Les États arabes confrontés aux niveaux de famine les plus élevés depuis deux décennies, selon un nouveau rapport de l’ONU
Les conflits, les chocs économiques et la hausse des coûts alimentaires aggravent l’insécurité alimentaire
©FAO
La faim et l’insécurité alimentaire dans les États arabes ont atteint leur plus haut niveau en plus de deux décennies, avertit un nouveau rapport des Nations Unies publié aujourd’hui par l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), en collaboration avec le Fonds international de développement agricole (FIDA), le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Programme alimentaire mondial (PAM), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie occidentale (CESAO).
Le Rapport régional 2025 sur la sécurité alimentaire et la nutrition fait état d’une région en proie à d’énormes tensions, où des crises qui se chevauchent — entre conflits dévastateurs, pressions économiques et chocs climatiques — continuent de plonger des millions de personnes dans la faim, la malnutrition et la pauvreté.
Selon le rapport, 77,5 millions de personnes dans les États arabes, soit 15,8 pour cent de la population, souffraient de la faim en 2024. Cela marque une détérioration significative par rapport aux années précédentes, alors même que les taux de faim dans le monde ont légèrement diminué. La situation est bien plus grave si l’on va au-delà de la seule faim: près de 198 millions de personnes, soit quatre sur dix, étaient confrontées à une insécurité alimentaire modérée ou grave en 2024. Au sein de ce groupe, plus de 77 millions de personnes ont connu une insécurité alimentaire grave, ce qui signifie qu’elles n’avaient plus de nourriture, souffraient régulièrement de la faim ou passaient plusieurs jours sans manger. Ce chiffre a augmenté de plus de 60 pour cent depuis 2015, soulignant l’ampleur et la rapidité de la détérioration dans la région.
«Ce ne sont pas seulement des chiffres; ils reflètent la vie de millions de familles dont le droit à l’alimentation, à la dignité et à l’égalité des chances reste insatisfait. Profitons de ce moment — et de ces preuves — pour réaffirmer notre engagement commun envers l’Agenda 2030 et pour travailler avec une unité et une détermination renouvelées afin d’atteindre l’objectif «Faim zéro» au Proche-Orient et en Afrique du Nord», a déclaré le Sous-Directeur général et Représentant régional de la FAO pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, AbdulHakim Elwaer, lors de la présentation du rapport.
Le rapport identifie les conflits comme l’un des facteurs les plus importants et les plus destructeurs de la faim dans la région du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord. Cela n’est nulle part plus évident qu’à Gaza, où la famine a été officiellement confirmée en août 2025, l’une des catastrophes humanitaires les plus graves de l’histoire récente de la région. Des années de blocus suivies d’une intense escalade des hostilités ont provoqué l’effondrement des systèmes alimentaires, détruit les infrastructures et sévèrement restreint l’accès humanitaire, laissant les ménages sans les moyens de se procurer même les denrées alimentaires les plus élémentaires.
Au Soudan, des millions de personnes ont dû se déplacer en raison des violences persistantes, qui ont perturbé les cycles agricoles, coupé les routes commerciales et fait grimper les prix au-delà des moyens des familles ordinaires. Pendant ce temps, au Yémen, une décennie de conflit continue de nuire à la production alimentaire, aux marchés et aux moyens de subsistance, les familles dépendant de plus en plus de l’aide humanitaire pour survivre.
Les conflits ne sont toutefois pas les seuls responsables. Le ralentissement économique, les prix élevés des denrées alimentaires et du carburant, la dépréciation monétaire, l’alourdissement de la dette et les inégalités aggravent la crise. De nombreux pays de la région ont du mal à maintenir leurs subventions, à financer leurs programmes de protection sociale ou à soutenir leur production alimentaire nationale. Ces pressions économiques s’accompagnent d’une accélération du changement climatique. La région — l’une des plus touchées par la pénurie d’eau dans le monde — est frappée par des sécheresses récurrentes, des chaleurs extrêmes, une baisse des précipitations et la dégradation des sols, ce qui réduit encore la productivité agricole. Ensemble, ces facteurs ont créé une «tempête parfaite» de vulnérabilités qui rendent les systèmes alimentaires de plus en plus fragiles.
Le rapport attire également l’attention sur le triple fardeau de la malnutrition qui pèse sur la région: retard de croissance, émaciation et obésité. Le retard de croissance chez les enfants reste alarmant, touchant 20 pour cent des enfants de moins de cinq ans. Dans les pays touchés par des conflits, tels que le Yémen et le Soudan, la prévalence dépasse 35 pour cent, reflétant la privation chronique et les effets à long terme de l’insécurité alimentaire et de la pauvreté. L’émaciation touche 6,5 pour cent des enfants et reste supérieure aux objectifs mondiaux, ce qui indique des défis persistants en matière d’alimentation des enfants, de soins de santé et de services d’eau et d’assainissement.
Les carences en micronutriments continuent d’être très répandues. L’anémie, en particulier, touche 31,5 pour cent des femmes en âge de procréer et affiche une tendance à la hausse, ce qui suscite des inquiétudes pour la santé maternelle et infantile. Dans le même temps, la région affiche certains des taux de surpoids et d’obésité les plus élevés au monde. L’obésité chez les adultes a atteint 32 pour cent en 2022, soit plus du double de la moyenne mondiale. Cette prévalence croissante a des implications majeures pour la santé publique, la productivité et les budgets nationaux de santé, qui sont de plus en plus mis à rude épreuve par les maladies non transmissibles liées à l’alimentation.
L’une des conclusions les plus alarmantes du rapport 2025 est l’augmentation du coût du régime alimentaire sain. En 2024, le coût moyen d’un régime alimentaire sain dans la région a atteint 4,26 dollars par personne et par jour (en parité du pouvoir d’achat / PPA), soit une augmentation de près de 40 pour cent depuis 2019. Cette forte hausse a rendu les aliments nutritifs inaccessibles pour 186 millions de personnes, soit 38 pour cent de la population arabe. Le rapport souligne que l’insécurité alimentaire dans la région n’est plus simplement une question de disponibilité alimentaire; il s’agit de plus en plus d’une question d’accès et d’accessibilité financière, influencée par les vulnérabilités structurelles des systèmes agroalimentaires, les inefficacités du marché et les lacunes politiques.
La FAO et ses partenaires des Nations Unies soulignent qu’une action urgente et coordonnée est nécessaire pour inverser les tendances actuelles. Le rapport appelle les gouvernements, les organisations régionales et les partenaires internationaux à agir ensemble et à renforcer les institutions nationales, à intégrer l'aide d'urgence dans la planification du développement à long terme et à accroître les investissements dans une agriculture résiliente au climat et économe en eau. Il insiste sur la nécessité d’étendre les systèmes de protection sociale qui protègent les ménages vulnérables contre les chocs, garantissent l’accès à un régime alimentaire nutritif et réduisent les inégalités qui se creusent tant au sein des pays qu’entre eux. L’amélioration des systèmes de données, le renforcement de la coopération régionale, la facilitation des échanges commerciaux et l’innovation sont également des éléments essentiels pour mettre en place des systèmes agroalimentaires plus efficaces et plus résilients.
Le rapport régional 2025 sert d’avertissement, de référence et de guide. Il formule des recommandations fondées sur des preuves et appelle toutes les parties prenantes à accélérer les progrès vers la réalisation de l’ODD 2: «Faim zéro». Alors que les conflits s’intensifient, que les pressions climatiques s’accentuent et que les vulnérabilités économiques s’aggravent, le rapport souligne que la marge de manœuvre pour agir se réduit. Des efforts collectifs, soutenus et bien coordonnés seront essentiels pour garantir que toutes les populations du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord aient accès à une alimentation suffisante, sûre, nutritive et abordable, aujourd’hui et dans les années à venir.
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