L'agriculture intelligente face au climat

Afrique subsaharienne : L’insécurité alimentaire et la pauvreté entravent la réalisation de l’objectif visant à mettre un terme à la faim d’ici à 2030


24/02/2017

Le rapport de la FAO met l’accent sur la nécessité d’augmenter la productivité agricole

 

La deuxième édition de la Vue d'ensemble régionale de l'insécurité alimentaire en Afrique subsaharienne (2016) revient sur la manière dont cette situation de grave insécurité alimentaire et la pauvreté qui prévaut dans la région menacent la réalisation des Objectifs de développement durable consistant à mettre un terme à la faim d'ici à 2030.

Selon un nouveau rapport de la FAO, près de 153 millions de personnes, représentant environ 26 pour cent de la population âgée de plus de 15 ans en Afrique subsaharienne, ont été confrontées à une situation de grave insécurité alimentaire en 2014 et 2015.

« Ce que cela signifie c'est qu'environ une personne sur quatre âgée de plus de 15 ans a connu des souffrances liées à la faim, cela veut dire qu'elle ne mangeait pas ou n'a pas mangé pendant toute une journée, par manque d'argent ou d'autres ressources nécessaires pour manger », a déclaré M. Bukar Tijani, Directeur général adjoint de la FAO pour l`Afrique en évoquant les conclusions du rapport.

« Cette évaluation souligne l'importance du défi auquel est confronté cette région en vue de réaliser l'ODD 2.1 et la nécessité d'une aide durable et conséquente afin de renforcer les politiques et les programmes relatifs à la sécurité alimentaire et à la nutrition dans la région » a-t-il ajouté.

D'un point de vue global, de 2014 à 2016, l'Afrique subsaharienne a réussi à garantir une certaine disponibilité des aliments, notamment en matière d'apport énergétique alimentaire. Néanmoins, plusieurs pays de la région restent toujours fortement dépendants des importations alimentaires afin de garantir leurs approvisionnements alimentaires, avec certaines sous-régions qui sont dépendantes des importations pour un tiers de leurs besoins céréaliers.

Cela indique qu'il existe dans ces pays une demande importante pour la nourriture et qu'il est entre autres, nécessaire d'augmenter la productivité agricole, la production alimentaire et les efforts visant à promouvoir une certaine valeur ajoutée.

S'exprimant à l'occasion du lancement du rapport, M. Patrick Monty Jones, ministre sierra-léonais de l'Agriculture, des forêts et de la sécurité alimentaire a fait remarquer que le secteur agricole en Afrique subsaharienne a une très forte connotation familiale et repose sur l'agriculture de petite échelle. La plupart des agriculteurs africains cultivent moins de 10 pour cent de leurs terres, une situation qui contribuerait à l'insécurité alimentaire et qui pourrait s'expliquer par divers facteurs tels que la mauvaise gouvernance en matière de régimes fonciers et les chocs et pressions dus au changement climatique.   

« Pour relever ces défis, les objectifs stratégiques du secteur agricole et les activités prioritaires devraient promouvoir une augmentation de la production des denrées agricoles de base en mettant en place une chaine de valeur propre à la sécurité alimentaire, et ce, en travaillant à promouvoir l'agriculture commerciale et les activités destinées à ajouter de la valeur aux produits agricoles, en augmentant la production et l'exportation des cultures de rente et en améliorant l'accès des agriculteurs au financement » a-t-il recommandé.

Le rapport reconnait  le besoin de développer une transformation économique globale, en particulier dans le secteur agricole, qui représente la plus importante source de revenus en Afrique subsaharienne afin de contribuer aux efforts visant à réduire la pauvreté et à faciliter l'accès aux aliments.

Le document explique les principales causes de l'insécurité alimentaire et de la malnutrition dans la région par l'instabilité des marchés alimentaires et des prix des produits de base, par les catastrophes naturelles (y compris les graves sècheresses et inondations qui ont entrainé des pertes au niveau des récoltes et des pénuries d'eau et de pâturage pour le bétail) par une instabilité politique persistante et par les conflits et autres formes de violences.

Le rapport fait remarquer que le revenu moyen par habitant est trois fois moins élevé en Afrique subsaharienne que dans d'autres régions du monde en 2014, bien que la région a connu une hausse de 30 pour cent entre 1990 et 2014.

Par ailleurs, le taux de pauvreté de la région a baissé mais demeure le plus élevé au monde, alors que la région peine à réduire de moitié la proportion de personnes vivant sous le seuil de pauvreté.

De plus, bien que certains progrès ont été réalisés dans la réduction de la malnutrition, les faits démontrent que plusieurs pays de la région souffrent du triple fardeau de la malnutrition, à savoir la dénutrition, les carences en micronutriments, le surpoids et l'obésité, cette dernière pathologie étant responsable de la hausse des cas de maladies non transmissibles.

L'importance des stratégies d'intervention sociale 

Selon le rapport, de nombreux programmes de protection sociale et des dispositifs institutionnels liés à la nutrition et à l'agriculture font maintenant partie du cadre politique de la région.

A cet effet, M. Bukar Tijani a noté qu' « il était impératif pour ces pays d'adopter des approches multisectorielles et multidisciplinaires qui prendraient en compte l'agriculture, la nutrition, la protection sociale et les mesures qui y sont liées et ce, en réorientant, en intégrant et en coordonnant les activités et les  mécanismes de responsabilité afin de délivrer des résultats qui se basent sur des preuves et de proposer des solutions pour une alimentation durable. »

Le rapport appelle également les pays à poursuivre leurs efforts afin de transformer les engagements politiques et les déclarations en programmes efficaces sur le terrain, et ce, surtout face aux objectifs ambitieux fixés par la Déclaration de Malabo pour 2025 et le Programme de développement durable à l'horizon 2030.

Selon le document, plusieurs engagements politiques et stratégies n'ont pas encore généré les résultats attendus mais l'expérience de plusieurs pays confirme la possibilité d'éradiquer la faim et la malnutrition en associant des politiques et des programmes intersectoriels.

Des réformes politiques

Le rapport encourage à poursuivre les réformes politiques afin de préciser leurs objectifs, à créer un environnement propice pour investir et à faire participer tous les principaux intervenants, insistant sur le fait que cela était essentiel afin de mettre un terme à la faim, d'atteindre la sécurité alimentaire et d'améliorer la nutrition.

Le document appelle notamment à développer des techniques de mobilisation de ressources novatrices face à un large éventail d'intervenants, allant du secteur public au secteur privé, et à développer des instruments financiers qui permettraient la mise en place de mesures à portée générale afin de multiplier les programmes liés à la sécurité alimentaire et à la nutrition en Afrique subsaharienne.

Selon le rapport, alors que l'ampleur et les répercussions des crises et des catastrophes tend vers la hausse - aggravée par la surexploitation des ressources naturelles et par le changement climatique - de plus en plus de foyers, de communautés et de gouvernements de la région sont de moins en moins en mesure de faire face, de se relever et de s' adapter, ce qui a pour effet de les rendre de plus en plus vulnérables face aux futurs chocs.

Le rapport appelle les gouvernements à intensifier leurs efforts visant à s'assurer que les progrès en matière de développement agricole réalisés ces dernières années ne seront pas anéantis par la fréquence de ces chocs, ajoutant qu'améliorer la résilience des moyens d'existence agricoles, promouvoir et financer des pratiques agricoles intelligentes face au climat contribueraient grandement à l'engagement des Objectifs de développement durable consistant « à ne laisser personne pour compte ».

De plus, des mesures immédiates à court, moyen et long-terme sont nécessaires pour promouvoir et développer les technologiques destinées à s'adapter au changement climatique et à en atténuer les effets,   afin d'élaborer des cadres politiques dédiés a l'évaluation et au suivi des programmes de résilience et de minimiser les répercussions du phénomène climatique El Niño sur les communautés affectées.

« Renforcer la résilience grâce à des efforts de consolidation de la paix  est essentiel pour la sécurité alimentaire et la nutrition. Pendant des conflits armés et de longues crises, protéger, sauver et reconstruire les moyens d'existence agricoles afin de sauver des vies et de créer les conditions adéquates pour rendre la population résiliente sur le  long terme est une étape majeure si l'on vent garantir la paix et la stabilité. Le rôle essentiel joué par le secteur agricole dans les situations de crise ne doit pas être négligé et il est nécessaire d'y investir » recommande le rapport.