S'orienter vers une production alimentaire durable grâce aux principes de l'agroécologie implique en effet plusieurs transitions simultanées, à différentes échelles, niveaux et dimensions : sociale, biologique, économique, culturelle, institutionnelle, politique. Cet article propose d'utiliser différents cadres conceptuels, issus de l'écologie, de l'agronomie et de la science de l'innovation, pour décrire ces transitions.

L'article aborde la transition agroécologique comme une succession d'innovations émergentes, et analyse les étapes de la transition technico-institutionnelle et ses facteurs. Il propose en outre de conceptualiser la transition comme une restauration des fonctions et de la résilience des socio-écosystèmes. Enfin, à partir de quelques exemples, il explore les implications de la transition en termes de changements dans les pratiques de gestion agricole.

La transition agroécologique peut impliquer l'optimisation des pratiques de gestion pour augmenter l'efficacité productive, la substitution des intrants ou la reconception du système. Les exemples analysés montrent que la transition ne part pas toujours de systèmes fortement industrialisés et/ou dégradés.

De nombreux producteurs qui ne se disent pas agroécologistes mettent néanmoins en œuvre un grand nombre de leurs pratiques sur une base agroécologique. La conclusion est que le passage à l'agroécologie implique une transition technico-productive au niveau des sous-systèmes agricoles, une transition socio-écologique au niveau de la famille rurale, de sa communauté et de son paysage, et une transition politico-institutionnelle au niveau des territoires, des régions et des pays. Comprendre la transition de cette manière, en tant qu'interdépendance entre les échelles et les dimensions, nous permet de concilier les points de vue des différentes "écoles" d'agroécologie, allant ainsi de la plus écologique à la plus socio-politique.