Après avoir participé au projet BOND, Marcin, un éleveur, œuvre pour que les agriculteurs locaux forment des réseaux et collaborent entre eux. ©Marcin Wojcik
Aussi banal que cela puisse paraître, lorsqu’il s’agit d’agriculture, la coopération et l’action collective peuvent donner des résultats remarquables.
Telle est l’idée de départ du projet BOND, financé par la Commission européenne et mis en œuvre avec l’aide de la FAO. Le projet BOND, qui est l’acronyme de Bringing Organizations and Network Development to higher levels in the farming sector in Europe (Mieux développer les organisations et les réseaux du secteur agricole en Europe), a pour but de renforcer le capital social du secteur agricole – soit, en termes simples, l’aptitude des producteurs à travailler ensemble pour atteindre des objectifs communs. On pourrait penser que cela va de soi, mais dans de nombreux endroits, la coopération entre exploitants agricoles ne fait pas nécessairement partie des traditions ou même de la culture du pays. En réalité, la coopération paysanne peut être perçue comme quelque chose d’innovant.
Les agriculteurs et les gestionnaires de terres jouent un rôle essentiel dans la durabilité du secteur agricole en Europe, et la manière dont les producteurs agricoles s’organisent en réseau, innovent et travaillent ensemble peut changer la donne en ce qui concerne la terre sur laquelle nous vivons et la nourriture que nous mangeons. À titre d’exemple, les coopératives permettent aux petits exploitants de mutualiser leurs ressources et de partager leur matériel, ce qui améliore l’efficacité, la fiabilité et la durabilité de la production alimentaire à long terme.
L’histoire de Marcin
Marcin Wojcik élève des bovins avec son père et son frère dans leur exploitation familiale. Il nourrit les bêtes de graminées, d’herbes, de fleurs, de trèfles et de légumineuses, au lieu des traditionnelles céréales. Cette méthode d’alimentation à l’herbe était peu connue en Pologne. Marcin a voulu changer les choses et mieux faire connaître ce mode d’élevage, et créer ainsi un marché pour le bœuf de pâturage – mais il était difficile d’y parvenir seul. Il a donc cherché à mettre sur pied une association qui lui permettrait de donner un coup de pouce au secteur, en collaboration avec d’autres producteurs.
Les sessions de formation dispensées par la FAO, qui portaient principalement sur le développement stratégique et les compétences en matière de direction, ont constitué l’un des axes clés du projet BOND. Grâce aux cours de formation, compris dans le guide de formation relatif au projet BOND, les participants ont pu mettre leurs idées en pratique en mettant en place une action organisée et collective au sein de leur communauté qui s’est concrétisée, entre autres, par la création de nouvelles associations et coopératives. Dans le cadre du projet BOND, les personnes formées ont également été incitées à former d’autres personnes, l’objectif étant qu’elles s’approprient le contenu et la méthodologie du guide de formation et qu’elles contribuent à assurer la continuité des activités de renforcement des capacités à l’avenir.
Après avoir participé à la formation, Marcin a créé une association d’éleveurs de bovins appelée Pastwisko, ce qui signifie «pâturage» en polonais. En plus de promouvoir les avantages de l’élevage au pâturage, l’association met également en avant l’agroforesterie, une méthode qui consiste à planter des arbres ou des arbustes autour ou à l’intérieur des terres cultivées et des pâtures pour améliorer la structure du sol, prévenir la dégradation des terres et produire de manière plus durable. Pastwisko, qui compte 22 membres, est la première association polonaise à faire le lien entre les questions environnementales et la production durable.
Elle a organisé plusieurs formations sur les techniques agroforestières à l’intention des exploitants locaux, en encourageant la mise en réseau et le partage d’idées. «J’ai commencé à propager la révolution BOND dans le monde agricole polonais. Ce sera la première fois qu’on entendra parler de l’importance de construire une communauté et de tisser des relations», affirme Marcin.
En 2020, avec l’aide de 20 autres grandes organisations d’agriculteurs, Marcin et son association ont présenté un document comprenant des propositions en matière de politiques au Ministère polonais de l’agriculture. Celles-ci portaient notamment sur la création de zones tampons le long des cours d’eau, ainsi que de brise-vent et de bandes boisées, toutes des techniques agroforestières permettant un élevage plus durable. Les propositions contenues dans le document seront adoptées par le Ministère de l’agriculture et du développement rural en 2022 et feront l’objet de financements.
Marcin (à gauche) et Nikolina (à droite) ont tous deux recours aux techniques apprises dans le cadre du projet BOND pour promouvoir la collaboration au sein du secteur. En haut à gauche: ©Marcin Wojcik; en bas à droite: ©Nikolina Pokupec.
Voir, apprendre et transmettre
Nikolina Pokupec, mariée et mère de deux jeunes enfants, élève des ovins et de la volaille dans son exploitation située à Vojakovac (Croatie), qui emploie trois personnes. Elle met en pratique les principes de la gestion agricole intégrée et adopte une méthode de production respectueuse de l’environnement qui tient compte des dynamiques de l’écosystème local. Actuellement, elle collabore avec deux groupes agricoles soutenus par la communauté afin de vendre ses produits directement aux consommateurs.
Dans le cadre du projet BOND, Nikolina a participé à un voyage d’étude à Arras (France), pendant lequel elle a visité des coopératives agricoles et s’est entretenue avec des membres de la coopérative CUMA, dont près d’un tiers des exploitants agricoles français sont adhérents. La stratégie du projet BOND consiste à «voir, apprendre et transmettre»: lors de voyages d’étude, les participants sont mis en relation avec des agriculteurs d’autres pays afin d’échanger pratiques et idées. Nikolina s’est rendu compte que, ensemble, les agriculteurs de la coopérative CUMA avaient plus de poids, de connaissances, de ressources et de capital financier. Ses membres partagent des ressources et des machines modernes et mettent à profit leur force collective pour négocier les prix d’achat et de vente. Grâce à cela, l’idée lui est venue de créer sa propre coopérative agricole en Croatie.
«J’ai réalisé que les [coopératives] sont une bonne chose, car [en France], les gens appliquent ces principes depuis des décennies», explique Nikolina.«Nous allons continuer d’unir nos forces dans le cadre de la coopérative.»
Promouvoir la coopération entre les exploitants peut aider à renforcer la viabilité et la productivité du secteur agricole. ©Marcin Wojcik
Projet BOND: ensemble, nous sommes plus forts.
L’agriculture joue un rôle essentiel dans la vie de chacune et chacun de nous, mais elle est confrontée à des défis croissants, comme la dégradation des terres, le changement climatique et l’exode rural, pour n’en citer que quelques-uns. Comment faire pour bâtir un secteur agricole plus solide?
Nous pouvons contribuer à améliorer ses infrastructures et investir dans des technologies agricoles nouvelles et innovantes. Nous pouvons aussi investir en faveur des agriculteurs eux-mêmes, en renforçant leurs compétences et leurs connaissances en matière de pratiques durables. Toutes ces actions sont nécessaires mais seules, elles ne suffisent pas. Il est également fondamental de travailler en équipe. Sachant que 95 pour cent des exploitations font moins de 5 hectares et que plus de 98 pour cent font moins de 20 hectares, les organisations qui font la promotion de solutions collectives sont primordiales. Grâce à des initiatives telles que le projet BOND, nous pouvons renforcer le secteur agricole et ainsi, le rendre plus productif, plus durable et plus à même de nourrir les générations actuelles et futures.
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