UTILISATION ET TRANSFORMATION DE LA PRODUCTION HALIEUTIQUE ET AQUACOLE15

Les récoltes halieutiques et aquacoles sont transformées en un large éventail de produits dont les caractéristiques et le goût diffèrent selon les espèces, la méthode de conservation et la forme sous laquelle ils sont présentés. D’importantes améliorations dans la transformation ainsi que dans la réfrigération, la fabrication et l’utilisation de glace, la congélation, le stockage et le transport ont permis d’allonger la durée de conservation des produits, de les distribuer sur de grandes distances, par-delà les frontières, et d’en augmenter la variété.

La part de la production halieutique et aquacole d’animaux aquatiques destinée à la consommation humaine directe a augmenté sensiblement, passant de 67 pour cent dans les années 1960 à quelque 89 pour cent en 2020 (soit plus de 157 millions de tonnes sur les 178 millions de tonnes produites, à l’exclusion des algues15) (figure 35). Les 11 pour cent restants (plus de 20 millions de tonnes) ont été affectés à des usages non alimentaires; ils ont été transformés pour 81 pour cent (plus de 16 millions de tonnes) en farine et en huile de poisson, tandis que le reste (4 millions de tonnes environ) a été utilisé, pour l’essentiel, aux fins suivantes: ornement, aquaculture (alevins, juvéniles ou petits adultes destinés au grossissement, par exemple), appâts, usages pharmaceutiques, alimentation d’animaux de compagnie ou matière première pour l’alimentation directe des poissons d’élevage, du bétail et des animaux à fourrure.

Figure 35Utilisation des produits de la pêche et de l’aquaculture dans le monde, 1961-2020

SOURCE: FAO.
NOTES: Sont exclus les mammifères aquatiques, les crocodiles, les alligators, les caïmans et les algues. Les données sont exprimées en équivalent de poids vif.
SOURCE: FAO.

En 2020, les produits alimentaires d’origine aquatique15, vivants, frais ou réfrigérés représentaient toujours la plus grande part de la production halieutique et aquacole15 utilisée pour la consommation humaine directe (44 pour cent), et souvent la forme la plus prisée et la plus chère. Suivaient les produits congelés (35 pour cent), préparés et mis en conserve (11 pour cent) et salés, séchés et fumés16 (10 pour cent). La congélation est la principale méthode de conservation des produits halieutiques et aquacoles; elle représente 63 pour cent de la production transformée destinée à la consommation humaine (hors poisson vivant, frais ou réfrigéré).

Ces données générales masquent d’importantes différences. L’utilisation de la production et les méthodes de transformation varient fortement d’un continent, d’une région ou d’un pays à l’autre, voire à l’intérieur d’un même pays. En Asie et en Afrique, la part de la production alimentaire aquatique conservée par salage, fumage, fermentation ou séchage est supérieure à la moyenne mondiale. Deux tiers environ de la production halieutique et aquacole destinée à la consommation humaine sont commercialisés sous forme congelée ou préparée ou en conserve en Europe et en Amérique du Nord. C’est en Amérique latine, suivie de l’Asie et de l’Europe, que la part de la production transformée en farine et en huile de poisson est la plus élevée.

Globalement, dans les économies plus développées, les transformateurs de produits alimentaires d’origine aquatique se sont diversifiés plus particulièrement dans les produits à forte valeur ajoutée, comme les repas prêts à consommer. En 2020, plus de 50 pour cent de la production d’animaux aquatiques destinée à la consommation humaine dans les pays à revenu élevé17 se présentait sous forme congelée, quelque 26 pour cent sous forme préparée ou en conserve, et 13 pour cent sous forme salée, séchée ou fumée. Dans de nombreux pays en développement, la transformation des produits d’origine aquatique18 a évolué, passant de méthodes traditionnelles à des processus plus avancés à valeur ajoutée, en fonction du produit et de sa valeur marchande. On note toutefois des différences importantes selon les infrastructures dont disposent les pays et les préférences culturelles. En 2020, 20 pour cent environ de la production alimentaire d’origine aquatique des pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure a été utilisée sous forme congelée, 11 pour cent en conserve et plus de 60 pour cent sous forme de produits vivants, frais ou réfrigérés. Dans les pays à faible revenu, en revanche, seuls 7 pour cent des produits étaient congelés, plus de 20 pour cent étaient salés, séchés ou fumés, tandis que la part des produits vivants, frais ou réfrigérés atteignait quelque 70 pour cent.

Les produits aquatiques commercialisés sous forme vivante est surtout apprécié en Asie de l’Est et du Sud-Est et sur des marchés de niche d’autres pays, principalement parmi les communautés asiatiques immigrées. En Chine et dans certains pays d’Asie du Sud-Est, les animaux aquatiques vivants sont commercialisés et utilisés depuis plus de 3 000 ans; les pratiques restent souvent traditionnelles et ne sont pas formellement réglementées. La commercialisation des animaux aquatiques vivants a continué de se développer ces dernières années grâce à l’amélioration de la logistique et aux progrès technologiques. Il peut cependant être difficile de les commercialiser et de les transporter, car ces activités sont souvent soumises à des règles sanitaires, à des normes de qualité et à des exigences de bien-être des animaux très strictes (notamment en Europe et en Amérique du Nord).

Globalement, la progression continue de la consommation et de la commercialisation de produits halieutiques et aquacoles (voir les sections intitulées «Consommation de produits alimentaires d’origine aquatique» et «Commerce des produits de la pêche et de l’aquaculture») s’est accompagnée d’une évolution notable des normes de qualité et de sécurité sanitaire des aliments. Au cours des dernières décennies, les secteurs de la pêche et de l’aquaculture sont devenus plus complexes et plus dynamiques, et leur évolution a été portée par la forte demande du secteur de la vente au détail, la diversification des espèces, l’externalisation de la transformation et le renforcement des liens au sein de la filière d’approvisionnement entre producteurs, transformateurs et détaillants. Le développement des chaînes de supermarchés et des grands détaillants dans le monde entier a accru l’influence déterminante que ces acteurs exercent sur l’établissement des critères et des normes d’accès au marché. Pour satisfaire à ces normes de sécurité sanitaire et de qualité des aliments et assurer la protection des consommateurs, des mesures d’hygiène et de manipulation de plus en plus strictes ont été adoptées aux niveaux national, régional et international sur la base du Code d’usages pour les poissons et les produits de la pêche établi par le Codex (FAO et OMS, 2020) et des indications qu’il donne aux pays sur la mise en œuvre concrète de bonnes pratiques d’hygiène et l’application du système de gestion de la sécurité sanitaire des aliments par l’analyse des risques aux points critiques (HACCP).

Les produits d’origine aquatique étant des aliments hautement périssables, il faut leur apporter un soin particulier au moment de leur récolte et tout au long de la chaîne d’approvisionnement. S’ils ne sont pas traités correctement après la récolte, ils peuvent devenir très vite impropres à la consommation et même dangereux pour la santé, les proliférations microbiennes, les modifications chimiques, la dégradation par des enzymes endogènes et les contaminations croisées engendrant des risques en matière de sécurité sanitaire des aliments. Des mesures appropriées en matière de manutention, de transformation, de conservation, d’emballage et de stockage sont essentielles pour augmenter la durée de vie des produits, garantir la sécurité sanitaire des aliments, préserver la qualité et les caractéristiques nutritionnelles et éviter les pertes et gaspillages. Par ailleurs, une meilleure utilisation peut contribuer à réduire la pression exercée sur les ressources aquatiques et favoriser la durabilité du secteur.

Les techniques de conservation et de transformation jouent également un rôle essentiel dans la distribution et la commercialisation des produits d’origine aquatique aux niveaux national et international. Ces techniques consistent notamment à abaisser la température des produits (réfrigération et congélation), à leur faire subir un traitement par la chaleur (mise en boîte, cuisson à l’eau et fumage), à réduire l’eau qu’ils contiennent (séchage, salage et fumage) et à modifier leur environnement de stockage (conditionnement sous vide, conditionnement sous atmosphère modifiée et réfrigération).

Les caractéristiques nutritionnelles des produits alimentaires d’origine aquatique peuvent varier en fonction de la manière dont ils sont transformés et préparés. Le chauffage (par stérilisation, pasteurisation, fumage à chaud ou cuisson) réduit la quantité de nutriments thermolabiles, notamment de nombreuses vitamines. Cependant, la concentration de certains éléments nutritifs peut augmenter avec le chauffage, celui-ci réduisant la quantité d’eau.

On assiste à un développement important des technologies de transformation et de conditionnement des produits alimentaires dans de nombreux pays, notamment à la multiplication des utilisations efficientes, efficaces et lucratives de la matière première et à des innovations dans la diversification des produits destinés à la consommation humaine ou à la production de farine et d’huile de poisson et à d’autres usages.

Produits: farine et huile de poisson

Une part importante, mais en diminution, de la production mondiale de la pêche est transformée en farine et en huile de poisson. La farine est une matière pulvérulente riche en protéines obtenue après broyage et séchage de poissons ou de parties de poissons, tandis que l’huile résulte du pressage de poissons cuits et de la centrifugation du liquide obtenu. La farine et l’huile peuvent être produites à partir de poissons entiers, de parures ou d’autres sous-produits de la transformation du poisson. Différentes espèces sont utilisées sous forme de poissons entiers – principalement de petits pélagiques, comme l’anchois du Pérou (qui représente la majeure partie du total), le menhaden, le merlan bleu, le capelan, la sardine commune, le maquereau et le hareng.

La production de farine et d’huile de poisson fluctue en fonction des captures de ces espèces, en particulier de celles d’anchois du Pérou, dont l’abondance des stocks est soumise au phénomène El Niño-oscillation australe. Au fil du temps, l’adoption de bonnes pratiques de gestion et de systèmes de certification a permis de diminuer les volumes de captures non durables d’espèces destinées à la réduction en farine. La quantité utilisée pour la production de farine et d’huile de poisson a atteint un pic en 1994, avec plus de 30 millions de tonnes, puis est tombée à moins de 14 millions de tonnes en 2014. Elle a augmenté en 2018, s’établissant à 18 millions de tonnes environ en raison de l’accroissement des captures d’anchois du Pérou (voir la section «Production des pêches de capture»), avant de diminuer de nouveau les deux années suivantes et d’atteindre plus de 16 millions de tonnes en 2020. Ce volume correspond à quelque 20 pour cent des pêches de capture marines.

Cette réduction progressive de l’offre s’est accompagnée d’une forte hausse de la demande provenant d’une industrie aquacole en croissance rapide, ainsi que des secteurs de l’élevage de volailles et de porcs, des aliments pour animaux de compagnie et des produits pharmaceutiques. D’après les estimations de l’Organisation des ingrédients marins, quelque 86 pour cent de la farine de poisson a été utilisée pour l’aquaculture en 2020, 9 pour cent pour l’élevage de porcs, 4 pour cent pour d’autres utilisations (principalement pour la production d’aliments pour animaux de compagnie) et 1 pour cent pour l’élevage de volailles. Toujours en 2020, 73 pour cent environ de l’huile de poisson a été destinée à l’aquaculture, 16 pour cent à la consommation humaine et 11 pour cent à d’autres utilisations (notamment la production d’aliments pour animaux de compagnie et d’agrocarburants) (figure 36). L’augmentation de la demande de farine et d’huile de poisson a entraîné une hausse des prix. L’offre inférieure à la demande et le fait que le secteur soit rentable ont incité à rechercher des sources supplémentaires ou substitutives. La plus grande partie des poissons entiers utilisés pour produire de la farine et de l’huile provient de ressources bien gérées, mais la durabilité de différentes pêcheries reste un sujet de préoccupation majeur dans certains pays où la production de farine de poisson augmente. C’est notamment le cas de plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, où un volume croissant de captures est transformé en farine aux fins d’exportation, au lieu d’être destiné à la consommation humaine. Au Sénégal, par exemple, les poissons entiers qui depuis des décennies étaient réservés à la consommation humaine directe sont maintenant dirigés vers la production d’ingrédients marins. Cette évolution augmente la pression exercée sur les ressources halieutiques, et a également une incidence sur la sécurité alimentaire et les moyens d’existence. Dans ces zones, il est essentiel d’améliorer la gouvernance et la gestion des pêches, tout en privilégiant l’utilisation du poisson pour la consommation humaine (Thiao et Bunting, 2022).

Figure 36Utilisation de la farine et de l’huile de poisson

SOURCE: Organisation des ingrédients marins (IFFO).
1 Aliments pour animaux de compagnie, principalement.
2 Aliments pour animaux de compagnie, agrocarburants, huile de cuisine au Viet Nam.
SOURCE: Organisation des ingrédients marins (IFFO).

Une part croissante de la farine et de l’huile de poisson est obtenue à partir de sous-produits de la transformation des produits de la pêche et de l’aquaculture, ce qui contribue en outre à la réduction des déchets. Comme on ne s’attend pas à un accroissement important de la matière première provenant de poissons sauvages entiers (en particulier de petits pélagiques), toute augmentation de la production de farine de poisson devra provenir de sous-produits, et d’autres sources, comme le krill. La valeur nutritionnelle de la farine produite à partir de sous-produits est différente, car ils sont moins riches en protéines, mais plus riches en minéraux et en acides aminés que les poissons entiers. D’après l’Organisation des ingrédients marins, 27 pour cent de la production mondiale de farine de poisson et 48 pour cent de celle d’huile de poisson provenaient de sous-produits en 2020 (IFFO, 2021; figure 37).

Figure 37Pourcentage des matières premières utilisées pour la réduction en farine et en huile de poisson, 2020

SOURCE: Organisation des ingrédients marins (IFFO).
SOURCE: Organisation des ingrédients marins (IFFO).

Cela étant, la farine et l’huile de poisson sont aujourd’hui encore considérées comme les ingrédients les plus nutritifs et les plus faciles à assimiler pour les poissons d’élevage, et comme la principale source d’acides gras oméga 3 (acide eicosapentaénoïque [EPA] et acide docosahexaénoïque [DHA]) dans l’alimentation animale. Cependant, leur taux d’inclusion dans les aliments composés destinés à l’aquaculture a nettement baissé du fait, en grande partie, de la variation de l’offre et des prix, associée à une demande sans cesse croissante de l’industrie des aliments aquacoles. La farine et l’huile de poisson sont de plus en plus utilisées de manière sélective à des stades de production spécifiques – écloseries, stocks de géniteurs et rations de finition –, tandis que leur incorporation dans les aliments destinés aux poissons en phase de grossissement diminue. Par exemple, leur part dans les aliments de grossissement destinés au saumon de l’Atlantique d’élevage est maintenant souvent inférieure à 10 pour cent, et elle continue à diminuer pour toutes les espèces aquacoles. En ce qui concerne la consommation humaine directe, l’huile de poisson est l’une des sources naturelles majeures d’acides gras polyinsaturés oméga 3 à longue chaîne (EPA et DHA), qui remplissent un large éventail de fonctions essentielles pour la santé humaine.

En raison de la fluctuation de la production de farine et d’huile de poisson et des variations de prix qui en découlent, de nombreux chercheurs tentent de trouver d’autres sources d’acides gras polyinsaturés – stocks de grands zooplanctons marins tels que le krill antarctique (Euphausia superba) et le copépode (Calanus finmarchicus), par exemple –, mais des inquiétudes subsistent quant aux incidences que leur exploitation pourrait avoir sur les réseaux trophiques marins. L’huile de krill, en particulier, est commercialisée comme complément alimentaire pour l’homme, tandis qu’un créneau se développe pour l’emploi de la farine de krill dans la production de certains aliments aquacoles. La transformation de cette matière première pose toutefois des problèmes pratiques: il est nécessaire d’en réduire la teneur en fluorure et le coût des produits à base de zooplancton est trop élevé pour qu’on puisse les inclure comme simple source d’huile ou de protéines dans les aliments pour poissons. Parallèlement aux sous-produits de poisson, les farines d’insectes sont une source potentielle intéressante d’apport protéiné pour les aliments aquacoles (Hua et al., 2019).

Le poisson ensilé, riche hydrolysat de protéines qui contient de grandes quantités d’acides aminés essentiels, est une solution de remplacement moins coûteuse que la farine et l’huile de poisson, et est de plus en plus utilisé comme additif alimentaire, par exemple, en aquaculture et dans l’industrie des aliments pour animaux de compagnie. L’utilisation d’une technologie telle que l’ensilage permet de conserver facilement le poisson et les parties de poisson qui ne servent pas à l’alimentation humaine et de les transformer en un intrant alimentaire de grande valeur pour l’aquaculture (Toppe et al., 2018).

Utilisation des sous-produits

Le développement de la transformation de la production halieutique et aquacole a entraîné une augmentation des quantités de sous-produits, qui peuvent représenter jusqu’à 70 pour cent du poisson transformé, selon sa taille, l’espèce et le type de transformation. Ces sous-produits sont généralement composés de têtes (qui représentent 9 à 12 pour cent du poids total du poisson), de viscères (12 à 18 pour cent), de peau (1 à 3 pour cent), d’arêtes (9 à 15 pour cent) et d’écailles (environ 5 pour cent). Autrefois, ces sous-produits étaient souvent dirigés vers la production de farine ou mis au rebut, ce qui entraînait des pertes économiques et des problèmes environnementaux. La transformation de sous-produits pose fréquemment d’importants problèmes environnementaux et techniques du fait de leur forte charge microbienne et enzymatique et de leur propension à se dégrader rapidement s’ils ne sont pas traités ou stockés correctement. Il est donc essentiel de les récolter et de les traiter au plus vite si l’on souhaite les transformer ensuite. L’élaboration de nouveaux ingrédients ou produits, sous diverses formes, à partir de sous-produits de poisson est une solution qui pourrait permettre d’augmenter la valeur ajoutée, d’éviter les pertes économiques, de réduire les répercussions sur l’environnement et de proposer aux consommateurs des aliments nutritifs, peu onéreux et adaptés, avec une durée de conservation plus stable.

Les filets sont les parties les plus intéressantes en ce qui concerne la teneur en protéines, mais les têtes, les carcasses, les chutes de filets, les parois abdominales et certaines parties des viscères, comme le foie et les œufs, sont des sources particulièrement riches en nutriments, par exemple d’acides gras oméga 3 à longue chaîne, de vitamines A, D et B12, ainsi que de minéraux comme le fer, le zinc, le calcium, le phosphore et le sélénium. Des techniques de transformation peuvent être appliquées aux parties de poisson qui ne sont habituellement pas consommées, afin d’obtenir à faible coût des produits extrêmement nutritifs, comme des saucisses, des pâtés, des cakes, des en-cas, des soupes, des sauces et d’autres produits destinés à la consommation humaine. Si ces produits sont savoureux et acceptables pour les populations locales, ils pourraient constituer une excellente solution pour accroître l’impact nutritionnel des ressources halieutiques et aquacoles tout en réduisant les pertes et le gaspillage de poisson.

Les petites arêtes encore recouvertes d’un peu de chair sont consommées comme une collation dans certains pays. Par ailleurs, ces sous-produits peuvent être transformés et être utilisés comme farine de substitution dans les pains, les pâtisseries, les gâteaux et les nouilles pour ajouter des nutriments tels que des protéines et du calcium. La gélatine fabriquée à partir de la peau et des arêtes peut être transformée en films et revêtements comestibles pour des applications alimentaires. Elle peut remplacer la gélatine d’origine bovine ou porcine et permet de stabiliser les émulsions. Les arêtes de poisson sont une source de collagène et de gélatine, mais aussi une excellente source de calcium et autres minéraux, comme le phosphore, utilisables dans l’alimentation humaine ou animale ou sous forme de compléments. Des technologies simples, à faible coût, permettent en outre de transformer les sous-produits de poisson en ensilage, comme indiqué plus haut.

Outre leurs diverses utilisations dans les produits alimentaires, les sous-produits de poisson font l’objet d’une attention croissante au regard de leurs applications biotechnologiques et pharmaceutiques, car ils offrent une source importante et durable de substances biochimiques de forte valeur, du fait de leur teneur élevée en collagène, enzymes, peptides, acides gras polyinsaturés et minéraux (Coppola et al., 2021). Le collagène du poisson est considéré comme un substitut possible de celui d’origine bovine ou porcine et a été récemment reconnu comme un biomatériau prometteur présentant un grand potentiel pour les applications pharmaceutiques et biomédicales (Wijaya et Junianto, 2021). Des enzymes et des peptides bioactifs peuvent être isolés à partir des viscères de poisson et être utilisés dans un large éventail d’applications dans les industries du cuir, des détergents, de l’alimentation et de la pharmacie, ainsi que dans les procédés de bioremédiation. L’huile de poisson contient une grande quantité d’acides gras polyinsaturés à longue chaîne qui ne peuvent pas être synthétisés par le corps humain et qui remplissent un large éventail de fonctions essentielles pour la santé humaine.

On peut utiliser les sous-produits de crustacés et de bivalves de différentes manières pour accroître leur valeur tout en traitant des problèmes d’élimination des déchets. La chitine, polysaccharide extrait des déchets de coquilles de crustacés, est une source potentielle de substances antimicrobiennes. Son dérivé, le chitosane, a trouvé un large éventail d’applications, notamment dans les domaines du traitement des eaux usées, des cosmétiques, des articles de toilette, de l’alimentation, des boissons, et des produits agrochimiques et pharmaceutiques. Les coquilles de bivalves (moules et huîtres, par exemple) peuvent être transformées en carbonate de calcium ou en oxyde de calcium, deux composés chimiques très polyvalents qui ont de vastes applications industrielles. Les coquilles sont également utilisées pour la fabrication de cosmétiques et de médicaments traditionnels (poudre de perle), comme complément de calcium dans l’alimentation animale (poudre de coquille), dans l’artisanat et dans la joaillerie.

Par ailleurs, les macroalgues sont transformées en additifs alimentaires ou en compléments nutritionnels, et sont une bonne source d’iode, de fucoïdane, de fucoxanthine et de phlorotanins (Cai et al., 2021). Les macroalgues et les microalgues génèrent des avantages socioéconomiques au profit de dizaines de milliers de ménages, essentiellement dans les communautés côtières, et contribuent à la santé humaine et à l’apport d’avantages environnementaux et de services écosystémiques. Généralement riches en fibres alimentaires, en micronutriments et en composés bioactifs, et, pour certaines espèces, à haute teneur en protéines, les macroalgues sont souvent considérées comme un aliment sain et peu calorique.

Pertes et gaspillage de produits alimentaires d’origine aquatique

Malgré des progrès majeurs dans les domaines de la transformation, de la réfrigération et du transport, des millions de tonnes de produits alimentaires d’origine aquatique, chaque année, sont perdues ou altérées du point de vue nutritionnel. Ces problèmes ne se rencontrent pas seulement dans les secteurs de la pêche et de l’aquaculture: les pertes et le gaspillage alimentaires sont considérés comme une question essentielle à l’échelle mondiale, et font l’objet de la cible 12.3 des objectifs de développement durable (ODD), à savoir réduire de moitié le volume de déchets alimentaires d’ici à 2030. On estime que, dans les secteurs de la pêche et de l’aquaculture, jusqu’à 35 pour cent de la production est chaque année soit perdue, soit gaspillée. Dans la plupart des régions, les pertes et le gaspillage de poisson atteignent au total entre 30 et 35 pour cent (FAO, 2011b). On estime que les taux de gaspillage les plus élevés sont enregistrés en Amérique du Nord et en Océanie, où environ la moitié des animaux aquatiques capturés est gaspillée au stade de la consommation. En Afrique et en Amérique latine, les pertes de la production halieutique sont principalement dues à l’insuffisance des infrastructures et des compétences en matière de conservation. Cela étant, l’Amérique latine est la région qui gaspille le moins (avec des pertes estimées à moins de 30 pour cent du volume total de de la production).

Les pertes d’animaux aquatiques, en quantité et en qualité, sont dues au manque d’efficience des chaînes de valeur. De nombreux pays en développement – en particulier les économies les moins développées – ne disposent toujours pas des infrastructures, des services et du savoir-faire nécessaires pour les manipuler de manière appropriée, à bord et à terre, et préserver ainsi leurs qualités. L’absence d’accès à l’électricité, à l’eau potable, aux routes, aux équipements de fabrication de glace, aux entrepôts frigorifiques et aux moyens de transport réfrigérés est un obstacle majeur. Pour réduire efficacement les pertes et le gaspillage de ces produits, il faut mettre en œuvre une approche multidimensionnelle et multipartite. Une telle approche élargie tient compte des facteurs qui influent sur les capacités nationales en matière de prévention des pertes, telles que les politiques d’appui et la législation, ainsi que les compétences, les connaissances, les services, les infrastructures et les technologies. Pour pouvoir concevoir des solutions efficaces et durables, il importe de comprendre comment ces différents facteurs agissent les uns sur les autres dans un contexte donné, en fonction du lieu, des espèces, du climat et de la culture. Cette approche est encouragée dans le Code de conduite volontaire pour la réduction des pertes et du gaspillage alimentaires (FAO, 2021a). Il convient ici de souligner que la réduction des pertes et du gaspillage des produits alimentaires d’origine aquatique permet potentiellement de diminuer la pression sur les stocks halieutiques et de contribuer à améliorer la durabilité de la ressource ainsi que la sécurité alimentaire et nutritionnelle19.

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