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DEUXIEM PARTIE : DEVELPPEMENT DE L'AQUACULTURE ET PRIORYTES POUR LA RECHERCHE

Avant toute sélection des prorités de développement et de recherche, il est indispensable de disposer a minima d'un aper sur les marchés potentiels et d'essayer de préciser quelles formes d'entreprises sont et peuvem être impliquées dans le processus de développement de l'aquaculture dans cette région. II sera ensuite plus facile plus facile de pondérer les priorités de développement et celles de la recherche pour les pays concernés par l'étude.

II.1 QUELS MARCHES ?

La multiplicité des pays impliqués dans le marché des espèces aquacoles de Méditerranée, la variabilité des prix et de demande, l'Opacité de certains marchés ou de réseaux de distribution font que l'évaluation des marchés est difficile. Les données de la pêche pour les trois espèces concernées indiquent une stagnation de l'offre en bar et dorade à environ 20000 T et pour le turbot un total de 10.000 T pour l'ensemble des pays pêcheurs.

On prévoit un triplement de l'offre entre 1992 et 1996 pour l'ensemble des pays producteurs, la Grèce et l'Espagne apparaissant comme les leaders incontestables pour les deux espèces principales : loup et daurade.

Les prix moyens du loup ont amorcé une descente inexorable ; en 1989, le prix de gros sur le marché italien était de 130 F/kg. En 1991, il est tumbé 100 F/kg. Début 94, il atteint 50 F/kg, toujours sur le même marché de référence. A terme, les producteurs visent un coût de production de 25F/kg tour rester rentable, ce qui donnerait un prix de gros de l'offre de 45 F/kg Cette diminution de prix dopera certainement le marché potentiel comme dans le cas du saumon ou la chute des cours en a fait un produit courant de grande distribution. Mais il faut rester prudent : une étude du Centre d'Etudes et de Projets de Montpellier de 1988 sur le marché potentiel de ces produits établit que l'élasticité de la demande par rapport au prix reste faible alors qu'elle est forte par rapport au revenu, ce qui montre bien que les espèces sont encore perçues comme des produits de luxe (CEP, 1988). Par ailleurs, la compétition avec les produits carnés est devenue plus serrée en raison des progrès de qualité de ceux-ci et d'une baisse générale leurs prix.

II faut noter également une hétérogénéité de la demande globale selon les pays (12 kg/hab/an de consommation de produits de la mer pour un Allemand, 38 kg pour un Espagnol) et selon les région d'un même pays (en France, le Nord et l'Est consomment nettement moins de produits de la mer que l'Ouest ou le Sud). Par ailleurs, la forte valeur marchande du loup et de la dorade entraîne une concurrence d'appellations frauduleuses (pageot et griset vendue sous l'appellation “daurade royale” réservée en fait à l'espèce Sparus auratus).

Les sites disponibles pour l'élevage se raréfiant (contraintes administratives et environnementales), on prévoit l'agrandissement des unités existantes plutôt que la multiplication des fermes Par ailleurs, les producteurs ont commencé à prévoir deux types de mesures afin d'éviter le “syndrome du saumon” dans les années à venir :

-  la diminution des coûts de production par les progrès de productivité (amélioration de la survie en écloserie et du taux de conversion alimentaire en grossissement) et les économies d'échelle ou d'envergure (regroupement de fermes en amont pour d'écloserie ou en aval pour la commercialisation).

-  la valorisation du produit sous toutes ses formes (entier, en darne, en filet, en plat cuisiné, frai, congelé, fumé labellisation, appellations contrôlées comme “daurade de mer Egée” ou “loup de Venise”, etc) car le savoir-faire du transformateur et l'organisation de campagnes de marketing bien ciblées ont montré qu'ils étaient les facteurs déterminants de l'offre beaucoup plus que les habitudes de consommation.

II.2 QUELLES FORMES D'ENTREPRIES?

II est utile de rappeller que le poisson est un produit banal, difficile à labelliser, que la concurrence des pays aquacoles de la Méditerranèe pour l'accès au marché de la CEE est naturelle. II faut également tirer les leçons de la crise du crise du saumon norvégien : l'atomisation des producteurs face à la concentration des acheteurs et une médiocre organisation professionnelle conduisent à un comportement de sauve-qui-peut individuel en cas de crise et donc à la faillite du plus grand nombre.

La dèfinition des meilleures formes d'entreprise doit prendre en compte plusieure aspects:

-  l'aquaculture est la première victime de son externalié : pollution potentielle d'origine organique ou chimique (produits de traitement)

-  le choix du est une contrainte forte car les sites favorables sont peu nombreux et menacés

-  les cycles de rentabilité pour chaque espèce sont relativement courts : de l'application des recherches à la distribution grand public du produit d'élevage, il s'écoule entre 15 et 20 ans et cette durée a tendance à diminuer

-  le développement d'une filière d'élevage doit prévoir très tôt la recherche d'avantages hors coût : valorisation du produit, maîtrise maximale de la commercialisation.

Aujourd'hui, la prise en compte de ces contraintes ne concerne qu'ne minorité d'entrepreneurs bien informés. Globalement, le secteur aquacole en Méditerranée apparait déconcentré et peu intégré. II aurait tendance à évoluer vers une filière de type “poulet” mais cette évolution est freinée par les contraintes d'environnement (Paquotte, in Medrap, 1992).

II 3. LES PRIORITES DU DEVELOPPEMENT

IIest utile de rappeler les priorités du développement aquacole pour les quatre pays étudiés :

-  Egypte :

-  Tunisie

-  Algérie

-  Maroc

-  Libye

La synthèse des axes prioritaires du développement est difficile car, en toute rigueur, il faudrait prendre également en compte la demande sociale sur laquelle nous disposons de peu d'éléments. On peut cependant regrouper ces priorités en quatre grands thèmes:

1. Le cadre institutionnel et sociologique

Par une législation claire et précise (notamment pour tout ce qui concerne le régime des concessions á terre ou en mer), l'Etat permet de “stabiliser l'avenir”, au moins sur le moyen terme. Les entrepreneurs, comme les organismes de prêt, ont assez de risques à assumer pour en prendre encore quant à l'évolution sur le droit de propriété où les normes de respect de l'environnment.

Ensuite, la loi établit des règles du jeu valables pour tous. Même si ces règles ne sont pas parfaites, elles induisent un sentiment d'équité pour tous les acteurs et augmentent l'efficacité des initiatives individuelles car celles-ci sont canalisées de manière plus rationnelle.

Enfin, l'adoption de règles communes conduit à l'émergence d'une fonction cognitive collective car la recherche individuelle d'efficacité, comme l'expérience d'échec (épizootie, pollution, etc) bénéficient directement ou indirectement à l'ensemble des acteurs.

On voit apparaître ici l'intérêt d'associer les acteurs à la définition même des règles du jeu car aux trois effets précédents s'ajoute alors celui de l'appropriation collective du règlement. Cette voie a été délibérement choisie par l'Algérie dès 1992 par ;a création de l'association des aquaculteurs algériens (AAA), véritable partenaire de l'agence nationale (ANDP) pour la sélection des problèmes prioritaires á résoudre. Des lors, le difficile problème du contrôle des respects des normes est réduit car il passe naturellement sous la responsabilité directe du groupe des acteurs, autorité consensuelle avec laquelle in est plus difficile de tricher.

2. L'environnement

Il s'agit là de la gestion globale de l'espace en incluant l'activité humaine dans la sphère naturelle (“global coastal management”) et non d'un “jardin de nature” à mette à l'abri des déprédations de l'homme. Cette gestion découle directement des choix du cadre institutionnel qui doit fixer les règles d'aménagement du territoire, les normes à respecter, les zones à préserver, pour garantir la compatibilité du développement de toutes les activités urbanisation, industrie, tourisme, etc. Cette priorité forte est commune aux cinq pays.

3. L'économie

Elle est omniprésente : comment créer des emplois, limiter l'exode rural, développer les exportations pour obtenir plus de devises, juge t'opportunité et la rentabilité d'un projet, mesurer les effets d'entraînement sur le long terme etc?

L'expérience du saumon norvégien a déjà permis une prise de conscience : même si l'on vetu développer une aquaculture artisanale en stimulant l'initiative individuelle et en minimisant le facteur capital/travail, il faut éviter l'atomisation du secteur. Information, concertation et planification sans excès apparaissent dès lors indispensables. La création de zones de développement aquacole concerté, regroupant de petits producteurs autour d'infrastructures et de services communs financés en partie par l'Etat semble prometteuse.

4. Le transfert des technologies modernes

Il apparait à l'évidence une forte demande pour le transfert de technologies déjà maîtrisées ailleurs sur des espèces connues et appréciées au plan commercial. Les avantages comparatifs offerts par les pays, espèce par espèce, comme l'a montré le séminaire sur le plan directeur de l'aquaculture en Tunisie en novembre 1993. Cet aspect montre le besoin urgent d'une information plus riche, plus large, mieux actualisée afin que les choix soient mieux éclairés. Par ailleurs, cette volonté unanime d'adaptation des techniques et de vulgarisation pour tous les pays. Le plus souvent des installations existent mais ne sont pas réellement opérationnelles.

II. 4 LES PRIORITES DE LA RECHERCHE

II est utile de rappeller les priorités de recherche pour chaque pays étudié

-  Egypte

-  Tunisie

-  Algérie

-  Maroc

-  Libye

L'observation de ces priorités conduit à une synthèse en cinq grands thèmes recherche:

1. La biologie

Ce thème doit être compris au sens large : physiologie, pathologie, nutrition, génétique, etc. II englobe la recherche en vue d'une meilleure maîtrise maîtres des espèces déjà élevées (loup, dorade, carpes, crevettes…), et la recherche plus large en vue d'unediversification des espèces élevables : maîtrise du cycle biologique, essais de grossissement et d'alimentation, mesure de la vitesse de croissance, du taux de conversion, de la résistance stress et aux maladies en situation d'élevage intensif, comparaison d'espèces similaires, de souches différentes, essais d'hybridation etc.

2. La formation et l'information

La recherche de l'information apparait comme une priorité absolue même si elle n'est souvent qu'implicite dans la formulation des priorités. Elle est directement liée au thème précédent. En effet, trop souvent, des recherches voisin ou dans une publication. Les besoins sont déjà disponibles dans en centre de recherche voisin ou dans une publication. Les besoins sont énormes et en croissance rapide. Les deux aspects (formation/information) doivent être en tous cas couplés car ce processus est dynamique. A quoi servirait la formation des chercheurs ou des techniciens s'ils ne restaient pas en contact permanent avec le reste de la communauté scientifique par un dispositif fiable et efficace d'information actualisée?

3) La maîtrise des intrants et surtout de l'aliment

Le souci de la rentabilité des élevages, de la fiabilité des approvisionnements et de la qualité des produits conduit à un fort besoin de recherche sur les intrants et surtout sur l'ensemble de la partie alimentation. En effet, toutes, les études financières montrent que le coût de l'aliment prend une part croissante dans le prix de revient du produit d'aquaculture. Pour les élevages les mieux maîtrisés, l'aliment représente jusqu'à 70% du coût (Sweetman, 1993); d'où l'importance du contrôle de ce facteur.

4) L'adaptation des technologies modernes

Le transfert de technologie apparaissait comme une des priorités du développement L'adaptation des technologies transférées requiert également un travail spécifique de recherche appliquée et d'expérimentation. Il est toujours nécessaire, quelle que soit la fiabilité de la technique transférée. De fait, ce thème apparait prioritaire pour les cinq pays.

5) L'évaluation et la valorisation du potentiel d'eau douce

Trois pays sur cinq soulignent le paradoxe de recherches majoritairement tournée vers des espèces marines alors qu'il existe un potentiel d'eau considérable à valoriser. Ce blocage s'explique peut-être par le fait que le traitement du produit et le marché des poissons d'eau douce sont moins bien connus et maîtrisés que ceux des poissons marins. Il est incontestable qu'un gisement de production existe, qu'il répond bien aux objectifs généraux du revenu agricole, etc) et qu'il peut être valorisé par la recherche

Tous ces thèmes de recherche paraissent également importants et légitimes. Cependant, les situations et les politiques spécifiques à chaque pays d'Afrique du Nord conduisent à des modes de mise en oeuvre variables. Aussi, il est nécessaire d'essayer de traduire ces priorités en un plan d'action indicatif pour l'ensemble des pays concernés.

II. 5. SYNTIHESE : PLAN D'ACTION INDICATIF POUR LA RECHERCHE

Le souci d'une approche régionale des problèmes de R et D spécifiques à l'aquaculture est une préocupation ancienne puisque c'était un des objectifs explicites du projet MEDRAP 1, lancé dès 1982 par le PNUD, l'Italie et l'OAA et couvrant 10 pays méditerranéens, dont les pays concernés par cette étude. L'esprit de ce projet pourrait être résumé ainsi : se connaitre pour mieux se former et s'informer. Pour la première fois, une même structure rassemblait périodiquement les représentants des groupes sociaux essentiels dans le processus de R et D : l'Etat, les chercheurs et les entrepreneurs.

Au cours des premières années de fonctionnement, les problèmes prioritaires étaient surtout d'ordre technique, ce qui a conduit les instances dirigeantes du MEDRAP d'une part, à privilégier la mise en place d'aides ciblées, notamment en Algérie (lac Mellah), au Maroc (Nador), en Tunisie (Ghar el Melh) et en Egypte (Maryut), et d'autre part, à mettre en place un vaste programme de formation dans tous les domaines comprenant même un centre de formation technique permanente en Italie (Policoro).

Prolongeant ce projet, le PNUD, à travers le project MEDRAP 2 a ouvert le champ de la coopération régionale en cherchant à établir des mécanismes de concentration permanente entre les pays concernés par le développement de l'aquaculture. Le but était d'aboutir à terme à un dispositif régional de coopération multilatérale auto-entretenu.

Par ailleurs, conformément au souci d'une information et d'une concertation les plus larges possibles, cette approche doit associer d'emblée pays du Nord et pays du Sud de la Méditerranée afin d'identifier rapidement où sont les capacités de recherche correspondant aux priorités régionales et donc opportunités de coopération internationale.

Cette évolution du MEDRAP est donc le fruit d'une longue maturation, qui, de séminaires spécialisés en réunions du comité directeur, a progressivement montré l'utilité d'une réflexion commune sur les programmes de recherche, les outils de mise en oeuvre de ces programmes et enfin les financements à mobiliser.

II.5.1. LES PROGRAMMES

La rapport de Z. Shehadeh (1992) montre clairement que la sélection des programme de recherche s'est faite très progressivement de manière plus consensuelle que sélective comme l'attestent les nombreux travaux préliminaires (voir notamment Fuchs et Belkhir, 1991). L'organisation générale de la méthode de concentration entre les 14 pays concernés n'est pas sans analogie avec la méthode utilisée utilisée pour l'étude SIFR comme le schéma ci-après (cf. Fig. 5)

Les quatre réseaux en cours de mise eu oeuvre répondent précisément à cette double attente : pluri-disciplinarité et coopération internationale. Il s'agit des réseaux suivants:

-  SIPAM, système d'information pour la promotion de l'aquaculture en Méditerranée

-  TECAM, technologies de l'aquaculture en Méditerranée

-  SELAM, aspects socio-économiques et juridiques de l'aquaculture en Méditerranée

-  EAM, environnement et aquaculture en Méditerranée

Figure 5

Figure 5 : Approches méthodologiques comparées de l'étude SIFR et de la sélection des réseaux par le MEDRAP

Ces réseaux présentent de nombreux avantages : d'abord, ils sont actualisés en permanence; il n'est donc plus nécessaire d'attendre le congrès scientifique ou la publication annuels pour être au courant des avancées de la recherche. Ensuite, les possibilités de liaisons sont multipliées, ce qui augmente la capacité d'information et limite les risques de rétention développement : bailleurs de fonds internationaux ou locaux, investisseurs, chercheurs, administrations, etc. Ce dispositif de maillage en réseau n'est pas prévu pour s'arrêter à la sphère méditerranéenne. Des interfaces avec d'autres régions peuvent se révéler fructueuses

Il est frappant de constater que toutes les priorités de développement et de recherche mises en évidence dans la deuxième partie peuvent être réparties dans ces quatre réseaux comme le montre le tableau 12. Le recours à ces réseaux pour préciser un plan d'action indicatif pour la recherche est indispensable : comment concevoir un tel plan pour l'aquaculture en Afrique du Nord sans prendre en compte le travail considérable de maillage des institutions administratives et scientifiques impliquées dans le développement de l'aquaculture en Méditerranée? Chaque réseau a déjà commencé à définir ses propres priorités, que l'on peut qualifier de “second rang”, comme le SIPAM, qui a déjà sélectionné les sept thèmes sur lesquels vont porter les efforts de collecte de données cours de la première de fonctionnement.

Ce dispositif a également l'avantage de lier dès l'origine des laboratoires des pays du Nord aux instituts de recherche du Maghreb et de l'Egypte. Il ferait entrer les problématiques de recherche de ces quatre pays dans un cadre de réflexion plus vaste et structuré autour du souci de préserver l'équilibre d'une mer commune fragile, la Méditerranée, et de développer sans le déstabiliser le marché des produits d'aquaculture en Europe.

Face à ce problème crucial de la sélection de programmes prioritaires en aquaculture à l'échelle d'une région complexe, la convergence des besoins exprimés au terme de cette étude et des objectifs des réseaux chargés du développement de l'aquaculture en Méditerranée est une opportunité remarquable. Elle constitue une synergie potentielle de premier ordre, porteuse de dynamisme scientifique et institutionnel, de gain de temps et d'économie de moyens. Aussi, il serait artificiel et préturé de proposer iun programme d'action précis alors que les réseaux, dont les objectifs recouvrent précisement priorités de développement, sont en cours de mise en place. C'est justement la responsabilité des acteurs de chaque d'identifier les actions concrètes à mener dans chaque pays, dans le cadre d'une polotique régionale dont la coordination et la transparence seront assurées à coût minimal par le réseau. Cette étude légitime ainsi par une approche différente le bien-fondé du choix des quatre grands thèmes de réseau.

réseaupriorités du développementpriorités de recherche
Technologic
(TECAM)
• transfert des technologies• biologie
• diversification• maîtrise des intrants
• pathologie• adaptation des technologies
• évaluation et valorisation du potentiel d'eau douce
Socio-Economie et aspects juridiques
(SELAM)
• cadre institutionnel et sociologique• rentabilités des diversifications
• économie
Environnement (EAM)• sélection et aménagement des sites favorables• évaluation et valorisation du potentiel d'eau douce
Information (SIPAM)• formation• information

Tableau 12 : Répartition des priorités de développement et de recherche pour l'aquaculture en Afrique du Nord dans les 4 réseaux du MEDRAP

II.5.2 LES OUTILS

Les centres de recherche et d'expérimentation sont peu nombreux. Pour les pays d'Afrique du Nord, on relève MAROST au Maroc mais il s'agit d'une structure privée, ce qui nècessitera des conventions particulières pour la mise en place de programmes de recherche, l'ISAML, l'ONDPA et les universités d'Agler et d'Annaba en Algérie, mais ces structures ne disposent d'aucun outil expérimental adapté, l'INSTOP et le CNA en Tunisie, le MBRC EN Libye et plusieurs centres en Egypte dépendant du GAFARD : Abassa, Raswa (à restaurer), laboratories d'Alexandrie et du Caire et trois universités.

Le tableau 13 présente les principaux moyens de R et D dans les cinq pays d'Afrique du Nord

Pays/Structureprincipaux domaines de rechercheéquipements d'expérimentationet de documentation
EGYPTE  
- GAFRD  
   • 3 laboratoireshydrologie, nutrition, écologielaboratories d'analyse
   • 6 stationreproduction, limnologie physiologie, technologieécloseries, raceways, bassins en terre, bibiothèque
- 3 universités
(Le Caire, Alexandrie, Suez)
biologie marine et d'eau doucelabortoires, bibliothèques
LYBYE  
- MBRC de Tajourabactériologie, benthos, chimie microbiologie, planctonologiebacs, aquarium, bibliothèque
- ferme d'Ain Kaam écloserie, bassins, cages
TUNISIE  
- INSTOPnombreux laboratoireslaboratoires d'analyse, bibliothèque
- CNAreproduction, croissanceécloserie, raceways, bassins
ALGERIE  
- ISMALchimie, microbiologie, aménagementlaboratoires d'analyse bibliothèque, écoloserie mobile
- ONDPA reproduction, croissance écoloserie, raceways, bassins
- Universités  
   • Algerécologie, biologie, planctonologie, parasitologie 
   • Annababiologie, écologie, chimie microbiologie 
MAROC  
- ISPAMaménagementbiblothèque
- MAROST (privé)nutrition, pathologie, élevages larvairesécloseires, raceways cages, tables

Tableau 13 : Principaux moyens de R & D en matière d'aquaculture en Afrique du Nord

La mise en oeuvre de programmes de recherche en coopération implique pour les pays d'Afrique du Nord trois mesures:

-  restauration et développement des outils existants (Stations de Mazafran en Algérie, de Monastir en Tunisie, de Raswa en Egypte) pour disposer d'une vraie capacité de recherche fiable.

-  formation continue des chercheurs en place pour renforcer leurs compétences et permettre l'acquisition de références communes dans la mise en oeuvre des programmes.

-  maillage en réseau information des sources de données sur tout le pourtour de la Méditerranée afin de faire circuler rapidement l'information scientifique.

La prise en compte des volets “recherche” et “expérimentation” ne suffit pas. Un aspect essentiel, trop souvent sous-estimé, doit être intégré dès le début dans les programmes : la formation. Cette fonction n'est pas une sous-partie de la recherche; c'est une activité spécifique à temps plein pour ceux qui en ont la charge. En effet, elle doit compenser carence classique de l'aquaculture dans les PVD : l'absence d'une filière de formation de techniciens de terrain capables d'assurer un relais efficace entre les chercheurs et les éleveurs. En contact permanent avec les centres d'expérimentation scientifique, ces centres de formation technique éviteraient le risque de voir des chercheurs se couper des réalités du terrain, et assureraient le rôle de courroie de transmission entre les producteurs privés et les institutions en charge de la recherche, fonction demandée avec insistance par les éleveurs comme par les bailleurs de fonds et les administrations des pays concernés.

L'ensemble de ces possibilités nécessite une organisation rigoureuse pour ne pas aboutir à un mouvement “brownien” de la recherche et de la formation. Cette organisation peut être obtenue par un outil efficace : le financement.

II.5.3. LES FINANCEMENTS

On peut comparer leur fonction dans les pays d'Afrique du Nord à celle des financements de la CEE pour les pays du Sud de l'Europe : le rééquilibrage par une aide à l'investissement et la formation à l'autonomie d'initiative à terme.

Partant de l'étude de 527 projets d'aquacutlture représentant un total d'aides de 139 millions d'écus (1 écu = 1,4 dollars,) S. Shaw, de l'université de Strathelyde, montre que les financements curopéens (aides CEE) ont eu deux utilités majeures : la création d'éveloppement de zones périphériques défavourisées. En revanche, l'aide va surtout aux entreprises qui en ont le moins besoin (les plos grosses), en raison même de ses défauts : complexité des procédures, longs délais de paiement, centralisation excessive. Aussi, S. Shaw recommande une décentralisation des décisions permettant d'améliorer le “ciblage” des aides et de raccourcir les délais de paiement (Euraqua 1992).

De même, les aides au financement de la recherche dans les PVD gagneraient en efficacité à être décentralisés : meilleure instruction des dossiers, plus grande rapidité dans la sélection et la répartition des financements, contrôle régulier in situ de l'emploi des fonds et de l'état d'avancement des projets. Co dispositif aurait l'avantage d'inciter les pays à collaborer à un projet commun pour pouvoir bénéficier des aides afférentes au projet. Cette collaboration serait couplée à une spécialisation de quelques “pôles d'excellence”, pour éviter le gaspillage des moyens dans des recherches similaires. La répartition des programmes et des financements serait à discuter en présence de tous les intervenants mais les bailleurs de fonds auraient la possibilité d'orienter les choix définitifs vers les options les plus communautaires. Il faut cependant souligner que ces aides n'ont de sens sur les long terme que si elles restent des cofinancements d'actions décidées et menées par les pays concernes. Cette responsabilités financière des pays dans la recherche constitue la meilleure garantie du sérieux des engagements des pays dans les programmes de recherche.

Cette idée n'est pas nouvelle : elle a déjà été formulée explicitement dans les recommandations du rapport de MEDRAP II rédigé à l'issue des travaux du séminaire de Chypre sur la recherche en réseau (1991) et du comité de direction de Byblos (1993). La Tunisie était ainsi retenue comme point focal des recherches en matière d'environnement, le Maroc étant responsable pour la gestion des lagunes. Au plan financier, il était recommandé un engagement croissant de la part des pays membres, à commencer par la prise en charge des frais de participation des délégués nationaux aux activités des différents réseaux.

Ce souci de regroupement des compétences est déjà clair dans le programme STD (Science et Technologie pour le Développement) de la CEE. Ce programme, qui lance en 1994 un quatrième volet d'actions, veut précisement développer la recherche scientifique dans les pays du Sud dans le cadre obligatoire d'une coopération avec les laboratoires des pays du Nord. Il est donc bien adapté pour participer éventuellement au financement du programme de recherche envisagé par l'étude SIFR.

Ce type de financement n'est pas le seul : les direction générales I (Relations Extérieures) et VIII (Développement) de la CEE ont compétence pour étudier la mise en place de programmes spécifiques de coopération et de développement dès lors qu'ils s'inscrivent, dans les objectifs généraux de ces directions. Cette approche a d'autant plus de chances de réussir qu'elle présentera à la CEE un projet démarche similaire a été entreprise en 1985 par 5 pays du Sud-Est asiatique regroupés au sein de l'ASEAN (Association of South-East Asia Nations). Elle a donné d'excellents résultats, notamment dans les pays qui ont “joué le jeu” de la spécialisation et de la coopération scientifique (Indonésie, Singapour).

De la même manière, le regroupement des pays d'Afrique du Nord dans le cadre de ce type de programme devrait déboucher sur un projet régional commun avant de spécialiser les programmes scientifiques selon les pays pilotes. Cette procédure aurait l'avantage de partir d'un consensus naturel puisque chaque pays aurait un double intérêt dans son accord : l'attribution d'un programme et des aides correspondantes d'une part, et l'intensification de la coopération scientifique avec un ou plusieurs centres de recherche d'Europe. Ce dispositif pourrait être stabilisé sur le long terme par des engagements contractuels de toutes les parties concernées :

-  accords-cadres entre les bailleurs de fonds et l'ensemble régional des pays bénéficiaires

-  “contrats de plan” entre les structures de chaque pays receveur avec les structures de chaque pays donneur.

Pour garantir un suivi efficace des programmes, un “opérateur d'appui” pourrait être choisi pour en ensemble de contrats. Il aurait la responsabilité de coordonner la mise en oeuvre du programme de recherche et de veille à sa cohérence avec les programmes voisins. Cette idée d'un coordonnateur permanent chargé de l'interface avec tous les acteurs (bailleurs de fonds, organisations internationales, laboratoires de recherche, éventuellement entreprises privées) vient d'un besoin fréquemment exprimé par les pays du Sud Comme par les organisations du Nord (Marchant, 1991 : Nord-Sud : de l'aide au contrat). Son fonctionnement est schématisé sur la figure 4

Régulièrement, des séminaires généraux ou spécialisés rassembleraient l'ensemble des partenaires des programmes pour mesurer les porgrès effectués, partager les acquis et infléchir les programmes en fonction des priorités communes. Le stade suivant serait celui des investissements nationaux ou étrangers dans les filières les plus prometteuses.

Le coeur du problème du développement appuyé par la recherche reste celui de l'appropriation par les jeunes pays aquacoles du Sud des technologies de base indispensables à la pérennité de la du développement, en renforçant les maillons faibles que sont l'information, la formation et la valorisation commerciale.

Figure 4 : Schéma de fonctionnement de la recherche en réseau avec l'utilisation d'un opérateur d'appui

Figure 4

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