COP27: la FAO souligne que la transformation des systèmes agroalimentaires fait partie intégrante de la solution à la crise climatique

Entretien avec le Directeur adjoint de la Division du climat et de l’environnement de la FAO, M. Zitouni Ould-Dada.

La FAO s'est concentrée sur la transformation des systèmes agroalimentaires grâce à des solutions innovantes pour atténuer les effets du changement climatique.

28/11/2022

Rome - L’édition 2022 de la Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP27) s’est tenue à Charm el-Cheikh (Égypte) à la fin d’une année durant laquelle des phénomènes climatiques extrêmes ont montré une fois de plus qu’il était grand temps de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Un rapport de l’ONU sur le changement climatique montre que, si les émissions sont en baisse, elles ne diminuent pas assez rapidement pour limiter l’élévation de la température moyenne de la planète à 1,5 degré Celsius d’ici la fin du siècle, conformément à l’objectif fixé dans l’Accord de Paris. Si le monde échoue, les pires répercussions du changement climatique, par exemple les grandes sécheresses, vagues de chaleur et inondations, seront encore plus dévastatrices et plus fréquentes. Le tout alors que les phénomènes météorologiques extrêmes, les tensions géopolitiques et la pandémie de covid-19 ont aggravé l’insécurité alimentaire, la malnutrition et la pauvreté.

La demande mondiale d’énergie, de fibres et de produits destinés à l’alimentation humaine et animale est en augmentation. On estime que, du fait de la croissance démographique à l’échelle planétaire, il faudra accroître de 50 pour cent la production alimentaire d’ici à 2050. À l’heure actuelle, quelque 828 millions de personnes souffrent de la faim et un tiers de la population mondiale, soit 2,3 milliards de personnes, n’a pas accès à une nourriture adéquate.

Si les systèmes agroalimentaires sont à la fois acteurs et victimes de la crise climatique, de la dégradation des écosystèmes et de l’appauvrissement de la biodiversité, ils font aussi partie intégrante de la solution. À la COP27, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) comptait mettre à profit ses connaissances et son expérience pour mener les échanges au sujet de la transformation des systèmes agroalimentaires à l’aide de solutions innovantes, transformation qui pourrait jouer un rôle crucial dans l’atténuation du changement climatique.

Après la COP27, nous avons interrogé le Directeur adjoint de la Division du climat et de l’environnement de la FAO, M. Zitouni Ould-Dada, pour qu’il nous explique le rôle joué par la FAO lors de cette manifestation et ce qui en est ressorti selon lui.

Quelles sont les principales initiatives auxquelles a participé la FAO à la COP27?

La FAO a été très active et présente à la COP27. Elle a participé à quatre initiatives lancées par la Présidence égyptienne. La première, l’initiative FAST (alimentation et agriculture pour une transformation durable), vise à faciliter l’action climatique dans les systèmes agroalimentaires en misant sur:

  • l’accès aux financements et aux investissements;
  • le renforcement des connaissances et des capacités;
  • le soutien aux politiques et la concertation.

La deuxième, conçue en partenariat avec l’Organisation mondiale de la Santé, d’autres institutions des Nations Unies et des partenaires comme GAIN, s’appelle I-CAN (Action climatique et nutrition). Il s’agit d’un programme conçu pour aider les États membres à appliquer leurs politiques destinées à améliorer l’accès à une alimentation nutritive et saine issue de systèmes alimentaires durables.

L’objectif de la troisième initiative, intitulée AWARE, est d’améliorer la gestion de l’eau pour faciliter l’adaptation aux effets du changement climatique et renforcer la résilience. Il s’agit de limiter les pertes et d’améliorer l’approvisionnement en eau ainsi que d’encourager les politiques et les mesures d’adaptation allant dans ce sens, sachant qu’une gestion efficace de l’eau est un aspect fondamental de l’action climatique menée pour concrétiser le Programme 2030 et, en particulier, l’objectif de développement durable (ODD) no 6. La quatrième initiative concerne la gestion des déchets en Afrique et vise à traiter et à recycler au moins 50 pour cent des déchets solides produits sur le continent à l’horizon 2050.

À quel point les systèmes agroalimentaires et le changement climatique sont-ils liés?

Ils sont étroitement liés et agissent l’un sur l’autre. Il ressort du dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) que plus de 3,3 milliards de personnes, soit la moitié de la population mondiale, en particulier les personnes vivant en Afrique, en Asie et dans les petits États insulaires en développement, sont considérées comme fortement vulnérables aux effets de la crise climatique. Le rapport attire l’attention sur le fait qu’un dépassement, même temporaire, de la barre des 1,5 degrés Celsius serait fatal pour des millions de personnes. Les 500 millions de petites exploitations qui produisent plus de 80 pour cent des denrées alimentaires consommées dans une grande partie des pays en développement ont besoin d’écosystèmes en bonne santé.

L’aggravation de la crise climatique, associée à la difficulté de nourrir une population mondiale toujours plus nombreuse en période de conflits et d’incertitude, va sans doute faire baisser la production alimentaire, nuire à la nutrition et limiter l’accès à la nourriture, en particulier chez les plus vulnérables et les plus pauvres. Pour relever ces défis, la FAO s’emploie à recueillir des données et des informations, à développer des instruments utiles pour faire face aux conséquences du changement climatique sur les systèmes agroalimentaires, et à faire connaître les meilleures pratiques et les solutions novatrices aux pays, aux agriculteurs et à d’autres acteurs.

Quels sont les besoins les plus urgents s’agissant d’agriculture et de changement climatique?

Pour atteindre l’objectif de l’Accord de Paris et concrétiser les ODD, il faut être nettement plus ambitieux dans tous les secteurs, surtout en ce qui concerne les systèmes agroalimentaires. Nous devons les transformer pour les rendre plus efficaces, plus inclusifs, plus durables et plus résilients. Nous devons exploiter le potentiel de l’innovation et du développement du numérique pour aller dans ce sens et le mettre au service des pays, des populations rurales et des agriculteurs. Nous devons réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre et renforcer dans le même temps les capacités d’adaptation et la résilience. Nous devons investir davantage dans l’adaptation et dans la nature, notamment la conservation et la restauration des écosystèmes. La nouvelle Stratégie de la FAO relative au changement climatique porte une vision ambitieuse, à savoir concourir à la transformation des systèmes agroalimentaires grâce à un plan d’action en faveur de l’action climatique s’articulant autour de trois grands axes:

  • sensibilisation aux niveaux mondial et régional;
  • accompagnement des pays au niveau national;
  • intensification de l’action climatique sur le terrain aux côtés des populations locales et des agriculteurs.

Selon vous, quels résultats la FAO a-t-elle obtenus à la COP27?

La FAO a accompli beaucoup à cette COP en mettant en lumière des moyens novateurs de transformer les systèmes agroalimentaires pour les rendre plus efficaces, plus inclusifs, plus durables et plus résilients et contribuer à la concrétisation de l’Accord de Paris ainsi que des ODD. Les questions liées à l’alimentation et à l’agriculture occupaient une place de choix parmi les priorités internationales. La FAO s’est beaucoup investie auprès de la présidence égyptienne en lui fournissant un soutien technique pour l’Action commune de Koronivia pour l’agriculture, en facilitant des échanges entre experts et en dévoilant de nouvelles initiatives lors du sommet. Elle est donc considérée comme un partenaire stratégique de la présidence de la COP27. Ensemble, nous avons lancé quatre grandes initiatives internationales ayant trait à la transformation durable de l’agriculture, à l’adaptation du secteur de l’eau, à la nutrition et au climat, ainsi qu’au gaspillage alimentaire. La FAO a aussi mis en place, en collaboration avec le Système CGIAR et la Fondation Rockfeller, le tout premier pavillon de l’alimentation et de l’agriculture où se sont tenus nombre de manifestations et de dialogues sur les différents aspects des solutions climatiques originales qui peuvent être mises en œuvre dans les systèmes agroalimentaires. Nous avons également présenté la nouvelle Stratégie de la FAO relative au changement climatique (2022-2031) pour faire part à la communauté internationale de la vision que nous entendons concrétiser pour assurer la sécurité alimentaire mondiale dans le contexte de la crise climatique.

Pensez-vous que le secteur agricole reçoive une part suffisante du financement de l’action climatique? Si non, comment y remédier? 

Si, dans l’ensemble, les financements visant à lutter contre les effets du changement climatique ont augmenté ces 20 dernières années, la proportion consacrée à l’agriculture et à l’utilisation des terres recule. Actuellement, le financement public international de l’action climatique ne correspond pas aux priorités énoncées par les pays en développement dans leurs contributions déterminées au niveau national. L’agriculture ne reçoit toujours qu’une modeste part de ces ressources, laquelle a proportionnellement diminué en 20 ans.

Les flux financiers doivent refléter l’importance que les pays en développement accordent à l’adaptation du secteur agricole aux effets du changement climatique. Entre 2000 et 2018, la part du financement mondial de l’action climatique consacrée à l’agriculture et à l’utilisation des terres a chuté, passant de 45 pour cent en moyenne au début du millénaire à 24 pour cent en 2013 (un chiffre resté stable depuis). Le total des contributions accordées à ces deux secteurs entre 2000 et 2018 s’élève à 122 milliards d’USD, soit 26 pour cent de l’ensemble des sommes versées, tous secteurs confondus. Nous devons investir davantage dans l’innovation technologique et le développement du numérique afin d’accélérer la transformation des systèmes agroalimentaires pour améliorer la production, la nutrition, l’environnement et les conditions de vie sans laisser personne de côté.

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Sreya Banerjee FAO Actualités et Médias (Rome) [email protected]