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II. LA FILIERE PECHE ET PISCICULTURE

2.1 La pêche

2.1.1 Ressources naturelles et potentiels de développement

Le Burkina Faso a un relief peu accidenté avec une altitude moyenne n'excédant pas 400 m. Le pays peut être subdivisé en trois zones climatiques:

- une zone méridionale ou soudano-guinéenne, caratérisée par des précipitations concentrées sur environ 6 mois de l'année (mai à octobre), pour une pluviométrie moyenne de 1 000 mm/an;

- une zone centrale ou soudano-sahélienne, où les précipitations s'étalent sur environ 5 mois dans l'année, pour un niveau de pluviosité moyen inférieur à 1 000 mm/an;

- une zone septentrionale ou sahélienne, marquée par des déficiences hydriques importantes en raison de pluies courtes et irrégulières, et d'une forte évapo-transpiration.

Le pays dispose d'un réseau hydrographique organisé autour de trois bassins principaux.

Le bassin de la Comoe, à l'ouest du pays, est constitué de la rivière Comoe, longue de 150 km, et de ses divers affluents alimentant de nombreuses mares permanentes.

Le bassin des Voltas comprend: le fleuve Mouhoun (ex Volta Noire), long de 820 km, et relié en amont à la rivière Sourou, partagée entre le Mali et le Burkina Faso; le fleuve Nazinon (exVolta Rouge), long de 300 km; le fleuve Nakambé (ex Volta Blanche), long de 516 km; et la rivière Pendjari, parcourant 180km en territoire burkinabé et marquant la frontière au sud-est avec le Bénin.

Le bassin du Niger est composé de cours d'eau temporaires de faible débit, dont les principaux s'étendent sur plus de 1000Km, formant souvent des mares permanentes en période d'étiage.

Du point de vue hydrographique, on peut ainsi distinguer deux grandes catégories de pêcherie:

- le réseau fluvial, permanent et intermittent, bordé de plaines inondables dont la mise en eau pendant l'hivernage permet la création temporaire d'écosystèmes aquatiques très productifs, et dont la superficie maximale est estimée à 27 500 ha, soit 22,5% de la superficie totale en eau.

- un millier de plans d'eau, lacs naturels et retenues, couvrant une surface de 94 530 ha, soit 77,5% de la superficie totale.

Le tableau 2 donne un aperçu des principales pêcheries avec leurs caractéristiques physiques. La surface maximale en eau est estimée à 122 000 ha, alors que le niveau d'eau moyen en fin d'étiage se situe aux alentours de 50 000 ha.

Les retenues ne présentent pas toutes un intérêt piscicole, dans la mesure où certaines s'assèchent totalement pendant l'étiage, alors que d'autres ont des étiages trés prononcés en raison des vissicitudes climatiques. De plus, ces phénomènes d'assèchement sont accentués par l'intensification des activités agricoles, pastorales et humaines autour des plans d'eau.

Les réductions de surface entre l'hivernage et la fin de saison sèche peuvent être du simple au triple pour les retenues supérieures à 100 ha, et du simple au décuple pour les petites retenues de moins de 100 ha. Seuls les grands barrages, ainsi que la plupart des plans d'eau de la région de l'ouest, qui sont souvent alimentés par des nappes phréatiques, ont des régimes hydrographiques plus stables dans la saison.

Sur les moyennes et petites retenues, la survie des principales espèces commerciales est souvent compromise, à moins de recourir à un réempoissonnement en fin d'hivernage. Ceci a donné lieu au concept de pisciculture villageoise, qui consiste précisément à réempoissonner les plans d'eau avec des alevins.

Environ 120 espèces de poissons ont été identifiées au Burkina Faso. Les principales espèces commerciales sont les suivantes: Tilapia sp (carpes), Clarias sp (silures), Lates niloticus (capitaine), Heterotis sp, Mormyrus sp, Alestes sp, Chrysyctis sp et Synodontis sp. Dans les petites retenues d'eau, ce sont les silures qui dominent, alors que dans les ouvrages plus importants, les tilapias, les alestes et les capitaines sont les espèces dominantes.

Le potentiel halieutique est particulièrement difficile à estimer en raison de la grande dispersion des pêcheries, de la forte variabilité interannuelle des potentiels liée aux fluctuations hydro-climatiques, et de l'impact mal connu de l'effort de pêche sur les écosystèmes aquatiques.

Tableau 2: Caractéristiques physiques des principales pêcheries

 

  SURFACE MAX (ha) % S. TOTAL

VOLUME MAX (x 1000 m3)

POTENTIEL (t/an) % POT. TOT.
RIVIERES/FLEUVES PERMANENTS

Comoé (rivière + affluents)

Mouhoun (ex Volta Noire +affluents)

Pendjari (rivières +affluents + pl. innond.)

RIVIERES/FLEUVES NON PERMANENTS

Nazinon (ex Volta Rouge + Sissili)

Nakambé (ex Volta Blanche + affluents)

LACS NATURELS > 100 ha

(M. aux hippos, M. de Bango Vallée du Kou, Karfiguéla, Lémouroudougou, Bam, Tengréla, Dem, M. d'Oursi)

RESERVOIRS PERMANENTS

. S > 2000 ha

Vallée du Sourou

Kompienga

Bagré

. 2000 ha < S > 500 ha

(Comoé, Karamassasso, Douna, Mogtédo, Donsé, Koubry2, Loumbila, Yalogo, Tougouri, Sitenga, Tapoa, Liptougou, Dakiri, Sirba Dablo, Korsimoro, Zeguedeguen)

. 500 ha < S > 100 ha

(47 réservoirs)

. S < 100 ha (640 rés.)

 

3.640

7.960

15.900

 

2.340

4.740

 

1.970

 

 

 

10.000

16.000

20.000

 

13.780

 

8.700

 

17.000

 

3,0

6,5

13,0

 

1,9

3,9

 

1,6

 

 

 

8,2

13,1

16,4

 

11,3

 

7,1

 

14,0

 

ND

ND

ND

 

ND

ND

 

> 40.000

 

 

 

370.000

1.500.000

1.700.000

 

> 196.000

 

123.490

 

ND

 

360

800

840

 

230

470

 

> 200

 

 

 

500 - 1.000

1.000

1.000-1.250

 

830a

 

520a

 

1.350a

 

4,3

9,4

10,0

 

2,7

5,6

 

2,3

 

 

 

8,8

11,8

13,3

 

9,8

 

6,1

 

15,9

TOTAL 122.030 100

-

8.100-8.850 100

a Hypothèse de productivité : 60 kg/ha/an

Source :

- Baijot, 1985 (VPH) - Blin, 1976

- Deceuninck, 1989 (FAO) - Collart, 1987 (FAO)

- Bilan d'eau, 1993 (Ministère de l'Eau) - Coenen, 1988 (FAO)

- GPSO, 1993 - GOPA, 1991

- Direction des Pêches

Dans le tableau 2, le potentiel est placé entre 8 OOO et 8850 t/an, auquel il convient d'ajouter 10% pour tenir compte des variations de productivité qui peuvent atteindre 100 à 150kg/ha sur certains plans d'eau, contre 60 kg/ha en moyenne. Le potentiel halieutique peut donc être placé raisonnablement à 10 000 t/an, les nouveaux barrages de la Kompienga et de Bagré représentant à eux seuls environ 30% des capacités halieutiques.

Le système actuel de collecte statistique ne permet pas un suivi, même approximatif, des captures. La production actuelle est évaluée, depuis plusieurs années, à 6 000-7 000 t/an, alors que les captures officiellement enregistrées n'excèdent pas 1500t/an. Le niveau d'exploitation global est ainsi placé de manière arbitraire entre 60 et 70 % du potentiel.

Toutefois, de nombreux indices de terrain tendent à montrer que la plupart des pêcheries sont à un niveau proche de la pleine exploitation. Ceci est notamment le cas des petites et moyennes retenues de la région du centre, de la vallée du Sourou, et de la Tapoa. Sur la Kompienga, qui représente 1/6ème de la production actuelle, les captures ont atteint 1 000 t en 1992, ce qui correspond au potentiel théorique maximum de production.

2.1.2 Pêche et environnement

La politique de l'eau au Burkina Faso a constitué l'un des principaux fondements de la politique de développement du pays au cours des deux dernières décennies. Suite aux graves sécheresses des années 70, l'Etat burkinabé a entrepris un vaste programme de maîtrise des eaux de surface, à travers la construction de barrages. Cette modification de l'hydrographie du pays a eu des répercussions notables sur le développement du secteur des pêches et de son environnement, et en particulier sur l'évolution des potentiels halieutiques.

Les problèmes environnementaux qui affectent actuellement les pêcheries sont schématiquement de trois ordres:

- le comblement progressif par sédimentation des petites et moyennes retenues "âgées" dans la région nord-soudanienne, résultant de l'érosion des sols et combinée avec l'intensification des activités humaines sur les bassins versants;

- l'eutrophisation des petits lacs naturels et des anciens marigots, notamment dans la région de l'ouest (développement exagéré de plantes aquatiques comme Trapa natans, Ceratophyllum sp, Oryza sp, ou encore Azolla sp), que les activités agricoles autour des plans d'eau ont également pour effet d'accélérer;

- la pollution des eaux de ruissellement, d'origine agricole ou urbaine, en particulier sur les plans d'eau localisés en périphérie des centre urbains.

Au cours des deux dernières décennies, ces phénomènes de dégradation des écosystèmes aquatiques pourraient avoir modifié la composition spécifique des pêcheries, et affecté la productivité des plans d'eau. L'eutrophisation conduit par exemple à une asphyxie progressive du milieu, et à une réduction de la superficie des plans d'eau. En 1990, la vitesse de progression du rivage herbeux à Tounoura a ainsi été évaluée à 2-3 m/an (GOPA-COFAD, 1991). Le comblement par sédimentation a une incidence directe sur la productivité des pêcheries. Il tend à diminuer la capacité de rétention d'eau des retenues, et à augmenter la turbidité. En raison de ces divers phénomènes, des espèces pourraient être en voie de disparition, mettant en cause la biodiversité originelle des pêcheries.

Les problèmes environnementaux sur les pêcheries sont souvent liés à un manque de concertation entre les différents co-usagers de l'eau. Cela se traduit par la création d'externalités (eaux de ruissellement "polluées", prélèvement d'eau peu controlé malgré l'existence d'un système de paiement de redevances pour les usagers des périmètres hydro-agricoles, entrave à la migration des espèces, ...), qui portent préjudice au développement durable du secteur des pêches.

2.1.3 Organisation technique et socio-économique

Les embarcations de pêche sont essentiellement des pirogues en planches d'inspiration malienne, longues de 6 m en moyenne, et dont la durée de vie varie entre 3 à 6 ans selon la qualité du bois employé. Dans la vallée du Sourou, une pirogue coûte entre 25 000 et 55 000 FCFA. Les rares pirogues monoxyles rencontrées au Burkina Faso ont une durée de vie d'environ 10 ans, mais leur maniement est moins aisé. Le nombre total de pirogues a été estimée en 1989 à environ 2 000 (FIPPDAT). Les pirogues ne sont pas motorisées, et sont mues avec des perches et des pagaies assez rudimentaires. Sur le barrage de la Kompienga, les petites pirogues semblent ne pas être adaptées aux conditions particulières de grandes retenues (vent, houle).

Les engins de pêche sont assez peu diversifiés dans l'ensemble, mais permettent d'avoir accès à toutes les ressources disponibles. Des incertitudes sur la performance des engins sur les grands barrages - Kompienga et Bagré - demeurent toutefois en raison de la profondeur de ces plans d'eau qui excède parfois 30 m.

Les filets maillants sont les engins les plus utilisés pendant l'hivernage quelle que soit la profondeur du plan d'eau concerné. Le maillage utilisé est généralement supérieur à 3 cm, ce qui correspond à la réglementation nationale. Ils sont calés le plus souvent par des équipages piroguiers de 2 personnes constitués d'un patron et d'un apprenti.

Les palangres sont surtout utilisées en période d'hivernage. Elles sont généralement appâtées au vif pour capturer les gros individus, capitaines ou silures.

Les filets éperviers sont les engins les plus employés pendant l'étiage, en particulier sur les petites et moyennes retenues, en raison de la faible profondeur des plans d'eau et pour tirer profit de la concentration des espèces dans les trous d'eau.

Des pêcheurs auraient par ailleurs recours à des sennes de plage sur les pêcheries dispersées ne permettant pas un contrôle régulier (vallée du Sourou, lac de Bam, ...).

Sur les retenues artificielles, les pêcheurs sont souvent confrontés à des problèmes d'usure rapide de leurs filets en raison de la présence de souches immergées, même lorsque le barrage a plus de 10 ans. Par ailleurs, dans la partie ouest du pays, les hippopotames seraient parfois à l'origine de dégats importants des engins de pêche.

Les rendements par sortie de pêche sont très variables en fonction de la saison et du type d'engin utilisé. Sur les plans d'eau, ils sont en moyenne de 7 kg/j, avec des maximums pouvant aller jusqu'à 30-40 kg/j pendant l'étiage. Sur les cours d'eau, les rendements sont compris entre 400 kg et 2 t/an. Par ailleurs, les productions annuelles par plan d'eau peuvent varier considérablement d'une année à l'autre, selon les conditions hydro-biologiques et socio-économiques qui prévalent. A titre d'exemple, sur la Mare aux Hippos, les productions annuelles ont varié du simple au triple entre 1982 et 1991 (source: DRET Ouest).

En général, compte tenu des variations saisonnières du niveau d'eau, les pêcheurs ne disposent pas de débarcadères fixes tout au long de la saison. Les pêcheurs-agriculteurs burkinabé mettent souvent leurs pirogues près de leurs champs. La construction de digues aménagées pourrait être envisagée sur les grands barrages, pour faciliter la commercialisation et améliorer la collecte des données statistiques.

Les commerçants peuvent avoir accès à la plupart des lieux de marché primaire (débarcadères ou villages de pêcheurs) par les routes et pistes d'accès existantes. Pendant la saison des pluies, les conditions d'accès sont plus difficiles, mais n'empêchent pas la filière de fonctionner.

Le secteur des pêches procure environ 7 000 emplois directs, répartis entre trois catégories de pêcheurs, dont l'organisation diffère surtout par le degré de professionalisation et les modes d'exploitation. En effet, les techniques de pêche améliorées ont été adoptées de manière satisfaisante par l'ensemble des communautés de pêcheurs.

Les pêcheurs professionnels, pour qui la pêche constitue l'unique source de revenus monétaires, représentent au moins 10% des pêcheurs et se composent à 80% de pêcheurs migrants, essentiellement d'origine malienne (Bozo), ou nigériane (Haoussa). On les rencontre sur les grands plans d'eau tels que la Kompienga et la vallée du Sourou. Leurs compétences en matière de techniques de pêche et de gestion économique de leur activité, en font les pêcheurs les plus performants. Ils assurent la majeure partie de la production halieutique du pays.

Les modes d'exploitation des pêcheurs migrants se rapprochent de celui appliqué dans le cas des ressources extractives, où produire et vendre constituent les deux seuls objectifs, sans tenir compte des besoins de protection et conservation de la ressource.

Les pêcheurs semi-professionnels sont généralement des agriculteurs-pêcheurs burkinabé, qui alternent durant l'année les activités de pêche et les travaux agricoles selon les saisons. Ce sont essentiellement des pêcheurs Mossi dans la région centrale, et Marka, Samo et Bobo à l'ouest. Les pêcheurs semi-professionnels - les plus nombreux - ont été organisés dans les années 80 en groupements pré-coopératifs, dans le dessein de les professionaliser. Le nombre de groupements dépasse aujourd'hui 70. A l'origine, ces groupements avaient une vocation économique, en particulier pour le bon fonctionnement des systèmes de crédits d'équipement, mis en place dans le cadre de projets de développement. Actuellement, ces groupements, dont l'importance est surtout reconnue en tant qu'organisation de producteurs, souffrent de leur manque de statut légal. Dans la vallée du Sourou, un projet d'Union des pêcheurs entre 12 groupements est à l'étude.

Les performances techniques et économiques des pêcheurs semi-professionnels diffèrent considérablement d'un groupement à un autre, en fonction de la grandeur du plan d'eau, du degré de professionalisation, de la cohésion des membres au sein des groupements, de la tradition de pêche au sein de la communauté villageoise, ou encore des opportunités d'emploi sur le terroir autour du plan d'eau. De manière générale, les pêcheurs semi-professionnels ont des modes d'exploitation plus respectueux de la conservation de la ressource halieutique.

La catégorie des pêcheurs occasionnels dont la production ne rentre dans aucun système marchand opère dans un esprit de cueillette visant l'auto-consommation.

De manière générale, les pêcheurs professionnels sont mieux équipés que les autres catégories de pêcheurs car leurs investissements sont presque exclusivement consacrés à la pêche; contrairement aux pêcheurs semi-professionnels qui utilisent surtout les bénéfices générés par la pêche pour investir dans du matériel agricole ou des engrais.

La situation de la pêche sur le réseau fluvial, qui représente pourtant un quart des potentialités de développement du secteur, demeure méconnue.

Les femmes, le plus souvent de pêcheurs, interviennent dans la transformation des produits, et la vente au détail. Mais contrairement à la situation observée dans les pays limitrophes, les femmes burkinabé jouent en général un rôle secondaire au plan de l'organisation économique de la filière. Au cours des cinq dernières années, le Gouvernement a encouragé la constitution de groupements de fumeuses et vendeuses de poisson (13 groupements en 1993 totalisant 326 membres). Ces groupements, à l'instar des groupements de pêcheurs, servent essentiellement d'interface entre les producteurs et l'administration.

Les revenus par pêcheur varient considérablement d'une pêcherie à une autre, selon la productivité des plans d'eau et le niveau d'organisation de la production. Les recettes brutes annuelles moyennes des pêcheurs semi-professionnels sur les petites et moyennes retenues de la région du Centre ont été récemment évaluées à environ 7 000 - 8 000 FCFA à Thyou, 42 000 FCFA à Mogtédo, 60000FCFA à Lumbilla, et 144 000 FCFA à Kokologho (ADE, 1993).

Sur le fleuve Nakambé, le bénéfice brut annuel des pêcheurs semi-professionnels, déduction faite des amortissements, a été estimé en 1987 entre 35 000 et 61 000 FCFA/an (BDPA-COGESULT, 1987). En soustrayant de ces données la rémunération du travail, sur la base du salaire journalier d'un travailleur agricole de 500 FCFA/j, et de 150 jours de pêche à raison de 4 h/j, le bénéfice net annuel pour la période considérée (compte tenu d'investissement négligeables) se situait entre 17 000 et 42 000 FCFA.

D'une manière générale, la pêche génère des revenus considérables pendant 2 à 3 mois de l'année, comparés aux revenus du maraîchage. Sur des pêcheries comme Kokologho, les pêcheurs s'estiment par ailleurs appartenir à une couche privilégiée de la population villageoise.

2.1.4 Transformation et commercialisation du poisson

Les produits de la pêche sont essentiellement distribués en frais. Les produits ne pouvant être écoulés sur le marché du frais, soit en raison de l'enclavement des zones de production, soit parce que les produits sont de second choix ou alors préférés par le consommateur en transformé (cas du silure), sont généralement fumés. Des procédés de séchage après fermentation des produits sont également employés sur les campements de pêcheurs maliens.

Le fumage se fait à chaud, dans des fumoirs traditionnels burkinabé (foyer réduit, et fumée évacuée par un conduit obstrué à la sortie par plusieurs claies circulaires de petit diamètre), ou des fumoirs d'inspiration malienne (grands fumoirs rectangulaires à deux foyers, soutenant une seule claie fixée, et couverts par une tôle métallique). Le poisson est en principe éviscéré, et exposé au soleil pour un séchage partiel, avant d'être déposé sur les claies. Lors du processus de fumage, le produit pourrait perdre 50 % de son poids. Le taux de conversion pour retrouver le poids en équivalent frais du poisson fumé serait ainsi de l'ordre de 3.

Des fumoirs améliorés ont été introduits par l'administration (fumoirs dont le foyer est relié à un fût par un tunnel), ou par des projets de développement (fours Chorkors). Dans les deux cas les technologies améliorées n'ont pas été retenues par les communautés de pêcheurs, en raison de leur inadaptation aux conditions de débarquement des prises et de la taille des espèces à fumer.

La durée de stockage des produits fumés excède rarement deux semaines. Ils sont généralement stockés dans les lieux d'habitation des communautés de pêcheurs, à l'abri de la pluie et rarement en contact direct avec le sol, ce qui limite le développement de processus de dégradation. Les produits sont parfois refumés pour prolonger leur durée de vie, perdant ainsi un peu de leur valeur monétaire en raison de la perte de poids. Les seuls produits transformés présentant de réels problèmes de dégradation concernent les produits séchés en provenance du Mali.

Le commerce du poisson frais fait intervenir, lorsque cela est nécessaire, des chaînes de froid adaptées aux conditions techniques et économiques du pays (utilisation de glace dans des conteneurs isothermes de fabrication locale, ou dans de la sciure de noix de coco). Le ratio poisson/glace sur les grandes retenues comme la Kompienga peut parfois être élevé (2/1 voire 1/1), ce qui permet une bonne conservation des produits. Par ailleurs, les produits mis sous glace sont souvent sélectionnés (examen des ouies pour les produits douteux, ...), avant d'être stockés.

Sur les marchés locaux, les revendeurs n'utilisent pas de glace compte tenu de la rapidité d'écoulement des produits. Toutefois, les détaillantes font parfois frire le poisson pour assurer sa conservation, et apporter une valeur ajoutée au produit. A Ouagadougou, les commerçants semi-grossistes disposent d'équipements frigorifiques, alors que pour la vente au détail, la glace est rarement employée.

Les pertes physiques aprés captures sont faibles, et pourraient se situer autour de 5% des produits commercialisés.

Trois types de circuits de commercialisation des produits de la pêche au Burkina Faso peuvent être distingués:

- les circuits pour les marchés locaux (petites retenues des régions Centre et Ouest et pêcheries enclavées: lac de Bam, Tapoa, Sourou) du type "pêcheurs-consommateurs" ou "pêcheurs-revendeurs/ transformateurs-consommateurs". Ces circuits sont courts, notamment pour le frais, et évoluent surtout dans le cadre d'un marché libre répondant aux lois de l'offre et de la demande.

- les circuits pour les grands centres de consommation (Kompienga, moyennes retenues des régions Centre et Ouest, et, dans une moindre mesure, Tapoa et Sourou). Ces circuits font intervenir des mareyeurs professionnels dont les moyens de locomotion vont de la mobylette au camion isotherme en passant par les voitures bâchées équipées de containers isothermes. Les commerçants sont généralement membres de l'Association des acheteurs et vendeurs de poisson de Ouagadougou.

- les circuits à l'exportation qui, selon la destination, sont informels (cas du Mali), ou contrôlés (cas du Niger et du Togo). Les circuits informels concernent les poissons transformés, séchés ou fumés, produits sur les campements temporaires situés à proximité de la frontière malienne (Sourou, lac de Bam, etc.). Pour les circuits contrôlés, les commerçants étrangers sont tenus de racheter la production aux commerçants de l'Association.

L'ouverture récente de la pêche sur la Kompienga a modifié l'organisation des circuits de commercialisation. Des pêcheries qui auparavant étaient considérées comme étant les plus productives à l'échelle du pays (Tapoa, Mogtédo, Sourou) ont perdu de leur intérêt commercial. Les commerçants qui se rendent à la Kompienga peuvent acheter, quelle que soit la période de l'année, 1 t de poissons frais, parfois en une journée, et l'acheminer en 4 h à Ouagadougou. Sur les autres pêcheries, les commerçants, en dehors de la période d'étiage, sont tenus d'attendre plusieurs jours pour remplir leurs containers.

Des infrastructures simples de conservation (unité de fabrication de glace et containers isothermes) pourraient être développées sur les pêcheries enclavées, afin de permettre le stockage des produits frais, plus rémunérateurs, et inciter les mareyeurs à se déplacer régulièrement. Les pêcheurs nationaux pourraient en outre mieux organiser leurs sorties, et tendre ainsi vers une plus grande professionalisation de leur activité.

La commercialisation du poisson fait intervenir un nombre important d'intermédiaires, en particulier sur les petites pêcheries. Mais la dynamique des circuits de commercialisation les plus importants à l'échelle du pays se caractérise par la situation de monopole de fait exercée par l'Association de commerçants. Sur les pêcheries importantes, les prix à la production sont de fait encore fixés, en dépit des nouvelles orientations de politique économique du pays. Ces distorsions de prix pourraient constituer un frein au développement du secteur.

Par ailleurs, l'ONG des Volontaires européens pour le développement (VED) pourrait soutenir prochainement la mise en place d'une structure autonome de distribution des produits, dont le fonctionnement serait basé sur celui des anciens offices de commercialisation. Ce projet pourrait aller à l'encontre des objectifs du Gouvernement qui tendent vers une professionalisation et une libéralisation du secteur.

2.1.5 Consommation et demande de poisson

Au cours de la dernière décennie, le Gouvernement a encouragé une politique de fixation des prix à la production, pour favoriser la consommation du poisson en milieu urbain. Ce système de mercuriale visait également à faciliter le remboursement des crédits d'équipement, mis en place dans le cadre de projets de développement.

Actuellement les prix à la production tendent à se libéraliser. Le tableau 3 donne une indication des prix d'achat au producteur et des prix de vente de différentes catégories de poisson.

Dans les grands centres urbains, les prix du poisson sont relativement élevés, comparés à ceux de la viande. Le prix du filet de boeuf ou de petit ruminant se situe entre 750 et 900FCFA/kg. Pour la même fourchette, on retrouve les espèces nobles comme les mormyridés ou les auchenoglanis, seul le tilapia ayant un prix inférieur à celui du filet de viande. Le capitaine est vendu à environ 1 200 FCFA/kg, soit 30% plus cher que le filet de viande. Le poisson importé, qui est en moyenne 2,5 fois moins cher que la viande de boucherie, s'adresse quant à lui aux couches les moins aisées de la population.

Tableau 3: Prix du poisson et de la viande à la production et à la consommation

 

  PRIX

PRODUCTEUR

PRIX CONSOMMATEUR OUAGA

   

Grossiste

Poissonnerie

Marché central

POISSON FRAIS

Lates (capitaine)

Tilapia (carpe)

Hétérotis

Mormyrus (concorde)

Alestes (queue rouge)

Silure

Auchenoglanis

Chrysictys (Hélicos)

POISSON FUME

Capitaine 2ème choix

Silures

Capitaine 1er choix

Carpe

Alestes

Chrysictys (Helicos)

Hétérotis

POISSON SECHE

Carpe

POISSON CONGELE

Chinchard

VIANDE FRAICHE

Filet de boeuf

Boeuf carcasse

Filet de mouton

Mouton carcasse

 

400 - 600

200 - 250

200 - 250

-

250

350 - 500

-

200 - 250

 

800

750

-

450

600 - 700

600

400

 

500

 

-

 

-

-

-

-

 

800 - 1.000

300 - 400

500

750

400

350 - 400

400

400

 

1.000

1.000

1.500

-

-

-

-

 

-

 

-

 

-

-

-

-

 

1.000 - 1.300

400 - 550

-

-

-

600

600

-

 

-

-

-

-

-

-

-

 

-

 

-

 

-

-

-

-

 

1.000 - 1.300

250 - 400

-

-

500 - 600

500

-

500

 

-

-

800

1.000 - 1.100a/

1.200

-

 

 

1.250b/

 

350 c/

 

750 - 800

700 - 750

850 - 900

800 - 850

a/ Provenance Abidjan

b/ Provenance Mali

En milieu urbain, le poisson frais ou frais/congelé constitue généralement le plat de résistance, alors qu'en milieu rural, le poisson est souvent acheté en petites quantités, fumé, séché, ou frit, pour être utilisé comme condiment.

Depuis l'ouverture de la pêche sur la Kompienga, les habitudes alimentaires en milieu urbain ont évolué vers une consommation accrue de produits frais, en raison de leur plus grande disponibilité sur les marchés. Le secteur des pêches bénéficie aujourd'hui d'une demande excédentaire en poissons frais produits localement.

Le niveau moyen de consommation de poisson au Burkina Faso est faible, soit 1,8 kg/an/hab., bien qu'étant nettement plus élevé dans les grands centres urbains en raison du pouvoir d'achat plus élevé. Par ailleurs, le taux d'auto-consommation étant estimé à 5% parmi les communautés de pêcheurs (Direction des pêches), le niveau moyen de consommation pour cette catégorie socio-professionnelle pourrait s'élever à 45 kg/an par foyer.

Depuis 1989, le volume des importations est en diminution constante (Cf. Tableau 1). Ceci a pour effet de diminuer l'offre. L'augmentation de la production domestique résultant de l'ouverture de la pêche sur la Kompienga a été atténuée par la baisse du prix de la viande, permettant aux consommateurs à faible pouvoir d'achat d'avoir accès plus facilement aux produits carnés. Le lien direct de cause à effet entre l'augmentation de la production domestique et la baisse des importations, est toutefois délicat à établir car les produits frais-congelés, qui représentent 70% des importations, ne s'adressent pas au même segment de marché que celui du poisson frais produit localement.

2.2 La pisciculture

La pisciculture a été introduite au Burkina Faso en 1956, avec l'appui du Centre technique forestier tropical (CTFT). Une station piscicole a été créée à Bérégadougou dans la région du sud-ouest pour la recherche appliquée, la production d'alevins de réempoissonnement et la vulgarisation de la pisciculture en étangs. La station a progressivement été abandonnée en raison de l'insuffisance de ressources humaines et financières, et du manque d'implication des villageois dans la gestion des étangs communautaires. La station a été réhabilitée en 1983 dans le cadre du projet "Aquaculture intensive de Banfora", sur un financement de la Caisse centrale de coopération économique (CCCE), pour être définitivement abandonnée en 1984, faute de rentabilité économique (coûts prohibitifs du pompage d'eau).

En 1980, un centre d'alevinage de Tilapia nilotica a été construit à Bazéga, sur financement de l'USAID, avec l'assistance du Corps de la paix. La station, qui est alimentée par gravité, a fonctionné jusqu'en 1984, puis a été réhabilitée dans le cadre du projet "Valorisation du potentiel halieutique (VPH)", financé par le FED entre 1987 et 1991. Elle a soutenu jusqu'à récemment la politique de développement de la pisciculture villageoise dans la région du Centre, en fournissant les alevins, souvent gratuitement. Depuis la fermeture du projet VPH, la station ne fonctionne plus à cause du manque de moyens financiers. En 1990, la station a produit 650 000 alevins (2-3g) et 280 000 fingerlings (20-30 g). En 1991, environ 1,2 t de poissons de taille marchande ont été produits en station.

En 1984, une station de pisciculture intensive de Tilapia nilotica a été construite à Banfora, dans la province de la Comoé, sur financement CCCE. La station de dimension industrielle était également alimentée par gravité, et comprenait des bassins d'alevinage et de grossissement. Les objectifs de production initiaux étaient d'atteindre une production de 160 t/an en cinq ans et 250 t/an en période de routine. La station a également mené dans le barrage de Lobi des essais d'élevage extensif et de pisciculture intensive en cages, mais ces expériences ont été contrariées par le manque d'eau chronique pendant l'étiage. La station a été fermée en 1987 par manque de rentabilité économique (mauvaise gestion financière, charges d'exploitation élevées notamment pour le poste aliment, problèmes sanitaires).

En 1986, une petite station d'alevinage de 0,5 ha a été construite dans la zone du Sourou, dans le cadre du projet FAO de coopération technique "Aménagement et renforcement de l'encadrement dans la zone du Sourou". La station d'alevinage devait servir à approvisionner les communautés villageoises en tilapia, pour développer la rizipisciculture. Mais cette station n'a fonctionné que pendant la durée du projet.

En 1989, des bassins d'alevinage, initialement construits par la Société coopérative du lac de Bam, ont été remis en service dans le cadre d'un projet UNICEF. Ils devaient être destinés à réempoissonner les petits plans d'eau des environs du lac de Bam avec des tilapias. En raison, encore, de coûts élevés de fonctionnement, notamment liés à l'alimentation en eau par moto-pompe, les bassins ont été laissés à l'abandon après la fermeture du projet.

Au cours de la dernière décennie, toutes les formes de pisciculture ont été testées au Burkina Faso, avec des résultats médiocres dans l'ensemble. Le développement de la pisciculture intensive ou extensive en étangs, non subventionnée, se heurte à plusieurs contraintes d'ordre topographique (relief peu accidenté qui empêche l'alimentation en eau par gravité), hydrologique (déficits hydriques fréquents, rareté de nappes phréatiques, forte évapo-transpiration, ...) et socio-économique (absence de tradition, manque de disponibilité de sous-produits agricoles, faible pouvoir d'achat des consommateurs, ...).

Aujourd'hui, les seules activités piscicoles sont menées dans le cadre du projet "Gestion des pêches dans le sud-ouest" (GPSO), financé par la GTZ depuis 1989. Le projet encourage la mise en place de systèmes de pisciculture villageoise, suceptibles d'être à terme autogérés par des groupements de pêcheurs. Le projet a produit en 1991 et en 1992, respectivement 200 000 et 160 000 alevins de 10-15 g destinés au réempoissonnement. L'objectif de production sur l'ensemble des plans d'eau concernés par le projet est de tripler le potentiel halieutique, soit passer de 200 à 600 t/an.

A l'origine, le projet GPSO voulait créer un centre d'alevinage sur chaque plan d'eau. Compte tenu des problèmes topographiques, trois centres aux capacités de production excédentaires pourraient être créés dans le moyen terme: Tounoura (en activité), Mare aux Hippos et Tengréla. Pour les plans d'eau qui ne pourront être pourvus de centre d'alevinage, des procédés simples et peu coûteux (bidons équipés d'aérateurs mécaniques entrainés automatiquement lors du transport) pourraient servir au transport des alevins, le transport avec cuves à oxygène n'étant pas envisageable sur un plan économique.

Les producteurs assistés par le projet sont impliqués dès le départ, non seulement sur le plan technique mais aussi financier. Au niveau du centre d'alevinage de Tounoura, les pêcheurs achètent eux-mêmes les sous-produits agricoles, nourrissent les alevins, empoissonnent le barrage, et assurent la vente des alevins au projet. Par ailleurs, le régime d'exploitation du plan d'eau s'apparente de facto au régime de concession. Cette nouvelle approche repose sur une meilleure prise en compte des facteurs humains.

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