FAO au Burundi

Les enfants travailleurs sont les victimes invisibles du changement climatique

Abebe Haile-Gabriel affirme qu'il est urgent de mettre fin au travail des enfants dans l'agriculture en Afrique. Photo : ©FAO
09/06/2023

Une nouvelle étude des Nations Unies met en évidence le lien entre le changement climatique et le travail infantile

Article d'opinion d'Abebe Haile-Gabriel, Sous-Directeur général et Représentant régional pour l'Afrique de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO)
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Un nouveau rapport publié par l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a mis en lumière, pour la première fois, le lien entre le changement climatique et le fléau du travail infantile, qui touche environ 160 millions d'enfants au niveau mondial, étant l'agriculture africaine l'épicentre de cette épidémie.   

Le rapport a révélé que la fréquence et l'intensité croissantes des phénomènes climatiques extrêmes obligent certains enfants à travailler plus intensément et plus longtemps. Ces enfants travailleurs sont les victimes invisibles du changement climatique.

En Éthiopie, l'un des quatre pays analysés dans le cadre du rapport, les fortes pluies peuvent augmenter la fréquence et l'intensité du travail pour les garçons, parce que les ménages ruraux ont probablement besoin de main d'œuvre additionnelle pour le nettoyage et les réparations après de fortes pluies, et sont obligés de de recourir à l'aide des enfants.

Si les cas de chocs climatiques se multiplient, les enfants seront également amenés à travailler plus souvent et plus longtemps.

La Journée mondiale contre le travail des enfants (12 juin) nous rappelle opportunément que nous devons tous faire pour prévenir le travail des enfants dans l'agriculture en Afrique.

L'Afrique doit être au cœur du changement

Il y a plus d’enfants travailleurs en Afrique subsaharienne que dans le reste du monde réuni. L'agriculture représente 82 pour cent de l'ensemble du travail des enfants en Afrique. C'est donc dans le secteur agricole africain que l'on décidera de mettre fin au travail des enfants sous toutes ses formes.

La majorité des enfants qui travaillent dans l'agriculture travaillent sans rémunération au sein de la cellule familiale - ils aident la famille à joindre les deux bouts - et on les retrouve dans les secteurs de la production végétale, de l'élevage, de la sylviculture, de la pêche et de l'aquaculture. Le travail des enfants les empêche d'aller à l'école et compromet leur développement. Il nuit au secteur agricole et perpétue la pauvreté rurale. Il faut y mettre un terme.

Apporter des changements aux communautés rurales

À la FAO, nous avons élaboré un cadre pour mettre fin au travail des enfants dans l'agriculture, qui constitue un guide pour les décideurs politiques.

Nos efforts de sensibilisation ont mené à l’inclusion du travail des enfants comme domaine d'action prioritaire dans l'appel à l'action de Durban de l'année dernière, qui a été approuvé par les représentants gouvernementaux, les organisations de travailleurs, les agences des Nations Unies, la société civile et les organisations régionales.

Nous avons également publié le mécanisme pour la prévention du travail des enfants dans l'agriculture, qui catalysera des partenariats et des investissements visant à renforcer les communautés rurales et à offrir aux enfants ruraux un avenir meilleur.

Nous avons soutenu le Mali et le Malawi à élaborer des plans nationaux de lutte contre le travail des enfants. En Ouganda, le soutien politique et institutionnel de la FAO a permis au gouvernement d'intégrer la prévention du travail des enfants dans les politiques nationales.

Au Cabo Verde, un projet financé par l'Union européenne a permis à la FAO de mener une enquête nationale sur les pratiques en matière de pesticides, y compris l'exposition des enfants aux produits chimiques nocifs. Le projet a conduit le ministère de l'agriculture et de l'environnement à identifier des alternatives aux produits chimiques dangereux et à promouvoir ces alternatives auprès des agriculteurs par le biais d'écoles d'agriculture de terrain. 

Nos écoles pratiques d’agriculture et d'apprentissage de la vie pour les jeunes (JFFLS) apportent directement de l'espoir aux enfants des zones rurales en promouvant une éducation de qualité en leur permettant d'acquérir des compétences agricoles adaptées à leur âge qui contribuent à leur sécurité alimentaire. En Ouganda, notre équipe rapporte que les parents des élèves sont de plus en plus disposés à envoyer leurs enfants dans ces écoles plutôt qu'au travail.   

Au Mali et au Burkina Faso, nous avons travaillé avec les autorités locales, l'Organisation internationale du travail (OIT) et l'Union européenne sur le projet CLEAR Cotton afin de diversifier les moyens de subsistance des cultivateurs de coton pour augmenter leurs revenus, de sorte qu'ils n'aient plus besoin d'envoyer leurs enfants au travail. L'investissement a porté ses fruits : les enfants souriants vont à l'école tandis que leurs parents sont aidés à se tourner vers l’aviculture et d'autres moyens de subsistance rentables.

Nous devons faire plus pour les enfants d'Afrique

Malgré ces succès, il reste encore beaucoup à faire pour lutter contre le travail des enfants dans l'agriculture en Afrique.

Les politiques de protection sociale, qui peuvent être considérées comme un filet de sécurité sociale productif pour les plus vulnérables, doivent être renforcées, inclusives et garantir aux ménages ruraux des revenus suffisants et accès aux services de base afin d'atténuer la nécessité de faire travailler les enfants.

Les politiques et les investissements gouvernementaux peuvent aider les familles rurales à mieux résister aux chocs liés au climat.

Les écoles sans frais et les mesures d'incitation à la fréquentation scolaire, comme un repas nutritif quotidien, peuvent contribuer à garder les garçons et les filles à l'école.

Ensemble, faisons plus pour mettre fin au travail infantile dans l'agriculture. C'est une mission urgente et nous ne pouvons pas laisser tomber les enfants d'Afrique.