Cultiver

Le premier quart de siècle

1945-1970
À ses débuts, la FAO concentre ses efforts sur l’augmentation de la production alimentaire et l’amélioration de la productivité agricole – ainsi que sur l’élimination des facteurs qui entravent la croissance: la crise alimentaire qui frappait une population mondiale en rapide expansion n’en exigeait pas moins. Les programmes mis au point dans les premières années seront donc en grande partie destinés à optimiser les rendements. Encouragés par l’intensification des consultations et des activités de coopération internationales que facilite la FAO, et se prévalant des avis dispensés par l’Organisation, de nombreux pays mettent alors en place des plans de développement agricole.
1966, ÉQUATEUR Des fermiers dans les champs à Hacienda Pesillo, Équateur. ©FAO/S. Larrain

S’agissant d’assurer l’essor nécessaire du secteur, les capitaux privés étaient insuffisants. L’accès à la technologie demeurait limité. Il fallait donc lancer de vastes programmes de financement public, surtout dans les pays moins développés. Les investissements étaient financés le plus souvent sur les ressources nationales, mais dans certains domaines prioritaires, notamment pour l’achat d’équipements importés, des financements internationaux et extérieurs étaient essentiels.

1951, INDONÉSIE

Des ouvriers construisent un canal de 70 km en Indonésie, le gouvernement ayant lancé un projet d’irrigation de 6 000 ha de terrain, avec le soutien de spécialistes de la FAO. ©FAO/E. SCHWAB

Le crédit connut ainsi un développement spectaculaire – même si, dans certaines régions du monde, des taux d’intérêt trop élevés le rendaient inaccessible à de nombreux petits cultivateurs. (Dix ans après la fin de la guerre, en Inde, environ 90 pour cent des crédits agricoles étaient encore accordés par des prêteurs, qui réalisaient généralement des marges importantes.)

Dans les années 1950, surtout en Asie du Sud et de l’Est, toute une série de réformes législatives furent mises en œuvre en vue d’éliminer les obstacles institutionnels à une utilisation efficace des terres, par le transfert de la propriété aux cultivateurs et le remembrement des parcelles. Des progrès considérables sont accomplis en ce qui concerne l’enregistrement officiel des titres fonciers. Plusieurs pays rationalisent également leur système de fiscalité agricole.

Dans ce qui finira par être désigné comme le monde en développement, divers pays améliorent l’utilisation et la maîtrise de l’eau, en particulier le Mexique, la Thaïlande, et l’Inde et le Pakistan, tous deux nouvellement indépendants. Bien d’autres pays procèdent à de premières enquêtes systématiques sur leurs ressources en eau. Des programmes d’irrigation voient le jour.

L’Union soviétique et la Chine, qui avaient collectivisé leur agriculture ou s’employaient à le faire, rapportaient aussi des avancées dans la gestion des ressources hydriques et d’autres domaines agricoles. Dans les années 1950, cependant, la guerre de Corée et la guerre froide érodent en grande partie l’esprit de coopération du tout premier après-guerre. Dans ce contexte, le flux d’informations entre les puissances rivales se raréfie. Les pays pauvres, pour leur part, manquent de capacité statistique.

1951, INDONÉSIE Des ouvriers construisent un canal de 70 km en Indonésie, le gouvernement ayant lancé un projet d’irrigation de 6 000 ha de terrain, avec le soutien de spécialistes de la FAO. ©FAO/E. SCHWAB
Cultiver
1945-1970

Le premier quart de siècle

Les premiers programmes de la FAO visent à nourrir une population mondiale croissante en augmentant la production agricole.

En dépit de données lacunaires, un certain nombre d’éléments témoignent de progrès significatifs sur le plan agricole, un peu partout dans le monde. Au milieu des années 1950, le nombre de machines agricoles avait augmenté considérablement. Les tracteurs étaient trois fois plus nombreux, ce qui permettait de cultiver de vastes étendues jusque-là consacrées à la production de fourrage destiné aux animaux de trait.

1969, GHANA

Des ouvriers construisent une route entre deux nouveaux villages créés pour des personnes déplacées suite à la construction d’un barrage sur la Volta, à Akesombo au Ghana. ©WFP/FAO/Peyton Johnson

1969, GHANA Des ouvriers construisent une route entre deux nouveaux villages créés pour des personnes déplacées suite à la construction d’un barrage sur la Volta, à Akesombo au Ghana. ©WFP/FAO/Peyton Johnson

La sélection végétale était, elle aussi, en plein essor. Dans certaines régions d’Europe, le maïs hybride permettait d’accroître considérablement le rendement. Les pays en développement constataient quant à eux une forte croissance de la productivité de leurs cultures de base grâce aux nouveaux pesticides synthétiques et aux désherbants sélectifs. Dans les années 1960, les variétés de riz améliorées, à haut rendement, ainsi que de nouvelles souches s’étaient répandues partout en Asie. Le continent asiatique est considéré comme étant celui qui a le plus largement bénéficié de la Révolution verte: en une trentaine d’années, les variétés de riz à haut rendement ont fini par représenter les deux tiers des plantations, tandis que près de 90 pour cent des champs de blé étaient ensemencés au moyen de variétés modernes.

1960, TUNISIE

Une expérience de culture du riz en Tunisie, menée par une experte de la FAO inventeur d’une méthode pour lessiver le sel des terres arables. ©FAO

1960, TUNISIE Une expérience de culture du riz en Tunisie, menée par une experte de la FAO inventeur d’une méthode pour lessiver le sel des terres arables. ©FAO

À partir des années 1950, l’élevage tire profit d’un enregistrement plus systématique des troupeaux et de la diffusion de l’insémination artificielle. Des pays moins riches mettent en place des services vétérinaires d’État. En Europe, en Amérique du Nord et en Océanie, l’augmentation du rendement par hectare et par animal est considérable.

1969, AFGHANISTAN

Un expert de la FAO spécialiste des moutons karakul photographie un agneau karakul en Afghanistan sous les yeux de ses étudiants, dans le cadre d’un processus d’élevage sélectif. ©FAO

1969, AFGHANISTAN Un expert de la FAO spécialiste des moutons karakul photographie un agneau karakul en Afghanistan sous les yeux de ses étudiants, dans le cadre d’un processus d’élevage sélectif. ©FAO

Dans l’ensemble, dix ans après la création de la FAO, la production alimentaire avait augmenté d’un quart par rapport aux volumes produits à la fin de la guerre, marquant également une progression en termes de production par habitant.

Avant-propos de l’édition 1955 du rapport de la FAO sur La Situation mondiale de l’alimentation et de l’agriculture (SOFA) (extrait)

Au cours de ces dix années [1945-1955], les progrès de la technique en agriculture, en sylviculture et dans le domaine des pêches ont été plus rapides et plus généralisés qu’ils ne l’avaient jamais été dans un même laps de temps. D’autre part, des changements remarquables se sont produits dans l’agriculture au point de vue social et économique. De vastes réformes agraires ont été réalisées. Dans bien des pays, la mise en valeur de l’agriculture et la politique forestière ont commencé à s’organiser de manière rationnelle. On s’efforce un peu partout de limiter les fluctuations des prix agricoles et de donner aux cultivateurs une sécurité économique qu’ils n’avaient encore jamais connue. Les découvertes de la science de la nutrition ont reçu des applications plus étendues, destinées en particulier à assurer aux mères et aux enfants le niveau minimum de nutrition. Des plans internationaux d’investissements et d’assistance technique ont été entrepris; ils visent essentiellement, dans le domaine agricole, à résoudre des problèmes qui se posaient depuis très longtemps: faible productivité, sous-alimentation et pauvreté des populations rurales dans les pays peu développés. Et ce ne sont là que quelques-uns des faits marquants de ces dix dernières années.

La révolution verte amène la plantation de variétés améliorées dans de vastes zones. L’utilisation des machines triple. Au début des années 1960, une réponse humanitaire moderne prend forme face aux crises alimentaires.

Néanmoins, les progrès accomplis étaient loin d’être homogènes, suffisants ou irréversibles. Globalement, l’expansion, certes vigoureuse, de l’agriculture était éclipsée par la croissance exponentielle du secteur industriel, principal moteur de la prospérité d’après-guerre dans les pays occidentaux. De son côté, l’Afrique subsaharienne n’avait pas réussi à tirer le meilleur parti de la Révolution verte: les capitaux disponibles dans la région étaient insuffisants; la propriété foncière avait un caractère largement informel; les intrants agricoles n’étaient que rudimentaires; enfin, l’accès au crédit et à la technologie demeurait limité. Au cours des décennies suivantes, la région allait rester au centre de l’action internationale en faveur du développement.

Toujours durant le premier quart de siècle d’existence de la FAO, l’apparition soudaine de crises d’origine naturelle ou humaine a brutalement mis au jour la fragilité des filières agricoles et l’incessante difficulté d’assurer un accès universel à la nourriture (même dans les pays qui avaient largement tiré parti de la Révolution verte).

Malgré une croissance massive, la faim persiste tandis que s’achève le premier quart de siècle de l’histoire de la FAO.

Le séisme qui frappe la ville de Bouine-Zahra, dans le nord de l’Iran, le 1er septembre 1962, cause la mort de plus de 12 000 personnes. Ce cataclysme sur le plan humain constitue également le baptême du feu pour un organisme humanitaire qui vient de naître, le Programme alimentaire mondial (PAM). Fondé dans le cadre d’une collaboration entre l’ONU et la FAO moins d’un an plus tôt, le PAM assure alors rapidement la livraison de 1 500 tonnes de blé, 270 tonnes de sucre et 27 tonnes de thé. Au cours des décennies qui suivent, le PAM devient la plus grande structure humanitaire au monde, fournissant une assistance alimentaire dans la moitié des pays du globe.

1970, IRAN

Un vieux barrage d’irrigation, fort endommagé par le tremblement de terre de 1962 en Iran, est réparé et rénové, les villageois ayant demandé une assistance financière et technique du gouvernement et de la FAO. ©FAO/J. Krosschell

Pendant la période allant de 1945 à 1970, la croissance de la production agricole se poursuit sans interruption. Pourtant, le monde apprend aussi que, s’il est essentiel d’augmenter les disponibilités alimentaires pour prévenir la famine, même des disponibilités alimentaires suffisantes ne suffisent pas, en soi, à éliminer la faim. En effet, tout au long de cette période, l’élimination de la faim, objectif rêvé, est toujours hors de portée: la quatrième des libertés préconisées par le Président Roosevelt se trouve sans cesse «au-delà les collines», au bout d’un chemin qui n’est jamais droit, qui est rarement ouvert à tous et qu’encombrent bien souvent les gravats des combats, le legs de l’injustice et le poids de l’oubli.

1970, IRAN Un vieux barrage d’irrigation, fort endommagé par le tremblement de terre de 1962 en Iran, est réparé et rénové, les villageois ayant demandé une assistance financière et technique du gouvernement et de la FAO. ©FAO/J. Krosschell
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