Des spécialistes FAO du Criquet pèlerin ont voyagé du Sahara jusqu’au désert indo-pakistanais approvisionnant les organisations locales pour la lutte contre les essaims de criquets qui dévorent les cultures. Keith Cressman, Fonctionnaire FAO en charge des prospections acridiennes, communique son agenda après avoir récemment dispensé une formation aux agents de l’Organisation d’alerte acridienne de l’Inde, dans l’état occidental du Rajasthan.
Chaleur sur la piste des criquets pèlerins en Inde
Jour 1
Une fois échangées les guirlandes de jasmin et les salutations officielles, nous sommes rapidement sortis de notre base de Jaisalmer sur la piste du Criquet pèlerin. La vaste plaine s’étendait devant nous avec des taches d’herbe, de petits buissons et d’arbustes. Il n’y avait aucun nuage en vue, la mousson était quasiment terminée. Mais c’est à ce moment-là que les populations acridiennes peuvent exploser et menacer les champs de millet et de sorgho des villageois.
La surveillance permanente est assurée par l’Organisation d’alerte acridienne de l’Inde, qui maintient une présence constante pour suivre les mouvements le long de la frontière indo-pakistanaise. Il s’agit d’une tâche stratégique pour les riches cultures du pays situées plus à l’est. La dernière offensive sérieuse de l’organisation a eu lieu fin juin 1993 quand les avions ont épandu des insecticides sur des essaims arrivant de la péninsule Arabique.
Notre travail de l’après-midi, dans une chaleur proche des 40 degrés centigrade, consistait à aider les 17 fonctionnaires dans l’évaluation des infestations qui pourraient donner lieu à des invasions et dans la délimitation de celles nécessitant des opérations de lutte. Mais les trouver est l’étape difficile. Il existe cependant certains signes révélateurs tels que des oiseaux volant en cercle et la présence de certains types de végétation dont les criquets aiment se nourrir.
Évaluer les effectifs acridiens est encore plus difficile. Il existe différents moyens : nous avons suggéré de simplement marcher sur une certaine distance – au moins 300 m mais cela dépend de l’étendue de la végétation propice sur le site. Évaluer la largeur du transect sur lequel il est probable que les criquets soient dérangés et compter le nombre de ceux qui s’envolent – ne pas compter deux fois le même criquet ! Il est préférable de d’indiquer le nombre de criquets par distance parcourue, mais on peut aussi calculer le nombre de criquets par zone échantillonnée – dans ce cas, la zone est obtenue par multiplication de la longueur (distance parcourue) et de la largeur du transect parcouru. En d’autres mots, juste signaler ce qui a été vu !
Jour 2
De retour à Jaisalmer, les nouveaux outils pouvant être utilisés au cours des prospections furent présentés. J’ai introduit le système de positionnement géographique par satellite ou GPS. Il s’agit d’un dispositif de poche peu coûteux qui détermine la latitude et la longitude n’importe où dans le monde en se connectant aux satellites. Il aide à se diriger vers une destination donnée et est devenu populaire parmi les randonneurs et les promeneurs occidentaux. Toutefois, il a un grand potentiel pour améliorer la précision de la localisation des sites infestés et lors des opérations de lutte. La FAO a déjà fourni un certain nombre de GPS aux pays les plus affectés par les criquets, y compris l’Organisation d’alerte acridienne de l’Inde.
Faire la démonstration de l’utilisation du GPS fut bien plus difficile de ce que j’avais anticipé. La plupart des agents, qui venaient de différentes zones du Rajasthan, n’avaient jamais manipulé d’équipement électronique et ignoraient ses fonctions. D’autres obstacles doivent être surmontés avant que les fonctionnaires commencent à l’utiliser comme un crayon ou un stylo. Bien que les GPS soient à des prix abordables et deviennent de moins en moins chers (199 USD), ils sont encore considérés comme chers si on les compare aux salaires des agents antiacridiens. Il y a donc une certaine crainte de les perdre ou de se les faire voler.
Jours 3 et 4
De retour sur la piste accidentée qui conduit de Jaisalmer vers l’ouest, à la frontière avec le Pakistan. Plusieurs équipes différentes ont prospecté le désert avoisinant et délimité des zones abritant des infestations acridiennes imaginaires en plantant des drapeaux. Des équipes de lutte briefées sur les techniques d’application appropriées les suivaient dans des véhicules à quatre roues motrices, équipées de pulvérisateurs manuels et montés sur véhicule pour l’épandage de pesticides chimiques pour traiter les zones.
Détecter les zones de reproduction est primordial. Une façon est de déterminer l’humidité du sol, essentielle pour la reproduction. Creuser le sol jusqu’à environ 10 à 15 cm, saisir une poignée de terre et la serrer. Si la terre reste compactée, elle est probablement assez humide pour permettre aux criquets de pondre – et aura également une couleur plus sombre. Cela donne une bonne indication avec les sols sablonneux et argilo-sablonneux – les deux types de sol préférés par les criquets pour la ponte.
Jour 5
Évidemment, une lutte antiacridienne efficace dans cette région où les traitements ont lieu le long de la sensible frontière entre l’Inde et le Pakistan, nécessite une étroite coopération entre les pays. Les représentants des unités antiacridiennes des deux pays se rencontrent sur la frontière tous les mois pendant la mousson pour échanger les informations sur les infestations acridiennes du moment et les résultats des opérations de lutte. Il s’agit d’une des nombreuses activités financées par la Commission FAO de lutte contre le Criquet pèlerin en Asie du Sud-Ouest, qui compte quatre pays membres – Inde, Pakistan, Iran et Afghanistan.
Il était temps d’examiner notre travail et de demander aux agents ce qu’ils avaient pensé de notre présentation. J’avais appris beaucoup et vraiment apprécié le voyage. Nous sommes retournés dans le désert mais cette fois, pour admirer le coucher du soleil contre une série de hautes dunes de sable.