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2. LA FILIERE PECHE ET PISCICULTURE

2.1 La pêche

2.1.1 Ressources halieutiques et potentiel de développement

La RCA a un relief relativement peu accidenté. Globalement, on peut distinguer deux grands bassins hydrographiques, séparés au centre du pays par une dorsale Est-Ouest culminant entre 1000 et 1400 m: le bassin du Chari, situé au Nord en zone de savane, et dirigé principalement vers la cuvette tchadienne; et le bassin de l'Oubangui, situé au sud du pays en zone humide, auquel on peut ajouter la Sangha, un affluent du fleuve Zaïre situé en zone forestière.

Le niveau pluviométrique varie en fonction de la latitude. Le nord-est est relativement sec, avec une pluviométrie d'environ 1000 mm/an. Le sud-ouest est plus humide, avec une pluviométrie comprise entre 1500 et 2000 mm/an. Les pluies sont assez bien réparties dans l'année, avec cependant une saison plus humide de mai à octobre, et une saison plus sèche de décembre à avril.

Le réseau hydrographique de la RCA, réparti sur l'ensemble du territoire, couvre une superficie de près de 10 000 Km², auxquels il conviendrait d'ajouter les surfaces occupées de manière temporaire par les plaines d'inondation dans la région nord (Van den Bosche et Bernacsek, 1990).

Le bassin du Chari est organisé de nombreuses rivières permanentes dont le Bamingui (300Kms), le Bangoran (270Kms), l'Ouham, le Koukourou, la Gribingui, la Vakaga, et surtout le Bahr Aouk qui matérialise la frontière avec le Tchad sur près de 300Kms. A ces principales rivières s'ajoutent des affluents du fleuve Logone situés dans la région Ouham-Pendé, à la frontière camerounaise. Le régime des cours d'eau se caractérise par un étiage très prononcé et des crues annuelles pendant lesquelles les cours d'eau sortent de leur lit pour inonder de vastes zones, les plaines d'inondation. Les cours d'eau appartiennent au complexe généralement dénommé "plaines inondées du Salamat".

Depuis la deuxième moitié des années 70, diverses périodes de sécheresse se sont succédées, provoquant régulièrement une réduction drastique de la surface en eau des plaines d'inondation, et par voie de conséquence une réduction substantielle du potentiel halieutique. Toutefois, le niveau d'inondation important observé au cours des deux dernières années hydrologiques (1994/95 et 1995/96), pourrait indiquer un retour à une situation "normale".

Le bassin de l'Oubangui, situé dans la partie sud du pays, fait partie du bassin du fleuve Zaïre. Il couvre près des deux tiers du territoire centrafricain. Il est organisé autour de l'Oubangui, qui se forme au niveau de Ouango par la réunion des rivières Uellé et M'Bomou. Le complexe Oubangui/Mbomou s'étend le long de la frontière zaïroise sur près de 1 000 Km. Les principaux affluents de l'Oubangui coulent du nord au sud, et sont la Kotto, la Ouaka, la Lobaye et la Mpoko, longs de 200 à 400 Kms.

Les cours d'eau du bassin de l'Oubangui ont, à l'instar des cours d'eau du bassin du Chari, un débit bi-modal correspondant aux saisons sèche et pluvieuse, avec une crue lente et une décrue rapide. Cependant, contrairement aux pêcheries du nord, la superficie couverte par les zones d'inondation est relativement peu importante. Les eaux sont par ailleurs plus faiblement minéralisées, puisqu'étant principalement situées en zone forestière. Les pêcheries du bassin de l'Oubangui sont par conséquent moins productives.

Il convient également de mentionner la rivière Sangha, située à l'extrême sud-ouest du pays en zone frontalière avec le Cameroun et le Congo. La Sangha rejoint le fleuve Zaïre en aval de la confluence Oubangui/Zaïre. La rivière Sangha, qui est représentative d'une rivière localisée en zone de forêt dense équatoriale, représente le deuxième cours d'eau le plus large de la RCA après l'Oubangui, avec une largeur moyenne de 250 m.

De manière générale, la pêche en RCA se pratique dans quatre grands types de milieu physique: les cours d'eau majeurs; les plaines d'inondation; les petits cours d'eau, rivières et marigots; et, de manière marginale, les plans d'eau (lacs naturels ou artificiels tels que le lac de Mbali, mares, marigots sous galerie forestière). Les pêcheries centrafricaines sont par conséquent principalement des pêcheries fluviales, qui par ailleurs sont souvent partagées avec un ou plusieurs pays riverains. A noter que la pêcherie du lac de M'Bali suscite un vif intérêt en dépit de ses possibilités de développement assez limitées, compte tenu notamment de sa proximité avec les marchés de Bangui.

Tableau 1: Caractéristiques physiques des principaux cours d'eau centrafricains (superficie des bassins et débit)

Rivières
Superficie du bassin au point de jaugeage (Km²)
Débit max.

m3/sec

Débit min.

m3/sec

Débit moyen

m3/sec

Bassin de l'Oubangui
       
Oubangui

479 000

11 000

800

4 000

Mbomou

135 400

2 700

50

800

Kotto

116 000

1 500

140

450

Chinko

78 400

1 100

70

400

Ouaka (bambari)

52 100

400

40

200

Lobaye (Mbata)

29 730

530

280

350

Sangha (salo)

30 300

1 800

400

800

Bassin du Chari
       
Ouham (Batangafo)

43 820

1 060

43

350

Pendé

12 020

650

3

150

Bahr Aouk

96 000

260

10

90

Bamingui (Bamingui)

4 270

114

6

25

Les deux bassins hydrographiques centrafricains possèdent un peuplement ichtyologique assez remarquable du point de vue de la diversité des espèces. Dans le bassin de l'Oubangui, près de 260 espèces indigènes pour 25 familles de poisson ont été recensées, alors que le bassin du Chari compte environ 195 espèces indigènes pour 27 familles de poisson (Welcomme, 1990).

Les principales espèces commerciales sont Alestes sp, Clarias sp, Hydrocynus sp, Lates sp, Labeo sp, Tilapia sp, Barbus sp, Mormyrussp, Heterotis sp...etc. Dans le cas de la pêcherie de Mbali, des cichlidae ont été introduits dont le Oreochromis niloticus (Tilapia nilotica), qui représentent aujourd'hui près de 90% des captures (Fischer, 1994). Le silure y est également abondant. Dans les petits cours d'eau, les espèces présentes sont essentiellement des espèces de petite taille et des silures.

En raison de la diversité et de l'adaptation de nombreuses espèces de poisson à des milieux parfois difficiles, les différentes niches écologiques se présentant dans le milieu sont occupées efficacement. De même, on peut considérer que l'ensemble du peuplement possède une capacité de survie élevée face à des interventions dans son milieu, comme l'exercice de la pêche commerciale tel qu'il est pratiqué aujourd'hui en RCA. Toutefois, l'adaptation remarquable des populations de poisson en RCA n'exclut pas le fait que celles-ci soient naturellement variables d'une année à l'autre, en nombre ou en taille, en fonction des conditions hydro-climatiques. Dans le bassin du Chari, il existe en particulier une forte corrélation entre niveau d'inondation des plaines inondables et niveau de production potentielle.

En RCA, compte tenu du manque de statistiques de production, des conditions changeantes de l'environnement aquatique d'une année sur l'autre, et aussi compte tenu de l'insuffisance de connaissances sur la dynamique des peuplements piscicoles, il n'est pas réaliste de donner une évaluation précise du potentiel halieutique centrafricain. En utilisant des modèles mathématiques, il est néanmoins possible d'estimer les captures potentielles. La production potentielle peut ainsi être estimée entre 20 000 et 50 000 t/an, toujours en fonction des conditions climatiques (cf tableau2).

Tableau 2: Captures potentielles de poisson en RCA (Nugent, 1994)

 

Superficie du bassin

versant (Km²)

Projection de captures

Forte inondation - Faible inondation

   

t/an

% total

t/an

% total

Bassin de l'Oubangui

304 500

8 600

17 %

8 600

42 %

Sangha

73 000

1 500

3 %

1 500

7 %

Bassin du Chari

205 000

41 400

80 %

10 400

51 %

Total

623 000

51 500

-

20 500

-

Les estimations de capture depuis le début des années 90 varient, selon les auteurs, entre 5000 et 15 000 t/an, en prenant en compte l'ensemble des grands cours d'eau et les plaines d'inondation de la région nord. Les variations du simple au triple sont essentiellement attribuables aux conditions hydro-climatiques prévalant au moment des estimations, et de manière générale aux conditions environnementales (quantité et qualité des eaux).

Sur la base de ces estimations, on peut globalement considérer qu'il existe un potentiel de développement théorique pour la pêche en RCA, en particulier dans certaines zones enclavées comme dans la région de Birao, au nord-est du pays, ou dans la région du M'Bomou, au sud-ouest du pays. Certaines caractéristiques des pêcheries confortent par ailleurs ce constat général de niveau d'exploitation modéré: il s'agit, d'une part, du caractère saisonnier de l'activité pêche, et, d'autre part, de l'existence de systèmes traditionnels de contrôle de l'accès à certaines zones de pêche limitant de fait l'effort de pêche.

Néanmoins, il est fort probable que les pêcheries situées autour des centres de consommation importants et/ou à fort pouvoir d'achat (ex. zones diamantifères en milieu rural), ainsi que celles bénéficiant de bonnes voies de communication pour évacuer les produits transformés, soient placées à un niveau d'exploitation proche du niveau maximum. Cela est notamment le cas des pêcheries de l'Oubangui, en aval de la confluence avec l'Uélé. Le terme de surexploitation biologique dans certaines zones semble toutefois impropre en raison du caractère migratoire de nombreuses espèces fluviales.

Par ailleurs, il convient de citer le cas particulier de certaines pêcheries du nord. En premier lieu, il s'agit des pêcheries importantes du complexe Bahr Aouk/plaines d'inondation, qui sont partagées entre la RCA et le Tchad, et qui seraient essentiellement exploitées par des pêcheurs tchadiens. Un potentiel de développement théorique existerait par conséquent pour la RCA si certaines conditions politiques et socio-économiques liées à l'occupation de l'espace étaient remplies. En second lieu, il s'agit des pêcheries situées dans les parcs nationaux, dont une partie de la Manovo, la Gounda, la Koumbala, etc. Ces pêcheries seraient "poissonneuses" selon les pêcheurs, et apparemment sous-exploitées puisqu'étant situées dans des zones protégées où la pêche est strictement prohibée.

2.1.2 Pêche et environnement

Les cours d'eau centrafricains subissent fréquemment des pollutions trouvant leur origine dans des activités autres que celle de la pêche (déforestation, destruction des berges, détournement de cours d'eau pour l'exploitation du diamant, construction de barrages, emploi de poisons d'origine industrielle dont la landrine...). Ces pollutions, dont certaines pourraient être diminuées à la faveur d'une gestion rationnelle des ressources en eau, ont des incidences certaines sur le peuplement piscicole en termes quantitatifs mais aussi qualitatifs.

A titre d'exemple, des pêcheurs opérant dans la zone de Bossangoa/Batangafo, sur l'Ouham, ont indiqué la raréfaction de certaines espèces comme Hepsetus odoe en raison de la modification de la qualité du milieu aquatique. Un phénomène de raréfaction des gros capitaines a également été observé au cours de la dernière décennie dans certaines zones (ex. Bossangoa sur l'Ouham, Mobaye sur l'Oubangui). Ce phénomène semble être allé de pair avec le comblement de trous d'eau dû à des dépôts de sédiments et à la diminution du niveau des crues.

En cas de changements persistants de l'environnement aquatique centrafricain, il serait à redouter des modifications profondes dans l'importance et la composition spécifique des peuplements piscicoles.

Un suivi de la composition spécifique des captures de la pêche a été effectué régulièrement sur le fleuve Zaïre entre 1973 et 1988. Le fleuve Zaïre et l'Oubangui/Mbomou faisant partie du même système fluvial, on peut se servir des résultats de cette étude et les confronter avec les observations des pêcheurs, pour analyser les changements probables de la composition spécifique des captures. Ainsi, dans le bassin de l'Oubangui, on assisterait à une augmentation du nombre de Claridae et de Heterotis niloticus (Osteoglossidae) et à une réduction du nombre de Hepsetus sp, Malapterus sp, Schilbeidae et Distichodontae. Dans le bassin du Chari, des observations récentes indiqueraient par ailleurs une augmentation de la proportion de heterotis, de clarias et de tilapias dans les captures totales.

Il convient par ailleurs de mentionner que des pêches traditionnelles à l'aide de substances d'origine végétale sont saisonnièrement organisées. Des divergences de points de vue existent sur la question de leur impact environnemental, dans la mesure où l'on ignore si les poisons "naturels", qui ont un effet anesthésiant sur le poisson, ont une réelle incidence sur l'intégrité de l'écosystème aquatique. La loi en vigueur sur la pêche et la pisciculture, qui date de 1971, interdit cependant l'utilisation de cette technique de pêche.

2.1.3 Organisation technique et socio-économique des pêcheurs

La pêche est une activité traditionnelle assez répandue en RCA, et qui fait partie intégrante des systèmes de production en milieu rural. Néanmoins, l'importance de l'activité pêche en milieu rural ou péri-urbain est assez variable, en fonction de l'importance et la localisation des pêcheries, et du groupe ethnique considéré.

Deux grandes catégories de pêche peuvent globalement être distinguées: la pêche artisanale, effectuée par des agro-pêcheurs, et la pêche traditionnelle, effectuée généralement dans un cadre familial ou villageois, par des hommes ou des femmes, de manière uniquement occasionnelle. Dans le cadre de la pêche artisanale, il convient également de distinguer une majorité d'agro-pêcheurs d'une minorité de "grands pêcheurs", ces derniers assurant le suivi et la gestion de plusieurs équipes d'agro-pêcheurs.

Les techniques de pêche les plus couramment employées par la pêche artisanale sont les filets maillants, dérivants ou fixes, les palangres appâtées, les éperviers, et les nasses de grande taille. Ces engins sont généralement opérés par des équipes de 2 à 3 personnes, utilisant de simples embarcations (pirogues monoxyles de quelques mètres). Les pirogues de pêche sont très rarement motorisées, malgré quelques initiatives individuelles dans la zone de Bangui. La senne de plage, communément appelée "grand filet" ou "tirée" (150 m de long en moyenne pour une chute de 6 m) est également employée pendant la saison sèche.

Les filets sont le plus souvent confectionnés par les pêcheurs eux-mêmes, à partir de bobines de nylon multifilament. Les flotteurs sont fabriqués à partir de morceaux de bois ou de matériaux de récupération. Le lestage est assuré selon le cas par des pierres ou par des plombs (ex. récupération de batteries). Le maillage varie quant à lui en fonction de la saison et du lieu de pêche. Dans le cas des éperviers, le maillage excède généralement 20 mm étiré.

Un engin, originaire de la région sahélienne, a par ailleurs fait son apparition depuis quelques années. Il s'agit de la palangre non appâtée. L'utilisation de cet engin n'est pas maîtrisée par les pêcheurs centrafricains du bassin de l'Oubangui, et fait souvent l'objet de contestation lorsqu'il est employé par des pêcheurs étrangers. Dans le bassin du Chari, en raison de la proximité du Tchad, et de l'influence des pêcheurs d'ethnie Sara (originaires de Sahr, une ville tchadienne), la palangre non appâtée est couramment utilisée par les pêcheurs centrafricains.

La pêche traditionnelle, orientée essentiellement vers l'autoconsommation, repose sur l'utilisation de techniques et d'engins de pêche rudimentaires nécessitant peu de moyens financiers (barrages, petites nasses, pièges, harpons/sagaies, moustiquaires, poisons d'origine végétale...). Elle se pratique surtout en saison sèche, lors de la formation de petites mares et de marigots, en particulier par les femmes.

D'une manière générale, les engins employés présentent des caractéristiques techniques (longueur et maillage des filets, longueur et forme des pirogues...) spécifiques aux saisons et aux zones de pêche. Les pêcheurs utilisent, en général, une panoplie d'engins leur permettant de pouvoir exploiter efficacement, et de manière rentable, les différents biotopes tout au long de l'année (ex. zones de bancs de sable, zones de hauts fonds et zones de rapides sur l'Oubangui). Le principal problème technique rencontré par les pêcheurs se réfère en fait surtout à l'accès aux zones de pêche, pour des raisons économiques (enclavement) et politiques (insécurité au niveau des zones frontalières et interdiction de la pêche dans les zones protégées).

La pêche en RCA est pratiquée essentiellement dans un cadre ethnique et familial, à contre-saison de l'agriculture. Les activités sont généralement régies par un ensemble de règles sociales et de comportements que l'on retrouve, à des degrés divers, sur l'ensemble des pêcheries: réalisation de migrations saisonnières, établissement de relations contractuelles pêcheurs/commerçants reposant sur le crédit, apprentissage de la pêche par les enfants de pêcheurs à un âge très avancé, accession progressive des jeunes pêcheurs à la propriété des engins, transmission de zones de pêche par héritage, etc.

Dans le bassin de l'Oubangui, les principales ethnies de pêcheurs sont les Yakoma, les Sango, les Bouraka et les Banziri. Dans le bassin du Chari, les ethnies de pêcheurs sont principalement les Rounga, les Sara, les Haoussa et les Bournou. Certains groupes ethniques sont spécialisés dans des types de pêche en particulier (ex. la pêche avec les grandes nasses, qui demande une bonne connaissance des milieux aquatiques, est généralement exercée dans les plaines d'inondation du nord par les Haoussa).

On peut généralement distinguer deux périodes de pêche dans l'année. L'une est dite "sédentaire" et correspond à la saison des pluies. Pendant cette période, la pêche se pratique sur les lieux de résidence des producteurs, généralement pendant la matinée, l'après-midi étant consacrée aux travaux des champs. L'autre période est dite "nomade"; elle correspond à la saison sèche (4-5 mois) au cours de laquelle les pêcheurs parcourent plusieurs dizaines de kms pour s'installer dans des campements provisoires et exercer une pêche à plein-temps dans des zones peu exploitées. Le poisson est fumé et emballé sur place, puis acheminé vers les centres de consommation, soit directement par les pêcheurs, soit par l'intermédiaire de commerçant(e)s itinérant(e)s.

S'agissant de l'organisation économique, les pêcheurs centrafricains gèrent, en règle générale, leurs activités à titre individuel, que ce soit pour l'achat du matériel, pour l'obtention d'un crédit informel, ou encore pour la transformation et/ou la commercialisation des produits.

Depuis le début des années 80, des groupements à vocation coopérative, regroupant une trentaine de personnes en moyenne, tentent de s'organiser. L'objectif recherché consiste en une professionnalisation des activités de pêche, avec le concours d'une assistance technique et financière extérieure. Toutefois, la plupart de ces groupements n'exerce aucune fonction économique à l'heure actuelle. Les raisons de l'échec du mouvement coopératif dans le domaine de la pêche en RCA sont notamment à mettre en relation avec l'individualisme des pêcheurs centrafricains. En revanche, beaucoup de groupements exercent une fonction importante dans le cadre de l'organisation de l'activité pêche (ex. répartition des zones de pêche entre pêcheurs du même quartier et/ou du même lignage), ou pour servir d'interface entre les pêcheurs et l'administration.

Les pêcheries du nord présentent par ailleurs des caractéristiques socio-économiques particulières qui s'expliquent notamment par leur proximité avec le Tchad. On relève notamment un nombre important de "grands pêcheurs", qui sont en général des commerçants de confession musulmane ayant des affinités avec les grossistes de Ndélé, Bangui ou Sahr (au Tchad). Chaque "grand pêcheur" emploie plusieurs dizaines de pêcheurs sous-contrat. Le principe de partenariat repose généralement sur un système de crédit pour le matériel de pêche, les pêcheurs remboursant leurs dettes en nature pendant la saison.

Il convient par ailleurs de mentionner la création récente d'un Syndicat de pêcheurs en RCA, qui a participé activement à un Séminaire national sur la pêche et la pisciculture organisé à Bangui en octobre 1995. Le syndicat représente un partenaire institutionnel dont le rôle dans la définition des politiques de développement du secteur pourrait s'accroître à l'avenir.

En comparant les revenus des pêcheurs au revenu national moyen, on peut considérer que la pêche est une activité assez lucrative en milieu rural. De manière générale, les revenus générés par la pêche permettent de satisfaire la majeure partie des besoins de la famille. Ils peuvent également venir en complément des revenus de l'agriculture pour l'achat de biens de consommation à caractère plus festif, ainsi qu'à la constitution d'épargnes.

Sur l'Ouham, les pêcheurs du village de Zaré dégageraient un revenu d'environ 30000 FCFA par unité (2-3 personnes) et par saison de pêche (2 mois). A Bossangoa, une unité de pêche à la senne pourrait dégager une valeur ajoutée de l'ordre de 600000 FCFA sur 4 mois de pêche, soit un salaire brut d'environ 30000FCFA par pêcheur sur 4 mois (Breuil, 1994). Sur la rivière Sangha, en zone diamantifère, le revenu moyen d'un pêcheur lors d'une campagne de pêche (4-5 mois) a été estimé en 1990 à près de 37000FCFA/mois (Epps, 1990). Dans la région du Nord, les revenus moyens d'un pêcheur pendant la période

d'étiage (6mois/an), s'élevaient en 1990 à environ 36 000 FCFA dans le Bamingui-Bangoran et à 32000 FCFA dans la Vakaga (Lazard, 1991).

Cependant, en dépit de la réalisation de performances économiques relativement satisfaisantes, les pêcheurs installés sur les campements ou villages plus ou moins permanents vivent dans des conditions assez précaires des points de vue de la santé (onchocercose, paludisme...) et de l'éducation, pendant une bonne partie de l'année. Certaines actions ont été entreprises par le passé pour pallier ces problèmes sociaux (ex. dispensaires "flottants"), avant d'être abandonnées faute de moyens financiers.

Par ailleurs, en ce qui concerne les pêcheries situées dans la région du nord, l'étude des conditions de vie des pêcheurs doit nécessairement prendre en compte le climat d'insécurité régnant dans cette région. Ce climat tient à deux principales raisons, dont la première est la proximité de zones frontalières instables sur le plan politique, fortement militarisées. La deuxième raison tient au découpage territorial, réalisé dans les années 60, qui alloue une grande partie de l'espace à la protection intégrale de la faune, empêchant la population locale d'avoir accès à des zones traditionnellement exploitées par la chasse et la pêche, et générant fréquemment des situations conflictuelles entre les représentants de l'Etat et la population locale.

2.1.4 Transformation et commercialisation du poisson

Compte tenu du manque d'infrastructures de communication entre les zones de pêche et les centres de consommation, le poisson peut difficilement être évacué dans des délais n'excédant pas deux jours. Dans ces conditions, celui-ci est généralement transformé, selon des méthodes traditionnelles, par fumage, et parfois de séchage.

La transformation du poisson est effectuée la plupart du temps par les pêcheurs eux-même, directement sur les lieux de production. Le poisson ainsi transformé peut se conserver plusieurs semaines avant d'être mis en marché. Les fours traditionnels sont constitués le plus souvent de fûts métalliques, ou construits en terre cuite, et recouverts d'une tôle métallique. Les fours traditionnels comportent généralement une seule claie de fumage. Sur les campements temporaires, les claies sont souvent fabriquées à partir de branchages. Les produits fumés présentent généralement un taux de dessiccation élevé (indice de conversion de 3 à 4), en raison du temps de fumage relativement long.

Dans le bassin de l'Oubangui, les produits fumés sont surtout emballés dans des paniers faits de branchage, dont les capacités de stockage sont diverses. Les emballages permettent toutefois dans l'ensemble une bonne protection des produits pendant le transport fluvial et/ou routier. Dans la région du Nord, les produits sont emballés dans des cartons de capacité d'environ 30-40 Kg, qui pourraient permettre une bonne conservation du produit. Toutefois, en raison de la dessiccation importante des produits - ce qui les rend assez friables lors du transport -, des conditions précaires de stockage, et des conditions de manipulation lors du chargement des produits sur les véhicules, environ 40 % du poisson fumé en provenance du Nord pourrait ainsi arriver à Bangui sous forme de brisures ou de poudre.

Les brisures ne constituent cependant pas des pertes physiques après-captures. Les brisures sont en effet récupérées puis triées, afin de séparer la partie destinée à la consommation humaine (marché pour la population à faible pouvoir d'achat) de la partie destinée à l'alimentation animale. Les pertes physiques réelles (moisissures, infestation par des insectes) ont été récemment estimées à 2% dans la région centre-sud. Les brisures sont par contre à l'origine de pertes de valeur ajoutée sur la vente des produits, au détriment des différents opérateurs économiques de la filière, et des pêcheurs en particulier.

Depuis le début des années 60, diverses expériences de fumage amélioré ont été menées pour améliorer la qualité du fumage. Des techniques améliorées de salage-séchage ont par ailleurs été introduites au début des années 70 dans le nord, mais celles-ci n'ont pas été adoptées. A l'heure actuelle, des expériences de fumage amélioré sont menées dans le cadre de projets de développement. Le four Chorkor fait notamment l'objet d'expérimentations dans la Basse-Kotto depuis près de deux ans, auprès d'un groupement de femmes.

En ce qui concerne la conservation du produit frais, les commerçant(e)s utilisent le plus souvent des caisses en bois, ou des congélateurs usagés, contenant de la glace, ce qui permet d'augmenter la durée de vie des produits de 1 à 2 jours. Ces techniques simples de conservation ne sont employées qu'à partir des pêcheries situées à proximité des centres de consommation (ex. pêcherie de Mbali). Par ailleurs, les pêcheurs utilisent parfois des méthodes rudimentaires pour prolonger de quelques heures la durée de vie des produits frais à forte valeur marchande, en les maintenant immergés dans l'eau pendant le transport fluvial.

Pour parcourir de longue distances, certains commerçants utilisent des techniques de congélation lorsqu'il y a de l'électricité sur les centres de production (ex. pêcherie de capitaine de Mobaye). Le poisson congelé peut ainsi se conserver pendant trois à quatre jours dans des caisses contenant de la glace. Néanmoins, cette technique de conservation du poisson frais à l'aide d'une congélation préalable ne se justifie économiquement que pour les espèces à forte valeur marchande et ne concerne qu'un nombre limité d'entrepreneurs.

Les circuits de commercialisation du poisson en RCA visent essentiellement à approvisionner Bangui, qui absorbe la majeure partie de la production nationale. De manière générale, les circuits font intervenir de nombreux intermédiaires (grossistes, semi-grossistes, intermédiaires et détaillantes). Quelques circuits de commercialisation à l'exportation existent également sur les pêcheries partagées avec les pays frontaliers.

Sur le bassin de l'Oubangui, la commercialisation du poisson est principalement du ressort des femmes "Wali-Gala", dont le dynamisme commercial est reconnu dans beaucoup de secteurs en RCA. Elles travaillent fréquemment dans un cadre familial, en essayant le plus souvent d'organiser leurs activités en concertation avec d'autres commerçantes. Les femmes commerçantes achètent généralement le poisson en petites quantités, directement sur les campements de pêche, puis le distribuent par voie fluviale (pirogue, baleinière) ou routière (bus, taxi-brousse).

Dans la région nord, le commerce du poisson est surtout du ressort des commerçants musulmans, de nationalité centrafricaine ou tchadienne, et le plus souvent "grands pêcheurs". Le poisson est dans un premier temps collecté sur les campements pour être stocké dans les villages. Il est ensuite acheminé à Bangui par des transporteurs, qui sont soit des "grands pêcheurs", soit des grossistes venant directement de Bangui. A leur arrivée à Bangui, les produits sont généralement stockés dans des entrepôts couverts, pour être ensuite écoulés au fur et à mesure par des détaillantes.

Les circuits peuvent être particulièrement complexes dans le nord. A titre d'exemple, une partie de la production de poisson produite sur le Bahr Aouk (l'une des plaques tournantes du commerce de poisson en RCA) transite par Sahr, en territoire tchadien, avant de redescendre sur Bangui. Cela peut s'expliquer par les relations contractuelles liant certains pêcheurs centrafricains avec des commerçants tchadiens.

La faiblesse des voies de communication en RCA constitue le principal obstacle aujourd'hui au développement commercial de certaines pêcheries enclavées, comme celles situées à l'Est sur le M'Bomou. Dans des régions comme celle de Birao, le manque de voies de communication avec Bangui se traduit, d'un autre côté, par le développement du commerce informel avec les pays frontaliers. Sur d'autres pêcheries, la faiblesse des voies de communication empêche l'établissement de circuits réguliers de distribution, ce qui affecte en particulier le commerce du frais.

Par ailleurs, il convient de mentionner que le commerce du poisson fait l'objet d'une taxation importante, officielle et officieuse, qui se traduit par une augmentation significative des coûts de commercialisation, et des prix de vente des produits sur les marchés intérieurs.

Les importations et exportations de poisson en RCA demeurent quant à elles marginales en volume, malgré diverses tentatives publiques et privées d'importation de poisson marin congelé de faible valeur marchande, et d'exportation de capitaine frais-congelé ou fumé à froid. En 1993, les importations de poisson à Bangui - qui absorbe environ 95% de l'ensemble des importations - se sont élevées à 86,3 tonnes pour une valeur CAF de 108,1millionsFCFA au total, soit un prix moyen d'environ 1 250 FCFA/Kg (Service des douanes 1994).

Depuis la récente dévaluation du FCFA, les échanges commerciaux au sein de la sous-région seraient en expansion, notamment entre le Congo, le Cameroun et la RCA, chaque partenaire faisant jouer ses avantages comparatifs. La RCA pourrait ainsi promouvoir l'exportation de viande de boucherie et développer en échange l'importation de produits rares dont le poisson de mer de faible valeur marchande. Cependant, le développement des initiatives privées reste encore subordonné aux coûts de transports relativement élevés, en particulier le long du seul axe routier qui relie aujourd'hui la RCA à l'Atlantique (Douala-Bangui), aux taxes d'importation élevées, et à la faiblesse des institutions bancaires qui pratiquent des taux d'intérêt élevés.

2.1.5 Consommation et demande de poisson

Le marché du poisson en RCA se caractérise par des débarquements irréguliers tout au long de l'année. Cela a des répercussions directes sur l'évolution des prix du poisson en fonction de la saison. De manière générale, le prix du poisson fumé baisse pendant la saison sèche en raison de l'abondance des débarquements, en particulier sur les pêcheries du nord.

Le tableau 3 compare le prix du poisson à la consommation avec le prix de la bobine de fil, qui constitue le principal intrant de la pêche, dans différents centres urbains. Les différences considérables du prix du poisson d'une ville à une autre, s'expliquent plus par l'importance de la demande en termes de quantité et de pouvoir d'achat, que par le prix du matériel de pêche. La répartition des richesses naturelles (coton, café, bois, diamant...) est en effet assez inégale en RCA, ce qui se traduit au niveau local par des variations importantes de pouvoir d'achat des consommateurs.

Les différences de prix entre les lieux de production et les centres de consommation pour une même espèce peuvent par ailleurs être importantes, soit du simple au quadruple dans certains cas.

Les consommateurs n'ont pas de préférence particulière en dehors de quelques espèces de première catégorie, comme le capitaine ou le silure. Cela tient notamment à la diversité spécifique du peuplement piscicole. En conséquence, les pêcheurs procèdent généralement à une classification sommaire en distinguant plusieurs catégories d'espèces. En ce qui concerne le tilapia, qui demeure la principale espèce produite par la pisciculture, on peut mentionner que, depuis la création de la pêcherie de M'Bali, le comportement des consommateurs Banguissois a évolué vers une consommation accrue de cette espèce jusqu'alors considérée comme une espèce de second choix.

De manière générale, le poisson en RCA constitue un produit de luxe, comparé au prix de la viande.

Tableau 3: Prix du poisson à la consommation (FCFA/Kg) comparé au prix des bobines (FCFA/unité) en 1994

 

Bangui

Bambari

(savane)

Mobaye

(forêt)

Bossangoa

(savane)

Batangafo

(savane)

Berbérati

(minière)

Poisson fumé

. 1992 1

. 1994

(indice)

 

1 730

2 400

(100)

 

545

1 500

(63)

 

950

2 000

(83)

 

830

2 000

(83)

 

-

2 300

(95)

 

2 060

2 500

(104)

Poisson frais

Labeo, Clarias

(indice)

Bagrus, Chrysictis

Lates

 

1 300

(100)

-

2 900

 

-

(-)

900

-

 

500

(38)

800

-

 

850

(65)

1 000

1 600

 

900

(69)

-

-

 

-

(-)

-

-

bobine de fil

(indice)

1 500

(100)

2 000

(133)

2 500

(166)

2 000

(133)

2 000

(133)

-

(-)

1 Ministère du Plan, période de référence 3e trimestre 1992

La part des dépenses consacrées à la consommation de poisson représente en moyenne environ 10% de la part totale des dépenses des ménages consacrées à l'alimentation, selon le Ministère du Plan en 1994.

En considérant que la population pourrait atteindre 3,4 millions d'individus d'ici l'an 2000, la demande potentielle de poisson pourrait être au début du siècle prochain d'environ 12000t/an, sur la base d'un maintien du niveau de consommation actuel qui est de l'ordre de 3,5 Kg/an/hab. Cela représente une augmentation de l'ordre de 20% par rapport au niveau de production actuel estimé à environ 10000 t/an. Cette estimation ne prend cependant pas en compte les possibilités de développement des importations, qui suite aux changements en cours dans le commerce sous-régional en raison de la dévaluation du FCFA, et à la faveur d'un désenclavement du pays, pourraient être significatives.

2.2 La pisciculture

La pisciculture fut introduite en Afrique centrale, au Zaïre, dans les années 40 par les autorités administratives coloniales belges. Elle fait son apparition en RCA en 1952, dans le but d'améliorer la nutrition de la population. Jusqu'en 1958, la progression du nombre d'étangs familiaux fut spectaculaire (12 à 20000 étangs familiaux) en raison de l'encadrement important assuré à partir de plusieurs stations principales et d'une vingtaine de stations relais réparties dans tout le pays. Au cours des dix années qui suivirent l'indépendance, le nombre d'étangs a néanmoins progressivement périclité, en raison notamment de la mauvaise conception de la vulgarisation, du manque de personnel d'encadrement, de l'inadaptation des techniques de production, et du manque d'alevins.

A partir de 1968, un programme de relance de la pisciculture fut élaboré au niveau sous-régional, avec le concours financier du PNUD. Le projet était basé à Bangui, à la station piscicole de la Landjia, et avait pour objectifs de former des cadres et de rechercher des techniques adaptées à la sous-région. Sur la base des techniques mises au point par le projet sous-régional, plusieurs projets d'assistance technique ont été par la suite initiés en RCA, jusqu'à la fin des années 80, avec le soutien notamment du PNUD, de l'UNICEF, du FENU, de la FAO, et de l'USAID/Corps de la paix.

Au début des années 80, le développement de la pisciculture était organisé autour de trois stations principales: le Centre piscicole national (CPN) ou station de la Landjia à Bangui, la station de Bambari-Bengué, et la station de Bouar-Paya. Ces stations avaient pour fonction de produire des alevins, initier les activités de formation des formateurs (moniteurs) et de vulgarisation, et mettre en place des systèmes de crédit. Les systèmes de production concernaient surtout la monoculture de Tilapia nilotica. Des essais de polyculture Tilapia nilotica / Clarias lazera, ont également été encouragés, avec des rendements moyens dépassant 40Kg/are/an.

En 1979, on recensait 3300 pisciculteurs, opérant sur 4300 étangs totalisant une surface de 54ha. Au milieu des années 80, la pisciculture s'était étendue dans 18 préfectures (8000 pisciculteurs pour 10000 étangs). La figure 1 renseigne sur l'évolution de la production piscicole entre 1978 et 1991. La production a culminé en 1985, année de clôture d'un projet de vulgarisation financé par le PNUD, et exécuté par la FAO. En 1984, le rendement annuel moyen des étangs piscicoles était de 21,2 Kg/are.

Le déclin de la pisciculture à partir de la deuxième moitié des années 80 tient à une combinaison de facteurs, dont les principaux sont les suivants(d'après Nugent, 1994): problème de conception des projets (objectifs ambitieux sur le plan quantitatif, approche assez "dirigiste", assistance technique et financière excessive...); retrait trop rapide des projets; manque de moyens de l'administration pour poursuivre les efforts entrepris par les projets; et différents problèmes d'ordre technico-économique (choix des sites, sécheresses successives, difficulté d'approvisionnement en aliments peu onéreux, difficulté d'approvisionnement en alevins de clarias...). D'autres facteurs comme le manque d'enracinement de l'activité piscicole dans le tissu socio-économique rural, où l'économie de cueillette est prédominante, doivent également être pris en compte.

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Une enquête a été menée récemment dans la région de Bambari sur les causes de l'abandon de l'activité piscicole depuis 1985. Les résultats de cette enquête indiquent notamment que les causes principales ont été l'arrêt de l'assistance extérieure (dons, encadrement, crédit..), le vol, l'abandon de l'exploitation à la suite du départ du pisciculteur, et le problème de l'alimentation en eau.

La pisciculture en RCA est souvent ressentie comme un échec, surtout si l'on compare la production piscicole actuelle avec les prévisions établies par les politiques et projets de développement depuis une trentaine d'années. La production actuelle est estimée à environ 250-300 t/an. Il existe cependant aujourd'hui un noyau de pisciculteurs devenus autonomes dans la gestion d'une exploitation piscicole, qui pratiquent la pisciculture au titre des activités de diversification de l'agriculture (agro-pisciculteurs).

Deux types de pisciculture sont généralement distingués en RCA, dont la définition se réfère surtout au degré de professionnalisation et d'intensification de l'activité: la pisciculture familiale et la pisciculture artisanale.

La pisciculture familiale est une activité tournée essentiellement vers l'auto-consommation. Elle se pratique à petite échelle en milieu rural, et concerne la plupart des pisciculteurs centrafricains. Une partie de la production peut cependant être mise sur le marché de manière occasionnelle.

La pisciculture familiale repose sur des techniques d'élevage simples, comme le nourrissage par compost. Les rendements de la pisciculture familiale sont pratiquement deux fois moindres que ceux de la pisciculture artisanale, soit en moyenne de 20 à 25 Kg/are/an. La faiblesse des rendements est surtout imputable aux problèmes de gestion des cycles d'élevage, dont notamment la mise en charge des étangs et la maîtrise partielle de la gestion des eaux. Les problèmes de vols sont par ailleurs souvent évoqués, ceux-ci étant accentués par l'isolement des étangs, généralement situés dans des bas-fonds.

La pisciculture familiale constitue une spéculation agricole bien adaptée au contexte socio-économique du milieu rural centrafricain (faibles coûts de production, peu de temps accordé à l'élevage...). Certains producteurs respectent des cycles de production complets, avec vidange totale des étangs entre chaque cycle, ce qui leur permet de disposer tous les 6 mois de liquidités appréciables pendant les périodes de soudure. D'autres producteurs gèrent leurs étangs piscicoles à la manière de "greniers", en prélevant occasionnellement des poissons en fonction de leurs besoins alimentaires ou monétaires.

La pisciculture artisanale est une activité à caractère essentiellement commercial. Elle concerne quelques centaines de pisciculteurs en RCA, généralement localisés en milieu péri-urbain. Les techniques utilisées impliquent une assez bonne maîtrise de la conduite de l'élevage (alevinage, fertilisation, apport d'aliments, polyculture par l'association tilapia/silure...), ainsi qu'une bonne connaissance des circuits de commercialisation.

Les rendements de la pisciculture artisanale avoisinent 50 Kg/are/an. Les producteurs sont néanmoins confrontés à divers problèmes techniques, dont les principaux sont le manque de sous-produits de l'agriculture pour l'alimentation à des prix modérés et le manque d'alevins de clarias pour augmenter les rendements par la polyculture.

Les pisciculteurs artisans sont fréquemment organisés en groupements communautaires, de type Groupement agro-piscicole (GAP), l'organisation collective permettant d'assurer un suivi et une surveillance permanents de l'élevage, à tour de rôle. Le poisson produit est vendu en frais sur les marchés, par les femmes, avec une stratégie commerciale visant à vendre le poisson d'élevage un peu moins cher que le poisson de capture.

Les revenus d'un pisciculteur artisan membre d'un GAP peuvent être estimés à environ 100 000 FCFA/an (ex. GAP de Ndresse situé dans la ceinture banguissoise, d'après Breuil, 1994). Ces estimations, qui attestent d'une certaine "rentabilité économique" de la pisciculture artisanale doivent cependant être considérées avec circonspection dans le cas du

GAP de Ndresse. Néanmoins, le facteur économique ne semble pas devoir être perçu aujourd'hui comme une contrainte au développement de la pisciculture artisanale en RCA.

Les principales contraintes de développement de la pisciculture artisanale en RCA tiennent aux difficultés d'accès au foncier, à l'insuffisance du transfert de connaissances entre la recherche et les producteurs, et à l'absence d'écloseries de clarias en dépit de l'existence d'un savoir-faire national (reproduction induite du clarias par l'utilisation de produits locaux) et d'un marché potentiel pour ce type de produit. Par ailleurs, le système de fixation du prix de vente du poisson d'élevage, qui est encore souvent en vigueur dans les faits, ainsi que la distribution au cas par cas d'alevins à prix subventionné, contribue à freiner le développement de la pisciculture artisanale.

Il convient par ailleurs de mentionner que des expérimentations concernant la crevetticulture sont menées à l'heure actuelle, dans le cadre d'un projet de développement financé par la coopération Chine/Taïwan. Ces expérimentations s'inscrivent dans le cadre des grandes orientations de la politique du Gouvernement centrafricain en matière de diversification, conformément à la Déclaration de la Conférence des Chefs d'Etat de l'Union douanière et économique des Etats d'Afrique Centrale (UDEAC) en mars 1994. Les essais portent sur une espèce dulçaquicole non indigène, le Macrobrachium dux, importé du Congo.

Les stations d'Etat ont été construites dans le passé pour accueillir des activités de recherche, de formation et de production en zone péri-forestière. Des travaux de rénovation ont été faits au cas par cas, dans le cadre de différents projets. Néanmoins, les infrastructures sont considérées comme étant aujourd'hui, dans la plupart des cas, obsolètes. Les diverses stations piscicoles n'ont par ailleurs jamais pu être totalement autonomes sur le plan financier, en raison notamment du manque de clarté de leurs statuts.

La station de la Landjia fut pendant longtemps la vitrine de la pisciculture en RCA. La station disposait, jusqu'à très récemment, d'une surface utile de plus de 8 ha d'étangs, dont 6 ha destinés à la production, le reste étant alloué à la recherche appliquée. Son potentiel de production piscicole était estimé à 25 t/an. Pour diverses raisons (arrêt des projets, enveloppe budgétaire réduite, manque d'eau suite à l'envasement des étangs, vandalisme, vol...), les activités de la station de la Landjia sont aujourd'hui fortement réduites. La station ne produit actuellement qu'environ 3t/an, contre 10t/an auparavant, tandis que l'écloserie de la station a été concédée récemment à l'Institut centrafricain de recherche agronomique (ICRA).

En ce qui concerne les deux autres stations principales, la station de Bambari a été abandonnée vers la fin des années 80, en raison d'un manque d'eau. La station de Bouar continue pour sa part à produire et à vendre entre 2 et 3 t/an de tilapia en monoculture pour assurer son autonomie financière. Elle est cependant confrontée à de sérieux problèmes financiers à la suite de l'arrêt de subventions d'Etat depuis le début des années 90.

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