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Première partie: ANALYSE PAR PAYS DU SECTEUR AQUACOLE (continue)

I.3. L'ALGERIE

De tous les pays maghrébins, l'Algérie est celui qui, en dépit de la longueur de sa façade littorale (1280 km), offre le moins de prédispositions aux activités halieutiques. L'étroitesse de sa plate-forme continentale, le manque d'abris naturels le long d'une côte généralement inhospitalière, le caractère montagneux de l'arrière-pays immédiat qui fait obstacle à l'établissement de circuits rapides de commercialisation sont autant de facteurs qui expliquent le retard apporté au développement des pêches (Chaussade et Corlay, 1990). Ceci explique l'intérêt précoce porté à l'aquaculture par ce pays.

I.3.1 LE SECTEUR DU DEVELOPPEMENT

a) Historique du développement de l'aquaculture

Au début siècle, un maltais fit construire des tables pour la culture de moules dans le lac Mellah. Ces tables étaient si bien construites et disposées qu'elles servent toujours!

En 1921, était créée la station d'aquaculture et de pêche de Bou-Ismail (ex-Castiglione) avec deux objectifs:

En 1937, la station d'alevinage du Ghrib était créée en vue d'empoissonner en truites arcen-ciel les barrages du Ghrib et de l'Oued Fodda L'alevinage a cessé mais la pêche artisanale est toujours pratiquée dans ces barrages. La qualité physico-chimique du milieu est toujours suivie par des prélèvements et des analyses réguliers. Les espèces pérennes sont la truite arc-en-ciel et le barbeau.

En 1940, commence l'exploitation des lacs Oubeïra, Mellah et Tonga avec installation de bordigues, dont certains éléments se retrouvent aujourd'hui. Les aménagements du lac Mellah portaient principalement sur la modification du chenal et l'installation d'ouvrages d'art.

En 1947 était créée la station de Mazafran, dépendant de Castiglione, dans une optique de recherch hydrobiologique et de repeuplement en poissons de l'Oued Mazafran sous la responsabilité de J. Arrignon. Le programme comportait deux axes.

-  amélioration des techniques de pêche

-  essais de conchyliculture (introduction de moules et d'huîtres). Ces essais ont donné des résultats satisfaisants.

En 1974, une étude de mise en valeur du lac Oubeira, mise en oeuvre par la Caisse Centrale de Coopération Economique pour le compte du Ministère de l'Agriculture et de la Réforme Agraire à conduit à un projet d'installation d'une unité de fumage d'anguilles. Ce projet a été abandonné à l'issue de la phase pilote, après des résultats techniques satisfais, l'économie de l'opération paraissant douteuse.

En 1978, un programme e coopération avec la République Poulaire de Chine était mis en place avec deux objectifs.

En 1978, la station de Mazafran passe sous la gestion de l'IDPE avec le grossissement des alevins produits dans le cadre de la coopération Sino-Algérienne.

De 1982 à 1990, exploitation de l'anguille aux lacs Tonga, Oubeira et Mellah par un privé. La production annuelle moyenne était de l'ordre de 80 tonnes, exportée en totalité vers l'Italie. Entre 1983 et 1984, premiers travaux de réalisation d'une écloserie de loups au lac Mellah. A cette époque, le projet MEDRAP 1 a joué un rôle important d'aide à la conception, à l'aménagement et à l'équipement de passes à poissons et d'un laboratoire de suivi des expérimentations. Cette assistance a pris principalement la forme de missions d'experts et de financement d'équipements spécialisés.

En 1985 et 1986, une quinzaine de réservoirs d'eau furent peuplés ou repeuplés en carpes (21 millions d'alevins de 4 espèces) et sandres (5,5 millions d'alevins) importés de Hongrie, d'une taille variant entre 0,5 et 4 cm.

A partir de 1985, le domaine de la recherche en aquaculture a été élargi à deux institutions, l'une relevant du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique (ISMAL) et l'autre relevant du Ministère de l'Agriculture (CERP) plutôt orientée sur la recherche appliquée. Les principaux travaux ont été orientés principalement vers la myticulture, la biologie et la reproduction d'espèces. Deux écloseries de carpes ont été mises en place, l'une de type mobile à Harreza, la seconde à Mazafran.

En 1990 est créée l'Agence Nationale pour le Développement des Pêches (ANDP) chargée de la mise en oeuvre de la politique du gouvernement en matière de développement du secteur des pêches et de l'aquaculture. En octobre 1992, l'ANDP propose aux 75 demandeurs de concessions aquacoles la création d'une syndicat des aquaculteurs afin de mieux cerner leurs besoins et de définir les mesures facilitant leur installation. La dynamique de ce secteur est ainsi relancée par la collaboration entre l'Etat et les privés : création de l'association algérienne des aquaculteurs (AAA) le 27 décembre 1992.

b) Contexte général du développement

Inévitablement, l'économie algérienne souffre de la crise politique et sociale actuelle. Le plan d'austérité mis en place par le gouvernement frappe une économie déjà en difficulté. Signe parmi d'autres cette perturbation, l'Algérie est devenue le premier pays importateur de céréales par tête d'habitant pour l'Afrique. La restriction des importations entraîne un manque chronique de pièces détachées, lui-même responsable de la sus-utilisation de l'outil industriel. En conséquence, la production chute ce qui aggrave l'endettement des entreprises tant publiques que privées.

L'inflation atteint 40%, le déficit des finances publiques représente 10% du PIB et la dette extérieure dépasse 26 milliards de dollars. Par ailleurs, près du quart de la population active est au chômage. La population total atteint les 26 millions d'habitants alors qu'elle atteignait à peine 10 millions au moment de l'indépendance.

Les revenus du pétrole sont obérés du remboursement de la dette qui représente à elle seule les 3/4 des recettes extérieures en devises (7 milliards de dollars de principal et 2 milliards d'intérêts). L'augmentation des capacités de production en gaz naturel devrait permettre de doubler les exportations mais cette ressource supplémentaire ne sera que progressivement disponible.

La volonté gouvernementale de ne pas recourir au réechelonnement de la dette et de poursuivre une politique de désendettement conduit à limiter les crédits commerciaux. En conséquence, le plan prévoit une réduction des importations et une stagnation de l'activité industrielle. L'objectif est une restructuration du secteur public mais cet assainissement de l'activité l'inconvénient de mobiliser d'importantes ressources financières réclamées par ailleurs par le secteur privé pour la relance de l'activité par l'investissement.

Seul domine où la situation est en voix d'amélioration, l'agriculture a bénéficié d'une politique active de privatisation que touche à son terme. Cependant, les financements pour le redressement de ce secteur sont difficiles à obtenir. En effet, même les organismes de financement du développement comme la Caisse Centrale de Coopération Economique sont obligés de pratiquer une politique d'attentisme pour la plupart des projets faute d'une minimum de stabilité sur le court terme.

c) Place de l'aquaculture dans le développement

L'aquaculture bénéficie de trois avantages:

-  d'abord, la cherté croissante des produits carnés conduit à un déplacement de la demande vers le poisson, d'où une élévation du prix et amélioration de la rentabilité de son élevage.

-  par ailleurs, les possibilités d'élevage d'espèces nobles (loup, crevette) suscitent l'espoir d'obtenir des devises fortes par l'exportation sur les pays du Sud de l'Europe.

-  enfin, la principale étude menée sur le potentiel aquacole aquacole algérien (France-Aquaculture/Sepia, 1981; cf. figure 9) montre un potentiel important de production réparti sur 44 sites favorables dans les 4 grandes régions du pays:

Ce potentiel de 25.000 T se répartirait comme suit:

• Marais et embouchures d'oueds10.000T43%
• Retenues d'eau (16.00 ha)5.400 T23%
• Sites littoraux4.000 T18%
• Lac Mellah2.300 T10%
• Zones semi-arides1.400 T6%

Ce niveau de production entraînerait l'importation de 25 à 50% des farines alimentaires nécessaires aux besoins des espèces élevées, ce qui représente un faible pourcentage d'importations supplémentaires : 4% des céréales importées pour l'aviculture et les bovins (les chiffres sont à réactualiser), mais cette hypothèse est irréaliste dans la situation actuelle.

d) Statistiques de production

Elles sont rassemblées dans le tableau 8.

Tableau 8: Productions de l'aquaculture algérienne de 1985 à 1993
(sources : OAA, ANDP)

Produit/année198519861987198819891990199119921993
Poissons         
• Eau douce :         
 - carpe3 5233028346113219
 - autres     16134
• Marins :         
 - loup     2414
 - daurade     2  4
 - mulet     2918627
 - anguille80 808080462111
 - autres      233
Total poissons83858510311037892127262
Crustacés1122     
Mollusques         
 - moule91011441632174
 - palourde     62031
TOTAL939698109114400144147267

On observe use progression rapide des productions de poissons d'eau douce à partir de 1990. Cet effet est dû à l'accroissement de l'effort de pêche dans les barrages repeuplés en alevins de carpes et de sandres à partir de 1985. En revanche, la conchyculture progresse peu malgré la demande du marché local et le nombre des investisseurs potentiels. Le blocage est d'ordre réglementaire. Sa levée prochaine promise par l'ANDP devrait libérer e redémarrage de ce secteur. La forte réduction de la production en 1991 et 1992 est due à l'assèchement d'une important barrage piscicole, ce qui a fait chuter la production de carpes et donc la production totale. On note la quasi disparition de l'anguilliculture et l'émergence de quelques tentatives d'élevage de nouvelles espèces : loup, daurade, mulet, palourde.

e) Analyse du développement de l'aquaculture

L'anayse du développement de l'aquaculture en Algérie est difficile à mener en raison du manque de recul et d'absence de succès caractérisé. En revanche, il est utile d'essayer de dégager les raisons de la lenteur du développement de ce secteur en Algérie malgré d'excellents atouts naturels : l'étude France-Aquaculture/Sepia de 1981 recense 44 sites favorables pour un potentiel de 25.000 tonnes à terme dont 9% pour le seul lac Mellah. Une dizaine de groupes d'espèces sont considérées comme “élevables” aisément en Algérie comme le mulet, les carpes, les tilapias, les crevettes, les moules, les palourdes, etc… Les lacs naturels et les retenus d'eau représentent une surface potentielle de 21.000 ha.

D'autre part, l'Algérie dispose depuis longtemps de stations d'aquaculture et de personnel formé aux techniques classiques de pisciculture. Enfin, trois centres bien équipés (ISMAL, Universités d'Alger et d'Annaba) sont à même d'effectuer sur place les recherches nécessaires pour adapter les technologies étrangères au contexte algérien. Pourquoi cet ensemble de facteurs favorables n'a-t-il pas débouché sur une production significative?

On peut regrouper les réponses sur trois plan : institutionnel, économique, sociologique.

Au plan institutionnel:

L'état a toujours été à l'origine des initiatives de recherche et de développement en matière d'aquaculture. Comme ce secteur n'a jamais été considéré comme important (sauf depuis 1990) il a souffert des défauts d'une gestion étatique centralisée sans vision à long terme.

Cette absence d'objectifs sur le long terme a entraîne une multiplication des structures de développement (CNRF, INRA, ONTF, CROP, IDPE, ENA Pêche, ONDPA, CERP, ANDP) se succédant les unes aux autres sans responsabilités clairement définies et en “saupoudrage” des moyens ne permettant pas d'action réellement efficace. Même une opération aussi massive que le lâcher de 26 millions d'alevins de carpes et de sandres en 1985–86 n'a pas été couplée à une organisation des pêches, ce qui fait que 5 ans plus tard, la pêche (302 T en 1990) ne représente que le quart du potentiel de pêche annuel (1.100 T/an). Sur les 20 barrages réempoissonnés, 5 seulement sont pêchés régulièrement.

L'absence de cadre juridique et réglementaire pour l'aquaculture bloque actuellement toutes les demandes de concessions.

L'absence de structures de liaison entre l'administration et la recherche d'une part, et entre la recherche et le secteur privé du développement, d'autre part gène fortement toutes les formes du développement. De l'aveu même de l'administration, “hormis les relations de personne à personne, il n'existe aucune relation directe entre l'administration du secteur et la recherche pour la prise en charge des préoccupations de l'administration et notamment celles des opérateurs sur le terrain” (ANDP, 1992).

Par ailleurs, en matière de planification du développement de la recherche aquacole, et compte tenu des préoccupations et priorités des deux parties, il n'existe aucune interaction entre l'administration et la recherche quant à l'utilisation des résultats obtenus par cette dernière. Ce manque d'une structure de vulgarisation des résultats de la recherche est considéré par l'ANDP comme le principale cause du retard de l'aquaculture en Algérie.

Au plan économique:

Le tissu industriel n'est pas capable de fournir l'essentiel des intrants indispensables à l'aquaculture: matériel d'écloserie (bacs, surpresseurs, vannes, etc), matériel de construction de cages (filets, flotteurs), aliments adaptés aux poissons, etc.

Le secteur bancaire considère que l'aquaculture n'est pas rentable. Il pratique donc les taux d'intérêt les plus élevés assortis de garanties maximales. Le bonification de l'Etat est de 2% pour des taux courants de 18 à 21%.

Au plan sociologique:

La consommation traditionnelle du poisson exclusivement marin ne concerne que les populations du littoral. A l'intérieur des terres, la consommation de produits aquatiques est très faible et ne représente que des conserves. Or, le potentiel aquacole de l'Algérie est plus tourné vers l'eau douce ou saumâtre que vers l'eau de mer en raison d'une côte peu riche en abris. Il y a bien sûr un important potentiel de production à partir des marais et des embouchures d'oueds (10.000 T environ) mais ce sont des zones fragiles, vulnérables (situation d'aval) et convoitées (tourisme).

Le développement de l'aquaculture devra s'accompagner d'un effort bien pensé de valorisation des poissons d'eau douce: présentation “neutre” en boîte de conserve comme cela a déjà été tenté avec succès avec la carpe, valorisation de recettes locales pur le goût des poissons d'eau douce (filets de carpes aux aromates, à la tomate, sauce harissa, etc) campagnes de promotion-information (recettes), etc.

Il faut observer que la plupart des freins du développement aquacole peuvent être rapidement libérés notamment tous ceux qui sont du ressort direct de l'Etat: règlementation sur les concessions, bonification des prêts, centres de formation-vulgarisation, etc.

f) Projets de développement aquacoles

Les projets ne manquent pas comme le montre le tableau 9:

Eau douce• pêche en lac34
• fermes en polyculture11
• anguilliculture7
• aquariophilie3
Eau de mer• mytiliculture16
• moncoulture à terre11
• élevage associé15

Tableau 9: Répartition des principales autorisations de réalisation de projets aquacoles accordées en Algérie (1993)

Ces dernières années, les principaux nouveaux projets réalisés concernent la mytiliculture en mer ouverte (10 T.) et la pêche continentale (150 T.). Plusieurs actions de coopération sont envisagées pour stimuler ce secteur avec notamment la Palestine, la Tunisie et l'Egypte: fermes d'eau douce, mytiliculture, formation, etc.

I.3.2 LE SECTEUR DE LA RECHERCHE AQBACOLB

a) Cadre administratif et institutionnel

La recherche en aquaculture est assurée par trois structures de recherche relevant du domaine public (Ministère de l'Education, Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique):

-  ISMAL (Institut des Sciences de la Mer et de l'Aménagement du Littoral) dispose d'un centre à Sidi Fredj (30 Km à l'Ouest d'Alger) avec plusieurs laboratoires de chimie, microbiologie, halieutique, aménagement du littoral et de trois bateaux océanographiques. Quatre chercheurs y travaillent et dispensent une formation à une vingtaine d'étudiants du 2ème et du 3ème cycle par an L'ISMAL, gère également une écloserie mobile de carpes utilisée pour des essais de repeuplement de barrages et d'étangs. Une ferme d'expérimentation est en cours de réalisation.

-  L'Institut des Sciences de la Nature de l'Université des Sciences et de Technologie Houari Boumediène d'Alger possède cinq laboratoires: écologie marine, biologie marine, planctologie, parasitologie et halieutique. Il dispose également de stations temporaires d'expérimentation sur les barrages. Il dispense un enseignement en 2ème et 3ème cycle (6 chercheurs).

-  L'université d'Annaba dispose également de laboratories spécialisés: biologie et écologie marines, chimie des eaux, halieutique, microbiologie (5 chercheurs). Les budgets des deux universités, exclusivement étatiques, ont été récemment individualisés. Un projet de convention est à l'étude afin de permette à ces laboratoires de finacer une partie de leurs activités sur la réalisation d'études pour le compte d'entreprises privées: études d'impact, de faisabilité, etc.

Ces trois structures collaborent avec un petit nombre de centres de recherche notamment ceux des universités de Marseille, Lyon, Toulouse, Glasgow, ainsi que ceux de l'IFREMER et de quelques instituts maghrébins. Il vient d'être créé également un centre national de documentation pour la pêche et l'aquaculture (CNDPA).

Il existe également uns structure de vuklgarisation des techniques d'aquaculture travaillant essentiellement sur des espèces d'eau douce: l'Office National de Développement de la Production Aquacole (ONDPA). Cet organisme tente de développer la production piscicole en barrage et dispose d'une petite station expérimentale à Mazafran. Mais l'insuffisance des moyens limite les possibilités d'action.

b) Programmes de recherche

Il sont axés sur trois priorités:

-  Les élevages de moules et coquillages bivalves notamment leurs aspects écologiques et techniques.

-  L'écologie et la biologie des peuplements d'espèces d'eau douce (carpes et tilapias)

-  La biologie du loup et de la crevette à des fins d'élevage.

Ces axes de recherche rentrent dans le cadre des projets de thèses de chercheurs ayant pour objectif la contribution et la connaissance de la dynamique et de la biologie des espèces marines côtières en relation avec leur écosystème ainsi que la préservation et l'exploitation des plans d'eau continentaux. Le choix de sujets de recherche est donc plus conditionné par les programmes d'enseignement et les desiderata des étudiants plutôt que par les besoins de l'Etat ou du secteur privé.

Les résultats restent modestes au regard des moyens humains mobilisés: maîtrise de l'élevage larvaire du loup et de la moule verte, mise au point de filières pour le captage de naissain de coquillages. Ceci s'explique par le manque de structures d'expérimentation notamment en mer, l'insuffisance de la documentation scientifique et l'absence de divises pour l'acquisition de livres ou d'équipements à l'étranger ou pour le financement de la participation à des congrès internationaux.

Le problème esentiel est que la recherche en auqculture menée par l'ISMAL et les universités (Annaba et Bab-Ezzouar) évolue sans planification ni concertation Elle se caractérise tant au niveau technicien qu'ingénieur, par une inadaptation aux projets à développer, faute d'enseignement pratique, et par une inadéquation avec les besoins d'emploi conduisant à un chômage technique supérieur à 50% de l'effectif formé (10 à 15 ingénieurs et 20 à 30 diplômés de l'enseignement supérieur par an).

I.3.3 LES PRIORITES DE LA RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT

a) Les priorités du développement

Soucieux d'augmenter la consommation de produits aquatiques, le plan de développement actuel prévoit d'atteindre 5.000 T de production d'aquaculture en l'an 2005, ce qui représenterait 0,5 Kg/habitant/an. Ce plan s'efforce de tenir compte des réalisations actuelles et des projets privés (environ 50) et publics (ONDPA) et propose les objectifs prioritaires suivants.

La priorité du développement aquacole reste donnée au lac Mellah, unique site lagunaire en Algérie qui pourrait devenir un centre d'approvisionnement de naissain pour la filière mytilicole en mer ouverte. Ce programme devra s'accompagner de quatre mesures indispensables:

  1. Mise en place d'une structure d'expérimentation et de vulgarisation.
    Ce centre dépendra directement de l'ANDP et sera chargé de tester les techniques aquacoles déjà appliquées à l'étranger avant de les vulgariser auprès des aquaculteurs intéressés. Il travaillera en relation étroite avec l'ISMAL et les universités mais sans engager de recherche amont.

  2. Mise en place d'un cadre juridique relatif

  3. Création de deux fermes d'alevinage pour l'empoissonnement des barrages et retenues collinaires: l'une à Harreza pour l'approvisionnement des région Est.

  4. Harmonisation des programmes de formation entre l'ISMAL, l'USTHB et l'université d'Annaba Cette formation doit notamment être plus tournée vers des programmes concernant l'eau douce. Par ailleurs, elle doit veiller à correspondre aux besoins des producteurs existants.

b) Priorités de la recherche aquacole

Elles peuvent être regroupées suivant deux axes principaux:

-  La recherche par espèce: maîtrise de aspects biotechniques des élevages suivants:

-  La recherche thématique:

Il apparait clairement l'urgence de la mise en oeuvre du centre de développement et de documentation pour la pêche et l'aquaculture (CNDPA), nouvellement créé. Il aura besoin à l'évidence d'une assistance techniqe et scientifique internationale pour être rapidement efficace et permettre à l'aquaculture algérienne de réduire son retard.

Ce plan de recherche et de développement est ambitieux et séduisant. Il prend peut-être insuffisamment en compte trois aspects importants.

  1. Le développement d'espèces d'eau douce semble aller de soi. Pourtant, ni les techniques de pêche en barrage, ni l'aval du produit ne sont complètement maîtrisés. Il serait donc utile d'étudier en détail la filière de commercialisation des milliers de tonnes de poissons d'eau douce que le plan prévoit de produire et de vérifier la rentabilité de l'ensemble de la filière avant tout effort massif dans ce domaine.

  2. Depuis longtemps, l'Etat essaie d'augmenter la production aquacole du lac Mellah; sans succès jusqu'à ce jour. La productivité de ce lac ne dépasse pas 60 Kg/habitant/an alors que des sites comparables en Méditerranée produisent en moyenne 4 fois plus (Lucet, 1983). Un diagnostic détaillé des échecs précédents serait nécessaire avant tout aménagement de ce lac. Il est possible que le premier facteur limitant soit la commercialisation. En effet, la production n'est vendue qu'à proximité du lac lors que la moule atteint des prix élevés dans les grandes villes de la côte.

  3. Nombre des recherches envisagées dans le programme ont déjà été menées par différents centres méditerranéens jusqu'au transfert de la technologie au secteur privé: élevage du loup, de la crevette, de la palourde, filières de coquillages en mer, etc. Aussi, il est indispensable de développer la coopération internationale, notamment par le programme de coopération technique de l'OAA afin de transférer l'acquis et de consacrer l'effort de recherche à l'adaptation des techniques au contexte algérien.

I.4 LE MAROC

Le Maroc bénéficie d'une situation géographique privilégiée, face à l'Espagne et à l'entrée de la Méditerranée, ancienne limite du monde “civilisé” pour l'Empire romain. Cette situation de voie de passage naturelle entre l'Europe et l'Afrique lui a permis de connaître les flux et reflux des grandes conquêtes des Européens comme des Arabes en Afrique du Nord et de bénéficier des apports techniques et culturels des deux formes de civilisations. Son ouverture sur l'Atlantique (2.450 Km de côtes) lui a donné un trésor naturel inépuisable: des eaux très poissonneuses grâce à un courant profond riche en sels minéraux (upwelling). Au plan des ressources naturelles, si le Maroc n'a pas de pétrole, il dispose en revanche d'énormes gisements de phosphates dont il est le 3ème exportateur mondial après les Etats Unis et la CEI.

Au début des années soixante, le roi Hassan II a d'abord mené au plan économique une politique de développement planifié par le biais de grandes entreprises d'Etat. Depuis une dizaine d'années, avec l'aide des institutions internationales, le Maroc s'est engagé dans la voie du libéralisme. Malgré d'énormes progrès, l'économie marocaine est loin de proposer le plein emploi à une population dans l'ensemble jeune et inégalement formée: 60% de la population a moins de 30 ans, le taux de scolarisation des 12 – 17 ans n'est que de 38% (68% en Tunisie) et le chômage avoisine les 20% (l'Etat du monde 1992).

Cependant, après des années d'austérité, la relance de l'activité par la progression des investissements publics et le soutien des investissements privés est notable. Après avoir accordé la priorité au rétablissement des équilibres macro-économiques, le Maroc compte donner une nouvelle impulsion aux programmes de privatisation des entreprises. Celle-ci est conçue comme une composante du développement facilitant la relance de la croissance et de l'emploi. Le désengagement de l'Etat devrait lui permettre de consacrer davantage de ressources aux infrastructures et au développement social.

I.4.1 LE SECTEUR DU DEVELOPPEMENT

a) Historique du développement de l'aquaculture

La première tentative d'élevage d'huîtres date de 1926 : du naissain de Crassostrea angulata est importé du Portugal et mis en grossissement près de Rabat; sans résultat. En 1952, du naissain de la même espèce est introduit dans la lagune de Moulay Bou Selham. Mais la pêche, plus rentable à cette époque, condamne la conchyliculture.

En 1956, un ostréiculteur s'installe sur la lagune de Oualidia. L'élevage est d'abord pratiqué sur le sol mais cette technique est vite abandonnée pour un élevage sur brancards dont les résultats sont bien supérieurs : méthode plus simple, pertes moins importantes, croissance plus rapide (Beaubrun, 1976).

Peu à peu, quelques privés s'intéressent à cet élevage et le perfectionnent : introduction de Crassostrea gigas à partir de 1969, essais de différentes formes de collecteurs, etc. Depuis 1964, la production, centrée sur Oualidia, fluctue de 60 à 120 Tonnes par an pour le marché de la restauration urbaine.

A partir de 1970, sous l'impulsion de l'Office National des Pêches, l'Institut Scientifique des Pêches Maritimes démarre des études de sites le long du littoral marocain de Nador (côte Méditerranée), à Oualidia : Sidi Moussa, Khnifiss, Loukhos et Dakhla. En 1978, la création du projet régional de l'OAA chargé de promouvoir l'aquaculture en Méditerranée (projet MEDRAP) renforce ces efforts en permettant notamment l'étude approfondie de la lagune de la lagune de Nador. Ce site est retenu pour l'implantation d'une ferme-pilote de polyculture aquacole financée au départ pour le Palais Royal : MAROST.

Tournée au départ plutôt vers l'ostréiculture (OST de Marost), cette ferme évolue rapidement à partir de 1985 en un véritable complexe intégré comprenant d'une part, des unités d'élevage (écloserie et structures de grossissement), de conchyliculture (huîtres, moules, palourdes), de pisciculture (loups, daurades) et de crevetticulture (Penaeus japonicus), et d'autre part, des services “horizontaux” : pathologie, bactériologie, écochimie. Des installations modernes permettent d'assurer le conditionnement et la commercialisation des produits dans de très bonnes conditions.

Une seconde ferme industrielle a été créée en 1992 à l'Est de Nador sur l'Oued Moulouya : la société d'aquaculture de la Moulouya (SAM). Elle produit des loups, des dorades et des crevettes pour l'exportation.

Un projet d'élevage de thon rouge, entrepris conjointement par l'ONP et la fondation japonaise pour la coopération internationale en matière de pêche (OCFC) a démarré en janvier 1993 à M'diq. La deuxième phase sera consacrée à des essais de reproduction du thon rouge en captivité. Plusieurs autres projets sont à l'étude mais l'Office de Pêches souhaite réaliser d'abord un schéma directeur du développement de l'aquaculture avant toute nouvelle implantation.

b) Contexte général du développement

Après l'ère de l'investissement facile en pétrodollars, la crise des paiements au début des années 80 et trois années de sécheresse successives ont contraint le pays à engager un vaste programme d'ajustement structurel avec l'aide du FMI : rééchelonnement de la dette, dévaluation de 40% du dirham, blocage des dépenses publiques et libéralisation de l'économie. Cette politique a porté ses fruits : réduction du déficit budgétaire de 13% (1981) à 10% (1991) du PIB, diversification sectorielle et géographique des innombrables petites et moyennes entreprises qui quittent progressivement les secteurs traditionnels (textile, cuir, construction) pour se tourner vers des secteurs de pointe : électronique, communication, etc. Les subventions aux produits de base sont limitées à l'huile, la farine et le sucre, ce qui ne représente plus que 2% du PIB au lieu de 8% en 1981. D'autre part, l'Etat a considérablement réduit les droits de douanes et prévoit de privatiser 112 groupes industriels publics d'ici 1995.

Ce climat favorable et les bons résultats accumulés depuis 5 ans ont permis le déblocage de fonds importants : une aide européenne de 463 millions d'écus, un accord de pêche entre le Maroc et la CEE pour un montant de 128 millions de dollars et surtout l'accroissement rapide des investissements européens, Espagne et France en tête.

Cependant cette réussite, qui fait du Maroc l'élève “modèle” du FMI, reste fragile. Le talon d'Achille est l'agriculture qui fait vivre la moitié de la population pour une contribution d'à peine un sixième du PIB. L'insuffisance des surfaces irriguées entraîne es variations de la production du simple au double d'une année à l'autre. Elle est également toujours déficitaire, les importations de céréales dépassant d'au moins 20% les exportations d'agrumes.

Le potentiel de développement reste élevé dans les domaines de la pêche industrielle, du tourisme et de l'agriculture, et le climat économique est très favorable aux activités tournées vers l'exportation avec des technologies “de pointe” comme l'aquaculture.

c) Place de l'aquaculture dans le développement

Compte tenu de l'énorme poids de la pèche dans l'économie des produits de la mer et de la marge de développement encore prévue, l'aquaculture parait marginale. Elle a cependant l'avantage de concerner des espèces nobles prisées sur le marché local comme à l'exportation et donc de constituer une source potentielle de devises surtout que les marchés sont proches : Espagne, France.

Par ailleurs, le Maroc souhaite préserver l'équilibre écologique des lagunes, milieux fragiles par excellence. L'aquaculture l'intéresse eu ce sens que cette activité a l'avantage d'être auto-régulée vis à vis de la capacité d'absorption du milieu. En effet, une intensification excessive des systèmes d'élevage conduit nécessairement à l'eutrophisation du milieu et à l'arrêt en retour des systèmes d'élevage par anoxie ou toxicité directe ou indirecte (“marées rouges”). phénomène peu ou pas préjudiciable pour les activités à terre, rédhibitoire pour l'aquaculture. En ce sens, l'aquaculture en lagune est un signal d'alarme potentiel de l'équilibre du milieu. Cette internalisation des effets de l'apport massif de matière organique est donc positive dans l'optique de l'utilisation rationnelle des sites lagunaires.

Globalement, l'Etat considère que le développement de ce secteur doit rester d'initiative privée, c'est pourquoi il s'est surtout attaché à définir un cadre fiscal et règlementaire favorable aux investissements sans prendre la responsabilité directe de la production.

d) Statistiques de production

Le tableau suivant regroupe les données de l'OAA pour la période 1985–1991 et les productions indiquées par l'ISPM pour les années suivantes.

Tableau 10 : Production de l'aquaculture marocaine de 1985 à 1993

 198519861987198819891990199119921993
Poissons         
- loup        126
- daurade    150340410550385
- autres10844    86
Total poisson10844150340410550597
Crustacés       2031
Mollusques120125140140140140150150113

Total

130133144144290480560720741

On observe l'apparition des crevettes en 1992 avec le démarrage de la ferme de la Moulouya. La production de poissons de mer devrait progresser rapidement dans les 2 années à venir en raison d'importants lots de juvéniles actuellement en phase de prégrossissement.

e) Analyse des projets en cours

En dehors de la conchyculture traditionnelle, l'aduaculture est une activité trop récente au Maroc pour que l'on puisse établir un bilan critique. Cependant, l'étude des deux projets industriels en cours permet de tirer des observations de portée générale.

La ferme MAROST a démarré fin 1985 sous la forme d'un projet de développement financé pendant les quatre premières années par le Palais. Au départ, ce projet était principalement axé sur la culture d'huîtres plates et de palourdes. L'étroitesse du marché marocain, les difficultés de pénétration du marché européen (barrères sanitaires) ont amené la société la société à limiter ses ambitions à une production d'une centaine de tonnes au maximum et à se redéployer su l'élevage des loups et dorades dont la maîtrise biotechnique (écloserie et grossissement) était de mieux en mieux assurés depuis les années 85–86.

En 1990, le projet MAROST est repris par PONA (Omnium Nord Afrique) holding marocain très diversifie: mines, banque, immobilier, agro-alimentaire, finance, assurances et télécommunications, Dès 1986, d'importants investissements sont engagés laboratoires de nutrition et do pathologie, et bâtiments d'élevage larvaire de mollusques crustacés et poissons Ces équipements et leur personnel représentent aujourd'hui une lourde charge de recherche pour une société de production : MAROST finance actuellement l'activité de près de 450 personnes dont une vingtaine de cadres (vétérinaires, ingénieurs agronomes, halieutes) L'ONA espère se sortir de cette situation, d'une part, en augmentant la production sur le site (1500 tonnes prévues à terme), d'autre part, en amortissant sa structure de recherche amont par l'implantation d'autres unités d'aquaculture au Maroc.

En effet, la double fonction recherche-production, si elle est acceptable sur une petite sation d'expérimentation voire démonstration/vulgarisation, est insupportable au plan financier dès qu'elle est mise en oeuvre à l'écelle industrielle. Par ailleurs, les programmes de recherche nécessairement pluri-annuels ne peuvem dépendre pour leur finacement des fluctuations des résultats commerciaux de ne peuven dépendre pour leur financement des fluctuations des résultats commerciaux de la partie industrelle Enfin, le souci de protéger de “secrets” de production industrielle freine la coopération scretifique pourtant indispensable pour conserver la compétitivité technique dans un secteur en progrès rapide. Aussi, la distinction claire entre structune de recherche et les unités de production sera bénéfique pour toutes les parties.

La ferme de la Moulouya (SAM) est située à 1,5 km de la mer dans, la plaine alluviale de l'Oued Moulouya près de la frontière avec l'Algéie. Elle totalise 100 ba le bassins en terre, répartis en 90 ha destinés à l'élevage de crevettes (Penaeus japonicus) et 10 et en eau douce (prise d'eau sur “Oued Moulouya”) leur permet de travailler en eau saumâtre entre 15 et 25 pour mille de salinité, la demande. La toatalité de l'investissement a eé réalisée en un temps record de 7 mois sur une connception technologique d'une société de services partenaire à 20% de l'opération. Au plan de la production, la ferme a réalisé le prener cycle de production de crevettes en juin 1992 celles-ci sont nourries sur granulé artificiel à 45% de protéines à la charge de 4 à 6 individus/m2 a production escomptée est de 90 tonnes par anen deux cycles de 6 mois.

Pour ce qui concrne les poissons, la ferme a acheté des juvéles de dorades d'une cinquantaine le grammes in de démarrer rapidement le grossissement et commercialisation sans attendre mise en service de l'écloserie. Parallèlement, plusieurs certaines de milliers d'alevisn de dodes et de los ont été pris en prégrossissement afin de prearer la prochaine récolte du l'hiver 93–94. Les principaux problèmes de cette ferme sont le risque d'affaissement des berges par batillage de l'eau du au vent, une mauvaise orientation de bassins à crevettes dont le sens d'écoulement va á contre sens du vent dominant L'ensemble du personnel sur la ferme n'excède pas 50 personnes dont 5 cadres. Le ratio (hommes/production totale) est cohérent pour ce type de production

Malgré l'excellence de la maîtrise technique des élevages, cette ferme est vulnérable au plan économique car elle vise exclusivement le créneau de l'exportation sur l'Europe et son isolement, qui rend plus coûteux l'ensemble de l'exploitation, ne lui permet pas de bénéficier facilement d'un marché local captif en frais comme celui de la restauration urbaine et touristique, plutôt concentré sur la côte atlantique

I.4.2 LE SECTEURDE LA RECHERCHE AQUACOLE

a) Cadre administratif et institutionnel

Depuis 1981, le Maroc s'est doté d'un Ministère des pêches Maritimes et de la Marine Marchande. Ce Ministère dispose de deux organismes de consultation techniqe:

  1. L'Office National des pêches (ONP), organisme semi-public créé en 1971, est chargé des actions d'intervention et de développement I1 possède de délégations dans tous les ports. Cet organisme a un rôle de conseil technique auprès auprès du Ministère.

  2. L'Institut Scientifique des Pêches Maritimes (ISPM) est un institut national de recherche spécialisé dans le domaine halieutiqe. Son rôle est consultatif et il dépend administrativement et financièrement de l'ONP Le centre général de l'ISPM est à la définition des stratégies et est ensuite chargé d'effectuer un suivi des actions entreprises. Le champ d'intervention de l'ISPM est très vaste: de la recherche descriptive ou analytique à long terme à des études de très court terme sur des points précis où sa fonction s'assimile directement à celle d'un bureau d'étude.

Au sein de l'ISPM, if n'y a pas á proprement parler de service d'aquaculture ou de personnes affectées spécifiquement à ce domaine excepté une petite équipe de 3 personnes chargée de préparer une proposition de plan directeur de réservation des zones favorables à l'aquaculture.

L'Institut Hassan II est l'organisme responsable de la formation en aquaculture. Dés 1975, cette institution s'est engagée à former des spécialistes dans le domaine de l'halieutique afin de répondre aux besoins du Maroc en général et de l'Office en particulier.

La direction des eaux et des forets s'occupe de la pisciculture en eau douce tandis que les facultés des sciences mènent les études plus fondamentales.

Au plan législatif, l'aquaculture entre dans le général du code des investissements pour toute activité dans le domaine maritime. Ce code prévoit plusieurs dispositions fiscales favorables á [investissement dans ce secteur notamment l'exonération de l'impôt sur les bénéfices professionnels à l'export pendant 5 ans, une exonération du droit d'importation et de la TVA pour les équipements à caractère indispensable, une bonification de deux points sur le taux d'intérêt du financement de l'investissement, une prime d'équipements de 7,5% s'il s'agit de biens d'importation et de 15% s'il s'agit de production locale.

A ce plan de la coopération internationale, l'ISPM est en relation avec plusieurs pays notamment l'Italie, la France. (Montpellier 2, UBO Brest et IFREMer) et le Japon (JICA et OFCF)ainsi qu'avec diverses organisations internationales: OAA PNUD, le Maroc est le point focal des pays membres du MEDRAP en matière de gestion lagunaire. Cette collaboration avec le projet MEDRAP est ancienne et s'est révée très utile pour l'appui à l'expertise de la lagune de Nador avant le lancement de la ferme expérimentale de MAROST.

b) Objectifs et programmes de recherche

L'administration marocaine part d'un triple constat : les zones les plus favorables naturellement à l'aquaculture sont les lagunes. Or, celles-ci sont peu nombreuses au Maroc subissent une pression d'utilisation crissante à diverses fins : tourisme, urbanisation, aquaculture, etc. Ensuite, la production de mollusques d'élevage stagne entre 100 et 150 T malgré une demande croissante et l'existence de plusieurs sites favorables. Enfin, I'Etat ne dispose de recherche depuis la privatisation complète de MAROST. Un accent particulier est mis actuellement sur l'étude du modale de la lagune de Nador.

De ces observations, découle la définition des trois thèmes de recherche suivants:

-  Etude des potentialités du littoral national pour l'aquaculture : inventaire des sites propices et de techniques d'élevage disponibles, choix des espèces, afin d'établir un plan directeur du développement de l'aquaculture au Maroc.

-  Etude des gisements naturels de coquillages en vue d'organiser leur exploitation de façon rationnelle et vulgarisation des techniques modernes d'élevage par épuration.

-  Introduction d'espèces nouvelles (projet d'élevage de thon Thunnus thynus pour repeuplement de la mer d'Al

I.4.3 LES PRIORITES DELA RECHERCHE POUR LE DEVELOPPEMENT

a) Priorités de développement

Elles se résument pour le moment à la prospection et à l'aménagement des sites aquacoles pour la production d'espèces à haute valeur commerciale destinée à l'exportation. Pour cette raison, effort de l'Etat porte sur l'établissement d'un schéma directeur du développement de l'aquaculture au Maroc. Ce schéma permettra l'inventaire exhaustif des sites favorables et leur potentiel, et la sélection des principales espèces susceptibles d'élevage. Cette sélection conduira dans un deuxième temps à des programmes de recherche spécifiques sur la station prévue sur le littoral atlantique.

b) Priorités de la recherche

Elles peuvent être résumées en trois axes;

-  Evaluation du potentiel et de la capacité d'accueil de chaque site en vue de réaliser une planification des aménagements aquacoles dans le cadre d'un plan général à l'échelle nationale.

-  Assistance aux professionnels par la démonstration la vulgarisation des méthodes d'élevage

-  Aquaculture de repeuplement

I.5. LA LIBYE

La Libye n'a pas de tradition d'aquaculture car c'est un pays pauvre en eau douce en général et en terres basses irriguées en particulier. Le littoral est constitué d'une côte basse faiblement indentée, sablonneuse ou rocheuse, très peu favorable à l'implantation de fermes à terre ou de cage en mer. Le marché local, limité et dispersé en deux pôles d'activité (Tripolitaine et Cyrénaique), ne stimule pas l'investissement dans ce secteur. Cependant le Libye bénéficie de certains atouts: 1.700 km de côtes, un assez bon pouvoir d'achat et d'investissement puisque la Libye dispose du troisième revenu du PIB/habitant de tous les pays méditerranéens et enfin la proximité du grand marché égyptien. Par ailleurs, il faut souligner la volonté politique constante de faire participer la libye à tous les projets régionaux touchant l'activité du littoral. Enfin, toute forme de valorisation de l'eau douce intéresse les pouvoirs publies depuis le début de réalisation du grand programme de pompage des eaux fossiles du Fezzan (Great Man Made River Project).

1.5.1 LE SECTEUR DU DEVEL OPPEMENT

a) Historique

L'auaculture est une activité récente en Libye. Elle a d'abord démarré en 1979 par quelques essais de grossissement de poissons d'eau douce en barrage. L'absence de marché et le risque permanent de manque d'eau pour ce type de produit ont conduit les autorités à s'intéresser au espèces marines.

Au début des années 90, des juvéniles sauvages de loup et de dorade sont élevés en cages flottants dans la baie d'Ain El Gazala à 60 km à l'Ouest de Tobrouk, en Cynéaïque. La production atteint 20 tonnes en 1992.

Parallèlement, des essais d'élevage de crevette (Penaeus japanicus) et de poissons (plusieurs espèces de Tilapia notamment T. aurea et T. nilotica) sont menés sur la ferme expérimentale d'Aïn Kaam, située à 120 km à l'Est do Tripoli.

Les crevettes sont grosses pour l'instant en bac béton à fond de sable en attendant les bassins plus grands. L'écloserie qui fonctionne actuellement en circuit ouvert devrait être équipée prochainement d'un filtre biologique. Les tilapia sont élevés en cage flottante dans la partie subestuarienne d'un oued.

Deux projets récents doivent démarrer prochainement. Une ferme mixte loup-daurade-mollusques dans la lagune de Farwa près de la frontière Tunisienne et une ferme loup-daurade-crevette à Aïn El Zinna, prés de Benghazi, en Cyrénaïque.

b) Le cadre institutionnel

L'initiative du développement de l'aquaculture revient au centre de Tajoura (Marine Biology Research Center) créé en 1978. En 1979 la responsabilité du développement est confiée au National Aquaculture Project (NAP) aujorud'hui transformé an Institut National d'Aquaculture (NTA), organisme autonome, tandis que celle de la recherche en aquaculture reste dans les attributions du M.B.R.C. La coordination entre les deux structures sera développée pour renforcer l'appui aux deux projets d'aquaculture en cours (Farwa et Aïn El Zina).

c) Plan de développement

A la suite du choix de la priorité à l'aquaculture marine un inventaire des sites littoraux favorables a été entrepris sous la direction du M.B.R.C avec l'assistance d'experts étrangers. L'objectif est de développer les élevages dans les sites les plus favorables aux palns biologique et écologique sans coût d'investissement excessif.

d) Résultats

Une seule ferme aquacole est en production actuellement en Cyrénaïque : Aïn El Gazala. Elle a produit 20 tonnes de loups et daurades en cage en 1992. Deux projets privés sont en cours de développement.

e) Contraintes

Le développement de l'aquaculture en Libye est freiné par trois contraintes:

-  le manque de personnel compétition expérimenté. Un important programme de formation est en cours de réalisation dans le cadre de l'OAA, avec notamment l'appui du projet MEDRAP. Plusieurs domaines sont traités : conditionnement du poisson, pathologie, proies vivantes et aliments granulés, gestion des lagunes, etc.,

-  le manque de matériels et de technologies modernes. Un contrat récemment signé avec l'UNESCO facilitera l'acquisition d'équipements. Il prévoit également la formation du personnel local aux nouvelles techniques;

-  le manquef d'aliments aquacoles tant pour la phase larvaire que pour le grjossissement. Un double effort est prévu : la recherche d'Artemia dans les salines Libyennes pour les écloscries et la mise en oeuvre d'un centre de production de matières premières (farine de poisson et dous-produits de l'industrie agricole) pour la fabrication locale de granulés pour l'aquaculture.

1.5.2. LE SECTEUR DELA RECHERCHE

a) Les moyens

La seule institution de recherche est le centre de biologie marine de Tajoura (Marine Biology Research Centre) qui conduit des programmes en matière de pêche et d'aquaculture. Ce centre dispose do 52,000 m2 de surface abritant de nombreux laboratoires bien équipés:

-  bactériologie,

-  benthos,

-  chimie de l'eau,

-  microbiologie,

-  planctonologie,

-  halieutique

60 bacs d'expérimentation de 1 à 4 m3 sont disponibles à proximité de l'aquarium et peuvent être alimentés en eau douce et en eau de mer. Une écloserie d'expérimentation sera bientôt construite.

Le centre dispose de nombreux micro-ordinateurs et d'une bibliothèque de 2.000 volumes abonnée à 43 périodiques scientifiques. II édite également un bulletin d'information annuel.

Le centre compte 38 personnes dont 4 chercheurs affectés en aquaculture. Le budget principal provient du Secrétariat d'Etat aux Ressources Marines. II est complété en cas de besoin par le Secrétariat d'Etat à la Recherche Scientifique.

b) Les programmes

Les programmes de recherche portent sur trois points:

-  l'élevage larvaire d'espèces de poissons marines et de crevettes (loup, daurade et crevette impériale) afin d'améliorer la maîtrise des paramèetres-clefs de la qualité et de la fiabilité,

-  mise au point d'aliment pour poisson notamment pour le grossissement,

-  production d'artemia dans les salines côtières ou continentales. une étude approfondie a déjà permis de mettre en évidence trois sites de production naturelle d'artemia et de commencer à en étudier les caractéristiques biologiqus afin d'évaluer le potentiel productif de la Libye pour cette espèce dont les oeufs de durée représentent un enjeu économique d'importance croissante pour l'aquaculture.

c) Collaboration recherche-production

II faut noter un fort souci des autorités libyennes d'apporter un soutien aux intitiatives privées de développement aquacole:

-  étude do présélection des sites favorables.

-  collecte d'informations sur tous les plans (biologiques, technoligiques et économiques) afin de disposer d'une évaluation actualisée des biotechnologies aquacoles utilisés en Méditerranée et en climat tempéré chaud,

-  formation de personnel tant au niveau de technicien qu'au niveau du biologiste spécialisés;.

La Libye dispose d'un bon outil de recherche avec le centre de Tajoura mais il manque encore les équipements d'expérimentation (écloserie et bassins) pour qu'il ait les moyens de ses objectifs. SCette lacune devrait être rapidement comblée. La liaison avec le secteur privé constitue un bon vecteur de programmes de recherche appliquée dans le but de faire émerger à terme un véritable secteur aquacole. Ce dernier est nécessaire pour pouvoir valoriser en retour le potentiel de recherche et de formation à l'échelle régionale du centre de Tajoura.

I.5 SYNTHESE REGIONALE

L'approche analytique par pays est indispensable mais elle ne permet pas de dégager les atouts et les faiblesse de l'ensemble régional. Or, cette vision régionale est nécessaire pour pouvoir identifier les priorités communes de la recherche aquacole pour le développement. Le point essentiel est de savoir si une approche régional du développement aquacole de ces pays constitue la meilleure réponse aux problèmes posés par ce secteur et, d'une manière plus vaste, par le développement en général. En d'autres termes, l'aquaculture peut-elle être un vecteur privilégié du développement en concertation ou doit-elle rester un domaine de compétition technologique et commerciale entre les pays d'Afrique du Nord? Pour répondre à cette question, il est nécessaire d'examiner les facteurs de convergence des pays concernés par la coopération régionale. Y-a-t-il déjà une dynamique de rapprochement et de concertation? L'aquaculture peut-elle jouer un rôle dans cette dynamique?

I.5.1 FACTEURS DE CONVERGENCE

On peut les regrouper en trois domaines: géographie, démographie et économie.

1. Géographie

Tous les pays d'Afrique du Nord appartiennent à un même ensemble géographique et climatique. Au plan géographique, ils sont tous situés à cheval sur la jointure entre la plaque africaine et la plaque Europe qui s'arrête avant la bande côtière, ce qui est à l'origine du contraste entre la plaine alluviale quaternaire tournée vers la mer et les plateaux et les montages désertiques ou semi-désertiques du socle précambrien à l'intérieur des terres.

Le climat est du type méditerranéen au nord avec des précipitations hivernales et évolue vers un climat aride de désert quand on descend en latitude.

2. Démographie

Le tableau 11 présentes les principaux paramètres de la démographie des pays d'Afrique du Nord. On note plusieurs similitudes nettes: la croissance annuelle se situe entre 2,4 et 2,7% avec des indices de fécondité variant de 4, 1 à 5, 4 enfants par femme, ce qui est très élevé pour la région méditerranéenne mais moyen pour l'Afrique. En effet, pour l'ensemble de ces pays, la phase de transition démographique est perceptible depuis 1970 avec une réduction simultanée de la mortalité infantile et de la natalité comme le montre la figure 4. L'urbanisation concerne environ la moitié de la population (46, 7 à 543%) mais est en croissance rapide ce qui pose d'énormes problèmes sociaux, sanitaires, d'aménagement, de formation et d'emploi.

Figure 4

Figure 4 : Maroc, Algérie, Tunisie : tendances synthétiques de la transition démographique
(Source : l'Etat du Maghreb, 1991)

3. Economie

Le tableau 11 met en parallèle pour les quatre pays quelques paramètres significatifs. Le PIB est trompeur car il rend un algérien 3,5 fois plus “riche” qu'un égyptien mais la rente pétrolière algérienne qui représente 85 % des exportations ne permet pas de compenser les faiblesse de l'économie : croissance moyenne au cours des années 80, baisse de la croissance à partir de 1990, inflation à deux chiffres et lourd service de la dette qui draine les 2/3 des recettes d'exportation.

En dehors d'une croissance quasi-nulle en 1990 en Egypte et négative en Libye, effet conjoncturel de la guerre du Golfe, les trois autres pays ont nettement progressé depuis 1980 : la croissance annuelle est plutôt forte et encore en augmentation. Le service de la dette ne dépasse pas le tiers des recettes d'exportation et l'inflation tourne autour de 7 % par an. Seule, l'Egypte a une dette extérieure totale supérieure à son PIB mais sa restructuration assortie de substantielles remises est en bonne voie.

Au plan structurel les économies apparaissent fragiles : pour les cinq pays, les deux premiers postes d'importation, qui représentent entre 76 et 96 % du total, concernent les produits manufacturés, suivis des produits agricoles.

Tableau 11 : Principaux paramètres de la démographie, de l'économie, de la pêche et de l'aquculture pour les cinq pays de l'étude (chiffres 1991)

PARAMETREUNITEEGYPTETUNISIEALGERIEMAROCLIBYE
DEMOGRAPHIE      
• PoulationMillion52,48,225254,5
• Croissance / an%2,42,42,72,63,6
• Indice féconditéenf./fe.4,54,15,44,86,9
• Population urbaien%46,754,351,74870
ECONOMIEMilliard     
• PIBde $32,511,452,724,125
• PIB/Habitant$630139021109605514
• LCroissance / an 1980–89%5,13,13,14,1-6
• Croissance 90%0,56,62,44,4-
• Taux d'inflation%7,27,5147-
2 premiers postes d'importation      
• 1er--- Prod. man.Prod. man.Prod. man.Prod.man.Prod. man.
 %(63) (64)(58) 
• 2e--- Prod. agric.Prod. agricProd. agric.Prod. agric.Prod. agric.
 %(33) (24)(18) 
2 Premiers postes d'exportation      
• 1er--- PétroleTextilePétroleProd. manu.Pétrole
  %(30) (85)(50) 
• 2e--- CotonEngrais Engrais 
  %(11)  (40) 
• Dette ext totaleMilliard496,926213,2
• Service dette/Export$2222,56932-
Pêche/AquacultureMilliers     
• Pêchede T301100856008
• ConsommationKg/h/an7,87,546,5 
• AquacultureTonne43 00054840456020

(Sources : l'Etat du Monde 1992; Guide de la Tunisie 1992; GAFRD Egypte - INSTOP Tunisie - ANDP
Algérie - 1SPM Maroc - MBRC Libye)

En matière industrielle, l'effort global d'une politique de substitution aux importations entamée depuis les grandes réformes des années 70 commence à toucher à ses limites en raison d'une part, de la faiblesse du marché intérieur (sauf pour l'Egypte), et d'autre part, de la structure de l'industrie où deux secteurs sont traditionnellement bien représentés :

Par ailleurs, les échanges inter-sectoriels et inter-industriels restent faibles, ce qui limite l'effet multiplicateur des investissements productifs et n'entraînent qu'un faible effet dans l'aménagement du territoire. Enfin, les produits exportés sont à faible valeur ajoutée, ce qui les rend très dépendants de la conjoncture internationale et notamment de la concurrence des pays du Sud Est Asiatique.

Second point faible : le secteur agricole, condamné à l'intensification autant pour des raisons de compétitivité vis à vis des importations que parce que les besoins sont croissants, et les facteurs de production (terres, eau) limités. Ces contraintes naturelles (reliefs, faibles pluviométries) limitent l'extension des terres cultivables. Or, chaque année, la portion de surface agricole utile dont dispose chaque habitant du Maghreb se restreint : 0,59 ha pour un algérien en 1966 - 0,37 ha en 1980 - 0,20 ha en 1990. Il faut donc intensifier la production.

Au delà des améliorations techniques (irrigation, engrais, façons culturales, semences, etc.), une condition fondamentale doit être remplie : “la réhabilitation du fellah, l'amélioration de ses conditions de vie, la réorganisation de son espace, la promotion de son statut social. Comme dans les autres pays arabes et beaucoup de pays du Tiers Monde, la dévelorisation du rural dont témoigne l'ampleur de l'exode est encore accentuée par la montée des économies urbaines mal enracinées, trop souvent tournées vers l'extérieur. Par de nombreux aspects, la crise agricole est le reflet d'une crise de la société maghrébine traversée par de profondes et brutales mutations.” (J.C. Brulé, in l'Etat du Maghreb, 1991). On voit ici l'importance de prendre en compte cette composante sociologique dans le développement de l'aquaculture car celle-ci prend nécessairement place en zone rurale.

Deux autres points communs de l'économie de ces pays doivent être soulignés:

-  L'importance de la population émigrée, principalement en Europe et au Moyen Orient, qui rapatrie la plus grande partie de ses gains en devises fortes (à titre d'exemple, cet apport représentait 2 milliards de dollars pour la seule Egypte avant la guerre du Golfe).

-  Le développement rapide du secteur tertiaire et surtout du tourisme, sauf en Algérie et en Libye, depuis 10 ans. Ce secteur également gros pourvoyeur de devises, représente jusqu'à 6 % du PIB (Tunisie). Il reste cependant fragile car soumis aux aléas de la situation internationale.

4. Place de l'aquaculture

L'aquaculture est perçue dans tous les pays d'Afrique du Nord comme une chance de développement moderne parcequ'elle répond précisément à plusieurs besoins essentiels.

-  Elle constitue un frein à l'exode rural en créant des emplois de niveaux variés (de l'ouvrier au biologiste) dans des zones souvent délaissées par l'activité traditionnelle : littoral désertique, marais, zones basses.

-  Elle peut proposer des protéines peu coûteuses à partir d'élevages en eau douce (carpes, tilapias).

-  Elle peut également produire des espèces nobles (loup, daurade, crevette) pour l'exportation vers le CEE où pour le marché local de la restauration touristique, ce qui constitue des sources de devises.

-  Elle valorise l'utilisation de l'eau, soit en complément de riziculture (rizipisciculture saisonnière), soit par enrichissement en matière organique d'eau d'irrigation, soit par la polyculture en association avec des canards, du bétail ou d'autres espèces de poissons.

-  Elle permet de lutter contre divers fléaux : les moustiques (poissons, crevettes) et l'enherbement des canaux (carpes herbivores).

Devant cette accumulation de qualités, l'aquaculture ne risque-t-elle pas de décevoir en raison de l'excès même des espérances mises en elles, comme cela a été le cas pour l'aquaculture “nouvelle” en Europe dans les années 70? Aussi il est indispensable de signaler que ce tableau fait bon marché de plusieurs contraintes sérieuses:

-  Sauf en Egypte, il n'existe pas de tradition de consommation de poissons d'eau douce pour les populations du littoral et pas de tradition de consommation de poissons pour les populations de l'intérieur des terres. L'apport en protéines est dominé par les produits lactés et les viandes blanches (volaille, mouton).

-  Très peu de sous-produits agricoles ou animaux sont disponibles pour la fabrication d'aliments aquacoles ou même pour la distribution directe (sauf au Maroc). Ceci entraîne, soit la limitation des systèmes d'élevage à l'échelle extensive, soit le passage à l'importation, coûteuse, de granulés spécifiques justifiée uniquement dans le cas d'élevages intensifs pour l'exportation.

-  Les technologies de production de masse d'alevins sont souvent mal maîtrisées dans ces pays faute de personnel qualifié et d'installations adéquates. En conséquence, la pression sur le milieu naturel par la capture d'alevins sauvages est forte (Egypte) et les structures d'élevage et de recherche le plus souvent sous-exploitées (Algérie, Libye).

-  Sauf exception (Egypte), il n'existe pas de centre de recherche tourné vers l'expérimentation et la vulgarisation des techniques existantes. Le secteur privé est donc le plus souvent coupé de la recherche et doit importer à grands frais la technologie étrangère.

-  Bien que de gros progrès aient été enregistrés récemment dans ce domaine, il n'existe pas encore de politique claire d'aménagement du territoire intégrant un schéma directeur de réservation et d'utilisation des zones favorables à l'aquaculture, sauf en Tunisie et bientôt au Maroc.

-  Si le cadre fiscal est souvent très favorable à l'investissement en aquaculture, la législation foncière, les procédures d'agrément (concessions) et la complexité des compétences administratives mises en jeu font que la création d'une entreprise aquacole demande beaucoup de patience et de persévérance, ce qui n'est pas très favorable à un développement rapide du secteur. Prudentes, les banques locales considèrent cette activité à hauts risquese prennent le maximum de garanties.

-  Les pays d'Afrique du exportent les mêmes espèces sur les mêmes marchés (Espagne, France, Italie). Cette polarisation des flux commerciaux dans le sens Sud-Nord avec seulement deux produits est un facteur de risque de déséquilibre du marché. On voit apparaitre ici les limites d'une politique exclusivement nationale de dévolopppement de l'aquaculture et l'intérêt d'une concertation minimale au sein d'une structure d'échange d'informations.

Toutes ces contrains expliquent pourquoi, en dehors de l'Egypte, doyen des pays aquacoles, les productions d'aquaculture restent faibles dans cette région alors qu'elles explosent d'autres pays méditerranéens (Grèce, Espagne).

Cette analyse montre qu'en matière d'aquaculture, les pays d'Afrique du Nord partagent les mêmes contraintes à quelques exceptions près, et qu'à condition de ne pas être investie de capacités miraculeuses, l'aquaculture peut contribuer à la solution progressive des problèmes prioritaires de ces pays : emploi, devises, alimentation, aménagement, etc. Cet effort de développement spécifique de l'aquaculture peut-il-être intégré dans un contexte de développement régional?

I.5.2. PLACE DE L'AQUACULTURE DANS L'APPROCHE REGIONALE

Tous les pays d'Afrique du Nord disposent de cartes similaires et souffrent des mêmes faiblesses:

-  mêmes espèces élevables

-  mêmes marchés : restauration touristique locale et CEE

-  mêmes contraintes naturelles : côtes peu abritées, pénurie d'eau douce à terme, risques croissants de pollution : en 1985, on dénombre 133 millions d'habitants sur les bords de la Méditerranée. Les projections pour 2025 donnent 217 millions d'habitants soit 63% d'augmentation. (Plan bleu 1989 des Nations-Unies pour la Méditerranée)/

-  mêmes défauts chroniques de la recherche:

-  manque de structures d'interface entre la recherche et le développement : pas ou peu de stations mixtes expérimentation/vulgarisation.

-  manque de personnel compétent et notamment de techniciens dont la formation sur place serait bien plus efficace qu'à l'étranger.

-  Insuffisance de la coopération scientifique entre les pays d'Afrique du Nord et entre ceuxci et les centre de recherche des pays riverains du Nord de la Méditerranée (Espagne, France, Italie, Grèce).

Si l'effort de coopération régionale en matière de développement a du mal à prendre de l'élan, le bien-fondé de ses objectifs est désormais admis par tous les pays concernés. Or l'aquaculture s'inscrit parfaitement dans cette dynamique : problèmes largement communs pour les quatre pays, réponse possible par l'aquaculture à plusieurs priorités simultanément (emploi, devises, alimentation, aménagement, etc), avantages évidents à la coopération régionale sur tous les plans : scientifique, technique, économique. Ainsi, non seulement l'aquaculture s'intègre bien dans la perspective de la coopération régionale mais elle peut y jouer un rôle exemplaire en montrant rapidement l'intérêt collectif de la coopération au plan intermaghrébine comme au plan CEE-Afrique du Nord.

Dans l'ensemble de cette évolution, le rôle des institutions internationales (OAA, PNUD etc) et des structures de concertation régionale est essentiel car elles bénéficient d'une légitmité incontestée et d'une vision plus globale de la recherche et du développement. II faut souligner à cet égard le rôle de pionnier du CGPM dans la coopération régionale en matièrs de pêche Progressivement, au sein des instance de décisions nationales, prend corps l'habitude d'une concertation régionale en matière de pêche. Parce qu'elle est étroitement associée á la notion d'un “réservoir” d'eau commun (la mer Méditerranée), l'aucualture enéficie d'un consensus similaire comme le montrent clairement les compte-rendus des nombreux séminaires et comités directeurs du MEDRAP, L'approche régionale de l'aquaculture par ces institutions, et notamment pour ce qui concerne le domaine de la recherche, est donc parfaitement fondée.


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