Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial – Ajout de sites en Chine, au Mexique, au Maroc et en Espagne, ainsi que d’un premier site en Thaïlande

Annonce de cinq nouveaux sites sur la liste des systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial (SIPAM) à l’occasion du vingtième anniversaire du programme phare de la FAO

©Courtesy of Secretaría de Desarrollo Sustentable, Gobierno del Estado de Yucatán

Au Mexique, la pratique Maya de l'agriculture milpa a fourni de la nourriture et des moyens de subsistance aux habitants de la péninsule du Yucatan pendant au moins 3 500 ans.

©Courtesy of Secretaría de Desarrollo Sustentable, Gobierno del Estado de Yucatán

04/11/2022

Rome -  Cinq nouveaux sites viennent d’être reconnus officiellement comme Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial (SIPAM): une zone de culture de champignons en Chine; un système agroforestier maya traditionnel au Mexique; la conjugaison du pastoralisme et de l’agriculture par une communauté ancestrale au Maroc; un système agroalimentaire diversifié en zone montagneuse en Espagne et un terroir centré sur le buffle en Thaïlande.

Ces sites ont été désignés lors d’une réunion du Groupe scientifique consultatif sur les SIPAM réuni à Rome cette semaine (2-4 novembre), quelques jours seulement après que le programme phare de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a célébré son vingtième anniversaire. Selon les critères de sélection, les sites doivent revêtir une importance mondiale, présenter une valeur en tant que biens publics, favoriser la sécurité alimentaire, la sécurité des moyens de subsistance, l’agrobiodiversité, les systèmes de connaissances, les valeurs sociales et la culture, et constituer des paysages remarquables.

Par cet ajout à la liste des systèmes du patrimoine agricole mondial, le réseau mondial des systèmes du patrimoine agricole compte à présent 72 systèmes dans 23 pays du monde. Le premier site à être reconnu en Thaïlande ajoute un nouveau pays à cette liste.

Un système ancestral associant sylviculture et myciculture

Se situant dans le massif montagneux escarpé de la province du Zhejian dans l’est de la Chine, le Système de sylviculture-myciculture de Qingyuan (QFMCS) repose sur une culture des champignons dont l’origine remonte à des milliers d’années. Il s’agit d’un système agroforestier centré sur l’utilisation cyclique des ressources, mettant en œuvre une technique de culture associant forêts et champignons. Les forêts offrent un milieu de culture et des nutriments pour les champignons comestibles, ceux-ci accélèrent la décomposition de la matière organique des forêts. Enfin, la décomposition du bois mort enrichit le milieu forestier en nutriments.

Selon les statistiques officielles, les cultivateurs locaux tirent près de la moitié de leur revenu des champignons et d’autres produits obtenus grâce à ce système, lequel représente ainsi une part importante de leurs moyens de subsistance. Ce dispositif, qui concentre près de 400 espèces recensées de champignons macroscopiques, constitue aussi une banque de ressources mycologiques essentielle pour la Chine. Ces cultivateurs de champignons, ou gumin en chinois, vivent dans des forêts de montagne depuis des générations, et ont développé une langue très particulière, ainsi que des coutumes et des organisations sociales centrées sur la coopération et l’assistance mutuelle.

Un système agroforestier traditionnel reposant sur la polyculture

Dans la péninsule du Yucatan (Mexique), le milpa, système agroforestier traditionnel maya, est basé sur une polyculture qui crée un espace vivant dynamique, riche en ressources génétiques. Il s’appuie sur une utilisation durable de la biodiversité s’articulant sur un trio de plantes cultivées (le maïs, le haricot et la courge), auquel on ajoute en certains endroits le haricot de Lima. Ce système étant tributaire de la forêt, la conservation de celle-ci en est indispensable et se trouve ainsi au cœur de ce SIPAM. Celui-ci constitue un exemple de système qui, ancré dans l’identité des communautés locales, s’appuie sur des usages respectueux de la forêt. Les caractéristiques de ce système lui permettent de fournir des produits alimentaires et des moyens de subsistance aux agriculteurs qui le pratiquent dans cette péninsule depuis 3 500 ans au moins. 

Le système cultural milpa des Mayas s’accompagne d’une gamme d’activités qui assurent à ces populations des moyens de subsistance annexes: chasse, ramassage de bois de feu, production de charbon de bois et de matériaux de construction, maraîchage, élevage et culture de plantes médicinales. À l’heure actuelle, l’apiculture, l’agrotourisme et la gastronomie sont envisagés comme moyens de contrecarrer l’exode rural en offrant des perspectives aux jeunes générations.

Un système d’oasis ancestral qui relie éleveurs pastoraux et agriculteurs

Le SIPAM de Figuig qui relie les municipalités voisines de Figuig et Abbou Lakhal, dans l’est du Maroc, est remarquable par la trame de liens qu’il tisse entre des communautés de pasteurs et d’agriculteurs. Abbou Lakhal est doté de vastes pâturages sur lesquels des communautés nomades pratiquent le pastoralisme depuis des siècles. Ces populations ont toujours pratiqué des échanges avec les agriculteurs de Figuig, lesquels ont aménagé des cités d’architecture raisonnée, appelées Ksour, construites sur des contreforts proches d’oasis. Ce système comprend une agrobiodiversité de gamme étendue qui, en conjuguant notamment l’élevage d’ovins avec la culture d’une variété endémique de palmier dattier, entretient les moyens de subsistance des agriculteurs et des pasteurs. Les échanges commerciaux entre les deux communautés, et les accords qu’elles ont conclus, leur ont permis de compenser et de lisser les variations dans les rendements des cultures et les disponibilités fourragères, afin de pérenniser au mieux leurs moyens de subsistance.

Les ressources en eau et celles des potagers d’oasis sont entretenues de manière durable et réparties entre les communautés par le biais d’une gestion collective ayant les droits coutumiers pour base. Le SIPAM de Figuig est depuis longtemps considéré comme l’une des oasis les plus remarquable du pays, où les traditions locales ont survécu à la colonisation et garanti la survivance de communautés au milieu du désert depuis l’époque du commerce transsaharien, pour lequel cette oasis était une étape incontournable.

Un système agroalimentaire de montagne divers et polyvalent

Le système agroalimentaire polyvalent des montagnes du Léonais dans le nord-ouest de l’Espagne contribue directement, depuis des siècles, à la sécurité alimentaire et aux moyens de subsistance des communautés locales. Cette zone se distingue par une remarquable diversité d’utilisation des terres, par ses forêts (châtaigniers, hêtres, bouleaux, genévriers, chênes), pâturages et terres cultivées. Cette diversité permet la coexistence de l’agriculture, de l’élevage, de la sylviculture, de la cueillette, de la chasse et de la pêche dans un même espace, ce qui confère à cette zone une grande richesse agroécologique.

Les habitants des montagnes de la région de León ont su, sur ce site exceptionnel, domestiquer, entretenir et adapter la biodiversité agricole, ce qui se traduit par la conservation et la sauvegarde d’un certain nombre d’espèces indigènes exceptionnelles: le coq de León, qui ne peut se reproduire que dans un environnement très spécifique; l’espèce bovine Mantequera Leonesa, prisée pour ses produits laitiers, et la fameuse race équine Hispano-Bretón. La beauté du paysage et la reconnaissance que lui apportent les sept Réserves de la biosphère, qui coexistent ici en parfaite harmonie avec les systèmes agricoles, forment une combinaison d’attributs que l’on ne trouve que rarement dans le monde.

Où les humains et les buffles se partagent l’usage d’un espace commun

Le Système agroécopastoral centré sur le buffle de la zone humide de Thale Noi dans le sud de la Thaïlande est un système agricole diversifié marqué par une interaction ancienne entre les humains et les buffles. Au fil des siècles, le pastoralisme a conservé et façonné la biodiversité et les paysages de ce terroir, tandis que les buffles s’y sont adaptés et ont assuré leur survie dans cet environnement où la terre est inondée près de cinq mois par an. Ce système met en œuvre un éventail d’activités qui se soutiennent les uns les autres: élevage d’animaux, pêche, culture de plantes aquatiques, récolte de produits non ligneux et tourisme. Ces activités fournissent le socle de la sécurité alimentaire et de la sécurité des moyens de subsistance au plan local, de la conservation de la biodiversité et de la solidarité entre les communautés locales.

Les buffles, qui occupent une place particulière dans la culture thaïe, sont élevés en plein air ou dans des enclos équipés d’abris pour la nuit. Durant la mousson, les buffles sont gardés dans des étables dont le parquet est ordinairement érigé à 1,5 mètres au-dessus du sol. Les pasteurs conduisent leur bétail aux pâtures en traversant les champs inondés et le ramène avant la nuit. L’élevage du buffle à Thale Noi se caractérise par un usage partagé et une gestion communale des espaces. Afin de renforcer leur sécurité alimentaire pendant la mousson, les pasteurs exploitent aussi une solide base de compétences techniques de la pêche en utilisant un matériel traditionnel, tandis qu’à la saison sèche, ils se tournent vers l’agriculture.

Contacts

FAO Newsroom (+39) 06 570 53625 [email protected]

Francis Markus FAO Actualités et Médias (Rome) [email protected]