Cette partie s'intéresse brièvement aux définitions et aux concepts de base des approches, des politiques et des processus politiques concernant les moyens d'existence durables (MED), et de la participation et l'élaboration participative des politiques (EPP). Elle renvoie également le lecteur aux sources d'une discussion plus approfondie. Elle étudie les opinions actuelles sur l'EPP et se penche sur certains des concepts et questions majeurs importants pour l'EPP: l'interface entre une politique et les approches MED, une politique et les relations de pouvoir, la gouvernance, la décentralisation, les approches fondées sur les droits et les cadres juridiques, et la responsabilisation des dirigeants politiques. Bien que ces concepts et questions soient examinés de manière distincte, il faut garder à l'esprit qu'ils sont liés les uns aux autres.
Le présent document suppose une connaissance des approches fondées sur les moyens d'existence durables (MED).2 Afin de rafraîchir les mémoires, les principales caractéristiques et principaux concepts des approches MED sont brièvement résumés ci-dessous.
Les approches fondées sur les moyens d'existence durables ont été élaborées dans les années 80 par diverses organisations et agences de développement et, en particulier depuis les années 90, ont été adoptées par beaucoup comme un cadre pour étudier les questions liées au développement et pour aborder le problème de la pauvreté. Les approches MED sont nées de la prise de conscience croissante de la nécessité de placer les pauvres et tous les aspects de leurs vies et de leurs moyens d'existence au centre du développement, tout en assurant dans le même temps la durabilité des ressources naturelles pour les générations présentes et futures.
Le moyen d'existence, tel qu'il est compris dans les approches MED, peut se définir comme suit:
Un moyen d'existence comprend les capacités, les avoirs (y compris à la fois les ressources matérielles et sociales) et activités requis pour assurer son existence. Un moyen d'existence est durable lorsqu'il peut faire face et survivre à des tensions et des chocs et maintenir ou renforcer ses capacités et ses avoirs à la fois dans le présent et le futur, sans porter atteinte aux ressources naturelles (Tiré de Chambers et Conway 1992, cités dans DFID 2000: 1).
Si les approches MED utilisées par les diverses agences de développement et ONG varient, elles sont généralement caractérisées par les éléments suivants:
Dynamiques.
Le cadre spécifique des moyens d'existence durables développé par le Département pour le développement international (Department for International Development -DFID) comporte les éléments suivants:
Les résultats concernant les moyens d'existence, évalués en termes de réduction de la vulnérabilité, d'une amélioration de la sécurité alimentaire, d'une augmentation des revenus, d'un accroissement du bien-être, et d'une utilisation durable des ressources naturelles (DFID 2000).
Ce cadre est illustré par le schéma 1.
Schéma 1. Cadre des moyens d'existence durables
Figure 1. Cadre des moyens d'existence durables

La politique peut se définir comme une “ligne de conduite conçue pour atteindre des objectifs ou cibles spécifiques”. Les politiques publiques sont élaborées par le gouvernement pour accomplir des résultats particuliers au niveau national. Les organismes privés ou les communautés peuvent également élaborer leur propre politique pour parvenir à des objectifs définis (DFID 2000).
Si cette définition du terme “politique” est succincte, la documentation sur les approches MED s'accorde sur le fait qu'une politique est complexe, dynamique et difficile à définir. En outre, une politique ne peut pas être comprise de manière isolée, mais doit être examinée dans son contexte et comme partie d'un processus. Un gouvernement, un organisme ou une autre entité peut proclamer une déclaration de politique, mais la formulation et la mise en œuvre d'une politique passent par un large ensemble d'institutions et d'organismes.3
Le terme de “processus politique” se rapporte communément aux “processus d'élaboration des politiques, de prise de décision, et aux manières de mettre des sujets à l'ordre du jour comme questions d'intérêt public, ainsi qu'aux processus, souvent assez indéfinissables, de la manière dont les questions sont pensées et discutées” (Keeley 2001:5).
Les processus politiques englobent:
Le suivi et l'évaluation de la formulation et de la mise en œuvre de la politique.
Il existe une grande variété de théories sur les politiques et l'élaboration des politiques. Une opinion très répandue est le modèle linéaire (également appelé modèle dominant, de sens commun ou rationnel). Cela suppose que l'élaboration des politiques est un processus rationnel et logique qui se meut à travers des stades séquentiels (Sutton 1999: 9), à savoir:
Evaluer éventuellement les résultats.
Dans les situations de vie réelle, les processus politiques ont cependant tendance à être plus complexes: “les processus politiques sont souvent clairement non-linéaires, politisés de manière inhérente et contestés, et plus incrémentiels et fortuits” que ce que suggère le modèle linéaire (Keeley 2001: 9). En outre, la mise en oeuvre d'une politique “requiert l'élaboration d'un consensus, la participation des intervenants clés, la résolution des conflits, le compromis, la mobilisation et l'adaptation des ressources” (Sutton 1999: 23).
Certains “modèles” de processus politique ou de manières pour élaborer une politique sont:
La lutte politique entre les groupes d'intérêt au sein de la société.
L'examen de la grande variété de modèles d'élaboration des politiques conduit à la conclusion qu'il n'existe pas de modèle d'élaboration des politiques universellement valable et applicable. La manière dont une politique est élaborée dépend du contexte. Les expériences d'influence sur les politiques, décrites ultérieurement dans le présent document, confirment ce point de vue.
En résumé:
Les politiques et les processus politiques s'accomplissent aux niveaux micro, méso et macro, et ces niveaux sont liés entre eux.
Les définitions et les concepts de participation dans le développement ont évolué au cours du temps.4 Dans les années 50 et 60, les ONG et les activistes locaux ont commencé à promouvoir la participation communautaire et populaire. A la fin des années 70 et au début des années 80, la FAO faisait partie des premières agences multilatérales à promouvoir la participation populaire dans les projets et les programmes de développement.
Dans le contexte des projets et programmes de développement, la participation populaire a été interprétée selon trois grandes lignes (Oakley 1988):
La participation comme moyen d'émancipation, permettant aux individus de développer les compétences et capacités de devenir plus indépendants, et de prendre des décisions et entreprendre des actions essentielles à leur développement.
Les concepts de participation se sont élargis pour inclure non seulement les populations rurales pauvres mais aussi les autres acteurs et secteurs de la société civile. Cela se reflète dans la définition de la participation comme “processus par lequel les intervenants influencent et partagent le contrôle sur les initiatives de développement et les décisions et ressources qui les affectent” (Banque mondiale 1996, p. xi).
Diverses agences de développement distinguent un continuum de participation, allant d'une participation minimale à une participation intense. Le continuum de participation utilisé par la Banque mondiale pour le processus de la stratégie pour la réduction de la pauvreté (SRP) est communément désigné comme “l'échelle de participation” et peut être résumé comme suit:
L'émancipation : le transfert aux intervenants du contrôle sur la prise de décision et les ressources.
Le continuum de participation peut inclure d'autres barreaux sur l'échelle:
L'émancipation: le transfert aux intervenants du contrôle sur la prise de décision et les ressources.
Ces concepts de participation sont liés aux projets et programmes de développement et supposent un initiateur externe. Cependant, l'émancipation peut également impliquer un renforcement institutionnel permettant aux individus d'établir leur propre programme et de l'appliquer en l'absence d'initiateurs externes.
De nombreuses critiques de la participation dans les projets et les programmes de développement remarquent que le terme de “participation” est souvent utilisé pour se référer au partage ou à la consultation d'informations et qu'il atteint rarement les niveaux de prise de décision ou d'initiation conjointe et de contrôle par les intervenants (McGee avec Norton 2000: 63).
De récentes réflexions sur la participation des citoyens considèrent le concept de participation selon une perspective qui reconnaît aux citoyens la possibilité d'agir de manière autonome et de créer leurs propres opportunités de participation. Les efforts de développement pour promouvoir la participation, dans cette perspective, se concentrent sur la création d'espaces de participation, par lesquels “les citoyens bénéficient d'opportunités significatives de faire entendre leur voix et de demander des comptes à ceux qui les invitent à participer” (Cornwall 2002:56).
L'élaboration participative des politiques déplace la participation au-delà du cadre des projets et programmes vers la sphère des processus politiques. Elle implique l'émancipation des intervenants pour prendre part à l'ensemble du cycle du processus politique: formulation, mise en œuvre, suivi et évaluation de la politique. En pratique, cependant, la participation dans l'élaboration des politiques peut aussi s'effectuer selon un continuum.
Une question cruciale est de savoir qui participe. Une analyse des intervenants pour une politique spécifique peut aider à identifier ceux qui devraient être impliqués dans le processus d'élaboration participative des politiques.
Quelques références pour une participation de qualité sont:
Une procédure de suivi programmée pour faire connaître de manière périodique les réactions aux partenaires clés au cours de l'ensemble du processus (McGee avec Norton 2000: 69, tiré de Tandon 1999).
Quelques mesures de qualité dans la participation dans le travail politique sont les suivantes:
Le renforcement institutionnel: capacités renforcées de divers groupes d'intervenants et d'agences publiques pour permettre la participation dans le travail politique futur (McGee avec Norton 2000: 69).
“L'adoption d'une approche fondée sur les moyens d'existence durables offre une manière d'améliorer l'identification, l'appréciation, la mise en œuvre et l'évaluation des programmes de développement, de telle sorte qu'ils abordent mieux les priorités des populations pauvres, à la fois directement et au niveau des politiques” (DFID 2000:5).
Quelle contribution peut apporter une approche fondée sur les moyens d'existence durables pour aborder les priorités des populations pauvres au niveau des politiques?5
Certains soutiennent que les approches MED sont plus faciles à appliquer au niveau micro qu'aux niveaux méso et macro et que les questions de processus politiques et de relations de pouvoir ne sont pas fortement mises à jour (Norton et Foster 2001: 10). D'autres affirment cependant que les approches MED ont beaucoup à apporter au niveau des politiques: “L'approche fondée sur les moyens d'existence durables reconnaît l'importance des politiques et des institutions dans la gestion de l'accès des populations pauvres aux avoirs permettant d'assurer leur existence, et dans l'influence de leurs stratégies en matière de moyens d'existence et de leur vulnérabilité face aux chocs et aux tensions. En conséquence, l'approche préconise une approche plus ”en amont“ pour réduire la pauvreté. En plus du micro-travail qui vise directement à améliorer les moyens d'existence des populations pauvres, elle reconnaît que pour que le changement soit durable les questions de niveau macro doivent également être abordées, y compris les politiques” (Pasteur 2001: 3).
Une des contributions clés qu'une approche MED peut apporter à l'analyse d'une politique est le fait qu'elle se concentre sur les moyens d'existence des pauvres: “L'analyse d'une politique en faveur des moyens d'existence durables (MED) requiert une compréhension des priorités en termes de moyens d'existence des pauvres, des secteurs de la politique qui sont importants pour eux, et si des politiques appropriées existent dans ces secteurs. Les priorités des populations pauvres en termes de politiques seront suivies de manière plus efficace si ces populations ont la capacité d'articuler leurs exigences et d'influer sur le processus politique ” (Pasteur 2001:1).
Une approche MED est fondée sur des principes qui peuvent être appliqués aux efforts d'élaboration des politiques, à savoir que: les interventions en appui des pauvres devraient être axées sur les individus et être participatives, holistiques, dynamiques et durables; il faut construire sur les forces; et faire le lien entre le macro et le micro.
Les approches MED adoptent également une perspective intersectorielle. Alors qu'une politique est souvent élaborée en relation avec un seul secteur, tel que l'agriculture, une approche MED observe comment la politique affecte tous les aspects des moyens d'existence des individus. Selon cette perspective, la politique agricole n'est pas seulement une question d'amélioration de la production agricole. Elle doit être étudiée sous l'angle de ses liens avec d'autres domaines, tels que l'éducation, la santé et les finances. A un niveau pratique, cela peut signifier la nécessité de faire des compromis entre les différents objectifs (Keeley 2001: 7).
Une approche MED des politiques soulève des questions clés (Pasteur 2001: 2):
De quelles manières les politiques particulières agissent-elles sur les stratégies des individus en matière de moyens d'existence?
L'élaboration des politiques n'est pas neutre. Il est impossible d'ignorer l'existence des relations de pouvoir entre les différents intervenants. En étudiant comment les pauvres peuvent inclure sur une politique, l'argument selon lequel le “capital politique” doit être inclus dans le cadre MED (Baumann 2000) devient particulièrement pressant. Comme le dit Baumann, “La notion de capital politique est critique pour lier les structures et les processus au niveau local et pour comprendre l'impact réel qu'ont ces derniers sur les moyens d'existence durables. Le capital politique explique où les populations locales se situent - en termes d'équilibre du pouvoir en rapport avec les autres groupes” (Baumann 2000:5).
Le capital politique est un élément essentiel pour influer sur l'élaboration des politiques. Il n'est pas statique et est affecté par des facteurs à la fois internes et externes dans l'environnement, à savoir le renforcement institutionnel en matière de négociation, de formation de groupe, de changements de gouvernement et de législation. Les modifications d'une politique risquent de changer l'équilibre des relations de pouvoir; aussi, les tentatives d'influer sur une politique se heurteront sans doute à une résistance et des défis de la part de ceux qui risquent d'être perdants dans l'équation du pouvoir. D'un autre côté, les changements de politique proposés peuvent également profiter tant aux non-pauvres qu'aux pauvres. Lorsque des groupes puissants peuvent également être gagnants, l'EPP a de meilleures chances de réussir.
Le contexte politique est également un élément clé pour déterminer le potentiel d'influence sur l'élaboration des politiques. Le type de régime politique peut soit renforcer soit entraver les possibilités de s'engager dans l'EPP. Le contexte politique peut changer en fonction des changements dans le gouvernement et les partis politiques au pouvoir.
Bien que l'analyse du capital politique de différents groupes peut aider à identifier ceux qui ont plus ou moins de pouvoir d'influer sur une politique, il est également essentiel d'étudier les relations de pouvoir au sein des groupes, des communautés et des foyers. Cela peut permettre de révéler des segments marginalisés et moins puissants de la population au sein de ces entités. Les efforts pour émanciper et renforcer les capacités des individus pour participer aux processus d'élaboration des politiques doivent prendre en considération les relations de pouvoir existantes et les opportunités au sein des groupes, des communautés et des foyers locaux. Thomson (2000: 4) remarque qu'alors que l'émancipation et la participation des hommes comme des femmes est un objectif et un élément majeur du cadre MED, l'analyse est souvent effectuée au niveau du foyer, et cela peut rendre difficile d'assurer la sensibilité au genre.
La gouvernance est l'exercice de l'autorité dans la gestion des affaires d'un pays à tous les niveaux. Elle a été utilisée pour expliquer “comment les institutions, les règles et les systèmes de l'Etat - l'exécutif, le législatif, le judiciaire et le militaire - opèrent au niveau central et au niveau local, et quels sont les rapports de l'Etat avec les citoyens individuels, la société civile et le secteur privé” (DFID 2000). La gouvernance a également été définie comme “les mécanismes, processus et institutions par lesquels les citoyens et les groupes articulent leurs intérêts, exercent leurs droits légaux, exécutent leurs obligations et font connaître leurs différences” (UNDP, cité dans Thomson 2000: 4).
Les mécanismes, processus et institutions de gouvernance affectent les possibilités et façons de s'engager dans l'EPP. Des types “top-down” (du haut vers le bas) de gouvernance peuvent gêner la facilitation de la participation dans l'élaboration des politiques. Les bureaucraties, en particulier, entravent souvent les processus de politique participative. L'élaboration participative des politiques exige à la fois l'engagement actif de la part des pauvres et une réceptivité de la part de l'Etat. Des efforts peuvent s'avérer nécessaires pour accroître la réceptivité du haut et pour en même temps renforcer les voix d'en bas. Les changements du contexte politique et du capital politique risquent d'affecter le contexte bureaucratique et les possibilités d'influer sur les politiques.
L'analyse des contextes politique et bureaucratique est cruciale pour que les tentatives d'EPP soient couronnées de succès et elle affecte le choix des stratégies pour influer sur les politiques. Lorsqu'un engagement politique et la capacité bureaucratique existent pour la réforme d'une politique, il est possible de participer aux processus nationaux de réforme des politiques. Dans d'autres cas, il est possible de créer des espaces pour que les voix des pauvres soient entendues par les gouvernants. Dans des circonstances encore différentes, il peut être nécessaire de pousser aux débats sur les politiques: “Cela peut se faire en aidant les groupes marginalisés à articuler leurs intérêts, en soutenant les processus d'émancipation, en sensibilisant plus sur les droits, en créant des compétences de conseil et de communication, en accroissant la connaissance des processus institutionnels et juridiques et en réclamant l'inclusion dans les débats sur les politiques, ou effectivement en créant un processus politique” (Keeley 2001: 11).
Il y a eu une tendance croissante vers la décentralisation de la gouvernance dans de nombreux pays. Une étude récente (Manor 2000) synthétise les leçons tirées de 60 expériences de décentralisation dans des pays d'Asie et d'Afrique. Cette étude distingue trois types de décentralisation:
La délégation ou décentralisation démocratique: le transfert des ressources et des pouvoirs (et, souvent, des tâches) vers les autorités de niveaux inférieurs qui sont d'une certaine manière démocratiques.
Une réunion d'experts du développement des organisations d'exploitants, qui s'est tenue à Nairobi en mars 2002, a conclu que: “L'adoption récente et continue de différents modèles de décentralisation offre clairement de nouvelles opportunités aux populations pauvres de participer à la planification du développement économique et social local” (Séminaire de Nairobi 2002:7). Dans la même veine, Norton et Foster déclarent que “Il semble naturel de supposer que de rapprocher le pouvoir de décision du niveau de la communauté conduira à des services publics plus réceptifs et concentrés sur la pauvreté” (p 14). Les deux documents notent cependant que cela n'est pas nécessairement le cas. Un gouvernement décentralisé “peut simplement offrir une autre opportunité de renforcer le pouvoir des élites locales et d'encourager le clientélisme” (Séminaire de Nairobi 2002: 7).
Afin que la décentralisation offre des opportunités d'EPP, elle doit être combinée à une bonne gouvernance et à des possibilités pour tous les intervenants, en particulier les populations pauvres et marginalisées, de participer. Une question spécifique est que la décentralisation du pouvoir de décision n'est habituellement pas accompagnée par une décentralisation similaire des ressources financières. Cela a des effets négatifs sur les possibilités de mise en œuvre des politiques qui sont élaborées à un niveau décentralisé. Si les communautés impliquées étaient en mesure de fournir une partie des fonds pour le gouvernement décentralisé, cela pourrait accroître la volonté du gouvernement local d'écouter les demandes de la communauté.
La décentralisation peut contribuer à l'amélioration de la gouvernance dans les domaines de la transparence, de la réceptivité face aux citoyens, de l'ouverture, de la responsabilisation et du flux de l'information (Manor 2002). Cela aiderait à créer des conditions favorables à l'EPP.
La gouvernance et la décentralisation sont étroitement liées à une autre tendance récente: les approches du développement fondées sur les droits, qui sont ancrées dans le système international des droits de l'Homme formé par la Charte des Nations Unies, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et les engagements subséquents pris par le gouvernement au fil des ans.
Une étude récente (Conway et al 2002) conclut qu'une approche fondée sur les droits comporte des implications importantes pour les processus politiques: “Une approche fondée sur les droits attire l'attention sur qui a ou n'a pas le pouvoir, et comment cela affecte la formulation et la mise en œuvre d'une politique” (p. 1). Cette étude identifie des domaines de complémentarité des approches fondées sur les moyens d'existence durables et des approches fondées sur les droits:
L'analyse des moyens d'existence durables offre une possibilité de déterminer des priorités concernant les efforts pour obtenir des droits pour les groupes pauvres. En identifiant les contraintes exercées sur les moyens d'existence des populations, il est possible de suggérer quel type de droits sont les plus importants pour un groupe donné à un moment donné…” (p. 3).
La signature de conventions internationales sur les droits de l'Homme ou le fait de reconnaître des droits par écrit n'est pas en soi la garantie qu'un pays basera ses politiques sur ces droits. Cependant, les droits mis sur le papier peuvent être un point de départ pour travailler à des politiques en faveur des pauvres et peut ouvrir des espaces à l'EPP. L'expérience a montré que les organisations de la société civile ont souvent joué un rôle majeur dans “l'identification des droits clés en matière de moyens d'existence, en faisant pression pour qu'ils soient établis par la loi, et en assurant par conséquent leur application effective” (Conway et al 2002: 4).
Le fonctionnement des cadres juridiques et des institutions avec des lois de qualité est important à la fois pour la mise en oeuvre d'une politique et pour la mise en place d'un environnement favorable pour la participation dans le processus politique (FAO 2000c). Des écarts significatifs sont souvent observés entre les lois et leur application. Cependant, “il est dangereux de trop faire la distinction entre la législation d'une part et sa mise en oeuvre d'autre part. Si personne ne peut raisonnablement nier que la mise en œuvre d'une loi nécessite de faire attention aux facteurs économiques, sociaux et institutionnels externes, il est également vrai que l'application des lois peut être significativement influencée en premier lieu par la manière dont la législation est rédigée” (Lindsay et al 2002: 2).
Néanmoins, un cadre juridique qui fonctionne - mécanismes institutionnels et judiciaires - est crucial pour assurer la mise en Œuvre des politiques, des droits et des lois. D'un côté, un bon cadre juridique facilitera l'EPP et, d'un autre côté, il se peut que les tentatives de réforme politique doivent prêter attention à la manière dont la législation et les cadres juridiques affecteront la mise en œuvre d'une politique.
“La responsabilisation se réfère à la capacité d'appeler les fonctionnaires publics, les employeurs privés ou les fournisseurs de services à rendre des comptes, en leur demandant de répondre de leurs politiques, action et utilisation des fonds” (Narayan 2002: 16).
Si la documentation sur les questions de responsabilisation, de suivi et d'évaluation des processus politiques est rare, on s'accorde sur le fait que la responsabilisation, le suivi et l'évaluation sont des éléments importants pour assurer que les politiques sont mises en œuvre de manière effective.
Narayan (2002: 17) distingue trois principaux types de mécanismes de responsabilisation: politique, administrative et publique. “La responsabilisation politique des partis et des représentants politiques existe de manière croissante par le biais des élections. La responsabilisation des agences gouvernementales se fait par le biais de mécanismes internes de responsabilisation, à la fois horizontaux et verticaux dans et entre les agences. Les mécanismes de responsabilisation publique ou sociale considèrent les agences gouvernementales comme responsables devant les citoyens. L'action citoyenne ou la responsabilisation sociale peut renforcer les mécanismes de responsabilisation politique et administrative”.
L'accès à l'information est une condition essentielle pour que les gens considèrent comme responsables les personnes chargées de la mise en œuvre d'une politique et pour suivre et évaluer la mise en œuvre et l'effectivité d'une politique. Cependant, les quelques expériences documentées de suivi citoyen ont été principalement du domaine de la prestation de services publics et des dépenses publiques.
Des réflexions récentes sur la participation, la citoyenneté et la responsabilisation ouvrent de nouvelles dimensions de la responsabilisation qui sont importantes pour l'EPP. Comme le dit Gaventa: “Changer la signification des droits et de la citoyenneté, et ouvrir de nouveaux rôles et de nouveaux espaces à la participation citoyenne, soulève des questions essentielles sur la manière dont la société civile, l'Etat et les acteurs du marché se demandent mutuellement de rendre des comptes. Plutôt que de se concentrer simplement sur le rôle de l'Etat en assurant les droits de citoyenneté, de nouveaux modèles de responsabilisation émergent, qui se concentrent sur le rôle des citoyens eux-mêmes en contrôlant l'application des droits, et en demandant un examen public minutieux et la transparence” (Gaventa 2002: 9).
La citoyenneté, la participation et la responsabilisation sont liées dans une synergie qui a été surnommée “la roue de la gouvernance”: “La participation concerne l'implication de tous les intervenants, étatiques et non-étatiques, par le biais d'un processus de communication et de négociation pour influer sur les décisions qui affectent leurs vies. La participation mène à la création et la subsistance de la responsabilisation. Le sentiment d'un droit à se voir rendre des comptes fournit la base sur laquelle les citoyens peuvent agir. Cela mène à l'ouverture et la transparence dans l'élaboration des politiques. Une telle responsabilisation développe les réciprocités sociales caractérisées par l'équité, la tolérance entre les groupes et la citoyenneté inclusive. Une citoyenneté réceptive et active, à son tour, entraîne une participation significative” (Tandon 2002: 63–64).