A regarder de près, la problématique de la résilience n’est pas nouvelle pour les sahéliens, leurs gouvernants, leurs institutions et leurs PTF. En effet depuis plus de 40 ans, ils ont par la création du CILSS matérialisé leur volonté et leur solidarité à combattre ensemble la sécheresse et la désertification. Les initiatives de sortie durable de l’insécurité alimentaire, de la malnutrition et de la pauvreté qu’ils ont pour ce faire créées, se sont articulées autour de deux orientations essentielles :
- une réponse à court terme pour prévenir et gérer les crises alimentaires et réhabiliter les zones à risque ;
- une réponse structurelle à moyen long terme pour réduire la pauvreté et l’insécurité alimentaire des ménages par l’amélioration de la productivité agricole, l’accroissement de la production et l’amélioration de l’accès au marché
Malheureusement, les processus d’opérationnalisation de ces orientations étaient cloisonnés voire concurrentiels notamment dans la mobilisation des ressources. La présente montée en puissance de la problématique la résilience ces dernières années, avec les populations vulnérables et la sécurité alimentaire comme focus, donne par conséquent la formidable opportunité de créer des liens forts entre les efforts humanitaires et de développement et ce, de manière visible et concrète. Ce rapprochement est synonyme entre autres (i) de plus de synergie entre urgence et réponse structurelle, (ii) de mutualisation des efforts voire des ressources financières, (iii) de programmation concertée et de meilleure appréhension des effets et impacts des interventions, (iv) de meilleure identification des cibles.
C’est pour cette raison qu’en 2012, les responsables des organisations régionales Ouest Africaines (CEDEAO, UEMOA, CILSS) et l’Union européenne ont convenu de fédérer leurs efforts autour d’un partenariat international pour la résilience à travers une initiative baptisée « Alliance Globale pour la Résilience -AGIR- Sahel et Afrique de l’Ouest. Elle ambitionne d’harmoniser les réponses aux situations d’urgences et aux causes structurelles de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle.
Par conséquent, pour minimiser les risques d’éparpillement des initiatives non porteuses de résultats, d’émiettement des ressources financières, de refus de mutualisation des ressources et des efforts, les porteurs de AGIR prônent certaines exigences et conditions préalables :
1. L’existence d’une volonté politique affirmée des Etats, des institutions et des acteurs concernés nationaux et régionaux. Elle est nécessaire et se matérialise entre autres par :
a) des investissements structurants visant l’utilisation durable des ressources disponibles et l’accroissement non moins durable de la productivité et de la production agricole au sens large du terme et ;
b) une réponse appropriée et efficace aux pénuries alimentaires – ce qui implique une assistance alimentaire permanente - par la réhabilitation des infrastructures de soutien à la production et la restauration rapide des capitaux circulants dans les zones affectées par les crises.
2. La disponibilité d’un cadre stratégique et des programmes structurants nationaux de résilience. Le cadre stratégique en tant que référence pour les interventions aussi bien régionales que nationales sera décliné dans les pays en projets et programmes. Le processus de formulation desdits programmes se fera à travers des dialogues nationaux participatifs et inclusifs durant lesquels, il sera procédé à un « mapping » des politiques, programmes et cadres de dialogues existants à l’aune de la résilience. Ce «mapping» permettra d’identifier les priorités pertinentes contribuant au renforcement de la résilience des ménages, familles et communautés vulnérables. Le caractère inclusif des dialogues nationaux est crucial pour favoriser la mutualisation des efforts et surtout éviter la cacophonie aussi bien dans la formulation des projets et programmes que leur mise en œuvre et leur mesure. Cette dernière requiert non seulement des données fiables mais également consensuelles.
3. La disponibilité des moyens et capacités nécessaires pour mesurer les impacts investissements faits sur la résilience. Ce qui passe par la mise en place d’une Plateforme technique pour évaluer, analyser et mesurer la résilience. Cette Plateforme sera structurée et régie par des textes qui règlementent son fonctionnement. Elle devra fonctionner suivant une approche participative et inclusive mobilisant l’ensemble des acteurs ayant participer aux dialogues nationaux de formulation des programmes résilience. Compte tenu de la multiplicité des initiatives, une de ses tâches serait aussi de concevoir et faire appliquer un outil consensuel d’évaluation, d’analyse et de mesure de la résilience à tous les niveaux (national, communautés, familles et ménages).
Enfin créer de la synergie entre les initiatives autour de la résilience et harmoniser et partager les connaissances en la matière me poussent à exprimer quelques préoccupations :
- Beaucoup de définitions et de concepts de la résilience existent encore aujourd’hui. Lesquels prendre ? D’où la nécessité d’adopter une approche pragmatique pour aborder la problématique de la résilience. Il est de ce fait nécessaire de prendre en compte les aspects entre autres liés à la programmation, aux compromis à faire et au coût-efficacité des interventions.
- Il faut aussi pouvoir se mettre d’accord sur un certain nombre de principes à savoir : la compréhension du contexte de la résilience, le renforcement de capacité des acteurs pour participer à la construction de la résilience, la prise en compte des institutions qui y contribuent, bâtir autour de l’atténuation des risques, la prise en compte de la nutrition.
- La résilience porte certes sur 4 types de capital : le capital humain, le capital institutionnel, le capital social et le capital politique. Mais, il est essentiel d’investir en premier lieu dans le capital humain qui est le fondement des autres capitaux.
- il est nécessaire d’impliquer les petits producteurs dans la planification, la mise en œuvre et le suivi évaluation des politiques de résilience.
- La nécessite de prendre de plus en plus en compte la dimension régionale de la résilience dans nos réflexions me paraît évidente. Les communautés vulnérables frontalières à cheval sur deux pays ou plus devront nécessairement harmoniser leurs initiatives pour investir dans et mieux exploiter les ressources partagées.
Dramane Coulibaly