu'il faut déplorer un certain manque de coordination entre les deux ministères de tutelle.

I.2.3 LES PRIORITES DE LA RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT

a) Priorités du développement

Au plan politique, la volonté de développement de ce secteur vise trois objectifs :

L'objectif du VIIIème plan (92 – 96) est de produire 3.000 T en 1996.

Au plan législatif, deux lois prévoient des dispositions financières et fiscales pour favoriser l'investissement en aquaculture dans le pays : exonérations de l'impôt sur les sociétés, exonérations de taxes sur l'importation d'équipements, subventions, prêts bonifiés, etc).

Au plan réglementaire, le Conseil Général de la Pêche, a été chargé de proposer un schéma directeur d'aménagement du littoral permettant l'harmonisation des demandes d'occupation du litoral (urbanisation, industrie, tourisme, aquaculture). Ce travail doit également aboutir à la formulation d'un cadre précis d'évaluation des projets aquacoles afin de faciliter les procédures de décision à tous les niveaux : administration, instituts techniques, banques de développement, etc. Ce

Au plan commercial, la demande extérieure mondiale non satisfaite en loup et dorade est estimée à 13.000 T en 1994 et la demande intérieure liée au tourisme est estimée à environ 900 T: 3,5 millions de visiteurs consommant un loup ou une dorade portion an cours d'un séjour moyen de 6 jours). Or, les captures de loups et de dorades stagnent en dessous de 1.000 T et la production aquacole pour les deux espèces est de 400 T en 1993. II y a. donc une large marge de progression.

b) Priorités de la recherche aquacole

Elles peuvent être regroupées suivant deux axes:

La maîtrise de toutes les phases de l'élevage pour 5 espèces :
loup, daurade, sole, palourde, crevette; accessoirement artemia et poissons d'eau douce

La recherche thématique dans trois domaines :
l'écochimie du milieu afin de préciser les zones favorables et les zones à risques pour l'aquaculture.
la pathologie afin de ne plus dépendre de laboratoires extérieurs pour l'identification et le traitement
la nutrition afin de développer une industrie locale des aliments aquacoles.

La mise en oeuvre de ces priorités souffre cependant de la séparation de l'INSTOP et du Centre National d'Aquaculture, source de surcoûts et de moindre efficacité. Elle risque d'autre part d'entrainer la dispersion des moyens alors qu'ils sont limités. L'audit en cours à l'INSTOP devrait déboucher sur des recommendations utiles pour une meilleure adéquation des capacités de recherche et des priorités du développement.

Figure 3

Figure 3 : centres de recherches et principaux projets aquacoles en TUNISIE.


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