EAF-Nansen Programme

La pêche aux sardinelles: une source vitale pour assurer la sécurité alimentaire et nutritionnelle en Afrique du Nord-Ouest qui disparaît rapidement

15/10/2021

Les petits poissons pélagiques représentent près de 70 pour cent des captures en Afrique du Nord-Ouest.

En Mauritanie, par exemple, ils constituent 90 pour cent des captures annuelles totales qui s'élèvent à environ 1,4 million de tonnes, explique le Dr Cheikh Baye Braham, président du groupe de travail sur les petits pélagiques en Afrique du Nord-Ouest du Comité des pêches pour l'Atlantique Centre-Est (COPACE). En Gambie, la pêche des petits pélagiques représente 75 pour cent de la production totale de poisson, ajoute M. Momodou Sidibeh, directeur adjoint du département des pêches de la Gambie.

Parmi eux, les espèces de Sardinella sont particulièrement recherchées, car elles contribuent de manière significative à l'économie (en termes d’emploi notamment) et à la sécurité alimentaire et nutritionnelle des communautés côtières et intérieures de la région. La sardinelle est une des espèces les plus débarquées en Gambie, souligne M. Sidibeh. Au Sénégal, la sardinelle est le petit poisson pélagique le plus accessible et il joue un rôle important dans la sécurité alimentaire du pays, explique le Dr Fambaye Ngom Sow, scientifique en chef du Centre de recherche océanographique de Dakar-Thiaroye (ISRA/CRODT).

Cependant, l'état de cette espèce, autrefois abondante, est aujourd'hui alarmant, avec deux stocks de sardinelles – la sardinelle ronde (Sardinella aurita) et la sardinelle de Madère (S. maderensis) – en diminution dans la région.

La situation de ces stocks est très préoccupante pour tous les pays de la région, souligne le Dr Baye Braham.

Les données actuellement limitées – ou même l'absence de données – ainsi que les changements rapides dans l'exploitation et la nature transfrontalière de ces stocks de poissons rendent l'évaluation encore plus difficile. Toutes les informations disponibles basées sur les évaluations régionales récentes, réalisées par le groupe de travail de la FAO sur l'évaluation des petits poissons pélagiques au large de l'Afrique du Nord-Ouest, et intégrées dans le cadre consultatif du COPACE, indiquent une surpêche, en particulier pour le stock de sardinelle ronde. Très peu d'informations sont par ailleurs disponibles sur la sardinelle plate.    

© FAO/ Matthieu Bernardon

En outre, ces ressources partagées sont vulnérables aux variations des conditions environnementales (changement climatique inclut) et font l'objet d'une pression de pêche supplémentaire pour soutenir l'industrie de la farine de poisson en plein essor dans la région, qui cible la sardinelle comme espèce principale. Cette situation suscite des inquiétudes croissantes, non seulement en ce qui concerne la surexploitation des petits pélagiques, mais aussi le détournement des poissons destinés à la consommation locale et donc essentiels pour les moyens de subsistance et la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations.

En 2020, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), en collaboration avec le WorldFish Institute, a lancé une étude visant à évaluer les conséquences socioéconomiques et biologiques de l'industrie de la farine de poisson sur la sécurité alimentaire, les moyens de subsistance et la durabilité des petits pélagiques en Afrique subsaharienne. L'étude a porté sur la Mauritanie, le Sénégal et la Gambie, ainsi que sur les lacs d'Afrique australe et orientale, où de grandes quantités de poissons marins et continentaux sont capturées pour répondre à la fabrication croissante de farine de poisson et d'autres aliments à base de poisson.

Dans des pays comme la Mauritanie, le Sénégal et la Gambie, la farine de poisson est presque entièrement produite à partir de petits pélagiques – comme la sardinelle ronde, la sardinelle plate et l’ethmalose – qui sont généralement considérés comme la source principale et la moins chère de protéines animales pour des milliers de personnes dans la région, commente M. Djiga Thiao, expert en pêche et responsable technique de l'étude à la FAO.

L'initiative est basée sur une recommandation du COPACE, avec le soutien du Programme EAF-Nansen et d'un projet sur l'autonomisation des femmes dans la pêche artisanale pour des systèmes alimentaires durables – tous deux financés par l'Agence norvégienne de coopération au développement (Norad). Les résultats de l'étude à venir serviront de base pour formuler des recommandations à l'intention des décideurs sur les éventuelles mesures nécessaires au développement durable de l'industrie de la farine de poisson en Afrique occidentale et orientale.

L'une des principales priorités du Programme EAF-Nansen est de promouvoir la collaboration entre les pays partenaires en matière de gestion et de suivi des stocks partagés. Le Programme soutient également les évaluations des stocks de petits poissons pélagiques par le biais d'une assistance technique et de la collecte de données provenant de campagnes scientifiques menées à bord du navire de recherche, le Dr Fridtjof Nansen, depuis la création du groupe de travail en 2001. L'amélioration des connaissances sur la valeur nutritionnelle du poisson et la sécurité alimentaire fait partie intégrante du plan scientifique de la phase actuelle du Programme EAF-Nansen, dont l'objectif à long terme est de faire en sorte que la pêche durable améliore la sécurité alimentaire et nutritionnelle des populations des pays partenaires. Les autres connaissances recueillies lors des ateliers sur la nutrition et la sécurité alimentaire contribuent à développer et à renforcer les capacités régionales des pays bénéficiaires.

Les données existantes confirment que les petits poissons pélagiques, lorsqu'ils sont consommés entiers, sont particulièrement riches en nutriments, a déclaré le Dr Marian Kiellevold, chercheur en sécurité alimentaire et nutritionnelle à l'Institut norvégien de recherche marine (IMR). Des espèces comme la sardinelle contribuent de manière significative à l'apport quotidien de plusieurs micronutriments très importants, propres aux aliments provenant de la mer, de la vitamine D, de l'iode et des acides gras. Il est donc très important d'introduire le débat sur les contributions potentielles du poisson à la sécurité alimentaire et à la nutrition à l'échelle mondiale, a ajouté le Dr Kiellevold.

L'initiative Shared sardinella récemment lancée en Afrique du Nord-Ouest (en Mauritanie, au Maroc, au Sénégal et en Gambie) répond au besoin d'efforts conjoints au niveau régional et national. La FAO, par le biais du Programme EAF-Nansen, soutient la mise en œuvre de l'approche écosystémique des pêches appliquée à la gestion des stocks de sardinelles partagés dans le but de promouvoir la cohérence régionale. Les tâches mises en œuvre au niveau national répondent aux objectifs spécifiques des pays partenaires du Programme, et visent à améliorer les connaissances des pays sur la sardinelle, ainsi qu'à soutenir le processus de gestion des pêcheries de sardinelle.

La Mauritanie est l'un des pays de la région qui a reconnu le problème. La sardinelle étant l'espèce pélagique la plus importante pour le pays, et la sardinelle ronde étant considérée comme surexploitée depuis de nombreuses années, de gros efforts sont faits pour limiter la transformation de la sardinelle en farine de poisson. Parmi les autres mesures mises en place, il est possible de citer l'éloignement des navires de pêche des côtes et la diminution des quotas de pêche pour certains navires qui approvisionnent l'industrie de la farine de poisson.

En 2017, l'Institut mauritanien de recherches océanographiques et de pêche, en collaboration avec certains producteurs, a lancé un projet dans le pays, dont l'objectif est d'améliorer la durabilité des petits poissons pélagiques, ainsi que de l'espèce sardinelle, fait observé le Dr Baye Braham.  

En Gambie, le gouvernement travaille au renforcement de la réglementation en ce qui concerne la taille des mailles, la taille des prises débarquées ainsi que l'introduction de saison d’interdiction de pêcher, souligne M. Sidibeh.

L'Année internationale de la pêche artisanale et de l'aquaculture 2022, qui approche à grands pas, est une excellente occasion de souligner le rôle vital des petits poissons pélagiques pour les pêcheries artisanales, et de renforcer leur contribution à la sécurité alimentaire et à la nutrition, à l'éradication de la pauvreté et à l'utilisation durable de ces ressources marines, dont dépendent chaque jour des millions d’emplois dans le monde.