Gestion Durable des Forêts (GDF) Boîte à outils

Réduire la dégradation des forêts

Reducing forest degradation ©FAO/P. Johnson

Ce module est destiné aux aménagistes des forêts et des terres, ainsi qu’aux parties prenantes de tous les secteurs participant aux efforts conjoints de lutte contre la dégradation des forêts. Il fournit des indications sur la manière de ralentir, d’arrêter et d’inverser la dégradation des forêts au sein de la sphère de contrôle et d’influence de l’aménagiste. Il est conseillé de lire ce module en parallèle avec le module sur la lutte contre la déforestation.  

Notions de base

Qu’est-ce que la dégradation des forêts?

La dégradation des forêts est la réduction de la capacité de la forêt de fournir des biens et des services socioculturels et environnementaux. Elle implique un processus de changement qui a des répercussions négatives sur les caractéristiques de la forêt (les stocks de matériel sur pied et de biomasse, les stocks de carbone, la biodiversité, les sols, et les valeurs esthétiques) et qui entraîne une baisse de l’offre de biens et de services. Ce processus de changement est provoqué par des perturbations (bien que celles-ci ne sont pas toutes à l’origine des dégradations) dont l’ampleur, la gravité, la qualité, l’origine et la fréquence varient. Ces perturbations peuvent être dues à des raisons naturelles (comme les incendies, les orages, les sécheresses, les ravageurs et les maladies), anthropiques (comme l’exploitation forestière non durable, les espèces exotiques envahissantes, la construction de routes, l’extraction minière, l’agriculture itinérante, la chasse et le pacage), ou bien à une combinaison des deux. Les perturbations anthropiques peuvent être délibérées, comme celles qui sont provoquées par l’exploitation forestière ou le pacage, et non délibérées, comme celles qui sont provoquées par la prolifération d’une espèce exotique envahissante. Il existe également des raisons indirectes ou sous-jacentes comme la pauvreté, les politiques inappropriées ou les droits fonciers peu clairs.

Les systèmes forestiers ont toujours une forme intrinsèque de phases de succession et de variation naturelles, et les perturbations naturelles ou anthropiques n’entraînent donc pas nécessairement une dégradation de la forêt. La dégradation se produit lorsque la production d’un certain bien ou service forestier est bien au-dessous d’une valeur attendue et se trouve en-dehors de la variation naturelle naturellement prévue.

Bien qu’il soit difficile de la définir et de la mesurer, la dégradation des forêts est un problème grave. Elle a des répercussions négatives sur les écosystèmes forestiers et les biens ou services fournis par les forêts; elle est considérée, par exemple, une source significative d’émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à la terre. On estime que 27 pour cent des paysages forestiers du monde entier (près de 150 millions d’hectares) étaient dégradés en 2010.    

Il existe souvent une confusion entre la notion de déforestation et la notion de dégradation de la forêt. La déforestation est la perte à long terme de forêt, sans aucune garantie de renouvellement de la forêt à travers des mesures de régénération naturelle ou sylvicoles, qui se traduit par une diminution de la superficie forestière. La dégradation de la forêt n’implique pas une diminution de la superficie forestière mais plutôt une baisse qualitative de l’état de la forêt. La dégradation est souvent à l’origine de la déforestation à pleine échelle de la forêt, cependant, parce que les forêts dégradées sont plus facilement convertibles en terres agricoles. La figure 1 illustre le spectre de la dégradation des forêts ainsi que leur déforestation.

es forêts offrent un vaste éventail de services. Elles assurent, entre autres, la protection des sols contre l’érosion, la régulation du régime hydrique, la capture et le stockage du carbone, la production d’oxygène, la fourniture d’eau douce et d’habitats, la réduction des risques d’incendie (dans les tropiques), et la production de produits forestiers ligneux et non-ligneux. La dégradation des forêts, donc, a des répercussions négatives sur les millions de personnes qui tirent des avantages des services forestiers à l’échelle régionale ou mondiale. Plus particulièrement, en ce qui concerne les propriétaires forestiers et les aménagistes, la dégradation des forêts constitue une menace directe pour leurs moyens d’existences car elle réduit la productivité et la rentabilité des forêts, et qu’elle montre clairement l’existence de pratiques non durables dans les forêts qu’ils contrôlent.

On estime que plus de 200 millions d’hectares de terres forestières déboisées et dégradées dans le monde se prêteraient à une remise en état . En soumettant les zones dégradées à une gestion durable, on pourrait inverser la tendance à la dégradation, aider les paysages forestiers à se régénérer et restaurer les biens et services forestiers qui y sont associés. Cela permettrait non seulement de reconstituer la capacité productive et la diversité des ressources forestières et terrestres mais aussi d’en tirer des avantages économiques, sociaux et environnementaux, y compris en matière d’atténuation du changement climatique et d’adaptation à ses effets.

La dégradation est expressément mentionnée dans l’Objectif 15 (Vie terrestre) des Objectifs de développement durable pour 2020, ainsi que dans les Objectifs d’ensemble relatifs aux forêts de l’Instrument des Nations Unies sur les forêts, et les Objectifs d’Aichi pour la biodiversité de la Convention sur la diversité biologique.

L’accord relevant de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) pour réduire les émissions de GES provenant de la déforestation et de la dégradation des forêts (connu sous le nom de REDD+) est une source potentielle de mesures incitatives pour les pays en développement, qui pourrait être utilisée pour réduire la dégradation des forêts (et les émissions de GES qui en découlent) et pour rétablir les forêts ou améliorer leur gestion (renforçant ainsi la séquestration du carbone forestier).

La dégradation des forêts est un problème mondial qui devrait être abordé à tous les niveaux (local, sous-national, national et international).  Elle est souvent la conséquence d’une gestion non durable des forêts, d’une exploitation excessive des ressources forestières et de facteurs extérieurs à la superficie forestière spécifique gérée. La dégradation des forêts peut être considérée comme un signal pour nous avertir que la gestion durable des forêts (GDF) n’est pas atteinte.

Il est difficile de mettre en œuvre une GDF lorsque les conditions favorisant la gestion durable – c'est-à-dire, les politiques favorables, les régimes de gouvernance, les institutions, les mesures incitatives, les règlements, les droits fonciers, la transparence et la participation des parties prenantes – sont absentes. Les aménagistes des forêts et des terres peuvent plaider en faveur d’un environnement propice à la GDF et peuvent jouer un rôle central en enrayant et inversant la dégradation des forêts grâce à des mesures prises au niveau local.

Ce que les aménagistes peuvent faire de plus important est d’intégrer les principes de la GDF dans leurs modes de gestion, afin de garantir que les utilisations et les pratiques actuelles préservent et renforcent les valeurs économiques, sociales et environnementales des forêts indéfiniment tout en assurant des moyens d’existence appropriés.  Plus concrètement, les aménagistes devraient fixer et adopter des plans de gestion solides, tracer et respecter les limites d’exploitation, surveiller et repérer les signes de la dégradation forestière et ses répercussions sur l’environnement et prendre les mesures appropriées pour enrayer ou inverser cette dégradation – en sollicitant une aide et un soutien technique si nécessaire.

Dans les forêts soumises à une GDF, les aménagistes devraient contrôler régulièrement les effets des pratiques de gestion et déterminer si elles causent une dégradation de la forêt (voir le module Suivi de la gestion des forêts). La GDF est un procédé dynamique: les plans et les pratiques de gestion des forêts devraient être adaptés dans le temps en fonction du suivi et de l’évaluation, ainsi que de l’évolution des conditions économiques, sociales et environnementales (voir le module Le changement climatique: atténuation et adaptation).

Le meilleur moyen de lutter contre la dégradation des forêts est de suivre une stratégie globale visant ses facteurs directs et sous-jacents.   Le tableau ci-dessous donne des exemples de mesures techniques à prendre pouvant empêcher ou enrayer la dégradation des forêts.

Exemples d’effets indésirables entraînant la dégradation de la forêt

Exemples de mesures à prendre pour enrayer la dégradation de la forêt

Réduction de la productivité sur site

- Modifier la récolte annuelle durable

Capacités limitées de régénération après la coupe

- Mettre en place des pratiques pour aider les forêts à se rétablir après la récolte (par ex. régénération naturelle assistée, plantation d’enrichissement)

- Éviter de réduire la population d’aucune essence arborée à un niveau où l’auto-remplacement devient impossible (par ex. en préservant un nombre suffisant d’arbres semenciers)

- Modifier les pratiques d’exploitation pour éviter des nouvelles dégradations

Érosion des sols

- Réduire l’impact causé par l’exploitation forestière

- Utiliser le mulching pour améliorer les conditions des sols

- Prendre des mesures pour préserver et améliorer la croissance de la couverture végétale

Impact sur les populations fauniques

- Prendre des mesures pour réduire l’impact des activités d’exploitation sur la faune locale (en respectant les périodes de reproduction, par exemple)

- Maintenir la connectivité entre les paysages forestiers

- Mettre en œuvre un aménagement du territoire approprié

Présence de ravageurs

- S’assurer que les bonnes pratiques sont correctement appliquées (par ex. contrôle des chemins d’accès – voir le module Ravageurs forestiers)

Empiètement des forêts pour l’agriculture/le bétail

Les mesures suivantes pourraient dépasser le champ d’application des aménagistes, et requièrent la participation d’autres gestionnaires et acteurs:

- Aménagement du territoire

- Promotion de pratiques durables

- Promotion d’autres moyens d’existence

- Respect des lois, sensibilisation, renforcement des capacités

Le module Sylviculture dans les forêts naturelles fournit d’autres informations utiles sur ce point.

Lorsque la dégradation de la forêt est due à des causes naturelles comme les orages, les sècheresses, les ravageurs ou les incendies, les aménagistes devraient chercher à renforcer la résilience de la forêt afin que les peuplements soient mieux préparés aux événements futurs.  Ceci peut être fait de plusieurs façons, comme par exemple: en préservant la biodiversité à différentes échelles de la forêt (à l’échelle du peuplement, à l’échelle du paysage, à l’échelle de la région); en appliquant une gestion intégrée des incendies (particulièrement, la réduction des risques et le rétablissement); en appliquant une gestion intégrée des ravageurs; et en sélectionnant (dans les forêts plantées) les essences et les variétés arborées susceptibles d’être résilientes aux conditions futures prévues (voir le module Réponses forestières aux catastrophes).

Les aménagistes des forêts et des terres peuvent inverser la dégradation en rétablissant et en remettant en état les paysages forestiers (voir le module Restauration et remise en état des forêts), ainsi qu’en adoptant un aménagement du territoire adéquat.

Restauration et remise en état des forêts), ainsi qu’en adoptant un aménagement du territoire adéquat.

Pour que cela soit efficace pour la communauté et l’environnement, les hommes et les femmes aménagistes forestiers doivent prendre en compte la question de l’égalité des sexes. En effet, la dégradation des forêts a des répercussions différentes sur les hommes et sur les femmes. Dans les zones rurales, la vie des femmes dépend essentiellement de la nature car elles doivent maintenir leur famille en gérant et en utilisant les ressources naturelles (par ex. au niveau des ménages, les femmes sont les principaux fournisseurs de la nourriture, des combustibles et de l’eau pour cuisiner, se chauffer, boire et se laver). Les altérations du climat et de la biodiversité causées par la dégradation des forêts compromettent sérieusement les moyens de subsistance des femmes.

En évaluant l’état des forêts, et en planifiant un projet pour en inverser la dégradation, les aménagistes forestiers doivent tenir compte des besoins des femmes ainsi que du rôle qu’elles jouent comme actrices de l’atténuation. Lorsqu’elles sont formées et responsabilisées, les femmes peuvent lutter contre la dégradation des forêts. Elles ont un lien très étroit avec les forêts et les arbres, et elles sont en mesure de reconnaître les effets indésirables de la dégradation des forêts comme, par exemple, l’épuisement des sols, la diminution de la productivité et de la régénération, et la présence de ravageurs. Ces connaissances peuvent être appliquées en adoptant des mesures d’atténuation. Par exemple, le compostage des ordures ménagères permettra d’avoir des engrais pour enrichir les sols. Puisque les femmes connaissent les cycles de vie des arbres et des plantes, elles représentent une ressource inestimable pour l’aménagement du territoire, particulièrement en matière de récoltes durables, de conservation et d’entretien des semences.


Approfondissement

Les facteurs de la dégradation des forêts

Au niveau mondial, les activités les plus importantes à l’origine des perturbations et, à plus long terme, à l’origine de la dégradation des forêts sont:

  • l’exploitation forestière et l’extraction de bois d’œuvre non durables;
  • la collecte non durable de bois de feu;
  • la production non durable de charbon de bois;
  • le surpâturage dans les forêts;
  • les incendies non maîtrisés; et
  • la défaunation (la perte ou la réduction des espèces sauvages, ce qui pourrait avoir des conséquences écologiques graves sur le plan de la pollinisation des arbres, de la dispersion des graines et de la lutte contre les ravageurs).

Les facteurs sous-jacents correspondent aux interactions complexes de facteurs sociaux, économiques, politiques, technologiques et culturels qui influent sur les facteurs directs.  Parmi les nombreux facteurs sous-jacents citons: des politiques non solides; une gouvernance faible et l’absence d’application des lois; le manque de terres et l’allocation peu claire des droits; la pauvreté rurale; le manque d’investissements et de ressources financières; la croissance démographique et la migration; les conflits civils.

La différence entre les causes directes et les causes sous-jacentes, ainsi qu’entre les changements anthropiques et naturels, est moins évidente qu’il ne paraît de prime abord.  Les causes anthropiques et naturelles à l’origine de la dégradation sont souvent interdépendantes, et la dégradation n’est que le résultat final de liens de casualité longs et complexes.

Il est important de savoir si les forêts sont dégradées et, le cas échéant, d’en connaître les causes pour prendre les mesures nécessaires à enrayer et invertir le processus.

La collecte et l’analyse d’informations sur l’état des forêts et sur l’étendue de leur dégradation permettra de prioriser les ressources et les mesures à prendre pour éviter une nouvelle dégradation, s’attaquer aux causes fondamentales et rétablir ou restaurer les paysages forestiers dégradés. Cela aidera également les pays à respecter leurs engagements concernant la présentation de rapports au niveau international.

Il est, toutefois, difficile de quantifier l’ampleur du problème. Les différentes parties prenantes perçoivent la dégradation des forêts de manières différentes – la forêt qui sera dégradée pour une personne pourrait être le moyen d’existence d’une autre – et il peut être difficile de trouver une approche commune qui la définisse.  De nombreux critères sont appliqués comme la santé et la vitalité, la diversité des espèces, la capacité de production, la capacité de protection et la valeur esthétique; mais la pondération donnée à chaque critère influence la perception de la dégradation. Par exemple, une forêt plantée pourrait être considérée «dégradée» si l’on se fonde uniquement sur le critère de biodiversité.

La définition de dégradation devrait être liée aux objectifs de gestion forestière ainsi qu’aux buts poursuivis par la société – la «dégradation» est donc définie par la capacité de la forêt de produire les produits et les services demandés par les parties prenantes.

Un autre problème concernant le suivi de la dégradation est l’éventuelle difficulté de distinguer entre les variations naturelles et la dégradation. Il faut disposer d’un état de référence qui permette de comparer les changements survenus dans la forêt à une échelle temporelle précise. 

Les éléments thématiques de la GDF dénombrés dans l’Instrument de l’ONU concernant les forêts (et énumérés dans le tableau suivant) peuvent offrir un cadre approprié pour choisir les indicateurs de la dégradation de la forêt.

Éléments thématiques de la GDF

Exemples d’indicateurs de la dégradation forestière

1.   Étendue des ressources forestières

•  Baisse du pourcentage de couvert

2.   Diversité biologique des forêts

•  Niveau de fragmentation et densité du réseau routier

•  Composition et changements dans la composition des espèces (pour un type d’écosystème)

•  Existence ou changements des espèces clés (menacées, anciennes, chassées)

•  Existence ou changements, et niveau de présence des espèces envahissantes

•  Existence ou changements, et niveau de présence des abeilles pollinisatrices

3.   Santé et vitalité des forêts

•  Zones touchées par les ravageurs et les maladies

•  Zones frappées par les incendies

4.   Fonctions productives des ressources forestières

•  Nombre d’essences dont le bois a une valeur marchande

•  Nombre d’arbres exploitables

•  Capacité reproductive diminuée des espèces commerciales (nombre de taillis épuisés)

•  Distance moyenne parcourue pour collecter le bois de feu ou les produits forestiers non ligneux

•  Nombre de gibiers

5.   Fonctions de protection des ressources forestières

•  Érosion des sols (présence de rigoles ou ravines, et exposition des racines des plantes)

•  Quantité et qualité de l'eau

L’évaluation de l’état de dégradation de la forêt implique de sélectionner une échelle spatiale (mondiale, nationale, sous-nationale, paysagère/bassin versant, unité forestière d’aménagement ou peuplement/site), et une méthode d’évaluation. Ces aspects sont examinés plus loin.

L’évaluation de l’état de dégradation des forêts de chaque site ou UFA permet aux propriétaires et aux aménagistes de décider des mesures correctives à entreprendre à l’échelle locale.

Les aménagistes devront établir quels indicateurs de la dégradation mesurer pendant le contrôle régulier des forêts (voir le module Suivi de la gestion des forêts).   L’identification précoce des problèmes locaux permettra d’orienter la révision des programmes de gestion des forêts afin d’éviter de nouvelles dégradations, d’aborder les causes profondes de la dégradation, de prendre des mesures pour réparer les dégâts occasionnés et d’investir dans leur remise en état. 

Les aménagistes devraient donc garder à l’esprit que plusieurs indicateurs de la capacité d’une forêt à fournir des biens et des services changent dans le temps au sein d’un peuplement, sans que cela ne constitue une dégradation de la forêt.  Les fluctuations à court terme font partie des cycles naturels ou sont le résultat d’interventions planifiées par l’homme (voir la figure 1).

La dégradation des forêts est généralement évaluée à des échelles plus grandes pour faciliter la conception et la mise en œuvre des politiques et des programmes, y compris les mécanismes de paiement ou d’autres mesures incitatives propres à éviter la dégradation (paiements pour services environnementaux, par exemple).  Ce genre de suivi à très grande échelle est également utile pour l’établissement de rapports nationaux destinés à des instances internationales, comme les rapports sur les émissions de GES et la biodiversité.

Mesurer et contrôler la dégradation des forêts à l’échelle sous-nationale ou nationale est problématique, et cela peut être plus long et plus coûteux qu’évaluer la déforestation.  Une combinaison d’inventaires forestiers sur le terrain et de données obtenues par la télédétection fournira des estimations bien plus fiables.   La télédétection constitue, en effet, une solution rentable pour évaluer la dégradation grâce à l’utilisation d’indicateurs supplétifs comme le pourcentage de couvert arboré (une tendance décroissante supposera une dégradation). Des enquêtes de terrain spécifiques (par ex. observations biométriques de terrain, évaluations de la biodiversité, évaluations rurales rapides) peuvent aussi être menées dans des zones où la télédétection a détecté une dégradation afin d’avoir une connaissance plus nuancée des tendances de dégradation, de leurs causes et des solutions possibles.

La méthode de suivi la plus appropriée sera déterminée en fonction de paramètres comme le type de végétation, les évolutions climatiques ou de la dégradation (La dégradation survient-elle à petite ou à grande échelle? Est-elle concentrée ou dispersée?). Parfois, la dégradation sera le résultat direct de la gestion, et il se peut que l’on observe des différences dans l’état de la forêt d’une part et d’autre des limites des zones de gestion. Dans d’autres cas, en revanche, il sera plus utile d’observer les séries temporelles pour détecter les changements.

Dans certains pays, les systèmes nationaux de surveillance des forêts permettront également d’en suivre la dégradation, s’ils sont adaptés et élargis. 

Faire le suivi de la dégradation des forêts avec un degré de certitude élevé est à la fois long et coûteux; cette activité devrait être prise en considération dans le contexte de la REDD+, si la dégradation de la forêt est susceptible de contribuer largement aux émissions de GES.  Lorsque ce genre de suivi s’avère nécessaire, il faudra cibler les zones les plus exposées à la dégradation. 

Les estimations sur la dégradation pourraient s’avérer inexactes (avec des intervalles de confiance très larges) en raison du nombre élevé de variables et de la difficulté d’en mesurer un bon nombre. Même en disposant des meilleurs systèmes de mesure et de suivi, il sera peut-être difficile d’estimer les taux de dégradation d’année en année, raison pour laquelle il est conseillé d’utiliser une approche à long terme. 

Les sources de données de télédétection pouvant être utilisées pour surveiller la dégradation des forêts comprennent des méthodes optiques à niveau élevé de résolution spatiale (RapidEye) et des senseurs actifs comme les radars ou les lidars. 

La dégradation des forêts est un phénomène complexe fortement lié à la géographie: pour le comprendre, il faudra donc analyser les causes directes de même que les causes indirectes. Après avoir identifié l’échelle et les zones touchées par la dégradation, il sera utile de mener une évaluation exhaustive des facteurs de dégradation pour chaque zone.  Il est souhaitable que les parties prenantes clés associées aux facteurs de dégradation participent à ces évaluations et contribuent à analyser les données pour comprendre les dynamiques du changement.

La dégradation peut être – mais pas nécessairement – un précurseur de la déforestation. Les forêts pourront rester dégradées pendant longtemps sans jamais se déboiser complètement.  En outre, la dégradation peut être enrayée ou invertie en de nombreux points de la voie de dégradation (voir figure 1) grâce à des interventions de gestion forestière.  Dans de nombreux cas, toutefois, la dégradation de la forêt est un précurseur de la déforestation: par exemple, les zones de récolte sélective peuvent se déboiser en très peu d’années après la récolte en l’absence d’une GDF et en présence des pressions de la déforestation.

Les mesures et les stratégies s’attaquant aux facteurs de dégradation de la forêt devraient prendre en compte les possibles impacts sur la sécurité alimentaire, sur les moyens d’existence locaux et sur la lutte contre le changement climatique.  La priorité devrait être donnée à l’amélioration de la gouvernance; au renforcement de la transparence, des capacités et de l’application des lois; à la fourniture de droits fonciers solides et équitables; et à la lutte contre les activités illégales.

Les interventions devraient prendre en compte les facteurs directs et sous-jacents, ainsi que les différentes échelles (locales, nationales ou mondiales), et inclure un large éventail de mesures.  Les aménagistes sont principalement responsables des mesures au niveau local mais il sera utile de considérer la dégradation de la forêt à de plus grandes échelles.  Enfin, il ne faudra pas sous-estimer le temps requis pour concevoir les programmes s’attaquant aux facteurs de la dégradation et concilier les intérêts des nombreuses parties prenantes.

Facteurs de la dégradation

Mesures

Secteur

Prélèvement et exploitation non durable de produits forestiers ligneux et non-ligneux 

Promouvoir des pratiques durables de gestion dans les forêts de production, y compris: 

Au niveau local ou de l’UFA

•  Élaborer ou revoir les plans de GDF et leur mise en œuvre, dont également les rendements durables

•  Réduire les impacts de l’exploitation forestière

•  Certification

Au niveau sous-national ou national

•  Revoir les politiques en matière de concession, les plans de gestion et les pratiques d’exploitation

•  Mener des recherches, renforcer les capacités et piloter des expériences

•  Revoir les lois sur les forêts

Dialoguer avec les parties prenantes locales et passer des accords aux responsabilités mutuelles sur l’accès, l’utilisation des ressources forestières et le partage des avantages qui en découlent

 

Renforcer la gouvernance des forêts et l’application des lois (pour lutter contre l’exploitation illégale et la récolte illégale de produits forestiers non-ligneux; pour assurer le respect des quotas établis; pour garantir la légalité des importations et exportations) 

Renforcer et élargir les aires protégées, en considérant des pratiques de gestion conjointe des forêts

 


 

Encourager l’agroforesterie, le boisement et le reboisement pour répondre à la demande de matériaux de construction

 

Renforcer les régimes fonciers et les droits sur les forêts  

 

Collecte de bois de feu et production de charbon de bois non durables

Promouvoir des niveaux durables de collecte de bois de feu (sensibilisation, règlements locaux et application des lois) et d’efficacité de combustion (foyers et appareils de chauffage améliorés)

 

Promouvoir la production durable et efficiente de charbon de bois

 

Promouvoir l’agroforesterie, le boisement et le reboisement comme stratégies pour répondre à la demande de bois de feu et de charbon de bois

 

Évaluer et promouvoir d’autres combustibles (briquettes bio, par ex.) et de nouvelles sources d’énergie (solaire, biogaz)

 

Offrir aux communautés locales des mesures incitatives et de soutien pendant leur transition vers de nouvelles sources d’énergie

 

Pâturage et surpâturage de bétail

Promouvoir le pacage durable

Promouvoir les systèmes sylvopastoraux durables

 

Incendies de forêt

Promouvoir la gestion intégrée des incendies 

 

Ravageurs et maladies des forêts

Promouvoir la gestion intégrée des ravageurs forestiers

 

Catastrophes naturelles

Promouvoir les réponses forestières aux catastrophes (pour atténuer les impacts, éviter de nouvelles catastrophes et renforcer la résilience)

 


Les mesures devraient être choisies et hiérarchisées selon des critères convenus (par ex. objectifs, coûts estimés et potentiel de financement, capacités de mise en œuvre existantes) en consultant les parties prenantes locales.  Le processus de consultation peut être utilisé pour déterminer à quels facteurs s’attaquer en premier lieu, quelles sont les voies d’action les plus appropriées et pour quelle raison effectuer ces choix. 

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Simula, M. 2009. Towards defining forest degradation: comparative analysis of existing definitions. Forest Resources Assessment Working Paper 154. 

Ce module a été développé avec l'aimable collaboration des personnes et/ou institutions suivantes:

Initiateur(s): Maria Ruiz Villar - FAO, Département des forêts

Réviseur(s): Markku Simula

Ce module a été révisé en 2018 afin de renforcer la prise en compte des questions de genre.

Initiateur(s): Équipe Genre en foresterie

Réviseur(s): Maria Ruiz Villar - FAO, Département des forêts


Ressources

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