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Quatrième partie - Etudes de cas

Etude de cas n° 1 - La forêt classée du Nazinon (Burkina Faso)
Etude de cas n° 2 - La forêt classée de Badénou (cote d'Ivoire)
Etude de cas n° 3 - La foret de Morondava (Cote Ouest de Madagascar)
Etude de cas n° 4 - L'expérience du Niger en matière d'aménagements forestiers


Dans cette Quatrième Partie, quatre études de cas sont présentées et détaillées. Le cinquième point présente très sommairement des projets en cours ou terminés, dont nous avons eu connaissance au cours de cette étude.

1 La forêt classée du Nazinon (Burkina Faso)
2 La forêt classée de Badénou (Côte d'Ivoire)
3 La forêt de Morondava (Côte Ouest de Madagascar)
4 L'expérience du Niger en matière d'aménagements forestiers
5 Inde, Brésil et autres projets d'aménagement des forêts tropicales sèches

Les trois premières études de cas traitent de projets d'aménagement récents relativement classiques dans leur schéma, mais ils sont conçus d'une manière plus "moderne" avec plus ou moins de concertation préalable avec les populations.

La quatrième étude de cas est originale, en ce sens qu'elle se base sur une politique très différente qui inclut dès le départ une stratégie d'énergie domestique, des schémas directeurs, une taxation différentielle selon l'origine du bois de feu et son éloignement des villes, une répartition des taxes entre les villageois et l'Etat et surtout le développement des marchés ruraux, le tout associé à une approche souple et moins techniciste.

Etude de cas n° 1 - La forêt classée du Nazinon (Burkina Faso)

1. Historique de l'aménagement des forets naturelles
2. La foret classée du Nazinon
3. Leçons acquises et perspectives
4. Conclusions


1. Historique de l'aménagement des forets naturelles

Une politique d'aménagement des forêts naturelles a été pour la première fois formulée au Burkina Faso en 1981. Elle venait compléter la politique forestière qui ne comportait que les programmes de reboisement et de vulgarisation des foyers améliorés. Elle était au départ entièrement circonscrite à la mise en valeur des forêts classées (FC), propriétés de l'Etat dont le statut juridique facilitait l'intervention du Service Forestier. En 1983, deux concepts sont reconnus essentiels dans l'aménagement des forêts naturelles (Compaore et Laban, 1983): la gestion à buts multiples des forêts naturelles et la participation des populations locales à la gestion forestière.

Différentes études de la végétation à partir de 1983, ainsi que des leçons tirées de l'organisation de l'exploitation du bois de feu à partir de 1985, ont permis de prendre les mesures suivantes:

- application d'une coupe sélective dans les forêts naturelles aménagées pour la production du bois de feu, au lieu du taillis simple, afin de minimiser la mortalité des souches (surtout en période de sécheresse sévère), de soutenir la reconstitution par voie végétative des parcelles exploitées, de favoriser la conservation de porte-graines ou de peuplements semenciers, de prendre en considération la gestion à buts multiples des forêts naturelles;

- choix de périodes d'exploitation forestière compatibles avec les activités agricoles;

- application dans le sud du pays des feux précoces dans les forêts aménagées;

- dans les parcelles exploitées, protection contre le pâturage (pendant au moins cinq ans dans le nord du pays, ce délai pouvant être réduit dans le sud); par la suite, pâturage contrôlé sur la base de cahiers de charges;

- création d'un fonds d'aménagement forestier destiné à assurer la gestion forestière, surtout après la fin du financement externe des projets d'aménagement forestier.

Toutes ces différentes mesures ont trouvé leur première application dans le cadre du Projet "Aménagement et exploitation des forêts pour le ravitaillement de Ouagadougou en bois de feu" (Projet PNUD/FAO/BKF/85/011), dont fait partie la forêt classée du Nazinon.

2. La foret classée du Nazinon

2.1. Bref aperçu sur la forêt
2.2. Projet de mise en aménagement
2.3. Méthodologie utilisée
2.4. Bases de l'aménagement
2.5. Participation des populations
2.6. Financement de la gestion forestière et répartition des recettes
2.7. Questions prioritaires à régler au cours de la troisième phase


2.1. Bref aperçu sur la forêt

La forêt classée du Nazinon (FCN) est située à 70 km au sud de Ouagadougou, dans la Province de la Sissili. Elle est délimitée par les coordonnées géographiques suivantes: 11° 30' et 11° 51' de latitude nord, et 1° 27' et 1° 50' de longitude ouest. Elle a été classée par arrêté n° 538/SEF du 23 janvier 1954. Sa superficie actuelle est de 32 000 ha, mais seulement 23 700 ha font l'objet d'aménagement forestier à proprement parler.

Elle est située dans le secteur nord-soudanien du domaine soudanien avec une pluviosité annuelle moyenne de 800 mm (concentrée principalement entre début juin et fin septembre), dans une pénéplaine, à une altitude moyenne de 300 m, appartenant au vaste complexe du plateau mossi (partie centrale du pays). Elle est caractérisée par des sols ferrugineux hydromorphes, lessivés ou appauvris, remaniés-indurés du bas vers le haut des pentes. Le réseau hydrographique est essentiellement constitué par le fleuve Nazinon, cours d'eau semi-permanent. La végétation est essentiellement représentée par des savanes arborées à Butyrospermum paradoxum Detarium microcarpum, Acacia spp., Lannea spp., Combretum spp. avec un important tapis graminéen dominé par les Andropogonées, et plus rarement, par des savanes boisées représentées par des îlots caractérisés par la présence d'Afzelia africana, Khaya senegalensis, Pterocarpus erinaceus. On rencontre également des formations ripicoles au bord des cours d'eau et des bas-fonds où prédominent Daniellia oliveri, Mitragyna inermis Khaya senegalensis et Anogeissus leiocarpus.

Un inventaire forestier réalisé en 1992 montre que ces formations se trouvent actuellement dans un état de dégradation très avancé, dont les indicateurs sont la diminution du nombre d'espèces et du nombre d'arbres par unité de surface.

Vingt-quatre villages sont associés à l'aménagement et à la gestion de la FCN. Selon le dernier recensement réalisé en 1985, le nombre total d'habitants est estimé à plus de 21 000. Le taux d'accroissement est de 4,9% à cause de la migration des populations venues du plateau mossi. La population se compose de Gourounsis, de Mossis autochtones habitant la partie nord de la zone, de migrants installés surtout dans la partie sud et de quelques éleveurs Peuhls. L'élevage est du type extensif pour les bovins et semi-intensif pour les petits ruminants. La tendance actuelle est à la sédentarisation des éleveurs qui se limitent pour la plupart à des déplacements d'amplitude moyenne à la recherche de l'eau et des pâturages durant la saison sèche.

La région du Nazinon constitue l'une des principales zones d'exploitation de bois de feu pour le ravitaillement de la ville de Ouagadougou.

2.2. Projet de mise en aménagement

L'aménagement de la forêt du Nazinon s'inscrit dans le cadre de la mise en application de la "Lutte contre la coupe anarchique du bois", décision politique prise en avril 1985. Cette forêt a été retenue à cause de son statut légal (propriété de l'Etat) qui facilitait l'intervention immédiate du Service Forestier dans le cadre de la recherche d'une solution durable au problème du ravitaillement en combustibles ligneux de Ouagadougou. Sa mise en aménagement a effectivement commencé en 1985 avec le projet précité "Aménagement et exploitation des forêts pour le ravitaillement de Ouagadougou en bois de feu". Ce dernier a, pendant quatre ans, mis au point un modèle d'aménagement des forêts naturelles.

2.3. Méthodologie utilisée

* Après une recherche documentaire basée sur les archives et les résultats de l'inventaire forestier national, la phase préparatoire s'est poursuivie par l'analyse du contexte socio-économique (populations riveraines: nombre, structure, ethnies, systèmes de production, niveau technologique, rapports avec la forêt, etc.). Elle a débouché sur la mise en oeuvre d'une phase de concertation avec tous les villages susceptibles de participer au projet en vue de les organiser en Groupements de Gestion Forestière (GGF) et ensuite de formation. Au regard de l'ampleur des tâches, du faible niveau technologique des villages concernés, et en fonction de l'approche participative adoptée par le projet, un système de transfert technologique a été élaboré en se basant sur le concept de moniteur, vecteur des paquets techniques vers les autres membres des groupements (encadré n° 32).

Encadré n° 32: Formations dans le cadre de la gestion forestière de la FCN

L'un des gages d'une gestion durable des ressources forestières est le transfert effectif des techniques conçues pour garantir l'efficacité de chaque activité. Les membres des groupements doivent maîtriser un certain nombre d'outils indispensables à cette gestion durable. Les modules de formation sont dispensés selon le groupe cible.

Le système de formation est basé sur le concept de moniteur, qui est un membre désigné par son groupement pour bénéficier d'une formation théorique et pratique sur un thème donné. A l'issue de la formation, le moniteur a pour tâche d'enseigner aux autres membres du groupement le contenu de la formation reçue et de veiller à son application effective SUI le terrain. Sa fonction est bénévole.

Les thèmes de formation sont identifiés par les populations elles-mêmes (santé animale, intensification de l'agriculture, etc.), par le projet à mesure de sa mise en oeuvre (exploitation forestière, gestion des feux précoces, etc.) et après des enquêtes spéciales (apiculture, récolte et conservation du fourrage, alphabétisation en langues nationales).

Pour la plupart des thèmes, le module comprend un livret du formateur, un livret pour le bénéficiaire de la formation, une boîte à images, un jeu de diapositives et une cassette audio. Une équipe de techniciens est mandatée pour produire un document technique relatif à un thème donné Le document est ensuite confié à une équipe de communicateurs pour la traduction en langage simple et la production des outils illustrateurs (boîte à images, diaporama, livret du moniteur).

Le suivi s'est révélé très important après les premières années d'exécution du plan d'aménagement en permettant la révision de certains modules de formation, le recyclage ou le remplacement de certains moniteurs. Il est assuré par l'équipe du projet, la direction technique du chantier et les services locaux de l'agriculture, de l'élevage et de l'action coopérative paysanne

* La délimitation des zones aménageables s'est basée sur l'interprétation de photographies aériennes à l'échelle 1/20 000 et a utilisé les critères suivants: les limites officielles de la forêt, les formations forestières jugées susceptibles de fournir un volume sur pied d'au moins 10 m3/ha, l'absence d'occupation humaine forte Elle a permis d'exclure des zones fortement anthropisées et de proposer aux populations un plan de récupération des zones faiblement occupées Elle a également permis de matérialiser des unités d'aménagement

* Chaque unité d'aménagement (dont la superficie varie de 2 000 à 4 000 ha) a fait l'objet d'un inventaire forestier sommaire avant la coupe. Un sondage horizontal par points a été utilisé pour estimer le volume du bois de feu commercialisable par ha. L'inventaire n'a pas donné la répartition par classes de diamètre. Ces informations ont permis d'élaborer un parcellaire, qui tient compte de la révolution adoptée.

* Le plan d'aménagement est un document à caractère consensuel qui comprend deux parties essentielles:

- le plan d'aménagement, qui présente des généralités sur les choix stratégiques, les données sur la forêt, les populations et les objectifs d'aménagement;

- le plan de gestion, qui contient en détail la programmation annuelle des productions escomptées, des superficies à exploiter, à enrichir, à protéger, les recettes escomptées, les dépenses prévues et les responsabilités de chaque acteur. C'est le document de référence du Directeur Technique chargé de sa mise en oeuvre.

L'adoption de ces plans par le projet met fin à la phase de mise en aménagement et consacre l'existence d'une unité de production et de gestion forestière, appelée "Chantier d'aménagement forestier". Il se définit comme une entité technico-administrative comprenant une ou plusieurs forêts, un plan d'aménagement et de gestion et un conseil d'administration. Il n'en existe qu'un pour la forêt du Nazinon, dont la phase de mise en aménagement a duré trente six mois environ et a été financée par des ressources extérieures.

* La gestion de la forêt est depuis lors exclusivement financée par le fonds d'aménagement forestier, qui est alimenté par des prélèvements négociés avec les GGF d'une partie des recettes provenant de la forêt. La gestion forestière est administrée sous un régime de cogestion entre l'Etat et les GGF.


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