FISH4ACP

Valoriser le potentiel
de la pêche et de l'aquaculture
en Afrique, dans les Caraïbes et le Pacifique

Le poisson-chat: un commerce florissant pour une nation aux besoins immenses

Au Nigéria, l’on s’emploie à promouvoir la filière du poisson-chat, en plein essor, pour aider à nourrir le pays, le plus peuplé d’Afrique



20 septembre 2023, Ijebu-Ode - L’initiative FISH4ACP aide le Nigéria à rendre la filière du poisson-chat plus résiliente et plus efficace pour faire en sorte que le pays le plus peuplé d’Afrique dispose d’une nourriture abordable. Cette initiative de l’Organisation des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (OEACP), mise en œuvre par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), est financée par l’Union européenne (UE) et le Ministère fédéral allemand de la coopération économique et du développement (BMZ).

«Ma mère possède un élevage de poissons», confie Nurudeen Quadri, pisciculteur de 38 ans originaire d’Ijebu-Ode, dans le sud-ouest du Nigéria, alors qu’il pénètre dans le village piscicole d’Eriwe. «Je viens ici depuis tout petit. Une fois achevées mes études universitaires, j’ai créé ma propre exploitation».

Situé à deux heures de route à l’est de Lagos, la tentaculaire capitale économique du Nigéria, le village d’Eriwe héberge l’un des plus grands parcs d’élevage de poisson-chat du pays. Sur les rives d’une étroite rivière s’étendent les étangs de près de 600 exploitants, regroupés en coopératives au sein du syndicat des pisciculteurs d’Eriwe. À eux tous, ils ont produit quelque 2 000 tonnes de poisson-chat en 2022.

Il est sept heures du matin lorsque les deux employés de Nurudeen démarrent les pompes à eau pour faire se déverser de l’eau douce dans les étangs. «Cela permet d’apporter de l’oxygène aux poissons pour leur ouvrir l’appétit avant qu’ils ne soient nourris, dans l’après-midi», explique Nurudeen.

Aux côtés de ses employés, il s’affaire à des travaux d’entretien et de réparation à l’intérieur et autour des dix étangs que compte son exploitation, dont deux servent à l’alevinage. Lorsqu’arrive le moment de la capture, les poissons sont vendus.

Nurudeen produit près de 50 tonnes de poisson-chat par an. Malgré la hausse des coûts des aliments et l’accès limité aux financements, ce travail lui permet de subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille.«Je gagne bien ma vie grâce à cette activité», affirme-t-il.

L’on estime que le Nigéria compte 285 000 producteurs de poisson-chat, dont 60 pour cent de petits exploitants, à l’instar de Nurudeen Quadri (à gauche/en haut). Ces entreprises emploient quelque un million de personnes, mais la constitution de capital présente une difficulté majeure. ©FAO/Giulio Napolitano

Mary Stephens et son mari sont eux aussi propriétaires de quelques étangs à Eriwe, mais leur principale activité est le traitement du poisson. Les grilles alignées dans la cour de leur exploitation sont couvertes de tranches de poisson-chat, qui grésillent alors qu’elles sont lentement fumées grâce au charbon de bois que l’on voit rougeoyer en dessous.

«La quantité de poisson que l’on est en train de fumer correspond à environ 150 bassines», indique Mary, ce qui équivaut à quelque 3 750 kilogrammes. Elle ajoute que la plupart de ces poissons sont issus des exploitations d’Eriwe. Le poisson-chat fumé sera vendu sur le marché d’Onitsha, à environ 300 kilomètres à l’est. «Des personnes viennent même de l’étranger pour y acheter nos produits.»

La constitution de capital est un défi majeur, déclare Mary, qui travaille dans ce secteur depuis 25 ans. Elle espère acquérir une machine qui permettrait de mécaniser certaines tâches. Elle dit dans un sourire: «L’équipement et le capital sont le nerf de la guerre. Une fois ces deux questions réglées, les affaires peuvent rouler.»

FISH4ACP, un programme mondial de développement de la chaîne de valeur du poisson mis en œuvre au moyen d’un partenariat entre la FAO, l’UE, le BMZ et l’OEACP, aide le Nigéria à renforcer sa filière du poisson-chat. Une analyse de la filière a ainsi été effectuée dans le cadre de ce programme, en collaboration avec le Ministère fédéral nigérian de l’agriculture et de la sécurité alimentaire.

L’analyse a permis de montrer le poids de ce secteur parmi les moyens de subsistance de la population. En effet, l’on estime que le Nigéria compte 285 000 producteurs de poisson-chat, dont 60 pour cent de petits exploitants. En outre, les entreprises de la filière emploient environ un million de personnes.

«L’élevage de poisson-chat est une activité porteuse», fait savoir Abubakar Usman, un spécialiste du secteur du poisson-chat au Nigéria qui travaille pour la FAO et dirige le programme FISH4ACP dans le pays. La demande de poisson est immense. Avec une population dépassant les 223 millions de personnes, le Nigéria est le pays le plus peuplé d’Afrique, or le poisson représente plus de 40 pour cent de l’apport en protéines animales de la population, dont au moins un quart correspond à la consommation de poisson-chat.

D’après les résultats préliminaires de l’analyse effectuée dans le cadre de FISH4ACP, la production annuelle de poisson-chat pourrait avoir atteint le million de tonnes en 2021, pour une valeur d’environ 2,6 milliards d’USD, indique M. Usman.

L’une des principales priorités du programme FISH4ACP est la baisse des coûts dans la filière du poisson-chat au Nigéria. Cette initiative porte en outre sur la mise en place d’un dispositif de crédit visant à aider les exploitants à financer leurs opérations. ©FAO/Giulio Napolitano

La production de poisson-chat a connu un premier essor dans les années 1990, explique M. Usman, lorsque le gouvernement a mis sur pied des écloseries d’alevins de poisson-chat et que la disponibilité des œufs et alevins s’est accrue. Il s’est ensuivi une croissance annuelle supérieure à 20 pour cent entre 2005 et 2015, avant que la production ne commence à décliner en 2016, principalement en raison de la hausse des coûts des aliments pour poisson.

Au premier rang des priorités du programme FISH4ACP en vue de renforcer la filière du poisson-chat au Nigéria figure la baisse des coûts. Dans le même temps, les acteurs de cette initiative s’emploient à mettre en place un dispositif de crédit visant à aider les exploitants à financer leurs opérations avant d’avoir perçu le produit de la vente de leurs poissons.

La durabilité est également un sujet de préoccupation. Les méthodes de fumage traditionnelles peuvent être néfastes pour la santé humaine, et la combustion de bois contribue à la déforestation. L’initiative FISH4ACP appuie la mise en place de fumoirs innovants qui consomment moins de bois et réduisent l’exposition des travailleurs à la fumée.

L’après-midi tire sur sa fin lorsque Nurudeen, qui attend son tour pour participer à la partie de football à laquelle s’adonnent quotidiennement les pisciculteurs et leurs employés, réfléchit aux manières de faire grandir son entreprise. Le point fort d’Eriwe est que les pisciculteurs collaborent pour faire avancer les choses, explique-t-il.

Les exploitants d’Eriwe souhaitent se lancer dans la transformation du poisson, et ils font en sorte d’éviter que des intermédiaires ne s’immiscent dans leurs affaires afin de pouvoir négocier les prix directement avec les acheteurs. «Le message que nous nous employons à faire passer est que la consommation de poisson-chat n’est pas réservée aux riches. Ce poisson convient à toutes les bourses», dit Nurudeen. «Plus on le consommera, plus la demande sera forte».

L’initiative FISH4ACP peut avoir un réel impact en travaillant auprès des grands ensembles d’élevages comme celui du village d’Eriwe, veut croire M. Usman. Ensemble, le programme et les coopératives ont les moyens de relever le défi qui consiste à rendre la filière du poisson-chat au Nigéria plus résiliente, plus efficace et plus respectueuse de l’environnement. «Si l’on parvient à influer sur la vie des pisciculteurs ici, le reste du pays suivra.»

Alors qu’il s’apprête à rejoindre le terrain de football, Nurudeen déclare: «J’aime l’élevage de poisson. Cette activité m’offre un avenir radieux et me permet de rendre à la société ce qu’elle m’a donné, car en fin de compte nous nourrissons la nation.

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