Page précédente Table des matières Page suivante


2. Les caractéristiques du consommateur et de la consommation en milieu urbain africain


2.1 Caractéristiques des ménages
2.2 Fonctionnement des ménages urbains
2.3 Caractéristiques de la consommation

2.1 Caractéristiques des ménages

L’analyse des contraintes de la ville et le cosmopolitisme de la vie urbaine, mais aussi une certaine approche évolutionniste avaient alimenté des hypothèses d’interprétation sur l’évolution des ménages urbains fortement partagées par les spécialistes. Parmi celles-ci la réduction de la taille, le recul de la polygamie, le développement de l’individualisme. Ces changements dont les prémisses étaient repérables au niveau de l’élite urbaine dans la période coloniale semblaient inéluctables. Dans la réalité, les évolutions des structures des ménages ont été très variables et n’ont pas été linéaires.

Structure des ménages

Les ménages urbains découlent d’un processus historique très récent en Afrique du fait de l’importance de la migration d’origine rurale dans la constitution des villes. Ainsi même si l’évolution des structures sociales devraient être influencée par les contraintes du cadre de vie urbain, les comportements des ménages dépendent des structures rurales. En d’autres termes, le mode d’adaptation des individus originaires des sociétés rurales à la ville se fera en référence aux structures sociales rurales d’origine. Ainsi le groupe ethnique d’appartenance est un facteur important pour comprendre par exemple, la structuration de la famille africaine en ville. Si la notion de «famille élargie» a été souvent utilisée en Afrique pour rendre compte de la différence entre le modèle familial nucléaire européen et le modèle africain, elle ne rend pas suffisamment compte de toutes les réalités, ni des divers contenus fonctionnels. Le qualificatif «d’élargie» a des sens différents.

Les spécialistes des sociétés rurales ont essayé de rendre compte de cette réalité en tentant de caractériser les familles rurales par la description des combinaisons de différentes unités sociales remplissant des fonctions sociales et économiques spécifiques. Ces fonctions sont celles de la résidence, de la consommation, de la production et de l’épargne. Si pour le ménage de type européen ces fonctions tendent à se confondre dans l’unité sociale nucléaire (couple et ses enfants), elles sont séparées dans la réalité africaine rurale.

Les unités de résidence

Elles désignent un niveau de segmentation sociale. Il s’agit en général d’un lignage ou d’un segment de lignage réunissant des couples de générations différentes en un même lieu de résidence. Ces couples partagent un même espace de résidence sous la direction d’un membre, souvent le plus âgé.

Les unités de production

Il peut s’agir d’un couple ou de plusieurs couples apparentés qui exploitent la même terre et gèrent leurs ressources en commun (terre, capital, main-d’oeuvre ).

Les unités de consommation

Il peut s’agir d’un couple ou de plusieurs couples apparentés qui partagent les même repas et mettent en gestion commune leurs productions vivrières ou leurs revenus financiers destinés à assurer la reproduction de leur unité sociale.

Les unités d’épargne

Il peut s’agir soit d’un couple, soit de l’un des conjoints d’un couple, soit d’un segment du ménage (la femme et ses enfants par exemple), qui épargne séparément ses propres ressources.

Les combinaisons d’unités sociales et économiques diffèrent selon le groupe ethnique, allant d’un modèle mononucléaire de type occidental à un modèle polynucléaire réunissant plusieurs générations. Les cas extrêmes sont constitués d’une part par le ménage des ethnies «soninke» et «bambara» qu’on rencontre au Mali et au Sénégal et d’autre part par le ménage de l’ethnie «peul» rencontrée dans la plupart des pays d’Afrique de l’Ouest. Pour le premier type la référence est le segment de lignage qui peut regrouper plusieurs générations vivant dans le même espace. A cette unité de résidence correspond les unités de production et de consommation qui peuvent atteindre cinquante personnes (une vingtaine de couples) mangeant à partir de la même cuisine et gérant ensemble un stock commun.

Dans le deuxième type (peul) l’indépendance est accordée au couple qui devient ainsi une unité de production et de consommation indépendante. Sa taille dépasse rarement cinq personnes. Des échanges de repas sont permis, mais le gendre ne peut manger en présence de ses beaux parents.

Les migrants tentent en ville de respecter le modèle familial de l’ethnie d’origine et un ensemble de considérations idéologiques accompagne cette volonté de maintenir une certaine identité. Ainsi on retrouve en ville la séparation entre les fonctions de résidence, de consommation et d’épargne. La fonction de production étant en ville une fonction indépendante (emploi), elle influe sur les autres fonctions.

Au-delà des différences par ville certaines constantes ont été notées:

A Ouagadougou, E. Cheyns parle de «membres du ménage et invités permanents» pour désigner l’unité de consommation urbaine. Ces «invités permanents» représentent 1.39 sur une moyenne de 7.5 personnes. L’unité de consommation exclut les membres résidents du ménage qui mangent à l’extérieur sans recevoir de l’argent pour cela par le chef de concession.

A Dakar, il est également fréquent que le ménage cuisine aussi pour des parents qui logent séparément. Dans certains cas cette pratique correspond à un abonnement appelé «bool». A chaque repas un plat est envoyé au membre externe de l’unité de consommation.

A l’origine il s’agissait d’un réflexe de solidarité en l’encontre des immigrés récents, parents ou recommandés au ménage. Progressivement la participation financière du migrant a été institutionnalisée. Aujourd’hui, les familles pauvres et les femmes des familles moyennes l’ont intégré dans leurs stratégies de consommation. Les abonnés des «bools» deviennent membres de l’unité de consommation selon des formes diverses mais qui peuvent aller jusqu’à faire l’objet de contrats très explicites. Les abonnés peuvent ainsi négocier la durée des repas et sont de plus en plus exigeants.

Les difficultés d’accès au logement individuel explique en partie cette dichotomie entre unités de résidence et unités de consommation. Dans certaines familles les jeunes couples préfèrent rester encore chez les parents ou partager le même maison que leurs frères. Chaque couple affirme son indépendance en développant une cuisine indépendante. Les difficultés économiques et quelques fois l’héritage culturel (cas des soninké, des toucouleurs etc.) peut conduire à des stratégies de partage des repas où la préparation se fait à tour de rôle.

A Dakar la baisse du pouvoir d’achat des populations après la dévaluation a conduit à des stratégie de regroupement entre frères ou entre amis dans le cas des travailleurs célibataires. Ainsi contre toute attente c’est la polynucléisation des ménages qui se renforce au détriment de l’individualisation.

Cette polynuclérisation est constatée à Dakar ou le nombre de ménages polynucléaires est passé de 7 pour cent en 1969 à 23 pour cent en 1989. Les données qualitatives sur le mouvement de regroupement des ménages apparentés après la dévaluation du franc CFA (ARDIS, non daté) en 1993, mais aussi les problèmes d’accès au logement et l’évolution du chômage autorisent à penser que les ménages polynucléaires vont constituer le phénomène dominant dans les prochaines années. A Ouagadougou la taille des ménages (unités de consommation) est passée en un an de 7.64 à 8.27 (CHEYNS, 1996). Les ménages de très grande taille (supérieure à huit personnes) représentent prés de 40 pour cent des ménages. Dans la réalité il s’agit de regroupement de plusieurs couples.

La polynuclérisation peut conduire à deux types de comportement alimentaire:

Des variantes peuvent exister: les ménages peuvent partager les repas de midi et individualiser le petit déjeuner et le repas du soir.

Taille et composition des ménages

La taille des ménages urbains sera fortement influencé par le type de ménage. Les moyennes statistiques cachent de grandes disparités qui influent sur la diversité des comportements alimentataires. A Dakar, la moyenne est de sept personnes par ménage mais plus de 50 pour cent des ménages se situent au-dessus de cette moyenne.

Pour assurer l’alimentation de ménages de tailles importantes, il est nécessaire de disposer de stocks de céréales suffisants (riz, maïs, sorgho) pour les populations dont le régime alimentaire est basée sur les céréales (Dakar, Ouagadougou et Bamako ).

Pour les régimes à dominante de racines et tubercules, le stock n’est pas nécessaire du fait de la transformation artisanale avant consommation et du style alimentaire (THUILLIER, 1996).

La composition par tranche d’âge montre une majorité d’enfants de moins de sept ans. A Ouagadougou il y a en moyenne quatre enfants pour sept personnes. A Dakar les enfants de moins de neuf ans constituent 54 pour cent de la population. La jeunesse de la population oblige donc à prévoir la préparation quotidienne des repas à domicile pour l’alimentation des enfants, même quand les parents ont des activités à l’extérieur et sont quelques fois obligés de passer la journée en dehors du ménage.

2.2 Fonctionnement des ménages urbains

Gestion de l’alimentation

Certaines valeurs culturelles rurales déterminent encore les responsabilités des membres du ménage relatives à l’alimentation. L’époux chef de famille a la responsabilité de procurer les ressources alimentaires à toute la famille. Si en milieu rural, il doit lui-même produire les céréales ou tubercules de base et constituer un stock que vont gérer les femmes, en milieu urbain la pratique répandue consiste à acheter un stock de base et à remettre à l’épouse une allocation financière pour l’achat des autres composants du régime alimentaire (viandes, poissons et ingrédients). Cette somme appelée «dépense» ou «popote» selon les milieux et gérée par les femmes est souvent fixe mais peut faire l’objet de négociations entre la femme et son mari. Dans le cas de ménages à revenus moyens et irréguliers la «dépense» est quotidienne mais fixe alors que dans les ménages pauvres elle est quotidienne mais aléatoire d’autant plus qu’elle inclut l’achat de céréales que ces familles ne peuvent constituer en stocks durables. Les familles riches préfèrent mensualiser la «dépense quotidienne». Le choix des plats fait l’objet de négociations quotidiennes entre maris et épouses. Les enfants et dépendants ne sont pas consultés. En réalité ce sont les épouses qui décident, surtout dans les ménages polygames. Quand le mari veut «commander» un plat spécial ou a des invités, il lui est demandé d’augmenter la dépense qui fera l’objet de négociations.

Mode d’acquisition des produits

Les modalités d’acquisition des aliments dépendent des types de produits et des niveaux de revenu des ménages.

Cas des céréales

L’acquisition des céréales comme le riz et le mil se fait en gros. Le mari se charge des achats en gros en général et s’approvisionne d’habitude dans les mêmes circuits chaque mois. A Dakar il s’agit souvent du «boutiquier du coin» pour le riz, le sucre etc. A Ougadouga, Cheyns note que 60 pour cent des achats de céréale sont réalisés par les hommes quand il s’agit de gros et 80 pour cent par les femmes quand il s’agit d’achat au détail.

A Cotonou, les achats directs sur les marchés ruraux sont importants, mais l’essentiel des achats de gros se font au seul marché central de Dantokpa.

Les familles à faibles revenus achètent le riz et les autres céréales au détail. Dans ces contextes les achats sont entre les mains des femmes. Les familles à revenus irréguliers mais importants achètent des stocks de plusieurs mois et complètent par le détail chaque fois qu’il y a rupture de stocks.

Cas de la viande

La viande est achetée en détail et rarement stockée. Seules les familles aisées disposant de congélateurs sont en mesure de stocker de la viande. Dans ce cas c’est le mari qui s’approvisionne à l’abattoir. Occasionnellement, l’approvisionnement se fait en achetant sur le marché un mouton «sur pied» pour les familles aisées.

A Dakar il arrive que des abattages de bovins soient organisés dans les quartiers sur l’initiative d’une association ou d’un opérateur. La viande est alors répartie en tas de dimensions égales entre les participants à l’opération, qui se partagent ensuite les coûts et frais2. Ce type d’opération s’organise aussi dans les lieux de travail et garantie un approvisionnement de viande de meilleure qualité et à moindre prix.

A Ouagadougou le mode de stockage de viande le plus important reste cependant l’achat de poulets vivants.

Cas des poissons

Pour les villes comme Dakar l’offre de poissons frais est importante, mais les prix varient fortement. Les modes de stockage traditionnel (bouillie3) sont abandonnées au profit de la congélation. Cette possibilité existe essentiellement pour les familles aisées, mais des services de congélation sont de plus en plus disponibles dans les quartiers populaires, ou certaines familles moyennes disposent de matériels de congélation sur-dimensionnés qu’elles rentabilisent en proposant aux voisins des services de «gardiennage» de leurs poissons moyennant des frais journaliers de location.

Dans le cas du poisson l’achat de gros n’est fait par le mari qu’à titre exceptionnel et rarement seul. La connaissance de la qualité du poisson frais et des règles de marchandage sont des compétences que seules les femmes maîtrisent.

Dans les villes de Ouagadougou et de Cotonou, le poisson transformé est souvent stocké. Ce sont les femmes qui achètent également sur les marchés de gros du fait de leur expertise de la qualité.

Cas des racines et tubercules

Ces produits sont plus achetés en détail que stockés. Ainsi ce sont les femmes qui s’en occupent.

Cas des condiments et légumes

Les légumes européens sont rarement stockés compte tenu du besoin de fraîcheur des consommateurs. En période de forte production, les ménagères peuvent acheter des stocks pour quelques semaines en fonction de leur appréciation de l’évolution des marchés.

Quelles que soient les catégories sociales considérées, les achats de détail sont effectués par les femmes en fonction des besoins journaliers. Si pour les familles des salariés des catégories sociales aisées les achats concernent en majorité les condiments et les légumes, les familles moyennes et pauvres, mais aussi les familles riches de commerçants, peuvent acheter tout en détail.

Dans les cas où les épouses travaillent, les achats quotidiens sont confiées à des domestiques par leurs patronnes. Quand elles ont d’autres types d’occupation (commerce etc.), elles peuvent confier les achats quotidiens à des parents ou à leurs filles, ou profiter de leurs activités pour faire des achats. On peut noter que les enfants (garçons et filles) n’interviennent presque pas dans les opérations, ni dans les décisions d’achat. C’est seulement quand ils atteignent un certain âge qu’ils peuvent accompagner leurs parents pour les aider dans les achats.

Les femmes sont aussi responsables de la transformation des produits et de la préparation des repas. L’importance de la transformation des produits dépend des types de plats à préparer. A Ouagadougou, les plats principaux sont le «tô» à base de maïs et le riz au gras. Le riz est d’utilisation directe alors que le «tô» qui est fait à partir de la farine demande une première étape de transformation du maïs ou du sorgho. Les femmes préfèrent stocker les céréales et s’occuper elles-mêmes de la transformation domestique au fur et à mesure des besoins, qu’acheter directement de la farine.

Pour le couscous au Sénégal, les étapes de préparation sont plus nombreuses et l’étape finale demande une certaine expertise de la part des femmes. Cet obstacle favorise l’achat direct du couscous «frais» sur le marché. Un réseau dominé par le groupe ethnique serère gère la filière (de la transformation à la mise sur le marché) du couscous. Une enquête de l’USAID en 1988 dans 26 quartiers de l’agglomération dakaroise recense 94 unités de transformation du mil (moulins à mil). Dans ce réseau les pilleuses de mil d’origine serère jouent un rìle important.

L’activité professionnelle de la femme ne constitue pas une contrainte majeure pour les activités domestiques de transformation, car les charges de travail sont transférées aux domestiques dont l’un des critères de recrutement est la maîtrise des techniques traditionnelles de préparation alimentaire.

Savoir faire culinaire

La préparation des repas incombe aux femmes. Ainsi la culture culinaire se transmet traditionnellement de mère en fille. Le transfert de ce savoir-faire culinaire se fait depuis la tendre enfance et doit àtre suivi de près à domicile puisqu’il n’y a pas d’éducation formelle dans ce domaine. Pour la plupart des familles urbaines, le temps nécessaire à l’apprentissage commence à devenir une véritable contrainte. D’une part, la scolarisation des filles leur laisse peu de temps de présence à la maison et de l’autre, les mères travailleuses et commerçantes préparent de moins en moins elles-mêmes et confient ce rôle aux domestiques. Ainsi on peut attribuer la diversification des plats dans les ménages urbains aux domestiques. Celles-ci sont d’origines diverses et acquièrent des compétences culinaires par des expériences diversifiées et pour certaines, par une formation technique professionnelle dans des centres de formation spécialisés (les «centres ménagers»). Les domestiques constituent aujourd’hui les véritables facteurs de diffusion du savoir faire culinaire.

Technologie culinaire

L’art culinaire africain reste celui du «cuit». L’accès aux sources d’énergie constitue une préoccupation principale des ménagères. Le charbon et le bois sont encore très souvent utilisés mais de réels efforts d’introduction du gaz butane sont constatés dans les capitales. Il est probable que les problèmes d’accès et de coût de l’énergie modifient les choix culinaires. Dans la plupart des pays sahéliens, le gaz butane est subventionné pour réduire l’exploitation des forêts, mais il est probable que l’évolution de la consommation demandent des subventions trop élevées, ce qui amènerait les autorités à y renoncer complètement. Dans cette hypothèse, il y a de fortes chances que la variable «temps de cuisson» détermine les choix de plats et par conséquent la nature de la demande. La demande en produits précuits peut être plus importante.

2.3 Caractéristiques de la consommation

Régime alimentaire et nutritionnel

Les types de régime alimentaire peuvent être classés en fonction du produit de base: céréales ou tubercules. Il faut cependant noter que si dans les pays où la base alimentaire est céréalière, il n’existe pas de plats à base de tubercules (Sénégal, Mali et Burkina); il en est différemment dans les pays où dominent les tubercules mais où les céréales comme le riz sont aussi consommés et sont même en nette progression (Cotonou et Abidjan).

A Ouagadougou, le maïs tend à supplanter le sorgho dans la préparation du «tô» car les citadins estiment que le maïs a une présentation plus «jolie». Que ce soit le riz, les autres céréales ou les tubercules et racines, les plats sont accompagnés de sauces à base de feuilles ou de pâtes d’arachide et de légumes. Le poisson frais ou transformé et les viandes viennent compléter le régime alimentaire.

Les plats de riz cuit dans la sauce sont plus exigeants en huile, en poisson (riz au poisson dominant à Dakar) et en viande (riz gras à Ouagadougou). Ces plats sont essentiellement consommés comme plat principal à midi. Les repas du soir peuvent être les mêmes, mais ils comportent également des plats à base de bouillies accompagnées de lait (Dakar) ou de viande.

Une proportion importante de familles urbaines préparent des repas à base de pâtes alimentaires importées, de sauces et de pain. Ce régime n’est pas toujours adapté aux grandes familles dont les repas du soir sont à base de couscous. Dans les familles de commerçants, et en particulier chez certains groupes ethniques de Dakar (serère, toucouleur, soninké) ce type de régime est dominant pour les repas du soir. Dans d’autres familles la prise du repas du soir étant difficile à organiser, l’alimentation individuelle de rue est privilégiée.

Dans les quartiers moyens et pauvres des villes se développe un important commerce alimentaire de rue. A Ouagadougou et à Cotonou, cette alimentation de rue est devenue une pratique «normale» alors qu’à Dakar, c’est le lot des familles pauvres et les grandes familles à revenus moyens.

Du point de vue nutritionnel il faut noter que la viande et le poisson consommés dans les sauces servent juste à donner du goût. La quantité est donc très limitée. L’huile d’arachide et l’huile de palme constituent les autres éléments caractéristiques du régime nutritionnel.

Pratiques alimentaires, les séquences de consommation

Dans toutes les villes la séquence de consommation est constituée par le petit déjeuner, le déjeuner et le repas du soir. La plupart des repas se prend à domicile. Les modèles de consommations à l’européenne sont très répandus pour le petit déjeuner qui comprend une boisson chaude (café, lait ou tisane) accompagnée de pain. Selon le niveau de vie, le chocolat, le beurre et les fromages peuvent s’y ajouter. Ce modèle de consommation est relativement coûteux et n’est pas à la portée de tous les ménages. Compte tenu de la dévaluation du franc CFA et de l’inflation, la tendance est à la baisse. En effet, une frange importante des ménages qui ont adopté le modèle européen de petit déjeuner ont substitué le café et le lait à la tisane locale (kinkeliba). Pour certaines familles, cette substitution ne concerne que les enfants et les femmes tandis que les hommes tendent à renoncer au petit déjeuner. La substitution des tisanes au lait peut avoir des conséquences nutritionnelles pour les enfants qui buvaient du lait seulement au moment du petit déjeuner.

A Cotonou par contre, le petit déjeuner est à base de pâtes de bouillies. Il est acheté aux marchandes ambulantes. Ainsi plus de la moitié des travailleurs ne jugent plus nécessaire de le prendre à domicile. Pour le repas de midi, on note également un taux important de repas pris à l’extérieur (près d’une personne sur huit). A Cotonou, c’est donc surtout le repas du soir qui regroupe la famille.

A Dakar, les travailleurs et les commerçants installés assez loin de leurs domiciles prennent à l’extérieur leurs repas de midi. La majorité des membres du ménage n’est pas concernée. Les chefs de familles aisées et véhiculés et ceux qui habitent près de leurs lieux de travail préfèrent rentrer déjeuner en famille. A Ouagadougou, les repas sont pris à l’extérieur par besoin de regroupement entre amis et pour des raisons de socialisation plus qu’en raison des contraintes de la vie urbaine. Les «maquis», «gargottes» et points de grillades (de poisson et de poulets) sont des lieux de rencontre, d’échanges sur les affaires de la cité et constitue des manifestations de modernité pour ceux qui les fréquentent. Le repas à domicile reste le modèle dominant.

Il apparaît ainsi que quel que soit le milieu considéré, le repas à domicile est préféré, car il constitue aussi un moment de socialisation. Cette fonction sociale de la prise de repas doit être prise en compte par les politiques.


Page précédente Début de page Page suivante