FAO en République démocratique du Congo

Production locale de bio pesticide en appui aux agriculteurs sinistrés par les criquets en République Démocratique du Congo

Les criquets puants ravagent les récoltes des agriculteurs
12/08/2016

La sécurité alimentaire de plus de 15 000 ménages menacés

L’évaluation des dégâts causés par les criquets puants (Zenocerus variegatus) dans le territoire d’Aru, en République Démocratique du Congo a été récemment l’objet d’une mission humanitaire conjointe composée de la FAO, OCHA, Lutheran World Federation (LWF) et de deux ONG nationales, le Programme Nourriture d’Abord (PNA) et la Réinsertion Sociale et Appui au Développement Communautaire (RSADC). Cette mission a noté globalement que l’ampleur du dégât causé par les criquets puants atteint environ 60% de perte de cultures. Les dégâts varient selon les espèces entre 20 et 85% pour le manioc, le maïs, le chou, les aubergines, le piment et le caféier. Ils s’élèvent à 90% pour le haricot et le soja riches en valeur nutritive. Plus de 20.000 hectares risquent encore d’être gravement affectés.

Les pertes de récoltes représentent plus de quatre mois de provision alimentaire pour un ménage moyen, soit, plus de 300.000 Francs Congolais (FC). Cela équivaut à au moins 300 dollars américains de revenu. De plus, ces pertes engendreront un manque de semences et risquent d’accroître l’insécurité alimentaire et le niveau de pauvreté de plus de 15 000 ménages. Sans appui, les petits producteurs affectés voient se briser leur élan vers la reprise économique. Ils seront obligés de consommer des plantes à tubercules de faible valeur nutritive et exclusivement pourvoyeuses d’énergie à l’organisme.

Cycle biologique du criquet puant

La capacité de nuisance du criquet puant est liée à sa voracité sur les cultures, mais également et surtout, à sa longue période de virulence au cours de l’année. En effet, la genèse du criquet commence par l’incubation en août de chaque année. Les femelles pondent souvent dans le sol et l’éclosion est échelonnée du mois de septembre jusqu’au mois de mars de l’année suivante. Ainsi, l’attaque des criquets puants dans la zone d’Aru commence pendant la petite saison sèche en mars et s’accentue pendant la période pluvieuse jusqu’ au mois de juillet.

Moyens de lutte

Pour lutter contre ces criquets puants à Aru, certains agriculteurs utilisent les produits phytosanitaires de synthèse : le Rocket et le Dudu. Ces produits, importés de l’Ouganda, ont un effet répulsif temporaire, au point que les criquets y reviennent en moins de 12 heures après l’application. Par ailleurs, à cause de leurs prix, ces deux produits de synthèse importés sont inaccessibles à la majorité des producteurs. L’approche du ramassage et de l’écrasement des criquets puants s’est également avérée inefficace.

En avril 2016, la mission conjointe a procédé à quatre essais expérimentaux de bio pesticides, sur base de feuilles de papayer, de jatrofa, de neem, du piment, de tephrosia et de tabac que l’on peut trouver localement. A l’issue d’un mois d’expérimentation, en collaboration avec l’Inspection de l’agriculture, pêche et élevage du territoire et du corps scientifique de l’Institut Supérieur d’Études Agronomiques et Vétérinaires d’Aru (ISEAV), les quatre formules conformes à la lutte intégrée ont produit des effets prometteurs sur le criquet puant qui succombe en moins d’une heure après pulvérisation. Plus économique, ce traitement, constitué de plantes disponibles dans la zone concernée, produit également un effet préventif sur les plantes contre les attaques du criquet.

Cette technique prometteuse contre l’expansion du criquet puant est appelée à servir de point d’ancrage pour le développement d’un programme de production de bio pesticide. Les essais sont poursuivis par les deux institutions afin d’évaluer leur efficacité dans le temps et sur la capacité de minimiser les risques pour les populations, l’écosystème et l’environnement.

Dispositions pratiques

A l’issue de toutes ces analyses, il est recommandé une assistance en vivres au profit des 15 000 ménages sinistrés; un appui à la lutte contre l’expansion du criquet puant par le développement d’un programme de production du bio pesticide, assorti des nécessaires formations/sensibilisations et par la distribution des pièges à phéromone pour capturer les criquets puants mâles ; et un appui en Food for Work aux actifs communautaires et en Cash Voucher couplé avec la distribution de semences de qualité et la nouvelle technologie agricole pour la résilience communautaire.

Pour parvenir à une intervention efficace et apporter une réponse durable aux populations sinistrées, un montant global de 5.000.000 dollars américains est à mobiliser. Ce montant servira à mener des interventions techniques agricoles en terme préventif et curatif (environ 2.000.000 USD) ainsi qu’un appui en vivres afin de limiter les risques d’insécurité alimentaire et nutritionnelle, et de surendettement, conduisant à l’extrême pauvreté (environ 3.000.000 USD). De la sorte, les ménages affectés reprendront la saison agricole dans de meilleures conditions sociales et économiques.

« La mobilisation de ces fonds est une urgence si nous voulons préserver les moyens d’existence de ces populations qui comptent déjà parmi les plus pauvres de la région. Sans appui externe, elles s’enfonceront inexorablement vers l’extrême pauvreté caractéristique des communautés qui n’ont pu développer aucun mécanisme de résilience depuis des décennies. Ces ménages devraient bénéficier d’une intervention intégrée permettant de renforcer leurs capacités techniques, sociales et financières afin de mieux saisir les opportunités et mieux anticiper les risques liés à la production agricole de subsistance », précise le Représentant de la FAO, Alexis Bonte.

« Etant donné que l’agriculture représente la source principale de nourriture et revenus pour les ménages de la zone affectée, les risques nutritionnels et d’accès continu à l’école au sein de ces familles affectées sont  à considérer dans les plus brefs délais », a-t-il ajouté.  

Pour mémoire, la dernière attaque du criquet puant dans la zone a été signalée au mois de mars 2015 dans trois chefferies de l’Est du territoire d’Aru, à la frontière avec l’Ouganda. Elle aurait décimé environ 4 000 ha de cultures vivrières. Cependant, l’attaque de cette année fait craindre un phénomène qui deviendrait répétitif et dont les effets vont s’amplifiant, déroutant ces familles pauvres des objectifs de développement durable.

 

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