Gestion Durable des Forêts (GDF) Boîte à outils

Critères et indicateurs: Un outil pour renforcer la gestion durable des forêts, de la politique à la pratique

Ce module s’adresse aux personnes intéressées par la durabilité dans le secteur forestier. Il définit des Critères et des Indicateurs (C&I), présente leurs principales utilisations, donne des exemples de C&I existants et fournit des liens vers des outils et des études de cas pour aider les utilisateurs à comprendre et à tirer le meilleur parti de cet instrument pour la gestion durable des forêts.

Critères pour la gestion durable des forêts aux niveaux mondial, régional et national

Sept domaines thématiques communs (ou critères) de gestion durable des forêts ont été définis au niveau mondial. Ils sont fondés sur les critères des neuf initiatives de C&I actuellement en cours aux niveaux régional et mondial. Ces sept éléments – adoptés en 2007 par l’Assemblée générale des Nations Unies dans l’Instrument juridiquement non contraignant concernant tous les types de forêts – sont les suivants:

  1. étendue des ressources forestières
  2. diversité biologique des forêts
  3. santé et vitalité des forêts
  4. fonctions productives des ressources forestières
  5. fonctions de protection des ressources forestières
  6. fonctions socioéconomiques des forêts
  7. cadre juridique, politique et institutionnel

Même si les différents processus de C&I ont adapté ces critères selon des situations spécifiques (par exemple, pour les écozones ou les écorégions), la plupart d’entre eux ont des critères similaires.

Aux niveaux national et infranational, le fait d’intégrer les C&I dans les politiques et les stratégies forestières peut renforcer la gestion axée sur les résultats. Les C&I doivent alors être identifiés en fonction des conditions locales afin d’être pratiques et réalisables, ainsi qu’acceptables pour les utilisateurs. En général, les pays adaptent les C&I  mondiaux et régionaux aux conditions nationales ou infranationales en intégrant, si nécessaire, de nouveaux indicateurs adaptés aux buts et objectifs nationaux de la gestion durable des forêts. Les C&I peuvent servir de liste de contrôle pour veiller à ce que les politiques forestières répondent à toutes les questions importantes. Par exemple, la comparaison entre un ensemble générique de C&I et une politique forestière nationale peut faire apparaître que cette dernière ne répond pas à un problème d’invasion d’espèces allogènes, ce qui peut encourager un débat national sur le sujet. À l’inverse, la politique forestière nationale peut répondre à une question d’importance sur le plan national mais qui est absente ou sous-estimée dans les C&I génériques; dans ce cas, des indicateurs spécifiques peuvent être ajoutés aux C&I nationaux (ou infranationaux).

Indicateurs pour la gestion durable des forêts aux niveaux mondial, régional et national

La FAO a utilisé des indicateurs au niveau mondial pour structurer ses évaluations des ressources forestières mondiales (FRA) en 2005, 2010 et 2015, avec des modifications mineures à chaque édition. Il a été proposé d’utiliser certains indicateurs pour suivre les contributions des forêts au Programme de développement durable à l’horizon 2030 (voir ci-dessous). L’OIBT utilise ses propres C&I dans les rapports de ses pays membres sur les forêts tropicales. D’autres institutions – comme l’Organisation du traité de coopération amazonienne, la Commission des forêts d’Afrique centrale et Forest Europe – ont mis au point des ensembles d’indicateurs pour leurs objectifs régionaux.

De nombreux pays utilisent des indicateurs forestiers pour la surveillance des forêts. Le Gouvernement de la Fédération de Russie, par exemple, a approuvé un Programme forestier national pour 2013-2020 et a adopté des indicateurs de suivi de sa mise en œuvre qui sont pour la plupart analogues à ceux du Processus de Montréal (tableau 2).

Tableau 2. Exemple d’indicateurs du Programme forestier national russe comparés à ceux du Processus de Montréal

Tableau 2. Exemple d’indicateurs du Programme forestier national russe comparés à ceux du Processus de Montréal

Indicateur du Processus de Montréal

Indicateurs du Programme forestier national russe 2013-2020

Critère 2: Préservation de la capacité de production des écosystèmes forestiers

2.a. Superficie et pourcentage des terres forestières et superficie nette des terres forestières disponibles pour la production de bois

 

Proportion de la superficie entière des ressources forestières louée (cible: 26 %)

Part de la quantité totale de bois résolté issu des cultures et des éclaircies (cible: 25 %)

Source: METLA (2013).

Types d’indicateurs

Types d’indicateurs

Les indicateurs doivent être SMART, c’est-à-dire spécifiques, mesurables, accessibles, réalistes et temporellement définis. S’il peut être difficile de chiffrer certains indicateurs, notamment dans certains pays, utiliser des indicateurs qualitatifs ou descriptifs pour signifier les changements de cap (c’est-à-dire «plus de ceci» ou «moins de cela») sur une période donnée peut toutefois fournir des renseignements utiles. Dans d’autres cas, il peut être judicieux de fixer des objectifs pouvant être chiffrés. Mesurer un ensemble complet d’indicateurs nécessitera des approches diverses (c’est-à-dire par le suivi, la cartographie, les révisions et les estimations et l’évaluation et les études) ayant différentes implications quant aux coûts et aux efforts requis. Une combinaison d’indicateurs types (c’est-à-dire quantitatifs, qualitatifs et binaires) peut être utilisée pour mesurer la situation de chaque critère et les modifications dont il a fait l’objet (tableau 3).

Tableau 3. Exemples d’indicateurs types

Indicateur type

Économique

Social

Écologique

Quantitatif
(les variations sont chiffrés)

Part (en %) du secteur forestier dans le produit intérieur brut

Nombre d’employés du secteur forestier

Nombre d’accidents du travail dans les forêts par an

Nombre d’espèces menacées

Superficie du couvert forestier sous statut «protégé» (par exemple, selon les catégories de l’Union internationale pour la conservation de la nature)

Qualitatif
(les variations sont mesurées en termes descriptifs ou semi-quantitatifs)

Structure du secteur forestier

Taxes et autres stratégies économiques qui affectent la gestion durable des forêts

Sentiment général sur la gestion forestière

Niveau d’importance des forêts pour la population générale

 

Cadres et instruments politiques pour l’adaptation au changement climatique

Cartographie géoréférencée des utilisations des terres et de leur changement d’affectation

Binaire
(réponse par oui ou par non – un type d’indicateur qualitatif)

Système obligatoire de plans d’aménagement déjà en place dans les entreprises forestières (O/N)

Existence de normes de sécurité sur le lieu de travail (O/N)

 

Existence d’un programme forestier national (O/N)

 

Principales utilisations des C&I

Principales utilisations des C&I

Les C&I constituent un outil de politique commune pour assister les pays à surveiller, évaluer et rendre compte des tendances sur l’état de leurs forêts ainsi que les progrès accomplis vers les objectifs de développement durable à des niveaux variés. Les C&I fournissent donc un cadre commun tant au sein des pays qu’entre des pays différents en autorisant leurs particularités. Par conséquent, ils permettent d’aider les décideurs, tant dans leur politique que dans la pratique, à:

  • renforcer l’élaboration de politiques, programmes et plans forestiers axés sur les résultats et suivre leur mise en œuvre;
  • promouvoir et mettre en place des mesures incitatives pour une transition vers des pratiques forestières durables et la certification en matière de gestion forestière;
  • renforcer le dialogue avec d’autres secteurs et montrer comment les forêts contribuent au développement durable et au bien-être de la société; et
  • surveiller, évaluer et rendre compte des progrès effectués envers la gestion durable des forêts et donc vers une gestion durable des ressources naturelles et de l’utilisation des terres.

Utiliser les C&I pour la gestion durable des forêts dans une approche axée sur les résultats

Utiliser les C&I pour la gestion durable des forêts dans une approche axée sur les résultats

Ces dernières décennies, les institutions multilatérales, les gouvernements et d’autres acteurs internationaux se sont de plus en plus intéressés aux approches axées sur les résultats. Au Sommet Rio+20 de juin 2012, les États membres furent convenus de créer un ensemble d’ODD universels et intégrés que l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté en 2015. Il est escompté que les ODD encourageront l’action en appui aux trois dimensions du développement durable – économique, social et environnemental – pour 2030. Suivre et analyser les résultats des efforts accomplis pour réaliser les ODD est fondamental pour donner le maximum d’efficacité et d’effectivité.

Une gestion axée sur les résultats se caractérise par l’importance accordée aux résultats plutôt qu’aux contributions et aux activités. Concrètement, une gestion axée sur les résultats exige que la conception, la planification et la mise en œuvre intègrent une description claire du bilan recherché et de ses répercussions – autrement dit les résultats. De plus, elles doivent suivre les progrès accomplis dans ce but, plutôt que de simplement faire en sorte que toutes les activités soient menées comme prévu. Cela ne veut pas dire que les activités ne sont pas importantes, mais que l’attention se porte plutôt sur les effets de ces activités qui améliorent la situation dans un pays donné et ainsi apporter des changements positifs dans la vie des populations.

On reconnaît aujourd’hui davantage l’importance du rôle que jouent les C&I dans le renforcement de la gestion axée sur les résultats dans le secteur forestier par la promotion de la gestion durable des forêts tout en tenant compte des besoins économiques, sociaux et environnementaux des parties prenantes. Les C&I sont utiles dans de nombreux contextes et à différents niveaux: ils peuvent permettre d’élaborer les processus politiques forestiers et de définir leurs objectifs, de mesurer les progrès et finalement de transmettre des messages clés sur la gestion durable des forêts.

Au Sommet de la Terre de 1992, par exemple, le Gouvernement cubain s’est engagé à augmenter la surface forestière du pays à 29,3 % du territoire pour 2015, par rapport à la surface évaluée à 13,4 %en 1959. L’indicateur «surface forestière» a été retenu et utilisé de manière constante pendant de nombreuses années, ce qui a permis d’évaluer les changements liés à l’objectif politique (c’est-à-dire le résultat) au fil du temps. La figure 1 montre les changements apparus sous l’indicateur «surface forestière» de 1959 à 2015.

Figure 1. Evolution de la surface forestière de Cuba en %  entre 1959 et 2015

Source: Herrero Echevarría (2015); Banque mondiale (2016).

Au Viet Nam, la surface et la qualité des forêts ont décliné au fil des années, à cause d’une gestion non durable des forêts et de l’utilisation des terres à d’autres usages pour promouvoir le développement socioéconomique. Des indicateurs sont actuellement utilisés dans la Stratégie de développement forestier du pays (2006-2020) afin de mesurer la situation du secteur forestier et de définir des objectifs, dans le but d’inverser le déclin des forêts (tableau 4).

Tableau 4. Stratégie de développement forestier du Viet Nam, 2006-2020

Description des données

Année

Surface forestière (en millions d’ha)

Surface forestière (en  %) rapporté au territoire total

Situation (telle que décrite dans la Stratégie de développement forestier 2006-2020)

1943

14,3

43

1990

9,18

27,2

2005

12,61

37

Résultat escompté (objectif de la  Stratégie de développement forestier 2006-2020)

2010

Non précisé

42-43

2020

16,24

47

Source: République socialiste du Viet Nam (2007). 

En Afrique, les conflits entre les humains et la faune sauvage peuvent causer la perte de cultures et de bétail, portant ainsi atteinte à la sécurité alimentaire et à la sûreté et au bien-être des populations. Un système de surveillance, appelé KoBoCollect, se sert des smartphones pour collecter des données sur les espèces sauvages et leurs conflits avec les hommes. Le système est en phase d’essai au Cameroun, au Congo, au Gabon, en Guinée équatoriale, en République centrafricaine, en République démocratique du Congo et au Tchad, afin d’obtenir des renseignements pouvant être utilisés pour la conception et la mise en œuvre de mesures visant à limiter les conflits et pour évaluer les effets de ces mesure dans le cadre de la gestion axée sur les résultats.Les C&I peuvent être appliqués au cours des trois principales étapes de la gestion axée sur les résultats dans un cycle de programme: 1/ planification stratégique (c’est-à-dire la conception de politiques ou d’un programme); 2/ planification de la mise en œuvre; et 3/ suivi, évaluation et apprentissage (figure 2).

Figure 2. Les utilisations des C&I à différentes étapes du cycle d’un programme de gestion axée sur les résultats

Utiliser les C&I en appui à des pratiques durables et à la certification forestière

Utiliser les C&I en appui à des pratiques durables et à la certification forestière

Les C&I sont des instruments pouvant être très efficaces pour appuyer la mise en œuvre de pratiques forestières durables. Des C&I ont été mis au point pour les forêts tempérées et tropicales du sud-est du Mexique en se basant sur l’étude de 14 initiatives de C&I aux niveaux national et international (en incluant, au niveau international, les C&I du Processus de Lepaterique, de l’Organisation du traité de coopération amazonienne, de l’Organisation africaine du bois, de l’OIBT, du Processus de Montréal et du Forest Stewardship Council). Les C&I ont été élaborés de manière à s’adapter au contexte social, culturel et législatif du Mexique grâce à un processus participatif qui s’est entre autres attaché à échanger des connaissances et à concilier des intérêts potentiellement opposés. Cette initiative a permis de prendre en compte  les réalités quotidiennes des communautés, notamment leurs aspects culturels locaux. Par ailleurs, des indices de vérification ont été créés pour chaque indicateur, accompagnés d’une valeur ou d’une unité de référence ayant chacune trois niveaux de performance – 1) faible, 2) moyenne, 3) bonne – permettant d’évaluer de manière réaliste et précise la durabilité de la gestion des forêts.

En Namibie, les communautés et les institutions promouvant la gestion forestière communautaire utilisent les C&I pour surveiller la gestion des forêts. Bien qu’il n’existe pas d’ensemble de C&I au niveau national en Namibie, les professionnels ont emprunté des C&I à d’autres processus, en particulier ceux de l’OIBT et du Processus pour les zones arides d'Afrique. Les principales motivations d’utilisation des C&I en Namibie sont d’assister au développement des plans de gestion forestière et de surveiller les répercussions d’actions négatives sur l’étendue des forêts et leur condition. Les communautés locales dépendent fortement des ressources forestières pour leur existence: des plans d’aménagement basés sur des C&I sont indispensables pour que l’administration namibienne des forêts puisse transférer les droits d’utilisation des produits forestiers aux communautés locales. La condition des peuplements forestiers et leur conformité avec les systèmes et les règlements d’aménagement des forêts convenus par les communautés sont surveillés sur la base des C&I. Si des anomalies sont détectées, alors des procédures opérationnelles standards sont appliquées pour inciter les membres de la communauté et le personnel de gestion des forêts à réorganiser leur système d’aménagement selon des règles et des règlements convenus. Les membres des communautés et leurs chefs traditionnels ont été étroitement associés l’élaboration de ces règlements, ce qui a permis à la communauté de mieux les accepter et de s’y conformer. Les administrations forestières ont tendance à mettre au point des ensembles complets de C&I qui couvrent tous les aspects possibles de la gestion durable des forêts; d’autre part, les C&I doivent être suffisamment simples pour éviter que le processus de surveillance ne dépasse pas les capacités des communautés et de l’administration elle-même, aussi bien du point de vue financier que technique (voir le tableau 5 qui montre des exemples de C&I utilisés pour les communautés forestières namibiennes).

Tableau 5. Exemples de C&I utilisés pour les communautés forestières namibiennes

Critères

Indicateurs

Composition des essences d’arbre

• Nombre d’arbres par essence

• Surface terrière par essence

• Volumes des arbres par essence

Régénération de qualité suffisante

• Fonction de distribution par diamètre et par type de qualité

Feux de forêts

• Surface de départs de feux prescrits

• Nombre de feux pour la période d’août à novembre

• Surface brûlée, août-novembre

• Nombre de feux significatifs pour les années suivantes

 

La certification forestière a été encouragée dès le début des années 90 comme un moyen de faire face à la déforestation et à la dégradation des forêts dans le monde et de susciter une gestion forestière qui soit responsable et transparente. Le Forest Stewardship Council (FSC) a été mis en place en 1993 par le WWF et d’autres ONG du secteur de l’environnement, des négociants en bois, des groupes de populations autochtones, des organisations de travailleurs forestiers et d’autres parties prenantes en vue d’encourager la gestion durable des forêts au niveau mondial. Une étude réalisée dans trois pays du bassin du Congo (Cameroun, Congo et Gabon) indique que la certification du FSC a poussé les entreprises à faire des progrès remarquables au niveau social dans la région. Le tableau 6 montre des exemples d’indicateurs utilisés dans le Principe 4 du FSC «Relations communautaires et droits des travailleurs» et appliqués en Namibie.

Tableau 6. Critères et indicateurs associés pour les communautés forestières namibiennes, selon le Principe 4 du FSC («Relations communautaires et droits des travailleurs: les opérations de gestion forestière doivent maintenir ou améliorer le bien-être social et économique, à long terme, des travailleurs forestiers et des communautés locales.»)

Critères

Indicateurs

4.1. Les communautés habitant dans ou à proximité de la région soumise à la gestion forestière devraient recevoir des opportunités en matière d’emploi, de formation ou d’autres services.

4.1.1. Lorsque les membres des populations situées au sein des unités de gestion forestière ou adjacentes à celles-ci disposent de compétences similaires à celles des étrangers, les employés devraient être recrutés de préférence parmi ces populations.

4.1.4. Le responsable forestier doit contribuer à l’instruction élémentaire des enfants des employés, selon les dispositions et les conditions contractuelles établies sur la base des normes nationales.

4.1.6. Le responsable forestier doit contribuer à l’amélioration des conditions de santé des populations avoisinantes comme stipulé dans les règlements nationaux.

4.2. Les opérations de gestion forestière devraient répondre ou dépasser les exigences des lois ou des autres règlements applicables en matière de santé et de sécurité des employés et, le cas échéant, de leur famille.

 

4.2.1. Le gestionnaire forestier est tenu de prendre des mesures préventives pour réduire au maximum les accidents du travail liés aux opérations forestières. Les conditions de travail doivent être conformes au Code du travail et aux recommendations de l’Organisation internationale du Travail. Des règles et des procédures doivent être prévues et distribuées aux employés de sorte qu’ils soient avertis de la nécessité de se conformer aux règles en matière de sécurité. Des équipements de protection appropriés doivent être distribués aux travailleurs, et ces derniers doivent les utiliser quand ils sont à leurs postes de travail respectifs. Les travailleurs doivent être soumis à des examens médicaux, tels que prévus dans la législation nationale.

4.2.2. Les conditions de santé des employés et de leur famille doivent être conformes aux règlements applicables de la législation en vigueur. Le responsable forestier doit prendre des mesures pour assurer une santé publique et des conditions de sécurité appropriées (eau potable, sanitaires, seaux, etc.). Des centres de soins doivent être mis en place et être dotés sur place de personnel médical qualifié. Ces centres doivent être suffisamment approvisionnés en médicaments, tel que l’exige la législation applicable. Le responsable forestier doit prendre les mesures nécessaires pour approvisionner ses employé(e)s avec des marchandises et des produits alimentaires de bonne qualité selon les prix du marché local.

L’aménagement des forêts peut aboutir à des conflits entre les différentes cultures et les groupes de parties prenantes et les C&I sont un moyen de faciliter les processus de règlement des conflits. En Amazonie brésilienne, par exemple, l’application des C&I du FSC apporte de la transparence aux conflits non résolus relatifs aux régimes fonciers et à l’utilisation des terres et favorise les échanges entre les parties prenantes. Comme le stipulent les C&I du FSC, la certification exige que les régimes fonciers et les droits d’utilisation par les peuples traditionnels soient clairs et qu’il n’y ait pas de conflit susceptible de menacer la sûreté des individus et l’intégrité des ressources forestières. Lorsque l’entreprise de bois Mil Madeireira Itacoatiara Ltda (Precious Woods Amazon) s’est engagée dans un processus de certification dans sa forêt amazonienne couvrant 82 000 hectares, elle était consciente que des familles vivaient dans ces forêts sans qu’elle n’ait aucune relation avec elles. Au cours de l’évaluation de la certification, il est apparu évident que même en absence de conflit apparent, un éventuel conflit pouvait éclater. Les familles vivant dans ce périmètre utilisaient le brûlis sur les parcelles agricoles, ce qui pouvait menacer la gestion forestière; d’un autre côté, les familles ne reconnaissaient pas Mil Madeireira comme étant le propriétaire légitime de cette forêt. Une des conditions de la certification stipulait qu’aucune activité d’aménagement des forêts n’était autorisée dans les départements forestiers adjacents aux zones occupées. L’entreprise a été tenue de sonder toutes les familles présentes au sein de son périmètre de forêts et de soumettre une proposition pour reconnaître officiellement leurs droits fonciers. Afin d’officialiser la position juridique des familles en regard de leurs droits, après deux ans de travail avec le Gouvernement, la compagnie a décidé de démarquer les zones occupées, conjointement avec les communautés, y compris quelques zones de forêts. Enfin, la compagnie a envoyé a chaque famille une lettre reconnaissant de manière officielle les droits fonciers de la famille. Ainsi, grâce aux exigences de certification du FSC, stipulées dans les C&I, 142 familles ont pu bénéficier de titres fonciers au sein du cadre d’accord signé entre le Gouvernement de l’Amazonas et la compagnie certifiée Mil Madeireira.

Si le Chili manque de grandes réserves de combustibles fossibles (pétrole et gaz), son potentiel de production forestière est considérable (45 % du pays est classé comme adapté pour la foresterie). Le Chili faisait face à des problèmes de production et de commercialisation de bois de chauffage, notamment à cause de l’abattage illégal. En réponse, le pays a développé un système national volontaire de certification pour le bois de chauffage, dans le but de réguler les marchés. Le système de certification dispose de quatre prescriptions: 1/ que les marchands soient officiellement enregistrés (remplissant ainsi leur obligation légales); 2/ que la source du bois de chauffage soit identifiée (pour lequel il existe un plan d’aménagement forestier); 3/ que soit délivré un produit de qualité (le bois de chauffage devant avoir un taux d’humidité inférieur à 25 %); et 4/ que des renseignements pertinents, précis et fiables sur le produit soient fournis aux consommateurs. Les principaux destinataires du système de certification sont les marchands de bois de chauffage; ceux qui désirent obtenir une certification doivent se présenter en personne au bureau technique local pour recevoir les informations et les orientations nécessaires. L’approvisionnement régulé et normalisé en bois de chauffage certifié a constamment augmenté depuis que ce modèle a pris effet en 2007, contribuant à développer un marché durable et à encourager le débat public sur l’utilisation du bois de chauffage.

Utiliser les C&I pour démontrer la contribution des forêts au développement durable

Utiliser les C&I pour démontrer la contribution des forêts au développement durable

Les ODD adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre 2015 comprennent 17 objectifs, 169 cibles et 231 indicateurs, visant tous à orienter et à mesurer les progrès vers un développement durable en 2030. Les forêts sont importantes pour les ODD dans la mesure où elles fournissent un grand nombre d’avantages économiques, sociaux et environnementaux qui contribuent à: des moyens d’existence durables, la génération de revenus et d’emplois, la production alimentaire, des systèmes de production et de consommation plus durables et plus résilients et l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à celui-ci.

Quantifier de telles contributions au niveau mondial n’est pas toujours possible, à cause des lacunes dans les données et des difficultés pour collecter des informations socioéconomiques sur les forêts qui puissent être comparées à l’échelle mondiale. Néanmoins, les ODD reconnaissent le rôle important des forêts dans 12 cibles liées aux forêts, y compris celles associées à l’ODD 15 («Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des sols et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité»), qui place explicitement la gestion durable des forêts dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030. Les forêts sont également abordées de manière claire à la cible 6.6 de l’ODD6 sur l’eau et sont essentielles à la réalisation de nombreux autres ODD et cibles associées. Les forêts sont liées à l’éradication de la pauvreté (ODD1); à la sécurité alimentaire et à la nutrition (ODD2); à la santé (ODD3); à l’égalité entre les sexes (ODD5); à l’énergie durable (ODD7); à la croissance économique durable (ODD8); aux infrastructures et à l’innovation (ODD9); à la consommation et à la production durables (ODD12); au changement climatique (ODD13); aux sociétés pacifiques et ouvertes à tous, à la justice et aux institutions responsables (ODD16); et aux moyens de mise en œuvre (ODD17).

Les données sur les forêts contribueront directement à suivre les progrès vers les 12 cibles des ODD grâce à 13 indicateurs liés aux forêts. La collecte de données socioéconomiques sur les forêts peut améliorer la qualité générale des indicateurs socioéconomiques pour les ODD, tels que les revenus en nature et l’utilisation accrue des produits forestiers dans les filières. Travailler sur les C&I sera déterminant pour la production d’informations socioéconomiques aux échelles régionale et nationale et pour d’autres processus de surveillance, comme la FRA de la FAO, conduisant ainsi à l’amélioration des données socioéconomiques liées aux forêts au niveau mondial.

Afin de suivre les progrès réalisés vers les ODD et les cibles associées, la Commission de statistique des Nations Unies a établi le Groupe d'experts des Nations Unies et de l'extérieur chargé des indicateurs relatifs aux objectifs de développement durable. La FAO et d’autres organisations concernées développe actuellement une approche générale pour identifier les indicateurs forestiers à utiliser dans le cadre des ODD et la FAO élabore un ensemble restreint de contributions liées aux forêts à l’ODD 15 (tableau 17).

Tableau 7. Cibles et indicateurs pour l’ODD15

ODD15: «Préserver et restaurer les écosystèmes terrestres, en veillant à les exploiter de façon durable, gérer durablement les forêts, lutter contre la désertification, enrayer et inverser le processus de dégradation des sols et mettre fin à l’appauvrissement de la biodiversité»

Cible 15.1

D’ici à 2020, garantir la préservation, la restauration et l’exploitation durable des écosystèmes terrestres et des écosystèmes d’eau douce et des services connexes, en particulier les forêts, les zones humides, les montagnes et les zones arides, conformément aux obligations découlant des accords internationaux

Indicateur 15.1.1

Superficie forestière en tant que proportion du territoire total

 

Cible 15.2

D’ici à 2020, promouvoir la gestion durable de tous les types de forêt, mettre un terme à la déforestation, restaurer les forêts dégradées et accroître considérablement le boisement et le reboisement au niveau mondial

Indicateur 15.2.1

Progrès vers une gestion durable des forets

 

Cible 15.3

D’ici à 2030, lutter contre la désertification, restaurer les terres et sols dégradés, notamment les terres touchées par la désertification, la sécheresse et les inondations, et s’efforcer de parvenir à un monde sans dégradation des sols

Indicateur 15.3.1

Proportion des terres dégradées par rapport au territoire total

 

Cible 15.4

D’ici à 2030, assurer la préservation des écosystèmes montagneux, notamment de leur biodiversité, afin de mieux tirer parti de leurs bienfaits essentiels pour le développement durable

Indicateur 15.4.1

Couverture des zones protégées des sites importants pour la diversité des systèmes montagneux

Indicateur 15.4.2

Indice de couvert végétal montagneux

La collecte de données, le suivi et l’établissement de rapports pour l’indicateur 15.2.1 («Progrès vers une gestion durable des forêts») est complexe, dans la mesure où aucune variable ne peut refléter totalement les progrès vers la gestion durable des forêts. L’indicateur sera surveillé à travers quatre sous-indicateurs liés aux changements de surface forestière et de stock de carbone, l’aire désignée pour la conservation de la biodiversité, et l’aire sous gestion durable des forêts certifiée par des modèles indépendants de certification de la gestion forestière.

Utiliser les C&I pour suivre, évaluer, rapporter et mesurer les progrès la gestion durable des forets

Utiliser les C&I pour suivre, évaluer, rapporter et mesurer les progrès la gestion durable des forets

Les modifications apportées au suivi des forêts et dans leur gestion nécessitent de disposer de données cohérentes, comparables et valides dans le temps. Pour chaque indicateur, plusieurs éléments doivent être identifiés: les sources des données (c’est-à-dire les moyens de vérification); les méthodes de collecte et d’estimation des données; les outils de collecte des données; les modèles appropriés (si nécessaire); le plan statistique d’échantillonnage (pour générer des résultats représentatifs et pour l’évaluation); le calendrier et la fréquence de la collecte des données; la formation requise pour la collecte, la saisie et l’analyse des données; et les responsabilités des différents acteurs pour chaque indicateur. Ces détails doivent être documentés dans un plan de suivi-évaluation, qui dans l’idéal spécifiera aussi la référence et la cible pour chaque indicateur. Le tableau 8 présente un plan simple de suivi-évaluation pour le Nigéria.

Tableau 8. Plan de suivi-évaluation des Stratégie et plan d'action nationaux pour la biodiversité (SPANB) du Nigéria

Indicateur

Responsabilité

Données pour l’indicateur

Méthode de collecte des données

Moyens de vérification

Fréquence de la collecte et des rapports  

 

Réf.

Cible pour 2020

(d’impact)

% de la population consciente de l’importance de la biodiversité

Département forestier fédéral

 

ND

30 %

Enquêtes auprès de groupes représentatifs de la population

OU

Estimation du nombre de personnes contactées dans le cadre d’activités de sensibilisation

Résultats des enquêtes

 

 

Résultats des estimations

Début et fin du programme

(de performance)

Nombre de campagnes d'information et de sensibilisation

Agence d’orientation nationale

ND

20 %

Examen des rapports de campagnes de sensibilisation

Rapport annuel

 

Annuelle

(de performance)

Nombre des débats publics

 

Agence d’orientation nationale

Département forestier fédéral

 

10 %

 

Examen des rapports sur les débats publics

 

Lettre de diffusion

 

L’Agence d’orientation nationale fait rapport aux SPANB

 

Annuelle

(de performance)

Nombre d’États du Nigéria conduisant des activités de sensibilisation

 

Agence d’orientation nationale

ND

> 50%

Examen des activités de sensibilisation

et des rapports à la réunion annuelle des SPANB

 

Lettre de diffusion

 

 

Annuelle

Source: Gouvernement nigérian (2015).

Au niveau mondial, la FAO a observé les forêts du monde à intervalles de cinq à dix années depuis 1946. Les FRA sont aujourd’hui publiées tous les cinq ans dans le but de fournir une approche cohérente pour décrire les forêts mondiales et leur changement. L’objectif des FRA a changé au fil du temps et il est largement influencé aujourd’hui par les progrès du processus de développment des C&I dans la mesure où le questionnaire d’évaluation – envoyé à chaque pays comme première source de données – repose en grande partie sur les indicateurs issus d’un ou plusieurs processus de C&I. L’OIBT a publié son premier rapport Situation de la gestion des forêts tropicales en 2006, suivi d’une seconde édition en 2011. Ces rapports rassemblent les données fournies par les pays tropicaux membres de l'OIBT basées sur les C&I de cette dernière et par d’autres sources d’information disponibles afin de produire des estimations exhaustives de l’étendue des forêts tropicales gérées de manière durable.

Augmenter l’utilisation des C&I

Augmenter l’utilisation des C&I

La mesure dans laquelle les C&I sont appliqués varie selon la région, la sous-région et le pays, et une confusion subsiste sur la meilleure manière de les formuler et de les utiliser. Les C&I sont encore perçus aujourd’hui comme un outil complexe ayant peu de valeur ajoutée. Par conséquent, les principaux acteurs susceptibles de les utiliser – administrations forestières, communautés et opérateurs économiques – ne manifestent qu’un faible intérêt pour les C&I. De nombreux gouvernements nationaux sont réticents à financer de manière appropriée le développement et le déploiement des C&I. Par conséquent, les efforts effectués pour développer des C&I adaptés au contexte national reposent souvent sur les institutions internationales.

Un grand nombre d’enjeux importants doit être abordé pour tirer le meilleur profit des C&I. Les sept mesures suivantes, si elles sont prises conjointement, mettront les pays sur la bonne voie afin d’améliorer la planification forestière nationale mais surtout, pour réaliser la gestion durable des forêts et ainsi l’approvisionnement durable des produits et des services forestiers pour le bénéfice de la société:

  1. Démontrer et diffuser la valeur ajoutée des C&I (pour accroître la transparence et la participation des parties prenantes et pour lutter contre la corruption).
  2. Promouvoir la responsabilisation et l’appropriation grâce à une participation aux programmes forestiers nationaux et à l’élaboration des C&I qui soient ouvertes à tous.
  3. Fournir un financement adéquat pour la mise en œuvre des programmes forestiers nationaux et pour leur suivi-évaluation.
  4. Simplifier et harmoniser les différents ensembles de C&I.
  5. Assurer une gestion des données qui soit efficace et innovante.
  6. Faciliter une approche entre les secteurs au niveau du territoire.
  7. Renforcer les capacités et les retours sur les C&I.