Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial: premiers systèmes reconnus pour l’Andorre et l’Autriche, et six nouvelles désignations pour des pays asiatiques

Parmi les nouveaux SIPAM reconnus par la FAO figurent des sites en Chine, en Iran et en République de Corée

Department of Agriculture and Livestock (Government of Andorra)

La production animale d'Andorre est basée sur des terres communes et des pâturages partagés.

©Département de l'Agriculture et de l'Élevage (Gouvernement d'Andorre)

10/11/2023

Rome – Un système de pâturage en Andorre, un regroupement de producteurs de lait de foin en Autriche, des régions spécialisées dans la culture de la fraise chinoise, du gingembre blanc et de la châtaigne en Chine, des vergers d’épandage de crue et une région productrice de noix en Iran ainsi qu’un système de pêche exclusivement féminin en République de Corée, telle est la liste des derniers systèmes à avoir été reconnus dans le cadre du programme Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial (SIPAM)

Parmi ces systèmes, officiellement désignés lors d’une réunion du Groupe consultatif scientifique sur les SIPAM qui s’est tenue à Rome du 7 au 10 novembre, figurent deux sites, l’un en Andorre et l’autre en Autriche, qui sont les premiers à recevoir le statut SIPAM dans ces deux pays. Parallèlement, la reconnaissance de nouveaux systèmes en Chine, en Iran et en République de Corée témoigne une fois de plus du rôle prépondérant des pratiques agricoles traditionnelles asiatiques dans la promotion de la sécurité alimentaire et dans la lutte contre le changement climatique et l’appauvrissement de la biodiversité. 

Selon les critères de sélection de ce programme phare de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), les systèmes retenus doivent revêtir une importance mondiale et présenter un intérêt en tant que biens publics en ce qu’ils contribuent à promouvoir la sécurité alimentaire, la sécurité des moyens de subsistance, l’agrobiodiversité, les systèmes de connaissances et pratiques durables, les valeurs sociales et la culture ainsi qu’à façonner des paysages remarquables. «Établi depuis plus de 20 ans, le programme SIPAM s’est imposé comme un modèle efficace pour mettre en avant des pratiques ancestrales qui favorisent une plus grande résilience des systèmes agroalimentaires face au changement climatique», a déclaré Mme Maria Helena Semedo, Directrice générale adjointe de la FAO.  

Avec ces récents ajouts à la liste des SIPAM, le réseau du patrimoine agricole mondial mis sur pied par la FAO compte désormais 86 systèmes dans 26 pays à travers le monde.  

Le système de pâturage de l’Andorre 

Les pâturages subalpins et supraforestiers de l’Andorre sont représentatifs du système agropastoral qui s’est développé il y a longtemps dans ce tout petit pays enclavé, dont le territoire se situe dans le massif des Pyrénées, à près de 2 000 mètres d’altitude en moyenne. La population locale a recours à un système qui combine fourrage naturel et cultivé. Elle peut ainsi élever du bétail (bovins, ovins et équidés), en pâturage libre extensif, qu’elle peut ensuite échanger contre d’autres biens et aliments avec les régions voisines.  

Sur des terres communes et des pâturages partagés, les propriétaires des bêtes engagent un berger ou se relaient pour protéger le troupeau des prédateurs, ce qui permet aux autres éleveurs de se consacrer à d’autres tâches. 

Le lait de foin en Autriche 

La production de lait de foin, issu de bétail nourri d’herbe fraîche et de foin plutôt que de fourrage d’ensilage, remonte aux origines de l’élevage d’animaux laitiers en Europe. L’utilisation de foin comme alimentation hivernale riche en nutriments aide les ruminants à passer la saison froide, durant laquelle il n’y a pas de végétation, ce qui assure la subsistance des familles d’exploitants.  
Alors qu’il représentait autrefois la majeure partie de la production laitière en Autriche, le lait de foin ne constitue plus de nos jours que 15 pour cent des volumes produits. Les 6 500 producteurs de lait de foin que comptent l’Autriche se sont associés à 60 grands transformateurs pour former la coopérative ARGE Heumilch Österreich. Celle-ci a pour mission de préserver la production de lait de foin et de promouvoir les avantages de cette méthode durable afin d’obtenir une rémunération équitable pour les producteurs de lait sur le marché. 

Les berceaux de la culture de la fraise chinoise, du gingembre blanc et de la châtaigne en Chine  
Le système traditionnel de plantation écologique de châtaigniers de Kuancheng, dans la province du Hebei dans le nord de la Chine, se situe dans une des plus anciennes et plus importantes régions de culture de la châtaigne en Chine, cette activité agricole remontant à la dynastie Han (206 av. J.-C. à 220 apr. J.-C.). Un système d’agriculture traditionnel s’est progressivement mis en place, gravitant autour des châtaigniers, cultivés en association avec d’autres plantes, y compris des plantes médicinales, et avec l’élevage de volailles. 

Ce système apporte une grande contribution à la banque mondiale de variétés de châtaignes et constitue une richesse culturelle, puisqu’il respecte la nature et s’appuie sur une forme d’organisation sociale qui promeut la production agricole. 

Le système de plantation de gingembre blanc de Tongling constitue une partie importante de la zone de culture du gingembre de la Chine méridionale. Il abrite 17 variétés de gingembre, la principale variété cultivée étant le gingembre blanc. On y cultive aussi du riz semi-tardif, qui est la principale variété de riz produite à Tongling, où les variétés de riz précoces et tardifs sont de moindre importance. Au total, ce sont 31 grandes variétés de riz qui sont cultivées. 

Plusieurs techniques essentielles pour la plantation du gingembre ont été développées sur le site de Tongling, comme des pavillons consacrés à la conservation des semences et à l’accélération de leur germination. La transformation du gingembre se fait suivant de nombreuses recettes vieilles de près d’un millénaire, comme celles du gingembre en saumure, du gingembre mariné, du gingembre vinaigré et du gingembre confit.  

Le système mixte de culture de fraises chinoises de Xianju, dans la province du Zhejiang dans l’est de la Chine, se situe dans une région où cette culture fruitière remonte à plus de 1 600 ans, de nombreux villageois ayant tendance à la combiner à celle du thé ainsi qu’à l’élevage de poulets et d’abeilles. Ce site SIPAM compte plus de 100 000 agriculteurs, dont 26 000 qui pratiquent la culture de la fraise chinoise, parfois en association avec l’élevage ou d’autres activités. 

Le site concentre une quantité importante de ressources génétiques anciennes, et offre ainsi une collection de types et de variétés de fraises chinoises d’une grande richesse. En mai 2015, les autorités locales du canton de Xianju ont mis en place un plan d’action cantonal pour la préservation de la biodiversité, qui constituait le tout premier plan de ce type en Chine. 

Vergers d’épandage de crue et culture de noix en Iran 

Les vergers traditionnels de Qazvin, au nord-ouest de la capitale iranienne Téhéran, forment un système d’épandage de crue vieux de plusieurs milliers d’années. Situés dans les contreforts des montagnes de l’Alborz, ces vergers qui ceinturent la ville ont permis, depuis leur création, de protéger les habitants des inondations et leur ont donné les moyens de s’adapter aux conditions particulières du bassin versant et d’en tirer profit pour produire des noix et autres douceurs locales.  

Grâce à ce système qui permet de retenir les eaux de crue, de les rediriger et de les répartir, les communautés locales ont été en mesure de cultiver des fruits tout autour de Qazvin. Aujourd’hui, non seulement le système fournit à la population nourriture et emploi, mais il régule aussi la température dans la ville et contribue à recharger les nappes phréatiques. 

Le système traditionnel de production de noix au Tuyserkan, en Iran, est connu non seulement pour ses vergers de noyers, mais aussi pour ses produits fins, ses paysages et ses monuments historiques. La culture de noix se pratique dans le cadre d’une agriculture familiale et assure la subsistance de la plupart des foyers de la région. 

C’est une activité que l’on retrouve principalement dans les vallées et qui utilise un système d’irrigation reposant sur des canaux situés à différents niveaux et alimentés en majeure partie par des rivières, des sources et des qanats. Une des pratiques locales consiste à arroser les noyers pendant la saison froide et les gelées, ce qui, selon les agriculteurs, aiderait à éliminer les nuisibles et les maladies. 

Un système unique de pêche exclusivement féminin en République de Corée 

La pêche pratiquée par les haenyeo de la province de Jeju constitue un système de pêche de subsistance traditionnel, qui est principalement l’affaire des femmes. Les haenyeo («femmes de la mer» en coréen) plongent en mer, sans masque à oxygène, pour pêcher des fruits de mer tels que des ormeaux et des troques et récolter du wakamé. Elles perpétuent un mode de vie alliant agriculture et pêche depuis bien longtemps. 

A ce jour, il semblerait qu’il s’agisse du seul système de pêche au monde qui soit exclusivement féminin. Il est destiné avant tout à l’alimentation du foyer plutôt qu’à la pêche commerciale. 

Les compétences en matière de plongée et les connaissances traditionnelles des haenyeo de Jeju composent un système social vivant qui a été inscrit sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO).  

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Francis Markus FAO Actualités et Médias (Rome) [email protected]