Sur l’île Huapi, au Chili, les forêts naturelles étaient devenues morcelées, ce qui appauvrissait et asséchait les sols et rendait la population locale vulnérable aux effets du changement climatique. © CONAF FAO /Oscar Concha
Sur une île chilienne isolée au milieu du lac Ranco, au sud des Andes, les arbres autochtones font leur grand retour grâce aux initiatives de restauration de membres des populations autochtones, comme Anita Neguiman Antillanca.
Comme d’autres peuples autochtones Mapuche Huilliche de l’île Huapi, elle plante des noisetiers chiliens (Gevuina hazelnut) et d’autres arbres autochtones pour préserver son mode de vie et les connaissances traditionnelles de son peuple transmises de génération en génération.
Les pratiques d’utilisation non durable des terres avaient transformé le paysage de l’île, en faisant de sa forêt de chênes (Nothofagus obliqua), de rauli (Nothofagus alpina), de coihue (Nothofagus dombeyi) et de lauriers (Laurelia sempervirens) des groupements d’arbres isolés dans des zones reculées.
À mesure que les forêts naturelles se morcelaient et étaient remplacées par des espèces introduites comme l’eucalyptus, les sols se sont appauvris et asséchés, et l’île et sa population sont devenues de plus en plus vulnérables aux effets du changement climatique. Les changements qu’a subis la forêt ont également limité la disponibilité de l’eau destinée à la consommation et à l’irrigation.
Aujourd’hui, Anita et d’autres familles réintroduisent la flore variée de leurs terres ancestrales en utilisant des arbres autochtones, comme le laurier, qui ont une valeur symbolique aux yeux des peuples Mapuche Huilliche. Tout a commencé avec un projet novateur visant à restaurer les forêts chiliennes.
La Corporation nationale forestière (CONAF) du Chili et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) collaborent sur un projet financé par le Fonds vert pour le climat (FVC) visant à mettre en œuvre la politique nationale de réduction des émissions de gaz à effet de serre et d’amélioration de la résilience face au climat en restaurant les arbres autochtones.
Depuis 2021, le projet, intitulé «+Bosques», ce qui signifie «plus de forêts», travaille main dans la main avec les peuples Mapuche Huilliche de l’île à la construction de clôtures pour protéger les arbres autochtones fraîchement plantés des lapins et d’autres animaux.
Grâce au projet «+Bosques» de la FAO et de la CONAF, Anita et d’autres familles des peuples autochtones Mapuche Huilliche réintroduisent la flore variée de leurs terres ancestrales en utilisant des arbres autochtones, comme le laurier. © CONAF-FAO / Pilar Cárcamo
Comme d’autres bénéficiaires du projet, Anita plante des coihue, des chênes, des lauriers, des noisetiers chiliens et des lingue (Persea lingue), et les cultive pour garantir leur survie.
«Ma mère [Telma Antillanca] a insisté sur le fait qu’elle souhaitait que l’on plante cette espèce [de noisetier]», déclare Anita.
Il faudra beaucoup de temps avant que les arbres aient suffisamment poussé pour que l’on puisse récolter les noisettes et les griller pour produire la farine que les Mapuche consomment en boisson chaude avec de l’eau, du lait ou du cidre. Telma estime toutefois que le plus important est que ces traditions soient transmises aux générations à venir.
Cette femme de 76 ans n’a pas abandonné l’espoir que les générations futures puissent maintenir le lien profond qui unit son peuple à la forêt.
«C’est le rêve de ma mère de voir nos terres ancestrales retrouver la richesse de leurs espèces autochtones», explique Anita.
L’espoir que nourrit Telma pour l’avenir fait écho au respect des Mapuche pour leurs systèmes alimentaires et leurs systèmes de connaissances, leurs sites naturels ainsi que leur faune et leur flore.
Des familles Mapuche Huilliche sont en train de restaurer huit hectares de la forêt de l’île. À ce jour, plus de 800 initiatives similaires sont actuellement mises en œuvre dans le cadre d’une collaboration de la FAO et de la CONAF. © CONAF-FAO /Esteban Rivas
Chaque famille Mapuche de l’île Huapi décide de la manière d’utiliser ses terres, dont une partie est souvent consacrée à l’élevage et à l’agriculture ou à la production de bois, qu’elle utilise pour sa consommation ou qu’elle échange avec d’autres familles.
La forêt a toujours été le lieu où les familles Mapuche récoltaient des denrées précieuses, qu’il s’agisse de fruits et champignons comestibles ou de matériaux de construction. Par exemple, elles utilisent les vignes de boquila (Boquila trifoliolata) pour fabriquer des objets artisanaux ou tresser des paniers, ramassent le bois des boldo (Peumus boldus) pour construire des clôtures et cueillent des baies de maqui sauvages (Aristotelia chilensis), «super fruits» riches en antioxydants.
Le Gouvernement du Chili et la FAO travaillent en étroite collaboration avec les Mapuche et d’autres peuples autochtones à la protection et à la restauration des forêts naturelles, d’une manière qui permet de renforcer la résilience du paysage et de leurs moyens de subsistance.
Des familles Mapuche Huilliche sont en train de restaurer huit hectares de la forêt de l’île, et Anita espère qu’elle incitera d’autres personnes à faire de même.
À ce jour, plus de 800 initiatives, comme la restauration des forêts de l’île Huapi, sont actuellement mises en œuvre dans le cadre d’une collaboration de la FAO et de la CONAF, de manière inclusive et participative, et en garantissant aux peuples autochtones le respect de leurs droits, de leur culture, de leurs connaissances et de leurs pratiques, et de leur consentement libre, préalable et éclairé, reconnu dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Dans le cadre du partenariat FAO-CONAF-FVC, près de 14 000 hectares de forêts naturelles sont en train d’être restaurés ou gérés de manière durable dans le centre-sud du Chili, et plus de 2 000 personnes autochtones, dont des femmes comme Anita, qui se battent pour un futur plus résilient, en tirent directement parti.
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