La FAO et le Gouvernement du Canada ont aidé 43 communautés autochtones vivant en Amazonie péruvienne à relancer des activités aquacoles et agricoles, à l’appui de leur alimentation et de leur nutrition. © FAO
En septembre 1991, Rosalinda Shamayre Elias a entendu des explosions et des cris.
«Les terroristes, les terroristes!»
Son peuple, les Ashaninkas, qui vit depuis des milliers d’années dans les forêts ombrophiles du Pérou et du Brésil, était attaqué par le Sentier lumineux, un groupe terroriste.
Cette nuit-là, la maison de Rosalinda a reçu une grenade. Rosalinda a fui avec ses trois enfants et s’est cachée quatre mois dans la forêt de Mazamari.
Rosa, comme elle est surnommée, et Hector Luna Jacopo, son mari, ont non seulement perdu leur maison, mais aussi des dizaines de parents et d’amis pendant ces longues années de conflit.
Malgré ces pertes cruelles et leur immense tristesse, Rosa et Hector ont trouvé le moyen d’avancer et de guérir. Dans la langue ashaninka, il existe le mot notsimancaque, qu’on peut traduire par «faire preuve de résilience» et qui désigne la capacité à guérir son âme et à avancer pour le bien de la communauté.
Au Pérou, le peuple autochtone ashaninka s’est efforcé de faire preuve de résilience (notsimancaque) pendant les années de conflit, et plus récemment, pendant la pandémie de covid-19. © FAO
Deux décennies plus tard, une nouvelle période de peur, de pertes et d’incertitude s’est ouverte.
Le 15 mars 2020, les autorités péruviennes ont décrété un confinement en raison de la propagation de la covid-19, maladie nouvelle et inconnue à l’époque.
La communauté de Rosa et Hector, appelée El Milagro, avait des raisons de s’inquiéter. Elle disposait d’un centre de santé mais n’avait pas de médecin, de matériel médical ni de médicaments.
Au début, les Ashaninkas ont pris des mesures pour se protéger du virus: ils se sont isolés et ont interdit leur territoire aux personnes extérieures. Mais au fil du temps, la communauté a vu ses réserves fondre et a commencé à souffrir de la faim.
Face à la pénurie de nourriture, un groupe a été chargé de s’aventurer à l’extérieur pour résoudre le problème de ravitaillement. Malheureusement, des cas de covid-19 n’ont pas tardé à se déclarer.
«Nombre de nos frères et sœurs sont tombés malades et certains n’ont pas survécu», racontent Rosa et Hector.
Relancer l’activité
La pandémie a également mis un coup d’arrêt à une initiative récente permettant d’améliorer la nutrition et les moyens de subsistance de la communauté. En 2018, les autorités locales avaient aidé 18 familles d’El Milagro à créer des élevages de poissons.
Le peuple autochtone espérait ainsi prévenir la malnutrition infantile, laquelle peut atteindre 20,3 pour cent dans les communautés amazoniennes d’après les statistiques des autorités.
L’arrivée de la pandémie a fait cesser brutalement cette initiative.
La situation sanitaire s’étant améliorée fin 2021, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), avec l’appui du Gouvernement du Canada, a réalisé des analyses rapides des marchés locaux et des marchés alimentaires dans l’optique d’aider les organisations rurales et agricoles locales.
L’initiative visait à améliorer la situation sur le plan nutritionnel et financier tout en autonomisant les femmes autochtones et en soutenant des programmes publics de protection qui prennent en considération la dimension de genre.
Lors de la visite du personnel de la FAO à El Milagro, la population a clairement exprimé le souhait de redémarrer et de développer le projet aquacole stoppé par la pandémie.
Rosa a pris la tête de l’initiative. Elle était chargée de coordonner les tâches et d’encourager la participation de davantage de femmes.
«Nous avons appris à préparer l’alimentation des poissons, à améliorer la circulation de l’eau et à mieux nous organiser », explique-t-elle, ajoutant que l’élevage de poissons profitait également à son peuple sur le plan nutritionnel.
«Je rêve que la malnutrition appartienne au passé et que les femmes de la communauté puissent tisser et rire en toute quiétude», confie-t-elle.
Avec l’aide de la FAO et du Gouvernement du Canada, El Milagro et 42 autres communautés implantées dans les provinces d’Atalaya (région d’Ucayali) et de Satipo ont pu relancer l’élevage de poissons et des projets agricoles, dont la culture de café et de cacao.
Les familles d’El Milagro donnent des pacus, poissons natifs de l’Amazone, à manger à leurs enfants. Ces poissons sont considérés comme parfaits pour l’élevage car ils tolèrent les faibles taux d’oxygène des étangs de pisciculture. ©FAO
Les femmes, moteur de la résilience
Rosa sait qu’autonomiser les femmes est crucial pour assurer un meilleur avenir à leurs enfants et à la communauté.
Rosa et d’autres femmes de la communauté ont reçu une formation de la FAO portant sur l’aquaculture, mais aussi les compétences de direction, les droits des femmes et les droits humains.
En plus d’augmenter la productivité, ces sessions de formation visaient également à autonomiser les femmes de la communauté, qui sont nombreuses à vivre dans une pauvreté extrême, certaines avec moins de 1,90 USD par jour d’après l’Organisation internationale du Travail.
Rosa reconnaît qu’être mère et jouer un rôle moteur n’est pas simple. La principale difficulté rencontrée par certaines femmes est d’obtenir le soutien de leur mari, ce qui heureusement n’est pas son cas.
Que ce soit à la tête de la cuisine communautaire ou en tant que trésorière au sein du conseil de la communauté, Rosa se montre dynamique et efficace. Son mari la soutient dans son engagement. Elle souhaite un jour diriger El Milagro, un objectif auquel elle travaille avec son mari.
En 2022, dans le cadre du Programme global d’intervention et de redressement covid-19 de la FAO, la FAO et le Canada ont aidé plus de 23 000 petits exploitants, en particulier des jeunes et des membres de peuples autochtones vivant au Pérou, en Bolivie, au Nicaragua et au Honduras.
À près de 60 ans, la force de résilience de Rosa reste intacte. Après avoir enduré les horreurs du conflit, la maladie et la pauvreté, elle a appris à saisir chaque occasion que la vie lui offre, dont l’initiative portée par la FAO, pour guérir, se relever et notsimancaque.
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