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RAPPORTS NATIONAUX (continuer)

HAUTE-VOLTA

Résumé

Le poisson frais, fumé et séché est importé du Mali, mais les pêches locales pourraient approvisionner le pays par une exploitation rationnelle des plans d'eau. Ceci résoudrait également les problémes locaux d'excès de main-d'oeuvre et de chômage. Le poisson est très apprécié par la population et la demande en est importante du fait de son prix plus accessible que celui de la viande. Il y a un marché potentiel de 5 millions de consommateurs pour le poisson, sous toutes ses formes. En vue d'un développement possible, il faut envisager l'adoption de réglementations adéquates, l'équipement des pêcheurs en matériel de pêche, embarcations, et leur regroupement en coopératives, ainsi que la création des services régionaux de la pêche.

Abstract

Fresh, smoked and dried fish are imported from Mali, although local fisheries could supply the country through a rational exploitation of the water bodies. This would also bring a solution to local problems such as excess of manpower or unemployment. Fish is highly apprecia by the population and is in great demand as its price is much lower than meat price. There is a potential fish and fish products market of five million consumers. For a possible development, the adoption of adequate regulations, the equipment (fishing gear, boats, etc.) of the fishermen and their pooling in cooperatives, and the establishment of regional fisheries services are indispensable.

1. INTRODUCTION

La pêche en Haute-Volta sur le plan économique joue un rôle très important que beaucoup de gens semblent ignorer, parce que d'abord la structure administrative des services responsables est encore à l'état embryonnaire. Il faut noter qu'une bonne partie de la population à vocation agricole ignore les techniques d'exploitation des plans d'eau et les possibilités naturelles du pays.

C'est ainsi que les missions d'experts étrangers en la matière s'accomplissent, certes bien, mais restent sans suite malgré les rapports objectifs qui semblent être classés sur le plan secondaire dans les projets de développement rural.

Pourtant il est bon de connaître les réalités naturelles de la Haute-Volta.

1.1 Présentation du réseau hydrographique de la Haute-Volta

Le territoire de la République de Haute-Volta, vaste de 274 000 km2, est sur le plan hydrographique réparti en 3 grands bassins principaux:

(a) Le Bassin des Volta

C'est le plus important de tous, il est situé en presque totalité sur un plateau d'altitude moyenne de 300 à 400 m et couvert de savane. Le climat de type soudanien (Sous-Préfecture de Gaoua au Sud) connaît une profonde dégradation au fur et à mesure que l'on progresse vers le Nord, tendant ainsi vers un type soudano-sahélien (Sous-Préfectures de Kaya et de Ouahigouya). Le fleuve Volta avec ses 1 700 km de longueur est le système hydrographique le plus important de la boucle du Niger. Sur son long parcours il se divise en quatre branches dont trois portent le nom de Volta:

(b) Le Bassin de la Comoé

La Comoé est un fleuve qui prend sa source au Sud de Bobo-Dioulasso dans les falaises gréseuses de Banfora, et qui s'écoule directement vers le Sud. Seule la partie supérieure de son cours d'eau se trouve en Haute-Volta dans une zone de savane boisée et bien arrosée, où la moyenne des pluies est de 1 250 mm. Le Bassin versant culmine vers 700 m mais s'abaisse rapidement, d'où une série de rapides et de chutes telles que celles de la Comoé, sur la route de Banfora, un peu après Toussiana et celles au nord-ouest de Banfora.

La Comoé communique également avec des mares permanentes plus ou moins vastes, situées au bas de la falaise de Banfora, dans une ouvette à fond marécageux et parmi lesquelles on peut citer le “Lac de Tingrela”. La plus grande partie du cours de la Comoé se déroule en Côte-d'Ivoire et se termine dans le Golfe de Guinée à une cinquantaine de kilomètres à l'est d'Abidjan. Elle reçoit comme affluent la Léraba.

(c) Le Bassin du Niger

Au bassin du Niger supérieur se rattachent quelques petits ruisseaux.

L'écoulement des eaux de toute la partie Nord-Est de la Haute-Volta se fait vers le Niger inférieur. Cette partie du territoire est peu arrosée. Dori ne reçoit que 480 mm et Fada 805 mm. Le fleuve Niger entoure le territoire de la Haute-Volta comme une boucle et plusieurs de ses affluents y ont leur source: à l'Ouest, le Bani qui rejoint le Niger à Mopti, a comme affluent de la rive droite le N'Gorokola qui prend sa source dans la région de N'Dorola et sert de limite territoriale entre la Haute-Volta et le Mali avec son affluent le Groumbo. Il baigne une région riche en poissons, dont les captures sont acheminées vers le marché de Bobo-Dioulasso.

A l'Est, les principaux affluents de la rive droite du Niger ont leur source et une grande partie de leur parcours en Haute-Volta: le Gorouol et son affluent le Béli, le Dargol, le Gorbi, la Tapoa.

Il est vrai que ces affluents n'ont pas à présent des eaux pérennes main ils forment des mares importantes dont certaines gardent l'eau toute l'année. Si l'on ajoute que les retenues d'eau se multiplient dans cette région, bien des espèces vont y trouver refuge.

1.2 Faune piscicole des plans d'eau

La Haute-Volta est un carrefour ichtyologique. Elle possède à la fois les espèces communes aux trois bassins fluviaux précités:

La faune ichtyologique des hauts-bassins de la Volta révèlent la présence de 122 espèces ou sous-espèces après la découverte des dernières espèces par le Chercheur B. Roman. Elle est la plus abondante comparativement à celles du Niger et du Sénégal.

Dans le Bassin du Niger dont la faune ichtyologique a été depuis longtemps l'objet des recherches du Professeur Daget en 1954 (les poissons du Niger), Daget et Stauch en 1963 (mélanges ichtyologiques), Blache en 1964, ont décrit près de 157 espèces pour la Bénoué seule.

De tous ces 3 bassins celui de la Comoé est le moins riche en faune ichtyologique. Ce fleuve au régime hydrographique guinéen coule en majeure partie sur le territoire ivoirien.

L'observation de la faune ichtyologique de ces trois bassins montre la Volta comme “passe à poissons” entre les 2 bassins du Niger (Niger supérieur et moyen).

2. PLACE DE LA PECHE EN GENERAL DANS L'ECONOMIE NATIONALE VOLTAIQUE

La balance commerciale voltaïque souffre beaucoup des importations de tous genres et principalement des produits alimentaires si l'on tient compte des possibilités naturelles.

En 1972 l'importation contrôlée du poisson frais, séché ou fumé se chiffre à CFA.F. 136 641 500 pour le poisson fumé et séché en provenance du Mali (poissons d'eau douce) et CFA.F. 5 800 000 pour le poisson frais marin.

Il est à noter que les résultats du contrôle ne représentent qu'une part infime de la réalité puisqu'il ne peut se faire à tous les niveaux.

La pêche voltaïque pourrait bien subvenir aux besoins de son pays si une exploitation rationnelle des plans d'eau avait pu être organisée.

Cette organisaton, si elle avait pu avoir lieu contribuerait certainement à résoudre certains problèmes sociaux du pays tels que l'excès de la main-d'oeuvre ou chômage.

Ces quelques données statistiques peuvent donner matière à réflexion à tout voltaïque soucieux du sort de la masse rurale. L'estimation du revenu moyen d'un pêcheur professionnel qui se consacre uniquement à la pêche et ayant le minimum de matériel nécessaire atteint un minimum de CFA.F. 260 000, revenu inimaginable pour un cultivateur, même aisé. Certains cultivateurs éprouvent même beaucoup de difficultés à payer leur impôt forfaitaire.

3. LA PLACE DE LA PECHE DANS L'ECONOMIE DES REGIONS DU SAHEL

3.1 Les centres de pêche et leur possibilité de production

Le Sahel voltaïque possède, contrairement à ce qu'on aurait pensé, des centres de pêche importants.

A l'orée de cette zone sahélienne, on distingue dans le Département du Centre Nord les lacs naturels de Bam (Kongoussi), de Dem (18 km à l'ouest de Kaya); ces lacs naturels sont les pôles d'attraction de pêcheurs de toutes catégories. Le Centre de Dem ravitaille en poisson le Centre urbain de Kaya et ses alentours.

Celui de Bam, nettement plus grand, ravitaille Kongoussi et souvent Ouagadougou malgré les difficultés d'acheminement. Ce dernier lac natural connaît comme celui de Dem une forte production. En temps d'inondation il atteint une longueur de 40 km.

La Volta Blanche dans son parcours coupe la route nationale no 3 à environ 55 km de Ouagadougou dans la forêt de Nakanbé créant un centre de pêche aux méthodes traditionnelles.

Le Béli dans le Département du Sahel représente le salut des régions de Tin-Akoff, Gorom-Gorom et Markoye.

Les productions de pêches de cet affluent du Gorouol sont même l'objet de la convoitise des pêcheurs Bozos et Haoussas venant des territoires voisins. Il y a quelquefois des évacuations de poissons fumés du Béli sur Ouagadougou. Toute la région du Liptako est ravitaillée de ses poissons fumés. La faiblesse de la structure administrative du service des pêches ne nous permet pas d'avancer de chiffres de la production.

Les lacs artificiels qui jouent des rôles multiples dans le Sahel ont une forte productivité grâce à l'apport d'engrais organique par les animaux convergeant de tous les horizons pour s'y désaltérer. Nul n'ignore l'importance du cheptel septentrional. Il en découle une politique rurale favorable à son développement par la création de grands lacs artificiels là où les conditions sont favorables. Cette politique favorise aussi la vie du poisson qui y trouve refuge et nourriture.

On peut retenir les grands barrages de Louda (à 10 km de Kaya), de Siam (dans la même région), de Yalogo (100 km de Kaya sur l'axe Kaya-Dori), et de Tougouri, de Bogandé, de Yiga (Dori).

Dans la région de Ouahigouya on peut citer les centres de pêches de Toumani, Gouran, Tougo, Yayo, Yaram et Niou qui malgré les techniques artisanales peu avancées et le souséquipement donnent une production contrôlée d'environ 12 tonnes (1971) malgré les effets de la sécheresse. Ce chiffre exclut la production des centres de Yaro et Saran qui est restée ignorée.

Le Centre de Lanfiera et de Yaran appartiennent à la Volta Noire (Tougan) dont la production contribuerait de façon significative à l'amélioration du régime alimentaire des populations du Sahel.

3.2 L'appréciation des produits de la pêche et leur rôle irremplaçable dans l'alimentation

La viande de poisson est une protéine animale recherchée de par ses diverses qualités, surtout le poisson d'eau douce a un excellent goût reconnu de toutes les populations. Il flatte l'appétit et son ingestion en trop grande quantité n'entraîne aucun inconvénient remarquable et sa digestion est facile.

Il faut reconnaître le prix assez intéressant du poisson. L'éleveur sahélien préfère acheter le poisson séché ou fumé à n'importe quel prix que de faire abattre un boeuf, même malade. Le poisson devient comme le lait, l'une des principales sources de protéine alimentaire. L'inconvénient est que l'éleveur n'acceptera jamais de risquer d'entrer dans l'eau pour pêcher. Seul le poisson peut alors répondre à certaines de ses insuffisances alimentaires.

3.3 Le marché potentiel et la croissance démographique

Le marché potentiel voltaïque pour le poisson sous toutes ses formes est très étendu. La Haute-Volta compte 95 pour cent de sa population appartenant au monde rural (et surtout à l'agriculture).

La majorité sinon la totalité de cette catégorie de personnes n'a pas un revenu suffisant pour s'acheter les aliments de luxe que représentent les protéines et particulièrement la viande. On a donc tendance ou on est presque obligé de s'adresser au poisson. On peut compter plus de cinq millions de Voltaïques comme marché potentiel de poisson car il est recherché et son prix leur est accessible.

Par ailleurs le rythme de croissance démographique voltaïque atteint actuellement 2 pour cent. Ce qui est élevé et dangereux pour un pays incapable de trouver suffisamment sur son territoire les denrées de première nécessité.

Que nous réserve alors l'avenir?

La première réaction du Gouvernement face à cette situation serait une politique de mise en valeur de nos terres cultivables et la lutte contre la désertification. La pratique du système d'élevage par transhumance et les cultures itinérantes perdront leur place dans l'avenir. Les plans d'eau permanents se multipliant, la pêche s'implantera comme moyen lucratif. Cette main-d'oeuvre en abondance qui s'exile vers les pays voisins, peut être éduqué dans le sens de l'exploitation rationnelle de nos plans d'eau.

4. LES PRINCIPAUX OBSTACLES AU DEVELOPPEMENT

4.1 Le manque de réglementation

Le manque de réglementation en matière de pêche et pisciculture est un obstacle sérieux à toute tentative de mise en valeur rationnelle de notre patrimoine forestier. Il est bien évident que l'institution d'une réglementation en matière de pêche rencontrera d'une part l'opposition des grands exploitants, et d'autre part les coutumes.

Il est pourtant nécessaire à une nation d'avoir quelques principes de travail, c'est-àdire une domaine public et une gestion rationnelle de ce domaine public.

L'exploitation anarchique de ressources limitées exclut toute idée d'économie ou de rendement, et tout effort entrepris ou à entreprendre est ou serait par conséquent inutile. Des initiatives heureuses de mise en valeur piscicole des vallées aval de certaines retenues posent des problèmes, parce qu'il y a des exploitants privés déjà installés. L'Etat n'a aucune propriété foncière ni aucune pression sur les particuliers. Le domaine de l'Etat reste à définir.

Un projet d'ordonnance sur l'organisation et la réglementation de la pêche en Haute-Volta a été mis sur pied par un expert de la FAO. Il mérite d'être pris en considération pour l'intérêt public. Il est même important d'ajouter un article concernant les échanges internationaux de poissons vivants, en ce sens que l'introduction de nouvelles espèces pourrait influencer sérieusement la vie des autres espèces préexistantes.

Effectivement aucune importation ni exportation de poissons vivants ne doit se faire sans avoir reçu au préalable une autorisation des Services Forestiers.

4.2 Les coutumes et les tabous

On distingue selon les régions, à travers le territoire national des coutumes différentes.

Dans certaines régions, il est par exemple interdit de consommer certaines espèces de poissons pour des motivations non scientifiques.

Dans d'autres régions, les Chefs coutumiers, se prétendant les propriétaires incontestés, n'autorisent l'exploitation des plans d'eau qu'à leurs sujets ou à une certaine catégorie d'individus qui leur versent des redevances.

Certains plans d'eau dits sacrés ne peuvent même pas être exploités. Personne ne peut y mettre pied, sous peine de sanctions.

4.3 Le manque d'équipement des pêcheurs voltaïques et leurs techniques traditionnelles

Les pêcheurs voltaïques disposent de matériel très sommaire, parce que leur pouvoir d'achat, il faut le reconnaître, est très faible. La plupart d'entre eux n'ont aucune embarcation pour l'exercice de leur métier, les articles de pêche coûtent excessivement cher, et les pêcheurs sont souvent obligés, pour ceux qui ont des moyens, de se rendre dans les pays voisins pour se ravitailler, au prix de mille difficultés. La création de centres de ravitaillement nationaux est un devoir urgent, afin de permettre l'adaptation des techniques nouvelles et l'amélioration de la productivité (méthodes techniques de fumage, d'utilisation de certains engins, etc.).

4.4 Le manque d'encadrement et de regroupement des pêcheurs professionnels en coopérative

L'encadrement des pêcheurs voltaïques est un devoir auquel le Service des Pêches ne peut se soustraire.

Effectivement c'est par l'encadrement technique poussée et l'intégration des agents vulgarisateurs en milieu paysan, qu'ils peuvent le sensibiliser et faire de paysans des pêcheurs professionnels.

Tout le monde reconnaît au paysan voltaïque la traditionnelle vocation de cultivateur et le sens aigü des coutumes. Ce respect religieux des coutumes dans le milieu rural a instauré des interdits et des tabous qui ont force de loi, et la formation d'agents de vulgarisation doit tenir compte des régions et même essayer de concilier de manière urgente réglementation et coutumes.

Par ailleurs, il est aussi nécessaire sinon indispensable, de différencier le rôle des agents de répression des agents de vulgarisation. Un même agent aux yeux des pêcheurs, ne peut pas à la fois être juge et partie:

La fonction d'agent de répression est incompatible avec celle d'agent d'encadrement et de vulgarisation.

Le développement des pêches voltaïques ne peut se faire sans organisation. La oréation de coopératives de pêche dans les différents centres est nécessaire. Cela permettra le regroupement des pêcheurs pleins de bonne volonté et facilitera dans un proche avenir les subventions ou prêts de matériels d'équipement de pêche et les opérations statistiques.

4.5 Le manque de moyens de transport et de conditionnement des produits de la pêche

Le manque de moyens de transport vers les gros consommateurs que représentent les citadins est l'un des handicaps sérieux au rendement du pêcheur. Le pêcheur des centres de pêche serait plus poussé à produire, si la vente lui rapportait beaucoup plus de bénéfice par une liquidation rapide et à un prix attendu.

Il se trouve que le consommateur est éloigné et il arrive au pêcheur de garder un stock important périssable. Il a alors recours aux techniques sommaires traditionnelles de fumage, dont les produits ne se prêtent pas à une conservation de durée souhaitée. Il en résulte souvent une perte considérable de la valeur de l'ordre de 30 pour cent des produits de la pêche, si la consommation n'est pas à court terme.

5. PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENT POSSIBLES ET LEUR RENTABILITE ECONOMIQUE; LES OPERATIONS A ENVISAGER

Ces services régionaux seront basés dans les chefs-lieux des départements et supervisés par les responsables forestiers de la localité. Ceux-ci pourront coordonner les activités des centres de pêche encadrés par les moniteurs de pêche, en attendant la formation du personnel -pêche. Une fois le personnel-pêche formé, son rôle consistera essentiellement à l'encadrement des pêcheurs et à la vulgarisation des techniques nouvelles. La répression restera un domaine séparé appartenant aux autres agents forestiers.

La réalité reste telle que nul ne peut connaître à fond les problèmes voltaïques mieux que les voltaïques.

Le service des pêches qui vit à l'état embryonnaire nécessite une dotation de matériel de travail et une structure administrative distincte.

La technique évolue à un rythme sans cesse accéleré et le service des pêches doit entretenir des rapports étroits avec l'extérieur.

MALI

Résumé

La production annuelle de poisson du Mali dépasse 100 000 tonnes. Environ 200 000 personnes contribuent à la production et à la commercialisation. Mopti est le principal centre de récolte et de commercialisation. La sécheresse a sérieusement fait baisser la production et il y a des signes inquiétants de surexploitation. La plupart des produits de la pêche sont commercialisés sous forme de poisson séché et fumé. Le poisson fournit le tiers des protéines animales du pays avec une consommation de 14,1 kg/personne/an. L'essor démographique prévu augmentera la demande de poisson de 30 pour cent en 1980. Il est nécessaire de mettre sur pied un cycle opérationnel optimal pour la production, la conservation, la distribution et la vente des produits de la pêche. Pour promouvoir le développement harmonieux de la pêche le Mali a créé un organisme technique “Opération Pêche” doté d'une autonomie financière et de gestion.

Abstract

In Mali, fish production is over 100 000 tons per annum. About 200 000 persons are involved in fish production and marketing. Mopti is the main fisheries terminal and trade centre. The present drought has impaired fish production and evidence of overfishing has appeared. Most of the fishery products are dried and smoked. Fish provides one third of the intake of animal protein in the country where the average consumption is 14.1 kg/person/year. The forecast increase of the population will raise fish demand by 30 percent in 1980. It is necessary to design and implement an optimal cycle for production, preservation, distribution and sale of the fishery products. For a balanced development of the fishery industries, the Government has established a technical body “Opération Pêche” (Fishery Operation).

1. INTRODUCTION

La pêche constitue á la fois une des principales activités de l'économie malienne et un poste très important du commerce extérieur représentant près de 8 pour cent de la valeur totale des exportations (4ème poste des exportations après le coton, l'élevage et l'arachide). Elle a un caractère saisonnier au Mali avec une période de basses eaux où la pêche est très active et une période de hautes eaux où l'importance de la pêche est faible.

La production annuelle dépasse 100 000 tonnes de poisson frais soit le 1/10 de la production africaine classant ainsi le Mali parmi les premiers producteurs de poisson de la zone sahélienne.

Le Sahel en effet possède la particularité d'être traversé par les grands fleuves et de border des lacs importants, ce qui crée en son sein des écosystèmes d'étendue limitée mais à haute productivité.

Pourquoi donc cette importance de la pêche au Mali? On la doit essentiellement à l'existence d'un vaste delta intérieur avec ses grandes plaines d'inondation d'une productivité considérable comprenant le Niger, son affluent principal le Bani, de nombreux affluents secondaires et la région des lacs que les crues saisonnières transforment chaque année en un système hydrographique complexe.

Le développement de la pêche au Mali a bénéficié depuis ces dernières années de nombreux travaux dont notamment ceux de J. Daget sur la systématique des poissons du Niger supérieur, des études monographiques de certaines espèces de poissons et de nombreux articles sur les différents aspects de la pêche, les travaux des différents experts de la FAO et en particulier ceux de A. Szabo sur la technologie du poisson et sa préservation contre l'infestation, les travaux de D. Charbonnier et de R. Cheminault sur le traitement et la commercialisation du poisson pêché dans le delta central du Niger et la région des lacs, et enfin l'intervention de la Propesca Société Européenne chargée par le Gouvernement malien de la réalisation du projet actuel de développement de la pêche au Mali qui vient de résoudre le problème crucial de l'infestation du poisson.

2. BASSIN DU FLEUVE NIGER

Le bassin du fleuve Niger couvre une superficie de 1 125 000 km2. Il est drainé par deux fleuves principaux: le Niger d'une longueur totale de 4 183 km, la Benué d'une longueur de 1 400 km et de plusieurs affluents importants dont le Bani, le Bagoué, le Baoulé, le Mayo Kebbi, le Diaka, etc. Le fleuve Niger traverse huit pays dont la Guinée, le Mali, le Niger, le Nigeria et certaines de ses affluents proviennent de la Haute Volta, de la Côte-d'Ivoire, du Dahomey et du Cameroun.

Il s'étend sur une grande portion de la zone sahélienne qui a enregistré pendant ces quatre dernières années un déficit pluviométrique progressif par rapport à la pluviosité normale. En raison de la faiblesse des précipitations limitées à une courte saison et de l'évapotranspiration potentielle élevée, le système écologique est très fragile.

Le module moyen du fleuve est de 1 545 m3/s avant le barrage des Sansanding au Mali, il tombe à 1 360 m3/s après les prélèvements de l'Office du Niger. La date des hautes eaux se situe en fin septembre/début octobre et avec l'apport du Bani c'est un total de 70 milliards de m3 qui sont déversés dans le delta intérieur soit un débit de 2 000 m3/s. On estime la perte annuelle due à l'évapotranspiration à 3 487,2 mm à Kara et à 4 687,9 mm à Niafunké.

Le Niger et son affluent principal le Bani sont tombés au niveau le plus bas depuis le début du siècle. Leur niveau minima pendant le mois de juin 1974 a diminué de 80 pour cent depuis le début de la sécheresse marquée par une diminution progressive des eaux freinant la reproduction et la croissance du poisson par un rétrecissement des superficies inondables.

Le niveau trophique des espèces est réglé par le jeu cyclique des inondations qui ramènent dans le lit du fleuve des quantités importantes de biomasses animales et végétales nécessaires à la croissance du poisson. Dans ces écosystèmes la productivité est liée à l'abondance de la nourriture qui influe sur la capacité biogénique du milieu.

Il en est résulté donc pendant la sécheresse un déséquilibre trophique et spatial qui ont sérieusement perturbé la biologie des poissons.

3. SITUATION ACTUELLE DE LA PECHE AU MALI

La pêche au Mali est concentrée principalement dans le delta central et principalement dans la région des lacs et intéresse par les revenus auxquels elle donne naissance aux stades de la production et de la commercialisation plus de 200 000 personnes. Elle a bénéficié depuis quelques années d'une organisation rationnelle tant du point de vue des moyens de pêche que de la commercialisation.

La ville de Mopti située au coeur du delta central nigérien constitue avec ses grands entrepôts le principal port de pêche du Mali et le point de départ d'un trafic interafricain de poisson séché et fumé.

L'importance des prises n'est pas connue avec précision; on estime qu'elles dépassent 100 000 tonnes de poisson/an dont 90 pour cent sont commercialisées sous forme de poisson séché et fumé. Sous ces deux formes la production alimente outre l'autoconsommation des familles pêcheurs et la commercialisation intérieure mais aussi un fort courant d'exportation à destination de la Haute Volta, du Ghana et de la Côte-d'Ivoire.

On a assisté au cours de la dernière décennie à un gaspillage intolérable des ressources au niveau de la production de la transformation et de la commercialisation.

Au niveau de la production il est essentiel de lutter contre le gaspillage par l'application d'une législation adaptée à l'exploitation de nos pêcheries. La législation pêche doit être conçue comme un instrument de développement et comme moyen permettant d'assurer l'utilisation rationnelle des ressources afin d'améliorer la condition sociale des pêcheurs.

Au niveau de la transformation et de la commercialisation le poisson subit des dégâts et des pertes considérables qui sont le fait d'insectes ichtyophages et principalement les Dermestes. Ces pertes représentent selon les experts FAO environ 30 à 40 pour cent de la production, ce qui nécessite une amélioration des techniques traditionnelles. Il est nécessaire de mettre sur pied un cycle opérationnel optimal pour la production, la conservation, la distribution et la vente des produits de la pêche.

Le poisson malien subit parallèlement la concurrence active du poisson de mer. C'est donc, afin de lutter contre cette concurrence et de maintenir les débouchés traditionnels que le Gouvernement malien a élaboré un vaste programme de modernisation de la pêche.

Aujourd'hui avec la modernisation des pratiques de pêche liée au grave probléme de la sécheresse, la production a beaucoup diminué avec des signes inquiétants de surexploitation. En effet on assiste depuis quatre ans à une chute brutale des exportations maliennes et à une stabilisation du commerce intérieur.

Selon les statistiques du secteur pêche, les quantités de poisson séché et fumé expédiées à partir de Mopti, principal centre de commercialisation, ont été les suivantes pendant ces cinq dernières années.

Cependant la demande globale du poisson étant en augmentation régulière et le poisson de Mopti bénéficiant de qualités spécifiques particulièrement appréciées dans la préparation de l'alimentation africaine, il ne manque pas de facteurs favorables permettant d'escompter un développement intéressant des exportations.

AnnéesCommerce intérieurCommerce extérieurTotal
19695 1985 92511 123
19705 9385 14611 084
19714 9753 868  8 843
19724 9652 860  7 825
19733 7191 504  5 223

Les potentialités de la pêche méritent la sollicitude des pouvoirs publics pour que des moyens suffisants soient accordés aux responsables de ce secteur d'activité qui devront faire de gros efforts pour améliorer le traitement, développer la commercialisation du poisson frais, perfectionner les techniques, étudier la productivité des eaux continentales.

4. PRODUCTEURS

Au Mali les pêcheries sont exploitées par des collectivités familiales qui monopolisent pratiquement la pêche dans le delta central et la région des lacs. Le nombre de pêcheurs recensés est de 80 000 personnes appartenant essentiellement à la race Bozo ou Somono.

Le caractère saisonnier des pêches entraîne le nomadisme des pêcheurs qui établissent leurs campements de pêche le long des berges du Niger ou sur une de ses nombreuses émergences pendant les basses eaux de mars à juin, période où la densité du poisson est la plus grande, et rentrent dans leur village lors des crues.

Les pêcheurs constituent une réalité sociale bien structurée qui disposent de connaissances insoupçonnées de leur milieu physique et des moyens traditionnels à leur portée pour maintenir ce milieu de production. Il est reconnu que le pêcheur malien est très attaché à sa profession, qu'il l'exerce avec une sorte de passion et que cette école de la pêche en a fait un être fier de ses acquisitions doué d'un dynamisme et prêt à s'ouvrir aux techniques nouvelles.

5. MOYENS DE PRODUCTION

Les pêcheurs possèdent une grande variété d'engins de pêche allant de la senne à l'épervier, du filet maillant et dérivant à la ligne. Les grandes pêches saisonnières dans les marigots et les mares se font à l'aide des barrages. Le pêcheur professionnel construit généralement lui-même sa propre pirogue faite de planches clouées de cailcédrat (Kaya senegalensis) de 10 à 12 m de long pour la pêche et de 30 m de long pour le transport. Le nombre total de pirogues recensées est de 9 000 dont la plupart d'entre elles sont équipées de moteurs horsbord et peuvent transporter jusqu'à 20 tonnes. L'emploi des moteurs est limité en raison de leur mauvais entretien et du manque des pièces de rechange.

La pirogue constitue en effet la base de l'activité halieutique traditionnelle. Pour longtemps encore la pêche piroguière représentera l'aspect le plus rentable et le plus efficace de la pêche fluviale au Mali. Elle est adaptée à l'économie actuelle et convient au milieu qui se rétrécit pendant la période favorable des captures.

6. PRODUCTION

Tout effort de développement doit tendre en définitive vers une augmentation de la production en vue de satisfaire un marché dont le rôle est d'améliorer l'alimentation. La complexité, la mobilité et l'ampleur des pêcheries rendent difficile un dénombrement précis des prises. On estime cependant que la production malienne totale de poisson varie entre 70 000 et 120 000 tonnes par an. Cette production est calculée suivant le tonnage exporté augmenté du tonnage consommé localement. J. Daget estime la production globale du bassin du fleuve Niger à 128 000 tonnes qui se répartissent comme suit:

 Tonnes
Guinée  3 600
Mali90 000
Niger  5 200
Dahomey  1 200
Nigeria25 000
Cameroun  3 000

Dans sa totalité le tonnage pêché place la pêche dans le bassin du Niger parmi les plus productives de l'Afrique soit le ⅓ de la production globale des pêcheries fluviales. Les fluctuations quasi générales des captures le long du Niger sont à attribuer dans une certaine mesure à l'hydraulicité qui a été déficitaire pendant ces quatre dernières années.

7. TRANSFORMATION ET COMMERCIALISATION

La majeure partie des produits de la pêche est livrée à la commercialisation sous forme de poisson séché et fumé. Les opérations de capture sont effectuées par les hommes, alors que la préparation par contre du poisson incombe aux femmes et se déroule dans le cadre familial.

Environ ⅓ des captures est consommé à l'état frais soit par les pêcheurs et leurs familles soit dans un rayon de 50 km à partir des lieux de capture.

Le poisson préparé dans les campements est transporté à Mopti soit par des commerçants ramasseurs, soit par les pêcheurs eux-mêmes. Pris en charge par les grossistes le poisson est transporté dans les magasins et stocké. La durée du stockage très variable atteint en général plusieurs semaines au cours desquelles l'action destructrice des insectes se poursuit.

Le poisson est vendu enfin à un commerçant exportateur qui après triage, fait procéder à l'emballage et effectue les expéditions dans les pays limitrophes ou à l'intérieur du pays. La commercialisation donne lieu aux différents stades à la perception de taxes diverses.

 Mal.F. la tonne
taxe d'accostage     200
taxe sanitaire     300
taxe à l'exportation41 000
taxe municipale  1 000

Les prix pratiqués aux divers stades de la commercialisation varient selon l'époque de l'année et les disponibilités du marché, selon l'espèce concernée et son mode de préparation. L'importance des marges prélevées par les intermédiaires fait que les pêcheurs ne perçoivent finalement qu'une part modeste de la valeur finale de la production.

8. PLACE DE LA PECHE DANS L'ECONOMIE NATIONALE

L'industrie de la pêche a toujours occupé une place très importante dans le commerce extérieur du Mali. On a enregistré cependant durant ces cinq dernières années une chute brutale de la valeur des exportations.

AnnéesCommerce intérieur
(tonnes)
Valeur
(milliers frais)
Commerce extérieur
(tonnes)
Valeur
(milliers frais)
Valeurs totales
19695 1981 039 6005 9251 481 2502 520 850
19705 9381 336 0505 1461 415 1502 751 200
19714 9751 243 7503 8681 160 4002 404 150
19724 9651 365 3752 8601 144 0002 509 375
19733 7191 301 6501 504   837 0002 138 650

Dans l'évaluation du produit intérieur brut (PIB) la part de la pêche estimée en 1972 dernière année où les comptes économiques sont disponibles à Mal.F. 4,1 milliards pour un total de Mal.F. 154,6 milliards soit 2,6 pour cent.

Le poisson représente une part importante quoique limitée du point de vue géographique des ressources alimentaires du Mali. Si dans de nombreuses régions notamment à Bamako le poisson est une denrée rare et coûteuse, il assure à l'échelle nationale environ ⅓ de l'apport des protéines animales. Dans le delta central du Niger et plus particulièrement à Mopti la consommation du poisson se situe bien au-dessus de la moyenne nationale qui est de 14,1 kg/personne/an.

9. PERSPECTIVES DE DEVELOPPEMENT

L'industrie des pêches a pris et prendra une importance de plus en plus considérable dans l'économie de la majorité des pays sahéliens et le rôle des gouvernements de ces pays est de favoriser l'expansion harmonieuse de cette industrie dans tous les domaines suivant les besoins de la consommation locale et les possibilités d'exportation. On prévoit à court terme une augmentation marginale de la consommation nationale du poisson par habitant au Mali. L'essor démographique prévu entraînera probablement en 1980 un accroissement d'environ 30 pour cent de la demande du poisson par rapport au niveau actuel.

Pour réaliser ce développement harmonieux de l'industrie des pêches, les gouvernements ont créé des services administratifs chargés de l'organisation et de la planification des pêches.

C'est ainsi qu'en République du Mali fut créé un organisme technique dénommé Opération Pêche dotée d'une autonomie financière et de gestion chargé de promouvoir le développement de la pêche.

Ses attributions principales sont les suivantes:

  1. l'augmentation par tous les moyens de la production piscicole

  2. l'amélioration des techniques traditionnelles de conservation poisson notamment le séchage et le fumage

  3. la lutte contre l'infestation du poisson

  4. l'organisation et la gestion des marchés de poisson

  5. la transformation du poisson et sa commercialisation sous diverses formes

  6. la promotion et l'animation des collectivités pêcheurs en collaboration avec les services de la coopération.

La zone d'intervention couvre la totalité du bassin du Niger située entre la 4° et la 6° région soit une longueur totale de 1 258 km. La mise en oeuvre du projet actuel sur le développement de la pêche au Mali financé sur les ressources du Fonds Européen de Développement (FED) a permis la mise en place de toute une infrastructure de bâtiments dans toute la zone d'intervention et particulièrement la modernisation du Port de Mopti avec ses entrepôts, un centre de désinsectisation du poisson, un marché de poisson frais, un chantier naval, un atelier pour l'entretien des moteurs hors-bord, une infirmerie pour l'assistance sanitaire aux pêcheurs, une usine équipée d'un complexe de congélation pour la commercialisation du poisson frais, un forage pour l'approvisionnement en eau du port de pêche, et surtout le démarrage des activités de vulgarisation dans les campements des pêcheurs.

Bien que les ressources halieutiques du Mali n'aient pas été pleinement évaluées, il y a des raisons de croire que les plaines d'inondation qui s'étendent sur plus de 2 500 000 ha pendant la saison des pluies pour former l'une des plus vastes superficies d'alimentation et de reproduction piscicoles de l'Afrique offre des possibilités certaines d'expansion. Sans augmenter la production halieutique elle-même, les ressources disponibles pour le marché intérieur et pour l'exportation pourraient être considérablement augmentées grâce à la campagne de désinsectisation qui sera entreprise très prochainement par l'Opération Pêche.

Des recherches préliminaires effectuées sur les poissons rizophages par la FAO et les projets d'aménagements des superficies inondables pour la riziculture ont fait entrevoir la possibilité d'augmenter la production actuelle par la rizipisciculture qui consiste à trouver un poisson non phytophage qui dans un temps d'inondation des rizières passe de la taille d'alevin sans valeur marchande à une taille qui le rende commercialisable. Le projet du futur barrage sur le Selinké en permettant la création d'un grand lac artificiel pourra également augmenter la production piscicole.

La construction des barrages de retenue dans les zones d'inondation pourra augmenter d'année en année les superficies inondées et partant la production. Le projet de création d'une station d'alevinage permettra de disposer les alevins en quantité importante afin de constituer dans les retenues artificielles des stocks exploitables.

Des recherches très limitées ont été entreprises à l'échelle nationale sur les ressources halieutiques au Mali. Les efforts du laboratoire d'hydrobiologie ont porté depuis ces dernières années essentiellement sur les aspects techniques notamment les problèmes de la désinsectisation.

Cependant si l'on veut évaluer avec réalisme les possibilités du développement afin d'avoir une base pour l'exploitation rationnelle des ressources, il convient de pousser les investigations sur la pêche. La pêche en effet implique un ensemble de considération d'ordre biologique, technologique, économique et social. L'évaluation biologique est d'une importance primordiale en raison de son influence sur les limites à fixer à l'expansion ainsi que la nature à donner au développement. Il est donc capital de faire appel à des biologistes afin d'évaluer avec le maximum de précision l'importance des ressources, leur composition, leur répartition, leur facilité d'accès et leur potentiel futur. Il est certain qu'on arrivera à des résultats intéressants si les recherches indispensables sont poursuivies avec la constance et la continuité nécessaire. Ces recherches dans un souci d'efficacité et d'économie devront se faire dans un cadre régional. Il y a lieu cependant de renforcer le système d'information à l'échelle interafricaine. Tous les efforts seront poursuivis parce que la pêche constitue dans les pays sahéliens un des facteurs de l'accroissement du revenu national.

CONCLUSION

La pêche dans le bassin du fleuve Niger revêt donc une grande importance tant au Mali que dans la plupart des pays sahéliens.

Le Mali tire de sa production agropastorale et piscicole l'essentiel de ses ressources. Sa prospérité est pour l'instant liée à l'importance de la pluviométrie qui est soumise au hasard des conditions météorologiques et c'est extrêmement fâcheux car le destin d'une nation désireuse de progresser ne peut être basé sur les caprices du climat. En effet les six pays du Sahel de l'Afrique de l'ouest situés approximativement entre les latitudes 10° et 20° nord ont un climat généralement semi aride caractérisé par des périodes de sécheresse catastrophique. L'empiètement du désert vers le sud se fait de plus en plus sentir dans le bassin du fleuve par un ensablement quasi général du lit pendant la décrue.

Le développement de la pêche dans le bassin du fleuve Niger implique un effort international des pays sahéliens pour coordonner leur stratégie de développement et définir le champ d'action permettant de surmonter les contraintes du Sahel. Il apparaît donc nécessaire sur le plan politique de planifier et d'aménager la zone sahélienne compte tenu de la complémentarité des économies des états de rechercher des solutions intégrant non seulement les aspects techniques et économiques mais tenant compte des conditions des populations affectées.

Un tel plan permettrait l'intégration des programmes de pêche dans des plans à long terme et à moyen terme pour l'utilisation des ressources de tout le bassin du fleuve Niger.

MAURITANIE

Résumé

Le poisson est à la base de l'alimentation en Mauritanie et les effets désastreux de la sécheresse ont accru sa consommation par toute la population. Actuellement et pour plusieurs années encore, il demeure la principale source de protéines. Avant la sécheresse, le poisson séché était exporté. Les pêches continentales doivent maintenant affronter les problèmes suivants:

Abstract

Fish is a basic food in Mauritania and the disastrous effects of the drought have accelerated the adoption of fish as food by the whole of the Mauritanian population. At the present time, and for several years to come, it will remain the principal national source of protein. Before the drought, dried fish was an actively exported product. Inland fisheries face the following problems:

1. IMPORTANCE DES PECHES CONTINENTALES DANS L'ECONOMIE NATIONALE MAURITANIENNE

1.1 Le poisson nourriture de base

La viande coûtant assez cher, le poisson est toujours demeuré la base de la nutrition des populations de la vallée du fleuve Sénégal. Ces dernières années se sont caractérisées par une sécheresse sans précédent ayant pour conséquences la destruction d'environ 80 pour cent du cheptel et la raréfication des produits agricoles.

Ces nouveaux facteurs défavorables ont accéléré l'adoption du poisson par l'ensemble du peuple mauritanien. A l'heure actuelle, et pour plusieurs années encore, il demeure la principale source protéique nationale.

1.2 Le poisson d'eau douce produit d'exportation

L'exploitation du poisson d'eau douce, compte tenu de ses quantités limitées en Mauritanie, a toujours été artisanale, et jamais industrielle. Aussi son exportation, particulièrement active, a été pratiquée par les pêcheurs eux-mêmes, et non par le Gouvernement ou par une société nationale quelconque.

Le poisson d'eau douce mauritanien a toujours été activement exporté uniquement sous forme de poisson sec, au Sénégal et au Mali. Ce commerce a été considérablement ralenti, voire supprimé, par les effets de la sécheresse de ces dernières années.

1.3 Rendement de la pêche continentale du fleuve Sénégal

On admet actuellement que la production annuelle par hectare d'inondation est au minimum de 30 kg, soit un rendement global de l'ordre de 30 000 tonnes par an.

Ces données ne sont évidemmentvalables que pour les années antérieures à la période sèche actuelle. En plus, elles varient considérablement, et annuellement, avec le nombre des pêcheurs, la quantité, la diversité et l'efficacité des engins utilisés.

A nos jours, aucune statistique du rendement de la pêche n'a été dressée, et ce aussi bien du côté mauritanien que sénégalais. Aussi il est pratiquement impossible d'évaluer quantitativement la part du poisson continentale utilisée dans la consommation interne, et celle destinée à l'exportation.

1.4 Principales espèces identifiés

Les espèces citées en Annexe ont été identifiées par J. Maheut.

2. PROBLEMES ACTUELS QUI SE POSENT AUX PECHES CONTINENTALES

Les principaux problèmes qui se posent actuellement aux pêches continentales sont liés à:

2.1 Rareté des cours d'eau en Mauritanie

La Mauritanie est un pays sahélo-saharien. Les pêches continentales exclusivement limitées au fleuve Sénégal, à ses affluents et aux lacs intérieurs qui lui sont liés. Cela réduit considérablement l'importance quantitative du poisson péché.

2.2 La densité et l'inorganisation des pêcheurs

Avant la période sèche actuelle, le commerce du poisson ayant toujours été lucratif, le nombre des pêcheurs s'est considérablement accru. L'absence d'organisation et d'éducation a eu pour effet, longtemps avant la période sèche, la destruction progressive et massive de la faune aquatique.

2.3 La diversité et l'efficacité des engins de pêche

Les pêcheurs de la vallée du fleuve Sénégal ont pu, durant des siècles, accumuler une immense expérience, se matérialisant par l'ingéniosité des inventions, la diversité des engins, et leur particulière adaptation aux conditions locales.

2.31 Les principaux engins de pêche

(a) Les pirogues - Les seules embarcations utilisées par les pêcheurs sont les pirogues monoxyles creusées dans les troncs de fromager et de caïl-cédra. Les longueurs varient entre les petites pirogues de 6 m de long sur 0 m, 50 de large, utilisées principalement pour la pose des petits filets maillants et des palangres ainsi que pour rabattre les poissons dans les sennes, et les grandes de 12 m de long sur 1 m de large, servant surtout au transport des passagers et à la pêche au Goubol. Toutes deux sont excessivement maniables et peuvent facilement être mues par un homme seul et même par un enfant lorsqu'elles sont vides ou peu chargées. Trois ou quatre rameurs sont nécessaires quand une pirogue pêche au grand filet Goubol. Les pirogues ne font pas l'objet de soins particuliers, elles ne sont jamais entretenues si même protégées. On estime toutefois que la durée moyenne d'une embarcation creusée dans un tronc de caïl-cédra est de 10 à 12 ans. Celle d'une pirogue en fromager ne dépasse pas 4 ou 5 ans.

La Mauritanie ainsi que le nordest du Sénégal manquant de bois d'oeuvre, les pêcheurs qui désirent se procurer une pirogue doivent se rendre soit à Dakar s'ils sont fortunés, soit sur les lieux de production s'ils ne le sont pas. Les prix d'une pirogue à Dakar varient entre CFA.F. 80 et 150 000, selon leur qualité et leur taille.

Les pêcheurs, dans leur ensemble, se rendent de préférence dans les forêts de la Basse Casamence. Là, après avoir choisi un arbre et acheté une licence d'abattage, ils se rendent dans la forêt accompagnés du garde forestier qui marque l'arbre à abattre. Le pêcheur se met alors en relations avec un bûcheron et décide avec lui du prix de la taille de sa pirogue et lui remet une avance qu'il complétera lorsque sa pirogue sera terminée. Le pêcheur restera sur place, dans la forêt, ou s'emploiera à des travaux de culture. Lorsque sa pirogue est terminée il devra la faire charger sur un camion qui la transportera à Ziguinchor ou elle sera mise à bord d'un caboteur et transportée jusqu'à Dakar. A Dakar elle sera chargée sur un wagon et transportée jusqu'à Saint Louis ou sur un camion pour un point quelconque du fleuve d'où le pêcheur pourra enfin la remonter par ses propres moyens jusqu'à son village. Un pêcheur met entre un an et quatre ans pour se procurer une pirogue neuve. Aucun ne connaît le prix de revient de son embarcation. Il sait seulement qu'il a quitté son village en emportant une somme d'argent et qu'il revient avec une pirogue neuve. Malgré les difficultés rencontrées par les pêcheurs pour se procurer leurs pirogues il est peu probable que l'on puisse les remplacés par un type d'embarcation réunissant les mêmes qualités de robustesse et de maniabilité. Les essais de fabrication de pirogues en fibre de verre et de matière plastique seraient à faire.

(b) Les filets - La pêche au filet est pratiquée soit individuellement, soit collectivement, à pied ou en pirogue.

(i) Pêche à pied

SAKITE - Le filet le plus répandu est le Sakité. Ce filet traditionnel dont l'usage est répandu dans toute la vallée est constituée par une nappe en forme de trapèze de 2 m de base sur 1 m de hauteur. Il est généralement en coton à mailles de 2 cm de côté. Les deux côtés de ce filet sont ficelés à deux branches de 1 m, 50 de long. Ces bâtons permettent au pêcheur de manipuler le filet.

La pêche au Sakité se pratique presqu'exclusivement dans les Goulots des marigots et aux embouchures des rivières, c'est-à-dire dans les endroits ou la densité du poisson est particulièrement grande. Afin d'augmenter cette concentration, les pêcheurs disposent en travers des cours d'eau une barrière de pieux fichés dans le sol et bouchant les espaces avec des branches entrelacés ou des paneaux de branches ficelées où les poissons viennent se heurter à ces barrages soit à la montée des cours d'eau à la crue, soit à la descente à la décrue. La pêche se pratique, selon les cas soit en aval de la barrière, soit en amont.

Debout, l'eau lui arrivant à la poitrine; le pêcheur tend les deux bras de son filet horizontalement au-dessus de l'eau puis enfonce le bras gauche en lui faisant décrire un demi cercle jusqu'à l'amener à toucher le bras droit et ainsi à fermer le filet. Cette pêche permet surtout de capturer des tilapias, des Alestes dentex, des Hydrocyon et des Clarias. Elle est surtout pratiquée par des amateurs ou pêcheurs occasionnels.

DIAWLOL - Le Diawlol est un petit filet en coton très épais ou en chanvre, à mailles de 1 cm de côté, de la taille d'un filet à provision et monté sur deux branches recourbées très fortes attachées à la base. Cet engin est utilisé soit par des pêcheurs isolés, à l'embouchure des rivières, c'est la méthode dite Moïtirgol, soit par des équipes de pêcheurs, dans les mares, méthode Djaouli.

- Méthode Moïtirgol - Le pêcheur se place debout devant un trou de la barrière dressée en travers d'une rivière, et maintient son filet immergé d'une main tandis que de l'autre il cherche le poisson qui bute contre les branchages de la barrière. Dès qu'il a senti un poisson, il le pousse dans son filet. Poissons capturés: Tilapia et Lates nilotica. Pêcheurs occasionnels.

- Méthode Djaouli - Se pratique uniquement dans les mares, en eaux peu profondes. Trente ou 40 pêcheurs tenant leurs filets Diawlol dans chaque main ou sous les bras se placent en ligne, les filets se touchant. Au signal donné ils avancent vers la berge opposée en formant un arc de cercle, repoussant devant eux les poissons qui, se sentant pris se précipitent dans les filets en tentant de s'échapper. Chaque pêcheur est propriétaire des poissons qu'il a pu capturer.

M'BALA - Le M'Bala est l'épervier classique en coton à mailles de 1 cm de côté utilisé par pêcheurs expérimentés durant les basses eaux.

DOUHIROU - Le Douhirou est constitué par un filet en coton à mailles de 1 cm à 2 cm de côté, en forme de trapèze ayant jusqu'à 3 m de grande base et autant de longueur de côté. Ceux-ci sont ficelés à deux perches de 4 m de long reliées à la base et tendus écartés par un morceau de bois de 40 cm de long auquel est aussi ficelée la base du filet.

Le pêcheur debout dans l'eau qui lui arrive jusqu'à la poitrine face au courant, pose son filet sur la surface de l'eau puis, appuyant sur les bras, le fait plonger jusqu'à toucher le fond de la rivière. Au bout de 5 à 10 minutes il le remonte et déverse le poisson dans une calebasse qui flotte à ses côtés.

M'BAKAL - Cette pêche se pratique surtout dans les rivières et dans les marigots. Deux pêcheurs marchant sur les rives opposées d'un petit cours d'eau et à contre-courant tiennent chacun dans une main d'une des extrémités de deux cordes qui sont rattachées, l'une au bout du bras d'un Sakité, l'autre au bout d'un baton de 2 à 3 m que le pêcheur porte appuyé contre son épaule de manière que, quand le pêcheur avance, le bois du Sakité soit presque vertical, le haut légèrement incliné vers l'arrière.

La progression des pêcheurs et la force du courant déploient la nappe du filet en forme de poche de chalut.

Au bout d'un certain temps et après avoir parcouru une certaine distance variable avec la densité de la pêche, les deux pêcheurs se tendent leurs perches qu'ils s'échangent tout en gardant les cordes tendues. La poche du Sakité est ainsi formée et le poisson fait prisonnier.

La pêche au Sakité, au Djaouli et au Douhirou sont relativement productifs mais sont saisonniers. A la montée des eaux et à la fin de la décrue les poissons qui remontent ou qui redescendent les petits cours d'eau, rivières et marigots, se trouvent concentrés par les barrages que les pêcheurs y ont établis. Les rendements/heure atteignent souvent une centaine de kilogrammes par pêcheur mais ceux-ci s'arrêtent de pêcher dès qu'ils jugent que la quantité capturée suffit à leurs besoins.

(ii) Pêche en pirogue

La pêche en pirogue est le mode de pêche le plus répandu, surtout sur le fleuve. Elle peut se pratiquer soit avec une seule pirogue généralement montée par un pêcheur et un pagayeur, soit avec plusieurs pirogues travaillant en équipe. Les filets varient du Sakité individuel au Goubol de plus de 300 m de long nécessitant parfois plus de 40 personnes.

SAKITE - L'emploi du Sakité à partir d'une pirogue et en équipe est une pratique qui tend à disparaître parce que trop destructrice, certains villages l'interdisent. Elle comprend trois méthodes, l'une appelée pêche au Falo-Mapel, l'autre pêche au Févo, la troisième au Lao

- Pêche au Falo-Mapel - Plusieurs pirogues montées, à l'arrière par un pagayeur et à l'avant par un pêcheur tenant un Sakité, sont alignés le long de la berge d'un marigot d'une mare. Les filets sont plongés dans l'eau afin de former une barrière continue. Dès que le signal est donné par le chef d'équipe, les pirogues avancent en arc de cercle vers la berge opposée vers laquelle est poussé le poisson qui est emprisonné dans ce grand filet. Ceux qui tentent de s'échapper tombent dans les poches des Sakités.

- Pêche au Févo - Plusieurs pirogues équipés de la même façon que pour la pêche au Falo-Mapel sont disposés face à face sur les deux rives. Au signal ces deux équipes s'avancent l'une vers l'autre poussant devant elles le poisson qui lorsque les deux équipes de pirogues se rejoignent, est emprisonné et se précipite dans les filets.

- Pêche au Lao - Les pirogues forment un grand cercle, les Sakités baissés faisant face au centre du cercle. Au signal, les pirogues progressent vers celui-ci. Lorsque le cercle est formé et réduit au minimum le poisson affolé est pris par les filets.

Dans chacune de ces trois méthodes de pêche le poisson pris par chaque filet est la propriété du pêcheur qui l'a capturé. Les pagayeurs sont dans la plupart des cas des membres de la famille du pêcheur, fils ou frère cadet.

TEINI - Le Teini est un filet droit maillant formé d'une nappe rectangulaire de 50 à 70 m de long sur 2 m, 50 à 3 m de haut. Flotteur, de 30 à 40 cm de long en bois d'Euphorbia balsamifera. Fil de coton fin, parfois en nylon. Mailles de 6 cm de côté. L'une des extrémités du filet est muni d'un gros morceau de bois formant flotteur. Le filet est chargé à bord d'une pirogue qui se dirige vers la rive opposée tout en dévidant le filet. Lorsque celui-ci est entièrement déployé et tendu la pirogue se laisse porter par le courant tout en maintenant le filet tendu. Au bout de 2 ou 3 km, le pêcheur se trouvant à bord de la pirogue retire son filet. Cette pêche se pratique durant toute l'année pratiquement sans interruption. Elle exige une assez grande dextérité de la part des pêcheurs. Espèces capturées: Citharinus citharus, Lates niloticus.

FELE-FELE - Le Félé-félé est un filet droit maillant formé par une nappe de 30 à 70 m de long sur 3 à 4 m de haut, flotteurs de 30 à 40 cm de long en bois d'Euphorbia balsamifera, lesté de boulets en terre cuite. Fil épais de coton sur ralingue en cisal. Mailles de 14 cm de côté.

Après avoir amarré une extrémité du filet à un piquet planté sur la berge, le pêcheur charge son filet dans sa pirogue et s'éloigne perpendiculairement à la rive tout en dévidant le filet par l'arrière. Dès que son filet est tendu il descend dans le sens du courant puis revient à la berge en tirant sur les deux cordes qui sont attachées à l'extrémité des deux ralingues de son filet. Descendant alors de sa pirogue, il bat l'eau en faisant le plus de bruit possible afin de déloger et d'effrayer les poissons qui pourraient s'y trouver et de les diriger vers son filet. Durant cette opération il continue à tirer sur les cordes de son filet et à le rabattre vers la berge.

Quoique ce filet est surtout destiné à capturer le poisson par maillage, il est manoeuvré comme une senne de plage et capture le poisson qui est emprisonné dans les poches formés par les plis du filet.

Le Félé-félé capture surtout des poissons de grande taille, Lates niloticus, Clarias, etc. Il est utilisé durant toute l'année sans interruption par des pêcheurs expérimentés.

QUOLODJO - Le Quolodjo est un filet droit maillant de 80 à 100 m de long sur 3 à 4 m de haut, flotteurs en bois d'Euphorbia balsamifera, non lesté, fil fin de coton sur ralingue en coton ou en cisal. Mailles de 6 à 8 cm de côté. Ce filet est manié comme le Félé-félé mais est destiné à capturer presqu'uniquement des Hydrocyon. Est utilisé durant toute l'année par des pêcheurs expérimentés.

GOUBOL - Le Goubol est le plus grand filet employé sur le fleuve. Certains mesurent plus de 300 m de long sur 8 m de haut. C'est une senne comprenant deux ailes et une poche non chalutante. Entièrement fabriqué en fil de coton et de chanvre monté sur des ralingues en cisal, le Goubol est constitué de plusieurs nappes dont la grandeur des mailles va en diminuant à mesure qu'elles se rapprochent de la poche. Aux extrémités des ailes elles mesurent 7 cm de côté, puis vient une nappe dont les mailles ne mesurent plus que 5 cm, à laquelle est jointe une troisième nappe de mailles de 3 cm et enfin la poche construite en fils très épais et à mailles sérrées de 1,5 cm à 2 cm de côté.

Les flotteurs sont, comme tous ceux dont sont munis les filets du fleuve, constituées de morceaux de bois d'Euphorbia balsamifera de 50 cm de long. Le filet est lesté d'olives en terre cuite mesurant 10 cm de long.

Sa manoeuvre mobilise; une grande pirogue montée par 3 pagayeurs et 7 pêcheurs dont 3 sont chargés de la mise à l'eau des flotteurs et 3 des lests, le septième pêcheur remplissant les fonctions de patron de pêche.

Comparé aux petits filets individuels ou d'équipe, le Goubol fait penser à une entreprise de pêche industrielle. Aussi l'exploitation intensive des fonds de pêche et les quantités importantes de poissons capturées par ces engins ont de tous temps fait l'objet de conflits entre villages de pêcheurs, certains de ces bagarres ont même été sanglants. Leur emploi est généralement réservé aux seuls pêcheurs du village, ceux-ci interdisant à des pêcheurs étrangers d'utiliser leurs Goubols dans leurs eaux. C'est ainsi que les pêcheurs de Kaédi ne peuvent pêcher au Goubol qu'en amont de cette agglomération, de Kaédi à Matam, à l'exception des villages, de Djrol, de Simjou et de Djomar, cette interdiction ne s'applique toutefois qu'aux mois de mars et d'avril. La pêche entre Saldé et Boghé est formellement interdite aux propriétaires de Goubols de Kaédi.

Vingt-neuf Goubols sont utilisés dans le secteur Kaédi-Matam dont 8 à Kaédi, 2 à Simthou-Broudior, 4 à Dondou, 3 à Nguidjilone, 2 à Voudourou, 1 à Diamel et 9 à Matam.

La pêche au Goubol ne se pratique que dans le fleuve et exclusivement durant la saison sèche mais surtout au commencement de la crue et à la fin de la décrue du Sénégal.

Au début de l'hivernage, suivant les ondes de crue, les pêcheurs se rendent dès le mois d'avril à Matam et redescendent lentement le fleuve en pêchant pour terminer leur campagne à Kaédi vers la mi-juillet. Durant la période des basses eaux on n'utilise que les Goubols de 50 à 70 m de long sur 4 à 5 m de haut. Les grands filets ne sont utilisés qu'à la montée des eaux.

La pêche au Goubol est pratiquée de la manière suivante:

Le filet est chargé sur une grande pirogue, une extrémité demeurant sur la berge, amarrée à un solide piquet fiché dans le sol. La pirogue se dirige le plus rapidement possible en direction de la berge opposée en dévidant le filet qui est maintenu aussi tendu que possible. Pendant le temps trois ou quatre petites pirogues montées de deux ou trois hommes se placent en aval à 150 ou 200 m. Lorsque la pirogue porteuse à atteint la rive opposée à celle d'où elle est partie, elle commence à descendre le fleuve en direction des petites pirogues tout en tirant son filet par les cordes fixées aux extrémités des ralingues supérieures et inférieures, les équipages des petites pirogues se mettent alors à battre l'eau de leurs pagaies et de batons et à remuer des chaînes immergées en faisant le plus de bruit possible, cette manoeuvre à pour objet de chasser les poissons en direction du filet, la pirogue porteuse accentue alors son mouvement encerclant et se dirige rapidement vers la berge de départ ou une équipe s'empresse de saisir les cordes du filet et de la haler à terre. Une deuxième équipe de force égale s'empare de l'extrémité opposée qui était demeurée amarrée à un piquet durant toute la durée de la manoeuvre et tire le filet à la même cadence que la première équipe. Durant le halage une petite pirogue montée de deux hommes patrouille à l'extérieur du filet. Le rôle de ces pêcheurs, tous deux excellents nageurs, est de plonger pour détacher la ralingue inférieure des troncs d'arbre immergés sur lesquels le filet ne manque pas de s'accrocher.

La durée totale de l'opération est de l'ordre de 45 minutes à une heure pour un filet de 300 m de long. Chaque filet fait une moyenne de 3 ou 4 calées du lever au coucher du soleil et autant durant la nuit.

Le rendement d'un Goubol est évidemment fonction de la taille du filet et de l'époque de la pêche. On estime toutefois qu'un grand Goubol pêche 40 à 50 tonnes de poisson en 4 mois et que son prix de revient est amorti dès la première année.

Seuls les pêcheurs de la caste des soubalbés ont le droit d'utiliser les Goubols. Ils en ont le monopole exclusif sur tout le fleuve.

LES LIGNES

- Le Dolingué - Sur le Sénégal, comme sur le Niger, l'engin de pêche à hameçons le plus répandu est la palangre.

Le Dolingué est constitué d'une fine corde généralement en coton dont la longueur varie entre 30 et 300 m sur laquelle sont fixées, tous les 20 cm environ, un avançon de 15 à 30 cm à l'extrémité duquel est attaché un hameçon non appâté. Quelques flotteurs généralement constitués de petites calebasses soutiennent la ligne et permettent en même temps aux pêcheurs assis sur la berge de savoir si un poisson de grande taille vient de s'accrocher à un hameçon.

Après avoir enroulé sa palangre et l'avoir disposé dans le fond de sa pirogue, le pêcheur attache une extrémité de sa ligne à un petit piquet enfoncé dans la berge ou à une branche quelconque. Il se dirige alors lentement vers la berge opposée tout en dévidant sa ligne dont il attache l'autre extrémité à un dispositif d'amarrage consitué par une calebasse reliée par une fine corde à une grosse pierre ou à un bloc d'argile cuite. La ligne coulisse sur la corde d'amarrage.

Chaque pêcheur de Dolingué à 3 ou 5 lignes posées en permanence à quelques mètres de distance les unes des autres. Il les surveille continuellement et les visite plusieurs fois par jour afin de décrocher les poissons qui s'y sont accrochés.

Contrairement aux hameçons appâtés, les hameçons du Dolingué accrochent les poissons qui viennent buter contre elles par une partie quelconque de leurs corps, généralement par les ouïes. Il est à prévoir que le rendement de ces palangres serait sensiblement amélioré. Si l'on remplaçait ces hameçons simples par des hameçons à branches multiples. Cette pêche est pratiquée durant toute l'année.

- Péla - Le Péla est la seule pêche à la gaule qui soit pratiquée dans le fleuve. L'engin consiste en une gaule en bambou ou une simple branche de 3 ou 4 m de long, d'un bout de ficelle de 2 ou 3 m et d'un hameçon caché dans quelques brins de coton.

Le pêcheur, debout ou accroupi à l'avant d'une pirogue propulsée par un pagayeur fait faire à son hameçon 3 ou 4 bonds sur la surface de l'eau.

Pêche pratiquée durant toute l'année. Capture surtout des Hydrocyon de grande taille.

LES HARPONS

- Kotio-kotio - Ce mot est sensé reproduire phonétiquement le son émis par le frottement d'un clou sur les stries proéminentes faites sur une boîte métallique qui constituent l'essentiel de cet étrange engin de pêche largement répandu sur tout le fleuve.

Accroupi à l'avant d'une petite pirogue propulsée par un pagayeur, le pêcheur tient dans une main un harpon ou une foëne, dans l'autre un baton au bout duquel un clou a été planté et deux petites ficelles attachées à une boîte métallique qui glisse sur l'eau comme un jouet d'enfant. A l'intérieur de cette boîte ont été pratiquées des stries proéminentes.

Le pêcheur, en imprimant un mouvement de rotation de gauche à droite et de droite à gauche à son baton fait que le clou planté à son extrémité, en gratant contre les stries de la boîte, provoque des sons rapeux qui attirent l'attention des poissons. Ceux-ci, en s'approchant de cet engin, sont immédiatement harponés.

La pêche au Kotio-kotio se pratique à la montée des eaux, près des berges du fleuve, capture surtout des gros carnassiers.

LES NASSES

- Jokoldé - Ces nasses sont uniquement utilisées dans les barrages édifiés à l'embouchure des rivières et des marigots. Elles en font en quelque sorte partie.

Les Jokoldés sont des nasses cylyndriques de 8 m de long environ sur 40 cm de diamètre dont l'embouchure, en forme d'entonnoir de 80 cm de diamètre sont attachés aux piquets des barrages, leur gueule bouchant les “trous” qui ont été laissés libres à cet effet, ces nasses sont toujours placées en amont des barrages de manière à attraper les poissons qui remontent les cours d'eau.

Les poissons qui ont pu échapper aux pêcheurs de Sakité s'élancent dans les espaces laissés libres dans les barrages et s'engouffrent dans les nasses où ils s'entassent et ne peuvent plus se dégager.

Pêche pratiquée principalement durant la montée des eaux. Espèces capturées: Tilapia, Lates niloticus, Hydrocyon.

Contrairement aux engins de pêche individuels et au Goubols, les Jokoldés appartiennent en commun aux habitants du village qui se partagent les captures.

2.32 Influence de ces engins sur la pêche continentale en Mauritanie

Mis à part le Goubol, l'ensemble de ces engins sont particulièrement adaptés à l'exploitation fluviatile et lacustre.

Le Goubol par contre, vues ses dimensions et de l'importance de ses prises, demeure le danger No. 1 pour l'exploitation des pêches continentales.

En effet la croissance rapide du nombre des Goubi (pluriel de Goubol), et l'absence de contrôle de la largeur des mailles a conduit au département de la capacité en charge des cours d'eau et ce longtemps avant la période sèche actuelle.

Toute politique rationnelle future de pêche continentale doit tenir compte de cet engin. son utilisation (nombre et largeur des mailles) devra être rigoureusement planifiée et surveillée.

2.4 L'absence d'une législation rigoureuse réglementant et protégeant les pêches continentales

Aussi bien du côté sénégalais que mauritanien, la pêche continentale du fleuve Sénégal et de ses affluents n'a fait l'objet d'aucune étude législative et statistique. Sa protection est presque inexistante. Cela a conduit à l'exploitation anarchique de la faune aquatique. La quantité des prises étant de loin supérieure à la vitesse de reproduction des espèces, on a assisté à la disparition progressive de cette faune.

Toute politique future des pêches continentales devra avoir pour base cette législation, qu'élaboreront ensemble, les autorités mauritano-sénégalaises (fleuve frontière).

2.5 La sécheresse

La période sèche actuelle qui s'est abattue sur les pays sahélo-soudaniens, a eu des conséquences catastrophiques sur l'élevage, l'agriculture, et spécialement sur les pêches continentales.

En République Islamique de Mauritanie, tous les lacs intérieures ont été asséchés. Le fleuve Sénégal de novembre à juin a atteint des niveaux minima jamais encore constatés. Ses tronçons supérieurs et moyens ont été très faiblement couverts par la nappe d'eau; son tronçon inférieur a été fortement saumâtre.

La faible quantité de l'eau et sa forte salinité ont eu pour conséquence la raréfication, pour ne pas dire l'inexistance, du poisson.

REMARQUE

Il faudrait cependant remarquer que ce sont la multiplication anarchique des pêcheurs, des engins, et l'absence d'une législation et d'une statistique protectrice adéquate, qui ont été les causes premières de la détérioration progressive des pêches continentales en Mauritanie. La sécheresse n'en a fait qu'accélérer le processus.

3. PROJETS GOUVERNEMENTAUX CONCERNANT LES PECHES CONTINENTALES EN MAURITANIE

Le Gouvernement de la République Islamique de Mauritanie a tout à fait conscience des faits qui précèdent, notamment de la nécessité de régulariser et de réglementer cette activité qui jusqu'ici obéissait aux lois de la nature et aux caprices de l'homme. Ce secteur, qui dépendait des eaux et forêts a été regroupé avec les pêches océaniques dans le même service. Il est vrai que compte tenu des difficultés que nous avons essayé de souligner dans ce qui précède et compte tenu de la polarisation de notre action sur les pêches océaniques qui jusque là étaient livrées au pillage des puissances maritimes, nous sommes restés, en ce qui concerne les pêches continentales, au stade de la constatation des faits. Mais cette période de réflection et d'analyse nous a permis de situer avec précision quel devra être le sens de notre action dans ce domaine.

Aussi est-il envisagé de créer des secteurs régionaux dans les zones exploitables pour réglementer l'activité de pêche, et entreprendre une série d'actions orientées vers une meilleure connaissance de la biologie des espèces afin de pouvoir agir sur leur exploitation. Dores et déjà une politique de pisciculture est envisagée, reste à en assurer la base scientifique et les moyens matériels. Dans ce domaine la coordination de nos efforts avec ceux de nos frères du Sénégal qui a fait l'objet de consultations fructueuses nous apparaît comme le meilleur gage de réussite.

Il est un fait également que l'insuffisance des cadres spécialisés dans ce domaine constitue encore un obstacle des plus grands à toute entreprise d'envergure.

Bien que nous ayions une pêche océanique des plus importantes la pêche des espèces d'eau douce reste encore la base de l'alimentation de nos populations de l'intérieur en protéines d'origine ichtyologique. En effet, l'insuffisance, voire l'absence de moyens de conservation à l'intérieur du pays et l'état du réseau routier ne permettent guère de nourrir l'espoir d'assurer la converture protéique de nos populations à partir de la mer, tout au moins à des prix abordables par ces populations, dans un avenir très proche.

Aussi, notre Gouvernement considère que, dans l'effort qu'il entreprend pour juguler les effets de la sécheresse actuelle et prévenir les sécheresses futures, la promotion de la pêche continentale doit occuper une place importante.

C'est à ce titre qu'il considère que les organismes internationaux tels que le PNUD ou la FAO notamment devraient apporter leur concours efficace dans ce domaine en contribuant à la formation des cadres, à l'étude et à la mise sur pied de projets de révalorisation des ressources ichtyologiques des eaux continentales. Plus qu'une aide dans le domaine de la pêche, cet effort serait vu comme une action des plus opérantes pour lutter contre la sécheresse, donc s'inscrivant dans le coeur même d'une des préoccupations les plus importantes de nos jeunes états.

Annexe

FamilleNom scientifiqueNom vernaculaireRégime alimentaireReproduction
OuoloffToucouleur
ProtopteridaeProtopterus annectensTouba-OmnivoreNids
PolypteridaePolypterus senegalusKhaba ou KhappCadial--
OsteoglossidaeHeterotis niloticusN'DiaguelBalaMicrophageNids de zone inondée
MormyridaeHyperopisus bebe occidentalisRoumeFadourouInsectes menuesEpoque hautes eaux
 Mormyrus rumeRoume-BosseBersouProiesbenthon-
GymnarchidaeGymnarchus niloticusGalackhBessouCarnivoreNids époques hautes eaux
CharacinidaeHydrocyon somonorumGuerSennouStrictement carnassierNids époques hautes eaux
 H. brevis    
 H. lineatus    
 Alestes dentex sethentCelinttheGuithiéGraines, insectesDébut montée des eaux
 A. imberiDahéDembéséHerbivoresDébut montée des eaux
CitharinidaeDistichodus restratusSomoreM'BarsserHerbivoresHautes eaux
 Citharinus citharusM'BeteDimbéréPolophageHautes eaux
CyprinidaeLabeo senegalensisSatheDiandéréMicrophageHautes eaux
ClaridaeClarias anguillarisYesseBaléouOmnivoreHautes eaux
 C. submarginatusYesseN'Daoua  
 Heterobranchus longifilisBiliqueN'DaveDéchets variésFin saison sèche
SchilbeidaeSchilbe mystusKheleN'GuéléeCarnivoreHautes eaux
BagridaeBagrus bayad macropterusWalouceSafdouCarnivoreHautes eaux
 Chrysichtys nigrodigitatusSéceLoumeCarnivoreHautes eaux
 Clarotes laticepsBadiaLoubeOmnivoreHautes eaux
 Auchenoglanis biscutatusRouneGourleBenthon débris divers vasesHautes eaux
MochocidaeSynodontis betensodaGuangue blancOdentoumPolophageHautes eaux
 S. schallGuangue noirOdentoumOmnivoreFin saison sèche
 Synodontis sp.Diagué---
MalapteruridaeMalapterurus eboctricusWagnarMadié--
CichlidaeTilapia galileaOuassSidéréPhytoplancton, benthonIncubation bucale
 T. niloticaOuassSidéréid + vaseIncubation bucale
 T. melanopleuraOuassSidéréPhytophageNid
CentropomidaeLates niloticusDiène-WeckhSoupéréCarnivoreDébut de la crue
TetrodontidaeTetrodon fahakaBouneDoundou--
 Strigesus sp.    

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